Le Graal et le Da Vinci Code

Le Da Vinci Code est un roman, une fiction écrite par l’auteur américain Dan Brown et publié en 2003.
Le récit commence par le meurtre de Jacques Saunière dans le musée du Louvre. Commence alors une enquête à rebondissements basée sur la résolution d’énigmes. Le dénouement est sensationnel : Marie Madeleine a été l’épouse de Jésus. Elle est venue en France avec leur(s) enfant(s) qui ont fait souche. Aujourd’hui ils seraient en Angleterre dans la famille Sinclar. Une société secrète, le Prieuré de Sion est chargée de les protéger, mais un « moine » de l’Opus Dei assassine tous ses membres : Jacques Saunière était son grand maître.

D’où viennent ces idées ?
Les recherches sont encore plus passionnantes et étonnantes que le scénario du da Vinci Code… entre vérités et conspirations.

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Le tombeau de Jésus (2me partie)

Toutes les photos sont extraites du film documentaire de Simcha Jacobovici « The lost tomb of Jesus », produit par James Cameron, le réalisateur du film Titanic.
NB : ce filmn’est pas de la fiction.

La tombe de Talpiot

En 1980, des ouvriers effectuant des terrassements pour la construction d’un complexe immobilier dans le quartier de Talpiot, au sud du grand Jérusalem, ont mis à jour une tombe.

Légendes (de gauche à droite) : découverte de la tombe lors des terrassements ; les bâtiments en cours de construction ; le complexe à l’heure actuelle.

La découverte

Les archéologues envoyés sur les lieux ont découvert un tombeau inviolé, contenant dix ossuaires, des urnes dans lesquelles les os des défunts étaient conservés. Les défunts étaient allongés sur un lit dans la tombe elle-même pour être préparés suivant le rite juif de l’époque. Lorsqu’il ne restait plus que les os, ceux-ci étaient placés dans un ossuaire.

Légendes (de gauche à droite) : l’intérieur de la tombe ; l’évacuation des ossuaires ; l’entrepôt des ossuaires de l’Israël Antiquities Authority ; les ossuaires de la tombe. Le personnage à droite sur la photo est le réalisateur du film, Simcha Jacobovici.

Jusque là, tout va bien. Les procédures ont été respectées, les urnes sont stockées dans les entrepôts de l’Israël Antiquities Authority , avec toutes les autres pour être analysées.

Légendes (de gauche à droite) : un ossuaire non nettoyé et l’ossuaire marqué Jésus/Josué fils de Joseph

Les ossuaires

Six des dix ossuaires portent des gravures nominatives.
Le premier ossuaire est nettoyé de la patine qui le recouvrait et l’inscription qu’on y lit est « Yeshoua bar Yossef » : Jésus (ou Josué), fils de Joseph. Rien de bien extraordinaire de voir ces deux prénoms associés. Dans l’antiquité, ce sont deux prénoms très courants : dans l’ordre des prénoms utilisés : Simon (Shimon), Joseph (Yossef), Judah (Yehoudah), Eléazar, Jean (Yokhanan) et Josué (Yeshoua). Chez les femmes : Marie (Mariam) puis Salomé… les seuls prénoms féminins dans les évangiles.
La suite est plus surprenante : on retrouve des ossuaires de deux Marie, d’un Matthieu (Mattathias ou Matya en araméen), d’un Joseph et d’un Judah, fils de Jésus/Josué !
Un ossuaire a disparu.
A l’analyse des noms, il apparaît qu’il y a une chance sur 600 pour que le tombeau ne soit pas celui de la famille de Jésus. James Tabor, professeur à l’université de Caroline du Nord à Charlotte, a (fait) calculé que la chance d’avoir une famille de six personnes ayant ces noms est de 1/253.000… Or il y avait 50.000 habitants à Jérusalem à cette époque.

La plupart des inscriptions sont en araméen. Mais à la place de Mariam, on lit « Maria« , la forme latinisée.

L’autre Marie est gravée « Mariamenon Mara« .
Dans les Actes de Philippe (94, 2), un apocryphe de la fin du IVe siècle, au plus tôt, Marie-Madeleine est nommé « Mariamne« .
Plus étonnant, « Mara » est le féminin de « Mar », le maître, qui deviendra le saint en syriaque. Plusieurs monastères portant le nom d’un saint, se nomment « Mar… ». Jean Damascène (676-749), après avoir travaillé pour les califes omeyyades s’est retiré dans le monastère Mar Saba près de Jérusalem.

Joseph n’est pas écrit « Yossef », comme sur l’urne « Jésus fils de Joseph », mais « Yosé« … qui est le nom donné à un frère de Jésus dans les évangiles.

La découverte devient trop compromettant, Israël ne veut pas s’immiscer dans un problème théologique : les os sont inhumés dans des endroits tenus secrets. Il n’y aura pas de tests ADN.
Fin de l’histoire ?

L’ossuaire disparu

Mais qu’est devenu le dixième ossuaire ?

En 2002, un ossuaire apparaît sur le marché des antiquités. Il porte la mention « Yaakov bar Yosef akhui di Yeshua« , soit « Jacques fils de Joseph frère de Jésus ». On ne connaît pas d’autre cas où un nom est associé à celui de son frère.

Jacques fils de Joseph frère de Jésus

Cette trouvaille suscite de très vives polémiques entre les experts. La patine indique que cet ossuaire provient bien de la tombe de Talpiot. Mais l’inscription est-elle un faux ? Les experts ne sont pas d’accord.

Comparaison des patines

En décembre 2004, après avoir exhibé l’ossuaire à travers le monde, Oded Golan, un collectionneur est arrêté par la justice israélienne pour être l’auteur ou le commendataire de plus d’une douzaine de faux sur des objets antiques. Deux d’entre eux ont une valeur historique majeure : l’ossuaire de Jacques et une tablette de pierre gravée qui raconte la rénovation du temple de Salomon par le roi Josias. Ce serait la seule preuve historique de l’existence de ce temple.

Le 14 mars 2012, la justice israélienne rend un verdict de non-lieu dans le procès qui opposait l’État israélien au collectionneur Oded Golan et au vendeur d’antiquités Robert Deutch. L’accusation n’a pas pu apporter de preuves « au-delà du doute raisonnable » que l’ossuaire était un faux. Mais rien ne prouve que les objets sont authentiques.

Oded Golan a néanmoins été condamné pour violation des lois sur les antiquités et possession d’objets volés. L’Israël Antiquities Authority (IAA), qui avait porté plainte, se dit satisfait de l’issue du procès.

Conclusions

Avec cet ossuaire retrouvé, la probabilité que le tombeau ne soit pas celui de la famille de Jésus passe à une chance pour 30000. Et la chance d’avoir une famille de sept personnes ayant ces noms est de 1/42.000.000, d’après James Tabor.

L’IAA a fait sceller la trappe qui permettait d’accéder au tombeau. Fin définitive de l’histoire.

La trappe d’accès au tombeau

Le disciple que Jésus aimait

Dans l’Évangile de Jean, apparaît un personnage non nommé, appelé « le disciple que Jésus aimait ». Qui est-il ? La version officielle veut que ce soit Jean lui-même, qui aurait rédigé son évangile sur l’île de Patmos, où il avait été déporté par les Romains lors des (hypothétiques) persécutions de Domitien. Comme cet évangile est le dernier à avoir été écrit selon la chronologie la plus couramment admise, on fait de Jean un centenaire !

Mais dans cet évangile,  les fils de Zébédée (Jean et son frère Jacques), n’apparaissent qu’au chapitre 21 et c’est un ajout pour donner une importance à Jean.

Cet amour pour Jean n’est cité que dans un texte tardif, l’Assomption de Marie. Marie dit de Jean qu’elle appelle « père Jean »  : « Souviens-toi qu’il t’a aimé plus que les autres ».

Faire de Jean le disciple que Jésus aimait est très ambigu. Léonard de Vinci et plusieurs autres peintres ne s’y sont pas trompés, qui ont représenté un Jean androgyne dans la Cène, dans des positions particulièrement équivoques.

Plusieurs tableaux de la scène : Léonard di Vinci (1495), Andrea del Castagno (1447) et en bas, Soeur Marie Agnès Godard (1670)

Lors de sa crucifixion, Jésus confie sa mère à ce disciple. La tradition chrétienne voit donc Marie accompagnant Jean à Delphes. Or Jean, qui est un apôtre, n’a pas assisté à la crucifixion d’après les évangiles : les apôtres se sont tous enfuis. Dans les Actes de Jean, datés du IIe siècle, mais considérés comme hérétiques dès le IVe siècle et condamnés par le concile de Nicée de 787, Jean apparaît comme un homme chaste recherchant la souffrance, mais jamais il ne se présente comme le disciple que Jésus aimait. Il ne connaît d’ailleurs pas Jésus, ni l’Ancien ou le Nouveau Testament. Pour lui Jésus est synonyme de Dieu, un et unique. Ce qui explique la condamnation de ce livre. Dans ces actes, il serait mort à Ephèse.

Il y a d’autres candidats au titre de disciple aimé. Le premier est Marie-Madeleine, c’est ce que disent les manuscrits de Nag Hammadi. Si Jésus et Marie-Madeleine entretenaient une relation, il est naturel que Jésus confie sa mère à sa compagne. Et Marie-Madeleine était bien présente lors de la crucifixion contrairement à Jean et aux apôtres, toujours d’après nos seules sources, les évangiles.

Marie-Madeleine est un personnage secondaire, dans les évangiles, mais elle a fait couler beaucoup d’encre. Qui est-elle ? Le pape Grégoire Ier en a fait une prostituée au VIe siècle, ce qui n’apparaît pas dans les évangiles, et au XXe siècle, plusieurs auteurs en ont fait la femme de Jésus. Que faut-il penser ?

En fait, il n’y a pas de Marie-Madeleine dans les évangiles, mais une série de Marie, dont une est dite de Magdala, une ville située près du lac de Génésareth (actuellement mer de Galilée). Tous les évangiles sont d’accord : cette Marie, que nous appelons Marie-Madeleine, a assisté à la crucifixion et a été la première à découvrir le tombeau vide et à rencontrer Jésus ressuscité. Mais qui est-elle ? Seul Luc nous dit que Marie de Magdala accompagnait Jésus dans ses voyages de prédication. C’est un grand honneur qu’une femme soit citée parmi les disciples de Jésus.

Nous connaissons Marie-Madeleine par d’autres textes que les évangiles canoniques, ceux trouvés à Nag Hammadi, en Égypte en 1945. Parmi ces documents, deux font la part belle à Marie-Madeleine : l’Évangile selon Marie et l’Évangile selon Philippe. Ce sont des ouvrages gnostiques (secte chrétienne considérée comme hérétique) qui remontent probablement au IIe siècle. Contrairement aux évangiles canoniques, ils ne racontent pas l’histoire de Jésus, mais regroupent des paroles qu’il aurait prononcées. Dans ces deux ouvrages, Marie-Madeleine apparaît comme la disciple préférée de Jésus.

Dans l’Évangile de Marie, on lit : « Pierre dit à Marie : Sœur, nous savons que le Sauveur t’aimait plus qu’aucune autre femme ».

Dans l’Évangile de Philippe, c’est encore plus explicite :

32.  Il  y  avait  trois  femmes  qui  étaient  proches  du  Seigneur :  sa  mère  Marie  et  sa  sœur et  Marie-Madeleine, qu’on  appelait  sa  compagne (= sa femme). En  effet,  sa  sœur  était  une  Marie,  sa  mère  et  sa  compagne aussi.

55. … Quant à Marie-Madeleine, le Sauveur l’aimait plus que tous les disciples et l’embrassait souvent sur la bouche. Le reste des disciples lui dirent : « Pourquoi l’aimes-tu plus que nous tous ? ». Le Sauveur répondit et leur dit : « Pourquoi ne vous aimai-je pas comme elle ? »

L’honnêteté nous oblige à dire que le verset 55 est en mauvais état, certaines parties manquent. Mais la traduction ne semble pas faire de doute. Le baiser n’a peut-être rien de sexuel, car dans un autre apocryphe gnostique, c’est Jacques que Jésus embrasse sur la bouche (voir ci-après).

James Tabor, professeur à l’université de Caroline du Nord, qui défend l’idée d’une dynastie succédant à Jésus, voit dans le disciple bien aimé Jacques, le frère de Jésus. Et ici aussi, il est logique que Jacques, devenant le chef de famille, prenne soin de sa mère. De plus, dans la seconde Apocalypse de Jacques, on lit : « Et il me baisa la bouche et m’embrassa, en disant : mon bien-aimé ». C’est Jacques, son frère, qui parle de Jésus.

Un autre candidat est Lazare, frère de Marthe que Jésus a ressuscité. Dans un apocryphe (livre non repris dans la nouveau Testament) appelé l’Évangile Secret de Marc, on peut lire ces passages pour le moins curieux :

  • « Et il (Jésus) entra aussitôt à l’endroit où se trouvait le jeune homme (dans le tombeau), étendit la main et le ressuscita en lui saisissant la main. Le jeune homme l’ayant regardé l’aima ».
  • « Et après six jours, Jésus lui donna un ordre et le soir venu, le jeune homme se rend auprès de lui, le corps nu enveloppé d’un drap. Et il resta avec lui cette nuit-là, car Jésus lui enseignait le mystère du royaume de Dieu ». Notons, que dans l’évangile canonique attribué à Marc, un jeune homme s’enfuit nu, délaissant son drap lors de l’arrestation de Jésus (Ma. 14, 51-52).
  • « Et là (à Béthanie), se trouvaient la sœur du jeune homme que Jésus aimait et sa mère et Salomé »

Que penser de ces extraits ?

Ils feraient partie d’une lettre de Clément d’Alexandrie (150-215) à un certain Théodore, dont une copie datée de la fin du XVIIIe ou du début du XIXe siècle aurait été retrouvée au monastère de Mar Saba (près de Jérusalem) par le professeur Morton Smith de l’Université de Columbia en 1958. Personne d’autre n’a vu cette lettre copiée sur les pages de garde d’un ouvrage d’Ignace d’Antioche. Plusieurs universitaires mettent en doute l’authenticité de ce texte et plusieurs soupçonnent même Morton Smith de s’être livré à cette supercherie. D.H. Atkinson concluant : « C’est une belle et gaie (Morton Smith était homosexuel ) plaisanterie pleine d’ironie au détriment de tous les spécialistes imbus d’eux-mêmes, qui non seulement manquent d’humour, mais qui  croient que ce prétendu fragment d’évangile nous vient de la première lettre connue du grand Clément d’Alexandrie »

Nous avons tenu à rapporter cette histoire pour montrer la difficulté d’avoir des certitudes sur les textes qui nous sont parvenus.

L’Église s’est mise dans un bel embarras en refusant à Jésus aussi bien une femme qu’un frère.

La femme de Jésus ?

FRONT

Dans mon livre, j’avais parlé d’un Papyrus présenté par Karen Leigh King, professeure d’histoire ancienne à la faculté théologique d’Harvard. Dans ce document, incomplet, on pouvait lire « Jésus leur dit : ma femme » (ligne 4) et à la ligne 3, on citait Marie. J’avais conclu : « affaire à suivre ».

Et la suite est venue.
Ce papyrus a été réalisé par Walter Fritz, un étudiant en égyptologie à l’université libre de Berlin. Fin de l’enquête.