D’autres chrétiens : les ariens

Avant-propos

Jésus était juif et son message, quel qu’il soit, était destiné aux juifs. Ces affirmations sont subordonnées à deux conditions : (1) l’existence de Jésus qu’aucune preuve historique ne vient confirmer et (2) la véracité des récits des évangiles, écrits par des disciples des générations suivantes qui, probablement, n’ont pas vécu les événements. Comme l’a dit un des membres des Rolling Stones, dans un tout autre contexte, celui de leur biographie : « la vérité ne doit pas gâcher une belle histoire« .

Les évangiles restent très vagues sur la personnalité de Jésus. Jésus y demande même à ses disciples : « qui dites-vous que je suis ?  » (Matthieu 16, 13-16). A la lecture des évangiles, Jésus a plusieurs personnalités. Lorsqu’on s’adresse à lui, on l’appelle « rabbi », c’est-à-dire « maître« , une personne qui connaît et interprète les Écritures. Mais on peut le voir comme un prophète, comme le Fils de l’homme (personnage qui apparaît dans la livre de Daniel à la droite de Dieu), le messie attendu par les Juifs (voir l’article sur ce sujet) ou le Fils de Dieu. Plus philosophiquement, au IIe siècle, Marcion verra en lui un ange, un être surnaturel, envoyé par un dieu nouveau et les gnostiques le considéreront comme un « éon« , une puissance émanant de Dieu (j’en parlerai dans un prochain article).

Sur ces différentes natures, à partir de la fin du Ier siècle, plusieurs mouvements ont développé leur propres croyances, certaines au sein du judaïsme, d’autres en dehors.

Origine de l’arianisme

L’arianisme prend sa source directement dans les évangiles. C’est la croyance que Jésus est le fils de Dieu, qu’il a été engendré par Dieu à un moment donné, qu’il est une créature distincte du Père et qu’il lui est subordonné. Pour rappel, la doctrine actuelle des Eglises chrétiennes définit Jésus comme une des trois personnes en Dieu, de la même substance et la même origine, incréé (voir l’article intitulé : la nature de Jésus) : Jésus est Dieu.

Au début du IVe siècle, après une période troublée de guerres civiles engendrant des persécutions, Constantin devient empereur de l’Empire romain d’Occident. En 313, Constantin et son beau-frère Licinius, qui règne sur l’Orient, réunis à Milan, publient un édit proclamant la tolérance religieuse pour tous afin d’établir la paix dans l’Empire. Voici le texte tel qu’Eusèbe de Césarée nous l’a transmis :

Etant heureusement réuni à Milan, moi, Constantin Auguste, et moi, Licinius Auguste, ayant en vue tout ce qui intéresse l’unité et la sécurité publiques, nous pensons que, parmi les autres décisions profitables à la plupart des hommes, il faut en premier lieu placer celle qui concerne le respect dû à la divinité et ainsi donner aux chrétiens, comme à tous, la liberté de pouvoir suivre la religion que chacun voudrait, en sorte que ce qu’il y a de divin au céleste séjour puisse être bienveillant et propice à nous-mêmes et à tous ceux qui sont placés sous notre autorité.

Mais le calme ne régna pas dans l’Empire. Plusieurs mouvements chrétiens vont s’opposer, verbalement, mais aussi par voie de fait. Les fidèles d’un évêque d’Afrique, Donat, refusent que les évêques ayant sacrifié aux dieux romains et à l’empereur durant les persécutions puissent continuer à donner les sacrements : ils sont chassés violemment de leur diocèse. A Alexandrie, Arius (250-336) professe que Jésus est inférieur à Dieu, ce qui l’oppose à l’évêque de la ville. Devant le désordre engendré par la liberté accordée, Constantin convoque les évêques à Nicée (près de la ville de Byzance) en 325. [NB : Byzance est une ancienne ville grecque que Constantin va transformer pour créer sa ville : Constantinople.] La majorité des évêques présents rejettent les thèses d’Arius : Jésus est Dieu, il est de même nature que le Père, incréé et éternel. Arius est excommunié et exilé.

Mais quelle est la vision de Constantin sur le christianisme : en 323, soit deux ans avant le fameux concile, dans le discours à l’Assemblée des Saints (ou Assemblée du Vendredi saint), Constantin déclarait que le père et le fils ont la même essence, mais ne sont pas égaux… ce qui était le credo des ariens. Il finira par rappeler Arius de son exil et sur son lit de mort, en 337, il se fera baptisé par Eusèbe de Nicomédie, un évêque arien.

On peut se demander pourquoi Constantin, qui n’est pas (encore) chrétien, préside un concile et prononce un discours le Vendredi saint. Il faut se rappeler que l’empereur est le pontifex maximus (le grand pontife) qui entre autres est le plus haut responsable religieux de l’Empire. Il préside donc toutes les cérémonies religieuses, non seulement chrétiennes mais également celles honorant Sol Invictus (le soleil invaincu), le patron officiel de l’Empire.

Pièce de monnaie représentant Constantin et Sol invictus

La charge de pontifex maximus sera abandonnée en 383 par empereur Gratien. Aujourd’hui, le titre est porté par le pape, le souverain pontife.

Le triomphe de l’arianisme

Avec Constantin s’amorce le règne des empereurs chrétiens, mais ils cherchent leur voie. A Constantin succède ses deux fils, Constance II, arien et Constant, nicéen (catholique si on accepte l’anachronisme). Il faudra attendre Théodose Ier (347-395) pour que la doctrine nicéenne deviennent la religion d’Etat en 380.

Pendant ce temps, au nord du Danube, un évêque arien Wulfila (311-383) propage l’arianisme chez les peuples germaniques dont il est issu. Il convertit les Wisigoths et les Vandales. Au Ve siècle, lorsque les peuples germaniques, poussés par l’arrivée des Huns, migrent vers les territoires de la Gaule, ils apportent avec eux l’arianisme. L’enseignement catholique va faire d’eux des barbares, dans le sens péjoratif du mot, car ils suivent un autre dogme.
[NB : Les Germains sont des peuples issus du sud de la Scandinavie, du Danemark et du nord de l’Allemagne actuelle. Ils se sont mis en marche vers le sud à partir du VIe ou du Ve siècle avant notre ère. Ils ont occupé tous les territoires à l’est du Rhin et au nord des Alpes et du Danube. Le nom que leur ont donné les Romains viendrait de ce qu’ils les considéraient comme frères, « germani » en latin, des Gaulois.]
Ce ne sont pas des envahisseurs, mais des migrants. La plupart ont servi dans l’armée romaine. Ils ne viennent pas pour détruire l’Empire romain, mais pour bénéficier de ses bienfaits. Ils vont d’ailleurs préserver l’administration romaine. Peut-on en conclure que leur avancée vers le sud fut pacifique ? Certes non, parmi eux se trouvaient évidemment des pillards.

Leurs évêques (ariens) vont occuper les diocèses désertés par le clergé nicéen, fuyant leur approche.
Seuls les peuples déjà implantés dans le nord de l’Empire, c’est-à-dire les Francs, les Frisons, les Angles et les Saxons sont restés fidèles à la religion germanique. Donc, au Ve siècle, l’Eglise catholique (nicéenne) domine la partie orientale de l’Empire (Constantinople), et à l’ouest, la religion arienne s’est implantée. Mais si les migrants sont ariens, la population gallo-romaine est essentiellement catholique.
Il faut remarquer que le pape (catholique) est resté à Rome, dans un territoire administré par les Ostrogoths ariens.

Installation des peuples germaniques
Déclin de l’arianisme

C’est un roi franc, Clovis (466-511), dont le père Childéric a combattu dans l’armée romaine contre Attila en 451, qui va être à l’origine du déclin de l’arianisme par sa conversion au catholicisme vers l’an 500. En fait on ne connaît pas la date exacte. La légende raconte qu’il aurait promis de se convertir à la religion de sa femme (catholique), si son Dieu lui donnait la victoire lors d’une bataille. Cette légende a été forgée au VIe siècle par l’évêque Grégoire de Tour qui le présente comme le nouveau Constantin. La réalité est plus prosaïque, plus politique.

En 489, Théodoric, un Ostrogoth arien très cultivé, s’installe à Rome et chasse Odoacre, qui avait dépossédé le dernier empereur et provoqué ce que l’Histoire appelle la fin de l’Empire romain (d’Occident).
L’empereur romain d’Orient Zénon (474-491) lui confie le « Sénat et le Peuple Romain » (SPQR : Senatus populusque romanus) et lui envoie les insignes du pouvoir qu’Odoacre avait dédaignés quelques années plus tôt. Théodoric devient donc le numéro 2 de l’empire, après l’empereur d’Orient, et par une habile politique de mariages, devient le protecteur de tous les peuples germains. Clovis lui a donné sa sœur en mariage.

Mais un nouvel empereur byzantin, Anastase (491-518) se méfie des visées expansionnistes de Théodoric. Est-ce lui qui pousse Clovis à la conversion pour créer un contre-pouvoir ? Par sa conversion, Clovis se rallia la population gallo-romaine des Gaules. Anastase le nomma consul et patrice. C’est dans l’église de Tours qu’il revêtit la tunique pourpre et le diadème… loin de l’image traditionnelle du Barbare : il était vice-empereur, princeps, premier du sénat, titre qui le plaçait au-dessus de Théodoric.

Clovis peut commencer la conquête de la Gaule. Il s’attaque aux Alamans, s’allie aux Burgondes et menace les Wisigoths. Anastase empêche Théodoric d’intervenir en attaquant le sud de l’Italie. L’histoire est en marche.

Au VIe siècle, l’empereur byzantin, Justinien Ier, parti à la reconquête de l’Empire romain, reprend l’Italie aux Ostrogoths. Il chasse les Vandales installés en Afrique du nord. A la fin de ce siècle, le roi wisigoth d’Hispanie (Espagne) se converti au catholicisme. L’arianisme est en voie de disparition, la persécution des juifs commence en Hispanie.

[NB :  Le nom commun « vandale » a été utilisé pour la première fois lors de la révolution française par l’abbé Grégoire pour décrire les destructions du patrimoine causées par les disciples de Robespierre. Mais les Vandales n’étaient pas des vandales.]

La donation de Constantin

Inspiré de « Quand l’Histoire fait dates : 315, la donation de Constantin » (Arte : https://www.arte.tv/fr/videos/086127-008-A/quand-l-histoire-fait-dates/)

Le document

La Bibliothèque Nationale de Paris possède une copie d’un document daté du quatrième consulat de l’empereur Constantin, dans la onzième année de son règne, soit 315, appelé la « Donation de Constantin ». Constantin (272-337) est cet empereur qui a donné la liberté de culte à tous pour assurer la paix dans l’empire en 313 (voir l’article sur les martyrs) et qui a réuni et présidé le concile de Nicée en 325.

Que contient cette donation ? Par cet acte, Constantin fait un ensemble de concessions, de dons à l’évêque de Rome, le pape Sylvestre Ier (285-335) à savoir :

  • la primauté sur tous les évêques, donc, toutes les Eglises,
  • les églises de Rome : Saint-Jean de Latran, Saint-Pierre et Saint-Paul-hors les-Murs, (NB : d’après ce document, ces églises existaient en 315, alors que la liberté de culte n’avait été accordée que deux ans auparavant),
  • des biens dans diverses provinces,
  • les insignes impériaux,
  • Rome, l’Italie et toutes les provinces de l’Occident romain.

Dans le même document, Constantin, confesse sa conversion et sa croyance à la Sainte-Trinité, et dit se retirer à Constantinople pour diriger la partie orientale de l’Empire, laissant le pouvoir sur la partie occidentale au pape. Le pape a donc l’autorité sur les évêques et le pouvoir sur ces territoires. Il cumule le pouvoir spirituel et temporel.

Les papes semblent ignorer ce document jusqu’au XIe siècle. Il faut attendre le pape Grégoire VII (mort en 1085) qui réclame l’autorité de Rome sur les tous les pays chrétiens.
Le pape Grégoire IX (1145-1241) exhibera ce document, en 1236, devant Frédéric II Hohenstaufen (1194-1250), l’empereur du Saint empire romain germanique. Par ce geste, il voulait rappeler à l’ordre l’empereur. C’est lui, le pape, qui a le pouvoir sur tout l’Occident, l’empereur Frédéric lui doit obéissance. Cette intimidation n’a pas fonctionné : Frédéric a été excommunié par deux fois !

Critiques du document

Dès le XIIe siècle, des voix s’élèvent pour contester le document dans l’empire byzantin dont l’Eglise vient de se séparer de Rome, elle est devenue l’Eglise orthodoxe en 1054. L’argument est simple : le transfert du pouvoir de Rome à Constantinople, annule la donation de Constantin. D’autres argumentent que si Constantin, empereur a accordé un pouvoir au pape, c’est que l’empereur est supérieur au pape, or l’empereur se trouve actuellement à Constantinople.

En 1440, Laurent Valla, étudie la langue du texte et conclut qu’il ne s’agit pas d’un document du IVe siècle : le latin utilisé est du bas latin, pas le latin de l’Empire. Ainsi, entre autres, le mot « armée, troupe » est rendu par « militia » alors que le mot correct est « miles« . Le document daterait du VIIIe siècle, il aurait été rédigé sous les Carolingiens ! Mais Laurent Valla ne remet pas en cause la donation elle-même.

Un faux

La copie de la Bibliothèque Nationale date bien du VIIIe ou du IXe siècle. Aujourd’hui, la forgerie est bien avérée. Non seulement l’étude critique du texte, faite par Laurent Valla, prouve que le texte n’a pas pu être rédigé par Constantin, mais la connaissance de l’Histoire va dans le même sens.

Constantin n’a pas pu adhéré à la Sainte-Trinité dont le dogme n’a été institué officiellement qu’au concile de Nicée, dix ans plus tard. Constantin n’a été baptisé que sur son lit de mort… par un évêque chrétien certes, mais arien. Or les ariens ne reconnaissent pas la Sainte-Trinité. Pour eux, Jésus n’est pas Dieu, mais son fils. Il a été créé et est subordonné à Dieu.
Constantin n’a pas pu se retirer à Constantinople dont la construction n’a commencé qu’en 324 et jusqu’à cette date, c’est le co-empereur Licinius, beau-frère de Constantin, qui dirigeait la partie orientale de l’Empire. Constantin n’a pas pu céder la seule partie de l’Empire qu’il détenait.

Conclusion

Ce document est la base de la primauté des évêques de Rome, de l’autorité des papes sur les royaumes chrétiens au Moyen-Age et de leur pouvoir temporel sur les Etats pontificaux très étendus à la même époque. J’emprunterai la conclusion au narrateur du documentaire dont je me suis inspiré, l’historien Patrick Boucheron : « Les événements qui n’ont pas eu lieu ont parfois dans l’Histoire autant d’influence que les événements qui ont eu lieu. »

Dans tous mes articles, j’essaie de montrer que cette conclusion est souvent avérée.

Abattage rituel interdit ?

En Belgique, la région flamande (2019) et la région wallonne (2020) ont voté un décret interdisant l’abattage rituel des animaux sans étourdissement, au nom du bien être animal.

La troisième région, celle de Bruxelles, n’a pas encore pris de décision. Il faut dire que le parti ECOLO, deuxième parti de la région avec 19,1 % des voix en 2019 et une avancée de +9%, a fait campagne en ciblant la communauté musulmane, particulièrement nombreuse dans la région ; avant de la retirer sous prétexte que la décision de lancer la campagne n’avait pas été approuvée par les hautes instances du parti… mais les tracts avaient été distribués. Parmi les points du programme, on trouvait : « Ecolo est pour l’autorisation de l’abattage sans étourdissement dans le cadre de rites religieux à Bruxelles« .

Et ensuite ?

C’est le grand rabbin de Belgique, Avraham Guigui, qui a réagi. Il a déposé un recours auprès de la Cour constitutionnelle belge, qui a transmis à la Cour européenne.
L’avocat général auprès de la Cour de Justice de l’Union européenne, Gérard Hogan, lui a donné raison. De ses conclusions on peut retenir (Attention, c’est du langage d’avocat) :

  1. L’Union européenne interdit l’abattage des animaux sans étourdissement même dans le cadre d’un rite religieux. Mais d’autre part, « elle autorise une autre procédure d’étourdissement pour l’abattage effectué dans le cadre d’un rite religieux, fondé sur l’étourdissement réversible et sur le précepte selon lequel l’étourdissement ne peut pas entraîner la mort de l’animal« .
  2. Il n’est pas permis aux Etats membres d’adopter les règles prévues.

Il conclut : « La Cour se saurait permettre que ce choix politique spécifique soit vidé de sa substance du fait que certains Etats membres adoptent des mesures particulières au nom du bien être animal, qui auraient pour effet matériel de réduire à néant la dérogation en faveur de certains membres de confessions religieuses« .

Affaire à suivre.

Péché et rédemption

Définitions

Étymologiquement, le péché est une chute hors de la voie. C’est une transgression (à la loi religieuse), une désobéissance (à Dieu).

La rédemption, du latin « redemptio », le rachat, désigne dans le vocabulaire théologique chrétien l’acte par lequel Jésus rachète les hommes esclaves de leurs péchés en le payant de sa vie. J’essaierai d’expliciter ce concept plus bas. Augustin d’Hippone (354-430), connu sous le nom de saint Augustin, a écrit : « Heureuse faute qui nous a valu un tel rédempteur« .

Le péché dans le judaïsme

Le judaïsme n’insiste pas sur la notion de péché. Seul le péché rituel est pris en compte, et il est traité paternellement. Donc, rater un sabbat ou ne pas manger kascher ne conduit pas en enfer.
Un jour de l’année est particulier, c’est le Yom Kippour, le jour du grand pardon. Lors d’un jeûne de 25 heures entrecoupé de 5 prières, chaque juif demande que ses fautes envers Dieu lui soit pardonnées. Les fautes envers les hommes, elles, doivent être réparées, elles ne sont jamais pardonnées.

Dans des temps « anciens« , lors du Yom Kippour, le grand prêtre choisissait deux boucs, l’un était sacrifié à Dieu, l’autre emportait tous les péchés d’Israël dans le désert. C’est le rite du « bouc émissaire » relaté dans le livre du Lévitique 16, 15-22. Voici le texte des versets 20 à 22 (on est dans le désert, au temps de Moïse et de son frère Aaron) :

Une fois achevée l’expiration du sanctuaire, il fera approcher le bouc encore vivant. Aaron lui posera les deux mains sur la tête et confessera à sa charge toutes les fautes des Israélites, toutes leurs transgressions et tous leurs péchés. Après en avoir ainsi chargé la tête, il l’enverra au désert sous la conduite d’un homme qui se tiendra prêt et le bouc emportera sur lui toutes leurs fautes en un lieu aride.

On ignore si cette cérémonie a réellement été appliquée. Les fautes dont il est question, sont des fautes collectives, les manquements du peuple envers Dieu, on ne parle pas de fautes personnelles.

Le péché dans l’islam

Dans l’islam, toute transgression de la loi est assimilée à un péché. Ainsi, les péchés les plus graves sont l’hérésie, le polythéisme, la fornication, l’apostasie, les jeux de hasard, etc., tout ce qui est haram (interdit).

Le musulman utilise souvent l’expression « inch Allah », « si Dieu le veut ». Ce que corrobore le Coran (18, 23-24) :

Et ne dis jamais à propos d’une chose : « Je le ferai sûrement demain » sans ajouter « si Allah le veut », et invoque ton Seigneur quand tu oublies et dis : « Je souhaite que mon seigneur me guide et me mène plus près de ce qui est correct ».

On pourrait donc croire que toutes les actions sont déterminées par la volonté d’Allah. D’autant plus qu’à la sourate 8, 17, on lit : « Ce n’est pas vous qui les avez tué, mais c’est Allah qui les a tués… Allah est audient (NB : il peut entendre tout) et omniscient.« 

Or dans l’islam, comme dans tous les courants philosophiques, les oulémas débattent pour savoir si l’homme a son libre arbitre ou s’il est prédestiné. Ainsi « tout ce qui est généré par nos actes est notre action » s’oppose à « l’homme n’a qu’une connaissance partielle des effets de ses actes ». Entre ces deux extrêmes, on trouve : « si l’homme connaît la modalité de ses actes, il a le libre arbitre, sinon, l’acte doit être attribué à Allah« .

Ce débat était déjà présent en Mésopotamie, bien avant l’islam. Ainsi un texte s’interroge : « Pourquoi être irréprochable dans son comportement personnel, social et religieux si l’on peut être puni pour une faute dont on n’a même pas conscience ? A quoi servent les bonnes actions si elles ne garantissent pas une vie sans épreuves ? »

Le péché originel

C’est le nom que donnent les chrétiens à la cause du renvoi d’Adam et de Ève du Paradis dans le roman de la Bible.
Pour rappel, Adam a été créé à l‘image de Dieu. Pour le sortir de sa solitude, Dieu lui a façonné une compagne, Ève. Adam est libre dans le Paradis, une seule interdiction lui a été faite : ne pas « manger » de l’arbre de la connaissance du bien et du mal. Le serpent tente Ève qui pousse son compagnon à manger le fruit de cet arbre. L’exclusion du Paradis sera le châtiment pour cette désobéissance.

Dans l’Épître aux Romains 5, 12, attribuée à Paul, on lit « … de même que par un seul homme (Adam), le péché est entré dans le monde, et par le péché, la mort, et qu’ainsi la mort a passé en tous les hommes, situation dans laquelle tous ont péché« .

Paul lie le péché originel à la mort. Or dans la Bible, rien ne dit qu’Adam et Ève sont immortels, au contraire. Lorsqu’il constate la désobéissance, Dieu dit « Voilà que l’homme est devenu comme l’un de nous, pour connaître le bien et le mal. Qu’il n’étende pas maintenant la main sur l’arbre de vie, n’en mange et ne vive pour toujours » (Gen. 3, 22). Ce personnage énigmatique qu’est Paul (j’y reviendrai dans un prochain article) ne connaît pas la Torah alors qu’il a la prétention de diriger la vie spirituelle des premiers chrétiens.

D’après le raisonnement dogmatique de Paul, basé sur un récit mythologique, l’homme est souillé dès sa naissance. Il porte la responsabilité de la faute d’Adam qui lui est transmise par hérédité. Augustin d’Hippone reprend ce discours : l’homme est souillé par engendrement. Le baptême efface la souillure. Or comme on baptise les enfants, c’est la preuve qu’ils sont souillés dès la naissance. Le péché originel est un péché de chair. Pour lui, c’est sexuel !

Seuls les catholiques adhérent à ce dogme. Les protestants et les orthodoxes s’en sont éloignés.
Les juifs ignorent la conséquence de l’acte d’Adam, ils sont les élus de Dieu.
Les musulmans ont une interprétation différente (Co. 20, 115-123) :

Nous avons auparavant fait une recommandation à Adam : mais il l’oublia et nous n’avons pas trouvé chez lui de résolution ferme.
Et quand nous dîmes aux anges de se prosterner devant Adam, ils se prosternèrent excepté Iblis (le Diable) qui refusa.
Alors nous dîmes : « Ô Adam, celui-là est vraiment un ennemi pour toi et ton épouse (NB : elle n’a pas de nom). Prenez garde qu’il vous fasse sortir du Paradis, car alors tu seras malheureux.
Car tu n’y auras pas faim, ni ne sera nu.
Tu n’y auras pas soif ni seras frappé par l’ardeur du soleil.
Puis le Diable le tenta en disant : Ô Adam, t’indiquerai-je l’arbre de l’éternité et un royaume impérissable ? »
Tous deux en mangèrent. Alors leur apparut leur nudité. Ils se mirent à se couvrir avec des feuilles du paradis. Adam désobéit ainsi à son Seigneur et il s’égara.
Son Seigneur l’a ensuite élu, agréé son repentir et l’a guidé.
Il dit : « Descendez d’ici (NB : le paradis n’est pas sur terre). Vous serez tous ennemis les uns des autres (Note du Coran de Médine : on peut comprendre les humains et les diables). Puis si jamais un guide vous vient de ma part, quiconque suit mon guide ne s’égarera ni ne sera malheureux.

Péché et rédemption dans le christianisme

Pour le christianisme, l’homme est un pécheur et réside, jusqu’à sa mort, dans un monde soumis au Diable. Dans les évangiles, la plupart des miracles de Jésus sont des exorcismes, il chasse des démons.
Le péché est le fonds de commerce du catholicisme. La confession mensuelle était une obligation il n’y a pas encore longtemps et le prêtre était habilité à pardonner (ou faire pardonner) les péchés des paroissiens.
Je reviens sur la définition chrétienne de rédemption : « l’acte par lequel Jésus rachète les hommes esclaves de leurs péchés en le payant de sa vie. » Elle amène plusieurs questions. De quoi Jésus sauve-t-il ? En quoi sa mort sauve-t-elle ? En quoi la crucifixion est-elle nécessaire à notre rachat ? Pour répondre à ces questions, j’ai consulté le courrier des lecteurs du quotidien catholique français La Croix espérant y trouver des réponses concrètes. Désillusion! Je n’ai trouvé que des lieux communs et des phrases vides de sens. Il faut dire que le sujet est délicat.

Florilège.
En quoi le Christ nous sauve-t-il ?
Le rédacteur prend d’abord une précaution : « Dès que l’on affirme que le Christ nous apporte le salut, les choses sont nettement moins claires« . Un théologien se porte à son secours (je résume) : Nous souhaitons tous le bonheur, aimer et être aimé, mais nous ne pouvons l’atteindre par nos propres moyens. Les chrétiens sont aimés par Dieu, gratuitement, c’est cela le salut que l’homme reçoit. Nous ne sommes pas sauvé par la mort de Jésus, mais par son amour.
Par sa résurrection, Jésus donne l’exemple, elle ne sera pas la seule. Si le salut est offert à tous, il n’est pas automatique : il faut avoir la foi. Jésus ne te sauvera pas sans toi.

Quel lien entre la mort du Christ et nos péchés ?
Dans la réponse précédente, on nous disait : Nous ne sommes pas sauvé par la mort de Jésus, mais par son amour. Qu’en est-il ici ?
Il faut revenir à des vérités simples : Jésus est mort et ressuscité pour nous les hommes, pour notre salut.
C’est tout ce qu’on peut tirer de la réponse.

La croix est-elle nécessaire à notre rachat ?
La réponse est un coupé-collé de la question précédente.
C’est le père jésuite Michel Souchon qui repond(ait). Il conclut par « Jésus nous a révélé le visage du Père, un dieu à visage humain qui veut aimer l’homme et non pas le faire payer. Révélation formidable pour nous les hommes et pour notre salut. Pour cette révélation, Jésus a mis en jeu sa propre vie, il nous a libéré du péché au prix de sa vie ».

Je suis désolé de vous avoir laissé sur votre faim, mais je ne peux pas faire mieux que des théologiens aguerris. Leur raisonnement est une boucle : salut – mort – résurrection. Au IIe siècle de notre ère, une des innombrables sectes chrétiennes, les gnostiques, ne croyait pas à la crucifixion, ni à la résurrection de Jésus. Pour les gnostiques, c’est l’enseignement de Jésus qui indiquait le chemin du salut.

Qu’est-ce qui a changé, sur terre, depuis la période de Jésus ? Rien, strictement rien. J’ai peine à imaginer que Dieu ait construit un complexe hôtelier tout neuf, appelé Paradis, pour accueillir les âmes sauvées par Jésus.