Le 25 décembre, c’est la Noël, les chrétiens célèbrent la Nativité. A cette l’occasion, ils mettent en scène la naissance de Jésus en ornant une « crèche« . Mais bien peu de ces représentations sont conformes aux « Écritures ».
Lire la suite « La crèche de Noël »Étiquette : Naissance de Jésus
A quel âge est mort Jésus ?
Pour déterminer l’âge de la mort de Jésus, il faudrait savoir quand il est né. Selon la tradition, rapportée par les évangiles de Matthieu et de Luc, il serait né alors qu’Hérode le Grand était roi de Judée. Dans un article précédent, j’ai montré que les récits de la naissance de Jésus dans ces deux évangiles étaient non seulement totalement différents, mais contradictoires. Pour moi, ces récits sont des ajouts tardifs destinés à contrer l’enseignement de Marcion qui voyait en Jésus un être surnaturel, descendu sur terre à Capharnaüm sous l’apparence d’un homme de 30 ans.
Si Jésus est né sous le règne d’Hérode, il n’est pas né en l’an 1 de notre ère, Hérode étant décédé en 4 avant notre ère. L'(ex-)pape Benoît XVI, qui a consacré trois volumes à la vie de Jésus, considère que le moine Denys le Petit, qui a estimé au VIe siècle le début de l’ère chrétienne, en créant une année 1, « s’est à l’évidence trompé de quelques années dans ses calculs ». D’après Benoît XVI, Jésus serait né en l’an 7 avant notre ère. Sur quoi se base-t-il pour choisir cette date ? Il souligne que d’après un calcul lié aux observations de l’astronome Kepler (XVIIe siècle), « le Christ serait né 6 ou 7 années plus tôt qu’on à l’habitude de croire ». En 1603, Kepler observant la conjonction rare des planètes Jupiter et Saturne, établit une relation avec l’étoile des mages et calcule que ce phénomène de brillance surnaturelle a pu être observé trois fois en l’an 7 avant notre ère.
La théorie de Benoît XVI est peu vraisemblable : L’alignement des planètes ne provoque pas une « brillance surnaturelle ». En fait, les planètes ne sont pas alignées, elles apparaissent dans une zone du ciel pas plus large que la pleine lune. Ce phénomène s’est également produit en -46, or aucune hypothèse sur l’historicité de Jésus ne situe sa naissance à cette période. Plus près de nous, le 26 février 1952, à 22 heures, quatre planètes se sont alignées : Mercure, Vénus, Mars et Saturne. Bien mieux, le 5 août 2016, vers une heure du matin, toutes les planètes visibles à l’œil nu (Mercure, Vénus, Mars, Jupiter et Saturne) se sont « alignées » ! Et aucun éclat brillant n’a été observé : on voyait cinq points lumineux, comme les étoiles.
Et si les planètes étaient parfaitement alignées ? On ne verrait aucun phénomène spectaculaire : les planètes ne sont pas des étoiles, elles ne brillent pas, elles reflètent la lumière du soleil. On ne verrait pas la somme de leur éclat, mais une seule planète, les autres étant éclipsées, cachées par la première.
Pour mon « étude », je vais adopté la conclusion de Benoît XVI : Jésus serait né en l’an 7 avant notre ère.
Hypothèses
D’après une idée très répandue, Jésus aurait vécu 33 ans, il serait donc mort en 26 de notre ère. Il aurait donc été condamné par Ponce Pilate qui venait de prendre ses fonctions comme préfet de la province sénatoriale de Judée (de 26 à 36). Or les évangiles ne nous présentent pas un préfet novice, mais un homme maîtrisant sa fonction.
Les historiens placent la mort de Jésus en 30 ou 33, Jésus aurait alors eu 37 ou 40 ans. Lors de ces deux années, le 15 nisan (la Pâque juive) précédait le jour de shabbat (samedi). Il y avait donc deux shabbats successifs, comme le signale les évangiles. La faveur des historiens va à l’année 33. Pourquoi ? Il n’y a aucun justification scientifique ou historique. C’est un choix. Peut-être sont-ils influencés par l’éclipse de lune qui a eu lieu à Jérusalem le (vendredi) 15 nisan 33 (le 3 avril 33 dans notre calendrier). Lors d’une éclipse de lune, celle-ci apparaît rouge, une « lune de sang ». Mais si on étudie cette éclipse, on se rend compte qu’elle a commencée à 15 heures 40 avec son maximum à 17 heures 15. À ce moment, la lune n’était pas encore levée à Jérusalem. Elle se lèvera à 18 heures 20, soit 30 minutes avant la fin de l’éclipse. Trop peu de temps pour être observée par des profanes. Par contre cette éclipse a pu être vue par les prêtres qui attendaient ce moment pour déclarer le début du sabbat (samedi 16 nisan). Pour les Juifs, le jour commence au coucher du soleil.
Dans l’Évangile de Jean, on a une information précise : La Pâque juive était proche…. Jésus leur répondit : « Détruisez ce temple, et en trois jours, je le relèverai. » Alors ces juifs lui dirent : « Il a fallu 46 ans pour construire ce temple… ». (Jean 2,19-21) Or la construction du temple a commencé en 19 ou 20 avant notre ère. 46 ans plus tard, nous sommes en l’an 26 ou 27 : Jésus a donc 33 ou 34 ans.
… avec le temps
Les auteurs chrétiens des deuxième et troisième siècles ne nous éclairent pas d’avantage.
Si on suit Lactance (240-320), rhéteur chrétien (professeur de rhétorique), la mort de Jésus aurait eu lieu le 23 mars 29, sous le consulat des deux Gemini : Caius Fufius Geminus et Lucius Rubellius Geminus.
Irénée de Lyon (vers 130-203), fait plus fort, il place la naissance de Jésus dans la 41ème année du règne d’Auguste (-27, 14), soit en l’an 14 (Contre les hérésies vol III, 21,3) ! Et Jésus serait mort à 50 ans, en l’an 64, juste avant la révolte juive contre les Romains… mais après les prédications de Paul ! Celui qui dit le contraire est un hérétique ! Si ce ne sont pas des erreurs de copistes, on peut en déduire que l’organisation du temps, que l’histoire n’était pas la préoccupation majeure des anciens. Notons, en passant, que la région de Lyon produisait déjà des vins capiteux.
Tertullien (vers 150-225) et Origène (mort en 254) reprennent la chronologie d’Irénée. Origène ajoute que Jésus est né 15 ans avant la mort d’Auguste. Ce qui est invraisemblable, car Auguste est mort la 41ème année de son règne.
Conclusion
Tout ce qui touche à la vie de Jésus, à son existence même, est nimbé d’un épais brouillard. Avec les textes chrétiens, les seuls qui parlent de Jésus, on se retrouve dans un supermarché où chacun vient chercher le passage qui permettra de justifier son discours. Jésus restera à jamais une énigme. Clément d’Alexandrie (mort en 220) nous donne de quoi réfléchir : « Toutes les choses vraies ne sont pas la vérité. Il ne faut pas préférer la vérité qui paraît telle selon l’opinion des hommes à la vérité véritable selon la foi ». En clair, la foi qui n’est pas vérifiable est l’unique vérité.
La fête des rois ? Quels rois ?
Épiphanie
Le 6 janvier, c’est l’Épiphanie pour les chrétiens. Ce mot, qui vient du grec, signifie « manifestation » ou « apparition« . De quelle manifestation s’agit-il ? L’objet de la célébration dépend du rite de l’Église.
Les orthodoxes célèbrent le baptême de Jésus? Non pas son baptême juif, qui a eu lieu huit jours après sa naissance (selon l’Évangile de Luc), mais son baptême par Jean le Baptiste sur le fleuve Jourdain alors qu’il avait une trentaine d’années.
L’Église arménienne célèbre la naissance de Jésus.
Tandis que les catholiques célèbrent la venue des « rois-mages ».
La naissance de Jésus dans les évangiles
Seul Évangile de Matthieu parle des « mages » :
« Jésus étant né à Bethléem de Judée au temps du roi Hérode, voici que des mages venus d’Orient arrivèrent à Jérusalem et demandèrent : où est le roi des juifs qui vient de naître ?«
Matthieu et Luc ne sont pas d’accord sur les circonstances de la naissance de Jésus. Or ce sont nos seules sources, les autres évangiles restent muets à ce sujet, et les autres livres canoniques n’en parlent pas. Voici un résumé des faits.
Dans l’ Évangile de Matthieu
- Hérode est le roi de Judée.
- Les parents de Jésus habitent Bethléem.
- C’est donc dans leur maison que naît Jésus.
- Des mages venus d’Orient parlent de sa naissance à Hérode.
- Puis, en mission d’espionnage pour le roi, ils viennent rendre hommage à l’enfant, lui offrant de l’or, de l’encens et de la myrrhe.
- Avertis en songe des noirs desseins d’Hérode, ils ne repassent pas par Jérusalem renseigner Hérode sur le lieu de naissance de Jésus lors de leur retour au pays.
- Joseph avertit de même fuit avec sa famille en Égypte.
- Hérode dupé fait assassiner tous les enfants de Bethléem de moins de deux ans. Le massacre n’est pas corroboré par l’Histoire. Alors que la tradition parlait de milliers d’enfants tués, aujourd’hui, la Catholic Encyclopedia parle d’une vingtaine d’enfants et conclut que ce petit nombre explique que l’événement n’ait pas été commenté.
- Après la mort d’Hérode, Joseph, Marie et Jésus viennent s’installer à Nazareth, en Galilée. Étrange le choix de cet endroit ! A la même époque, la région de Sépphoris, dont Nazareth était un village, est le centre de la révolte d’un certain Judas, descendant des Hasmonéens. La révolte sera matée, dans la sang, par les légions romaines de Varus, venant de Syrie. Deux mille rebelles seront crucifiés.
Dans l’ Évangile de Luc
- Hérode est le roi de Judée. C’est la seule correspondance entre les deux récits !
- Joseph et Marie habitent à Nazareth en Galilée.
- Joseph emmène sa femme enceinte à Bethléem pour participer au recensement organisé par les Romains. Il serait un descendant du roi David (qui aurait vécu 1000 ans auparavant), originaire de cette localité. Le recensement de Quirinus a eu lieu en l’an 6 ou 7, soit onze ans après la mort d’Hérode.
- Les auberges étant complètes, Jésus naît dans une étable. On l’installe dans la crèche, c’est-à-dire la mangeoire.
- Les bergers des environs, avertis que le sauveur venait de naître, viennent lui rendre hommage.
- Huit jours après la naissance, Jésus est présenté au temple de Jérusalem car « tout garçon premier-né sera consacré au Seigneur ». Ses parents sacrifient « un couple de tourterelles ou de pigeons… suivant la loi« .
La naissance du mythe
Donc, l’Évangile de Matthieu parle de mages. Il ne cite ni leur nombre, ni leur nom.
Quelques dizaines d’années plus tard (au VIe siècle ?), dans un apocryphe intitulé « L’Évangile du Pseudo-Matthieu » on lit :
« Alors ils ouvrirent leurs trésors et donnèrent de riches présents à Marie et à Joseph, mais à l’enfant lui-même, ils offrirent chacun une pièce d’or. Et l’un offrit de l’or, le deuxième de l’encens et le troisième de la myrrhe »
On sait maintenant qu’ils sont trois.
Ensuite, dans un autre apocryphe, « La vie de Jésus en arabe » (VIe siècle ?), on apprend qu’ils sont fils de rois :
« Lorsque Jésus naquit à Bethléem de Juda au temps du roi Hérode, les mages vinrent de l’Orient à Jérusalem- ainsi que l’avait prophétisé Zarathoustra-, portant des offrandes d’or, de myrrhe et d’encens. Certains prétendent qu’ils étaient trois, comme les offrandes, d’autres qu’ils étaient douze, fils de leurs rois, et d’autres enfin qu’ils étaient dix fils de rois accompagnés d’environ mille deux cents serviteurs »
Avec le temps, vers le VIIe siècle, dans l’ouvrage « Excerpta Latina Barbari« , ils seront rois eux-mêmes, ils sont devenus les rois-mages et on connaît leur nom : Melchior, Balthazar et Gaspard. Ils avaient été nommés Balthazar, Melkon et Gathaspar dans l’Évangile arménien de l’Enfance datant du VIe siècle.
On attribue à la mère de l’empereur Constantin (272-337), Hélène (252-330 ?), la découverte des squelettes des trois « Rois Mages », reliés par une chaînette en or. Ce qui ne fait aucun doute sur leur origine, se dit-elle ! Rapportés dans une châsse à Constantinople, ils ont été transférés à Milan et lors du sac de la ville (1162) par l’empereur germanique, Frédéric Barberousse (1122-1190), la châsse a été amenée à Cologne où on peut toujours la voir dans la cathédrale. Étrange que les « rois-mages » aient été inhumés à Jérusalem car la tradition rapporte qu’ils sont rentrés chez eux en évitant Jérusalem.

Les offrandes qui ont été faites à Jésus (l’or, l’encens et la myrrhe) sont conservées dans le monastère Saint-Paul du Mont Athos… ou à Moscou !

Et aujourd’hui ?
En 2005, le pape Benoît XVI, en visite à Cologne, a déclaré dans son homélie :
« La ville de Cologne ne serait pas ce qu’elle est sans les Rois Mages, qui ont tant de poids dans son histoire, dans sa culture et dans sa foi. Ici, l’Église célèbre toute l’année, en un sens, la fête de l’Épiphanie. C’est pourquoi, avant de m’adresser à vous, chers habitants de Cologne, j’ai voulu me recueillir quelques instants en prière devant le reliquaire des trois Rois Mages, rendant grâce à Dieu pour leur témoignage de foi, d’espérance et d’amour ».
Benoît XVI a employé deux fois le mot « foi ». Avoir la foi, c’est croire sans se poser de question, c’est avoir confiance absolue dans la tradition.