Jésus n’est pas né le 25 décembre

J’ai déjà consacré un article à la naissance pour le moins invraisemblable de Jésus. Et je ne parle que du point de vue historique. Je ne veux même pas aborder l’aspect théologique d’une naissance miraculeuse. En quelques mots, je résume l’article mentionné.
Seuls deux évangiles relatent la naissance de Jésus. L’Évangile de Matthieu le fait naître dans la maison de ses parents à Bethléem : « Il prit chez lui son épouse mais ne la connut pas jusqu’à ce qu’elle eut enfanté un fils auquel il donna le nom de Jésus. Jésus étant né à Bethléem… » (Ma. 1, 24-25 et 2, 1). Celui de Luc, que suit la tradition chrétienne, est plus magique, plus féerique, mais absurde d’un point de vue historique. Les parents de Jésus, qui habitent Nazareth en Galilée, se rendent à Bethléem en Judée pour se faire recenser par le romain Quirinus, alors qu’Hérode est roi de Judée. Toutes les auberges étant complètes, ils sont hébergés dans une étable où Jésus né.
Ce qui ne va pas dans cette histoire, ce sont les dates : Jésus est né sous Hérode qui est mort en -4 et le recensement de Quirinus a eu lieu en 6 ou 7, alors que les Romains avaient pris le contrôle de la Judée. Le recensement servant à déterminer l’impôt. La Galilée restait indépendante et ses habitants n’étaient donc pas recensés.
Dans l’article précité, j’élabore une hypothèse sur l’ajout de la naissance de Jésus dans les évangiles.

Donc, pour la Noël, pas d’étable, pas de crèche, pas de vache, ni d’âne, encore moins de bergers avec leurs agneaux, agneaux qui même en Judée, naissent au printemps !

Alors pourquoi le 25 décembre ?
Le 25 décembre fait partie de ces quelques jours où le soleil semble se figer sur l’horizon à son lever avant d’inaugurer des jours de plus en plus longs : c’est le solstice d’hiver qui met fin au raccourcissement des jours. Le mot Solstice décrit bien le phénomène : sol (soleil) stare (se tenir immobile). Les peuples de l’Antiquité n’ont pas attendu les chrétiens pour célébrer le solstice d’hiver. A Rome, une fête appelée Dies Natalis Solis Invicti, « jour de la naissance du soleil invaincu » avait été fixée au 25 décembre par l’empereur Aurélien en 274, comme grande fête du culte de Sol Invictus (le soleil invaincu) qui était devenu le dieu principal des empereurs. Aurélien avait choisi cette date, proche du solstice d’hiver, qui tombait  au lendemain de la fin des festivités célébrant Saturne : les Saturnales. C’était aussi le jour où la naissance de la divinité solaire Mithra, originaire de Perse et populaire dans l’armée, était célébrée.

Les chrétiens se sont associés à la fête romaine sous l’empereur Constantin. Auparavant, ils ne célébraient pas la naissance de Jésus, mais ils s’associaient aux fêtes juives auxquelles ils donnaient une autre signification. On n’a de trace d’une célébration de la naissance de Jésus avant 336. Les chrétiens s’étaient d’abord vus comme le « vrai Israël », Jésus devenait maintenant le « vrai Soleil ».
Rappelons que la mère de Mithra, dont la naissance est fêtée le 25 décembre, la déesse-mère Anahita était vierge. Les traditions chrétiennes ne sont pas apparue ex-nihilo, dans un coin retiré de la Judée, elles se sont substituées aux pratiques anciennes.
Il faudra attendre 529, sous le règne de Justinien, pour que le 25 décembre soit un jour chômé.

Les Saturnales étaient célébrées du 17 au 24 décembre en l’honneur du dieu (déchu) Saturne. On vivait le crépuscule de l’année. Une certaine liberté régnait à Rome. Lors de banquets, on s’offrait des cadeaux. Les maisons étaient ornées de plantes vertes pour fêter le renouveau qui s’annonçait.
On retrouve tous ces ingrédients dans la tradition chrétienne. La liberté de mœurs associée aux Saturnales a donné naissance à la fête des Fous durant laquelle, même le clergé et les évêques dansaient dans les rues. Elle ait été interdite en 1431, elle a aujourd’hui presque disparu. Le roman de Victor Hugo, Notre Dame de Paris, s’ouvre sur la fête des Fous.

La bûche de Noël, qui est servie au dessert lors du réveillon, commémore la fête de Yule des peuples germaniques (Yul signifie solstice dans les langues nordiques). Les Germains faisaient brûler un arbre en l’honneur des dieux, pour les remercier d’avoir restauré la lumière. Ils ornaient leurs cheveux de houx. C’était l’occasion de grandes fêtes familiales.

La fête de Yule

Rien de bien nouveau sous le soleil… invaincu

L’invraisemblable naissance de Jésus

Le récit de la naissance de Jésus n’apparaît que dans deux des quatre évangiles : celui de Luc et celui de Matthieu. Il est probable que ces récits soient des ajouts tardifs. Par le philosophe romain Celse (II° siècle de notre ère) nous savons que c’était chose courante : « … [il est] de notoriété publique que plusieurs parmi vous (…) ont remanié à leur guise, trois ou quatre fois et plus encore, le texte primitif de l’évangile, afin de réfuter ce qu’on vous objecte « . Quelle était cet objection ? Vers 140, un riche fils d’armateur, Marcion, est accueilli dans la communauté de Rome, à qui il fait un don substantiel. Il apporte un évangile et dix lettres de Paul qu’il va utiliser pour bouleverser le dogme : Jésus n’est pas né d’une femme, il est apparu sous forme humaine à Capharnaüm envoyé non pas par YHWH, le dieu créateur, mais par un dieu d’amour qui n’avait jamais été révélé.

Marcion fut traité d’hérétique et il fallut renforcer le dogme d’un fils de Dieu né homme, ce que l’on trouve aujourd’hui dans les évangiles. Voyons ce que nous apprend l’Évangile de Luc dont le récit est le plus complet.

Jésus est né à Bethléem sous le roi Hérode. Les parents de Jésus habitaient Nazareth, en Galilée. Ils sont venus à Bethléem, ville de naissance de Joseph, lors du recensement de Quirinus.

A la mort d’Hérode, en l’an 4 avant notre ère, son royaume est partagé, selon sa volonté, entre trois de ses fils  :

  1. Archélaos hérite de l’ancien royaume de Juda avec Jérusalem, de la Samarie au nord et de l’Idumée au sud ;
  2. Antipas (appelé également Hérode) gouvernera la Galilée et le Golan ;
  3. Philippe se verra confier les territoires à l’est du Jourdain.

Ce partage se fait sous l’œil bienveillant des Romains qui gardent sous contrôle le Moyen-Orient.

En 6 ou 7 de notre ère, les Romains destituent Archélaos et font de son territoire une province impériale, dirigée par un préfet. Lors de cette prise de pouvoir directe, ils organisent un recensement, pour établir l’impôt. Le préfet (Copronius) n’ayant pas le pouvoir de lever des impôts, la tâche est confiée à Quirinus, gouverneur de Syrie.

Donc, d’après l’Evangile de Luc, Jésus est né avant -4, mais lors du recensement de 6 ou 7. De plus, la Galilée n’étant pas sous contrôle romain, Joseph et sa femme n’avaient aucune raison de participer au recensement qui, en outre, se faisait sur le lieu de résidence et ne concernait que les hommes. Que de contradiction dans ce récit dont le résumé tient sur trois lignes.

Mais pourquoi tous ces détails ?
Pourquoi Bethléem ?
Jésus étant considéré comme le messie attendu par les juifs, il se devait de naître à Bethléem, la patrie du roi David considéré comme l’archétype du messie. Matthieu fait résider les parent de Jésus à Bethléem, ainsi par besoin de déplacement.
Notons que les évangiles de Matthieu et de Luc nous donnent des généalogies de Jésus différentes mais qui font de Jésus un descendant de David par Joseph qui n’est pas son père !

Pourquoi Nazareth ?
Jésus a été appelé nazaréen qui est le nom d’une secte se référant probablement à un nazir, une personne qui s’est consacrée à Dieu par un vœu en vertu duquel il lui est interdit de boire des boissons fermentées, de se couper les cheveux et de s’approcher de ce qui était réputé impur par la loi, notamment, d’un cadavre. Cette description ne correspondant pas à ce que les évangiles disent de Jésus. Il était donc membre d’une secte dont il n’était pas l’instigateur. Dans le Nouveau Testament, Jean le Baptiste et Jacques, le frère de Jésus, pourraient être des nazirs. Donc, on a masqué ce fait en transformant l’appartenance à un groupe en origine : Jésus le nazaréen est devenu Jésus de Nazareth.
Pour Matthieu, les parents de Jésus s’installeront à Nazareth après sa naissance.

Pourquoi devait-il naître d’une femme ?
Jésus ne pouvait pas être de substance divine, mais de chair et d’os pour pouvoir ressusciter « dans la chair ». Après sa résurrection, on insiste bien sur le fait qu’il mange, qu’il boive, qu’il est bien humain.

On peut se poser une dernière question : comment se fait-il que le fils de Dieu, Dieu lui-même soit rattaché à un arbre généalogique humain ? Les deux évangiles nous donne la généalogie de Jésus, chacun y va de sa liste personnelle, elles sont différentes :

« Livre des origines de Jésus Christ, fils de David, fils d’Abraham… Jacob engendra Joseph, l’époux de Marie de laquelle est né Jésus que l’on appelle de Christ. » (Matthieu 1, 1-16)

« Jésus a ses débuts, avait environ 30 ans. Il était fils, croyait-on, de Joseph, fils de Héli, fils de Matthat… » (Luc 3, 23-38)