Le christianisme au deuxième siècle

Le temps nous a donné une idée totalement fausse du christianisme tel qu’il a été perçu dans l’empire romain au deuxième siècle, quand il a commencé à se faire connaître. Le christianisme d’hier n’a rien à voir avec celui d’aujourd’hui. Un petit retour en arrière peut nous faire comprendre pourquoi le christianisme a bien été accueilli par les Romains.

Il faut garder à l’esprit que le christianisme né en Judée a perdu tout lien avec son milieu d’origine lorsqu’il a été adopté par le monde grec. Les premiers théologiens chrétiens, les pères de l’Eglise, avaient baignés dans la philosophie grecque. Le stoïcisme, l’épicurisme, le (néo-)platonisme leur étaient familiers. Avant d’être chrétiens, ils étaient philosophes.

Les Romains aspirent à comprendre le monde, le cosmos, à entrer en relation avec Dieu, non pas Zeus, mais un dieu transcendant. En quoi consiste leur philosophie, leur vision de Dieu et du Cosmos.

Partons du début de l’Évangile de Jean, qui n’a certainement pas été écrit par un apôtre nourri à la culture juive : « Au commencement était le Verbe et le Verbe était tourné vers Dieu [et le Verbe était Dieu] ». La partie entre crochets est probablement un ajout ultérieur. Dis comme cela, ça n’a pas beaucoup de sens. Benoît XVI l’a traduit comme suit « au commencement de toutes choses est la force créative de la raison » (conférence donnée à la Sorbonne en 1999). Voilà ce qui est plus en accord avec notre propos. Le mot grec traduit dans l’évangile par « verbe » est le mot « logos ».

Pour les philosophes grecs, Dieu est immatériel, sans substance corruptible, sans souillure. Il est inaccessible. Pour entrer en relation avec lui, il y a le Logos, la raison divine, chargé des fonctions de création, de providence et de révélation. Il est en contact avec la matière, il est un intermédiaire entre Dieu et les hommes. Pour eux, la voix de Dieu qui parle à travers les prophètes, c’est le Logos. Le buisson ardent de Moïse, c’est le Logos. Jésus, c’est le Logos. L’Évangile de Jean a donc été compris par les philosophes de son temps.

Pour d’autres philosophes, les intermédiaires entre Dieu et les hommes, ce sont les « daemons« , que l’on ne peut pas traduire par « démons », mais peut-être par « génies« . Ils participent aux passions et aux peines des hommes, mais ils contiennent une partie de nature divine. Jésus peut également se confondre avec eux. Les « daemons » sont une autre vision du Logos.

Donc, le Logos est subordonné à Dieu, c’est son intermédiaire, c’est le premier des êtres créés. C’est comme cela que les Romains ont dû voir Jésus dans les premiers siècles. C’est comme cela que les premiers pères de l’Eglise le présente. Il n’est plus juif, il a été adopté par le monde gréco-romain.

 

Elections législatives 2018 en Irak

La presse ne nous épargne aucun attentat en Irak, mais oublie de nous parler des élections qui se sont déroulée le 12 mai 2018 afin d’élire les 329 membres du Conseil des représentants (le parlement). Il a fallu attendre le mois d’août pour connaître les résultats. S’en suivi de longues discussions pour former un gouvernement.

Actuellement, l’Irak est une république fédérale dans laquelle les territoires kurdes du nord jouissent d’une grande autonomie. Chaque entité fédérée obtient un nombre de représentants proportionnel à sa population. neuf sièges sont réservés aux minorités religieuses dont cinq  pour les chrétiens. Les femmes ont droit à 25% des sièges. Comme au Liban, le pouvoir est partagé entre un président kurde, un premier ministre chiite (Haïder al-Abadi) qui détient le pouvoir réel et un président du parlement sunnite.

Pas moins de 35 partis se présentaient au suffrage des électeurs qui ne se sont pas déplacés en masse : moins de 50%.

La victoire (relative) est revenue à la coalition « En marche (vers les réformes) ». Plus que la victoire, c’est la composition de ce parti qui est importante. Il a été fondé par Moqtada Sadr qui s’est allié au parti communiste !

Moqtada Sadr ne nous est pas inconnu. Il est issu d’une lignée de dirigeants religieux, mais surtout, il était à la tête du l’armée du Mahdi qui a mené une guérilla sanglante contre les troupes américaines en 2004 et 2006. Bien que chiite, il a pris ses distances envers l’Iran, souhaitant une indépendance totale de l’Irak. Il a même pris récemment des contacts avec l’Arabie saoudite sunnite.

Malheureusement vu la grande fragmentation de l’électorat, c’est une coalition de cinq partis, tous chiites, qui va gouverner le pays pour les quatre ans à venir. A eux cinq, ils ont à peine la majorité, 166 sièges sur 329. Le premier ministre (Haïder al-Abadi) a été reconduit dans ses fonctions.

L’indépendance n’est pas encore acquise, l’Iran et les Etats-Unis ont fortement influencé la formation du gouvernement.

Chiisme et sunnisme

Périodiquement, l’actualité nous rapporte des confrontations entre ces deux branches de l’islam. L’Arabie saoudite, qui s’octroie le rôle de défenseur du sunnisme, s’oppose à la république islamique d’Iran, chef de file des chiites. Les sunnites représentent près de 85% des musulmans dans le monde. Les chiites sont majoritaires en Iran, en Irak et au Bahreïn où le roi et son gouvernement sont pourtant sunnites. Les troupes d’Arabie saoudite ont mis fin au printemps arabe dans ce pays sous les yeux bienveillants de ses alliés occidentaux. Les chiites sont présents en Syrie où ils détiennent le pouvoir alors qu’ils sont à peine 20%, au Koweït, dans l’est de l’Arabie, au Yémen (40%) où l’Arabie leur mène une guerre sans merci avec l’aide de ses alliés turcs et occidentaux, dans les émirats et au Liban où le Hezbollah est sa branche armée. Le Liban a un système politique très particulier imposé par la France lors de son mandat (1920-1946) : le président est chrétien, le premier ministre est sunnite et le président de l’assemblée nationale est chiite. C’est donc un pays essentiellement religieux.

Origine de la scission.

L’origine du chiisme nous est connue par les chroniqueurs musulmans du IXème siècle relatant des événements qui se sont produits près de 200 ans auparavant.  Nous considérerons donc cette histoire avec circonspection.

Un peu avant sa mort, survenue inopinément à Médine en 632, Mahomet avait réussi à convertir des habitants de La Mecque, qui l’avaient pourtant chassé dix ans auparavant. Son ennemi personnel, Abu Sufyan, le chef des négociants mecquois s’était rallié à sa cause.

Pour succéder au prophète, la communauté musulmane (la oumma) se choisit Abu Bakr, compagnon et beau-père de Mahomet, alors que son cousin Ali, s’attendait à recevoir ce commandement. Abu Bakr parviendra en deux ans, que dura son califat, à unir toutes les tribus de la péninsule.

A sa mort, en 634, ce n’est toujours pas dans le famille directe du prophète que le nouveau calife est choisi. C’est encore un de ses compagnons, Umar, par ailleurs beau-fils de Mahomet qui est élu. Ali attendra.
Umar va entamer la conquête des empires byzantins et perses.
Il meurt assassiné alors qu’il priait en 644.

De nouveau, le choix se porte sur un compagnon… et beau-fils de Mahomet : Uthman, qui était du clan d’Abu Sufyan (ce détail a son importance). Uthman mettra le Coran par écrit et enverra les quatre exemplaires à Médine, à La Mecque, à Basra et à Damas. Il est assassiné en 656.

Enfin, Ali est nommé calife (successeur ou lieutenant). Il est non seulement cousin du prophète, mais également son beau-fils, le mari de Fatima. Notons en passant qu’aucune des filles de Mahomet n’a survécu à leur père. Ali n’a pas que des amis. Le clan d’Abu Sufyan, dirigé par Muawiya, cousin d’Uthman, le soupçonne d’avoir fait assassiner le calife précédent. La guerre est déclarée et le schisme consommé : chiisme vient de l’arabe schi’â Ali qui signifie les « partisans d’Ali ».

Une des batailles va se dérouler d’une étrange façon, la bataille de Siffin, sur les rives de l’Euphrate en 658. Les troupes d’Ali vont l’emporter, quand les soldats adverses plantent des feuilles du Coran au bout de leur épée pour demander l’arbitrage de Dieu. Ah bon ! D’où viennent ces pages du Coran alors qu’il n’en existe que quatre exemplaires ?
Ali a accepté l’arrêt des combats. Certains de ses partisans ne lui pardonneront pas, il sera assassiné en 661. Ainsi finissent les quatre premiers califes, les « pieux devanciers », qui en arabe se dit salaf, à l’origine du terme « salafisme » qui désigne toute idéologie prônant le retours aux sources de l’islam. Notons que nous ne connaissons rien de ces sources.

Après l’assassinat d’Ali, le clan d’Abu Sufyan prend le pouvoir et s’installe à Damas. C’est le début de la dynastie des Omeyyades. Les partisans l’Ali se retirent dans le sud de l’Irak et de l’Iran actuels. Son successeur, Husayn est assassiné à Kerbala. De nos jours, les chiites commémorent cet assassinat par une procession durant laquelle ils se flagellent pour se punir de ne pas avoir protégé leur imam. Alors que les successeurs de Mahomet sont appelés califes, les successeurs d’Ali sont des imams.

… et selon notre hypothèse

J’ai émis une hypothèse sur la conquête arabe dans un article précédent. Suivant cette hypothèse où plusieurs armées arabes ont participé à la conquête du Moyen-Orient, les chiites, les compagnons d’Ali, ont refusé de se soumettre aux Ghassanides et se sont installés en marge des territoires contrôlés par Damas. En prônant  le choix d’un membre de la famille de Mahomet comme calife, ils écartaient les familles ghassanides. L’histoire est plus simple et on verra que cet hypothèse explique une des différences de doctrine.

La doctrine

Il y a moins de différences entre le sunnisme et le chiisme qu’il n’y en a entre catholiques et protestants.

Les deux communautés lisent le même Coran, elles appliquent les cinq piliers de l’islam : la croyance en un seul dieu, la prière 5 fois par jour, le pèlerinage à La Mecque, le jeûne du ramadan et la pratique de l’aumône.

Les différences sont dans les détails.
Pour les sunnites, la tradition orale (les hadiths) a été interprété par les anciens. Quatre écoles d’interprétation ont figé la doctrine au IXème siècle de notre ère. C’est la base de la jurisprudence.
Pour les chiites, les docteurs en théologie, inspirés par les douze premiers imams (ou sept suivant la confession), peuvent toujours interpréter la tradition. En Iran, il n’est pas rare que les oulémas aient une vue différente sur un point de la jurisprudence;

Les deux communautés croient au jugement dernier et à la résurrection des morts. Mais si les sunnites croient que le jugement sera présidé par Jésus, le prophète qui n’est pas mort, mais a été rappelé par Allah, les chiites pensent que le douzième imam qui est caché, reviendra juger les morts. Ce dernier imam, Mahomet al-Mahdi a disparu vers 870 de notre ère.  Donc pour les chiites, Jésus n’a aucun rôle, ce qui peut s’expliquer par la distance qu’ils ont prises envers les Ghassanides chrétiens.