Toutes les photos sont extraites du film documentaire de Simcha Jacobovici « The lost tomb of Jesus », produit par James Cameron, le réalisateur du film Titanic. NB : ce filmn’est pas de la fiction.
La tombe de Talpiot
En 1980, des ouvriers effectuant des terrassements pour la construction d’un complexe immobilier dans le quartier de Talpiot, au sud du grand Jérusalem, ont mis à jour une tombe.
Légendes (de gauche à droite) : découverte de la tombe lors des terrassements ; les bâtiments en cours de construction ; le complexe à l’heure actuelle.
La découverte
Les archéologues envoyés sur les lieux ont découvert un tombeau inviolé, contenant dix ossuaires, des urnes dans lesquelles les os des défunts étaient conservés. Les défunts étaient allongés sur un lit dans la tombe elle-même pour être préparés suivant le rite juif de l’époque. Lorsqu’il ne restait plus que les os, ceux-ci étaient placés dans un ossuaire.
Légendes (de gauche à droite) : l’intérieur de la tombe ; l’évacuation des ossuaires ; l’entrepôt des ossuaires de l’Israël Antiquities Authority ; les ossuaires de la tombe. Le personnage à droite sur la photo est le réalisateur du film, Simcha Jacobovici.
Jusque là, tout va bien. Les procédures ont été respectées, les urnes sont stockées dans les entrepôts de l’Israël Antiquities Authority , avec toutes les autres pour être analysées.
Légendes (de gauche à droite) : un ossuaire non nettoyé et l’ossuaire marqué Jésus/Josué fils de Joseph
Les ossuaires
Six des dix ossuaires portent des gravures nominatives. Le premier ossuaire est nettoyé de la patine qui le recouvrait et l’inscription qu’on y lit est « Yeshoua bar Yossef » : Jésus (ou Josué), fils de Joseph. Rien de bien extraordinaire de voir ces deux prénoms associés. Dans l’antiquité, ce sont deux prénoms très courants : dans l’ordre des prénoms utilisés : Simon (Shimon), Joseph (Yossef), Judah (Yehoudah), Eléazar, Jean (Yokhanan) et Josué (Yeshoua). Chez les femmes : Marie (Mariam) puis Salomé… les seuls prénoms féminins dans les évangiles. La suite est plus surprenante : on retrouve des ossuaires de deux Marie, d’un Matthieu (Mattathias ou Matya en araméen), d’un Joseph et d’un Judah, fils de Jésus/Josué ! Un ossuaire a disparu. A l’analyse des noms, il apparaît qu’il y a une chance sur 600 pour que le tombeau ne soit pas celui de la famille de Jésus. James Tabor, professeur à l’université de Caroline du Nord à Charlotte, a (fait) calculé que la chance d’avoir une famille de six personnes ayant ces noms est de 1/253.000… Or il y avait 50.000 habitants à Jérusalem à cette époque.
La plupart des inscriptions sont en araméen. Mais à la place de Mariam, on lit « Maria« , la forme latinisée.
L’autre Marie est gravée « Mariamenon Mara« . Dans les Actes de Philippe (94, 2), un apocryphe de la fin du IVe siècle, au plus tôt, Marie-Madeleine est nommé « Mariamne« . Plus étonnant, « Mara » est le féminin de « Mar », le maître, qui deviendra le saint en syriaque. Plusieurs monastères portant le nom d’un saint, se nomment « Mar… ». Jean Damascène (676-749), après avoir travaillé pour les califes omeyyades s’est retiré dans le monastère Mar Saba près de Jérusalem.
Joseph n’est pas écrit « Yossef », comme sur l’urne « Jésus fils de Joseph », mais « Yosé« … qui est le nom donné à un frère de Jésus dans les évangiles.
La découverte devient trop compromettant, Israël ne veut pas s’immiscer dans un problème théologique : les os sont inhumés dans des endroits tenus secrets. Il n’y aura pas de tests ADN. Fin de l’histoire ?
L’ossuaire disparu
Mais qu’est devenu le dixième ossuaire ?
En 2002, un ossuaire apparaît sur le marché des antiquités. Il porte la mention « Yaakov bar Yosef akhui di Yeshua« , soit « Jacques fils de Joseph frère de Jésus ». On ne connaît pas d’autre cas où un nom est associé à celui de son frère.
Jacques fils de Joseph frère de Jésus
Cette trouvaille suscite de très vives polémiques entre les experts. La patine indique que cet ossuaire provient bien de la tombe de Talpiot. Mais l’inscription est-elle un faux ? Les experts ne sont pas d’accord.
Comparaison des patines
En décembre 2004, après avoir exhibé l’ossuaire à travers le monde, Oded Golan, un collectionneur est arrêté par la justice israélienne pour être l’auteur ou le commendataire de plus d’une douzaine de faux sur des objets antiques. Deux d’entre eux ont une valeur historique majeure : l’ossuaire de Jacques et une tablette de pierre gravée qui raconte la rénovation du temple de Salomon par le roi Josias. Ce serait la seule preuve historique de l’existence de ce temple.
Le 14 mars 2012, la justice israélienne rend un verdict de non-lieu dans le procès qui opposait l’État israélien au collectionneur Oded Golan et au vendeur d’antiquités Robert Deutch. L’accusation n’a pas pu apporter de preuves « au-delà du doute raisonnable » que l’ossuaire était un faux. Mais rien ne prouve que les objets sont authentiques.
Oded Golan a néanmoins été condamné pour violation des lois sur les antiquités et possession d’objets volés. L’Israël Antiquities Authority (IAA), qui avait porté plainte, se dit satisfait de l’issue du procès.
Conclusions
Avec cet ossuaire retrouvé, la probabilité que le tombeau ne soit pas celui de la famille de Jésus passe à une chance pour 30000. Et la chance d’avoir une famille de sept personnes ayant ces noms est de 1/42.000.000, d’après James Tabor.
L’IAA a fait sceller la trappe qui permettait d’accéder au tombeau. Fin définitive de l’histoire.
Que nous apprennent les évangiles sur le tombeau de Jésus ?
Jésus est crucifié entre deux bandits (Mt. 27, 38). Jésus mort est enveloppé d’une pièce de lin et déposé dans le tombeau de Joseph d’Arimathée ou d’Arimathie (Mt. 27, 59-60).
Marc nous dit que la crucifixion a lieu au Golgotha, qui signifie le lieu du Crâne. Il confirme l’intervention de Joseph d’Arimathée.
Luc ajoute que la tombe a été taillée dans le roc (23, 53).
Pour Jean, le Golgotha est proche de la ville de Jérusalem (19, 20). Jésus « est entouré de bandelettes avec des aromates, suivant la manière juive d’ensevelir » (19, 40). Les autres évangiles disent que le corps de Jésus n’avait pas été préparé : les femmes se rendent au tombeau le lendemain du shabbat, après avoir acheté des aromates. Jean précise : « A l’endroit où Jésus avait été crucifié, il y avait un jardin et dans ce jardin, un tombeau tout neuf où personne n’avait été déposé » (19, 41).
Notons que tous les évangiles ont une interprétation différente de l’écriteau placé sur la croix. « Celui-ci est Jésus, le roi des Juifs » (Mt. 27, 32). « Le roi des Juifs » (Marc 15, 26). « C’est le roi des Juifs » (Luc 23, 38) « Jésus le nazoréen, le roi des Juifs » (Jean 19, 19).
Aucun évangile ne dit que Jésus a été cloué sur la croix. Mais après la résurrection, Luc dit « Regardez mes pieds et mes mains, c’est bien moi. (24, 39). Jean est plus explicite, il fait dire à Thomas, appelé Didyme : « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je n’enfonce pas mon doigt à la place des clous et si je n’enfonce pas ma main dans son côté, je ne croirais pas [en la résurrection] » (20, 25). Thomas et Didyme veulent dire « jumeau » en araméen et en grec.
Si on peut déduire que Jésus a été cloué, aucun évangile ne nous renseigne sur l’opération de descente de la croix qui devait être une tâche particulièrement délicate. Les légionnaires romains utilisaient des clous de section carrée de 17 cm de long, les légionnaires étant astreints aux travaux de génie civil. (voir l’article sur le crucifixion)
Le Saint-Sépulcre
Au concile de Nicée (325), l’empereur romain Constantin (272-337), à la demande des évêques, décide de financer la construction de lieux de culte pour honorer la mémoire des endroits marquants de la vie de Jésus. Malheureusement, la ville de Jérusalem a subi de nombreux bouleversements en 70 et 135-137 qui l’a rendue méconnaissable. Trois bâtiments vont être construits : l’église de la Nativité à Bethléem, la basilique de l’Ascension sur le Mont des Oliviers et la basilique de la Résurrection à Jérusalem.
Pour l’église de la Nativité, une grotte fut choisie conformément à l’Évangile de Matthieu, alors que celui de Luc raconte que Marie a accouché chez elle à Bethléem où elle résidait avec Joseph. Sur le Mont des Oliviers, le choix s’est porté sur un endroit où la roche présentait ce qui semblait être des traces de pied ! La basilique de la Résurrection, Anastasis en grec, sera construite à la place du temple de Vénus, en mauvais état, au nord du forum de Jérusalem, construit sous l’empereur Hadrien (117-138). Cette basilique deviendra le Saint-Sépulcre. A l’époque, elle ne ressemblait pas à ce qu’elle est devenu à force de réparations et de reconstructions : elle a été détruite par les musulmans en 1009 et fragilisée par des tremblements de terre ou des incendies accidentels.
La basilique initiale probable
Le Saint-Sépulcre aujourd’hui
Topologie des lieux
Le Golgotha
Quand ils entrent dans l’église, les fidèles se précipitent juste en face pour vénérer la Pierre de l’Onction, là où Jésus aurait été « entouré de bandelettes avec des aromates« , d’après l’Évangile de Jean. En fait, cette pierre aurait été ajoutée au XIIe ou XIIIe siècle, alors que les Croisés occupaient les lieux.
Sur la droite, six ou sept marches permettent d’accéder au mont Golgotha. Une petite excroissance, où il est impossible de dresser trois croix côte à côte, comme l’affirment les évangiles. Le mont a une hauteur de 11 mètres dont seuls une partie émerge dans l’église. Il se situe à 35 mètres de la tombe proprement-dite. Il faut noter qu’aucune mémoire juive ne se souvient d’un endroit appelé Golgotha (le crâne en araméen) dans les environs de Jérusalem.
Coupe du Saint-Sépulcre
A gauche de l’entrée, se trouve le tombeau de Jésus. Il est surmonté d’un édicule. Le tombeau, invisible, est 4,5 mètres plus bas que le niveau de l’église.
Pierre de l’onction
La foule autour de l’édicule recouvrant le tombeau lors du miracle du feu sacré
Les cinq dernières stations du chemin de croix, inauguré par les franciscains en 1220, se passent dans l’église-même. Selon la forme moderne instaurée en 1991 par le pape Jean-Paul II : Jésus est cloué sur la croix, Jésus promet son royaume au bon larron, Jésus confie sa mère à Jean, Jésus meurt sur la croix, Jésus est mis au tombeau.
Organisation des lieux
Quand on pénètre dans cette église, on a l’impression d’entrer dans un souk, richement décoré : c’est bruyant, il y a des « échoppes » partout. Ce capharnaüm est le résultat de l’organisation des lieux. Pas moins de six communautés chrétiennes se partagent l’édifice, d’où la profusion de chapelles, d’autels et de lieux de prière. On trouve donc des secteurs catholiques, tenus par des moines franciscains, des secteurs orthodoxes, d’autres occupés par les Églises arménienne, copte, syriaque et éthiopienne. Les heures des prières et des processions sont rigoureusement régentés, pas question de chevauchement. Ce partage est régi par une ancienne loi ottomane concernant les biens religieux, toujours en vigueur. Une règle particulière pose problème : une communauté perd le droit sur un espace si elle n’en fait pas usage. Les communautés essaient donc de s’étendre en catimini au détriment de leurs voisins. Récemment, les franciscains, profitant des fouilles israéliennes en sous-sol, ont occupé le lieu pour en faire une chapelle. Il y a des lieux de culte à tous les étages.
Des altercations entre prêtres sont fréquentes. Des pugilats ont éclaté parce qu’une communauté avait laissé la porte d’une chapelle ouverte lors de la prière d’une autre. La police israélienne doit parfois intervenir pour séparer les prêtres qui se tirent par la bure ou se frappent à coups de cierge, offrant un piètre exemple du « aimez-vous les uns les autres« .
Pour éviter certains risques, les successeurs de Saladin ont décidé de fermer l’église la nuit… et d’en confier les clés à deux familles musulmanes. A quatre heures du matin, se déroule un étrange cérémonial : un prêtre resté à l’intérieur de l’église passe une échelle par une ouverture en haut de la porte, un membre d’une famille musulmane monte sur l’échelle, le dépositaire de la clé la lui passe et la porte s’ouvre. Et l’opération inverse recommence le soir.NB : La serrure est placée trop haut pour y accéder sans échelle.
Le rôle d’Hélène, la mère de Constantin
Le tradition chrétienne raconte qu’Hélène, lors de sa visite à Jérusalem, a découvert les croix sur lesquelles Jésus et les deux brigands avaient été crucifiés, ainsi que les clous, la couronne d’épines, etc. (voir mon article sur les reliques) Par un miracle, différent chez chaque auteur, elle a pu identifier la « Vraie » croix.
Qu’en est-il historiquement ? On se fie ici à l’Histoire de Constantin écrite par Eusèbe de Césarée, après la mort de Constantin en 337. Hélène, morte en 330, a été envoyée par son fils Constantin pour superviser les travaux de construction à Jérusalem, probablement entre 326 et 328. C’est tout !
La légende de l’invention de la croix (du latin inventum, découverte) prend sa source dans l’éloge funèbre de l’empereur Théodose prononcé en 395 par l’évêque Ambroise de Milan. Par la suite, tous les continuateurs de l’ouvrage d’Eusèbe de Césarée, l’Histoire Ecclésiastique, vont reprendre, amplifier et améliorer (par des miracles) les dires d’Ambroise. Il faut noter que les écrits chrétiens sont de plus en plus « précis » au fur et à mesure qu’ils s’éloignent des événements.
Le miracle du feu sacré
Le samedi précédent la Pâque orthodoxe, le patriarche de Jérusalem s’approche de l’édicule du tombeau, se dépouille de ses habits de cérémonie, et comme un magicien, il fait constater qu’il n’a rien dans les mains et rien dans les poches. Il entre alors dans l’édicule, les portes se ferment… et quelques instants plus tard, il réapparaît brandissant une torche enflammée. C’est le miracle du feu sacré. Tous les fidèles présents allument leur torche de proche en proche. Ils sont en extase, se passent la flamme sur leur visage et prient à haute voix. (voir photo plus haut)
Polémique sur l’emplacement du tombeau
Les historiens « neutres » ne croient pas que le Saint-Sépulcre recouvre le tombeau de Jésus et le Golgotha. En 137, après avoir maté la révolte de Bar Kochba, l’empereur Hadrien fait raser la ville de Jérusalem, déjà mal en point après l’incendie de 70, et fait construire une ville romaine. Un axe nord-sud et un axe est-ouest sont tracés. Au nord-ouest de ces axes, le temple de Vénus est édifié. Au sud-ouest, se trouve le cantonnement de la Xe légion Fretensis, dont l’enseigne figure un sanglier (un porc !), tandis que l’est, l’emplacement du temple juif, voit s’ériger le temple de Jupiter capitolin, de Junon et de Minerve. Jérusalem a vécu, Aelia Capitolina a pris sa place. Les Juifs sont chassés de la ville, cette interdiction d’accès s’adresse aussi aux juifs nazaréens, les disciples de Jésus. Donc deux cents ans plus tard, plus personne ne pouvait identifier un lieu.
Il est peu probable que les Romains aient tracé le cardo maximus (N-S) et le decumanus maximus (E-O) hors de l’enceinte de l’ancienne ville. Donc, le temple de Vénus devait être dans Jérusalem-même, l’inverse contredirait les évangiles : on ne mélangeait pas les morts et les vivants, les tombes et les lieux d’exécution étaient à l’extérieur des villes.
Grâce à Flavius Josèphe, on connaît très bien l’emplacement des fortifications extérieures durant la guerre de 70. Malheureusement, le troisième rempart, le plus extérieur n’a été construit qu’en 41… après le événements relatés par les évangiles. Il y a donc doute sur l’emplacement du deuxième rempart. Ce doute profite aux chrétiens qui le dessine à l’est du Saint-Sépulcre, rejetant celui-ci hors des remparts.
L’emplacement du Golgotha ne nous est pas connu par la littérature juive. On ignore où il se trouvait… s’il a existé. il fut appelé le mont du Crâne car on y aurait découvert le crâne d’Adam lors de la crucifixion de Jésus.
Personne n’a jamais vu la tombe de Jésus. En février 2015, la police israélienne expulse les « touristes » et les prêtres et fait fermer le Saint-Sépulcre : l’édicule surplombant le tombeau est jugé dangereux et risque de s’effondrer. Des travaux auraient dû être entrepris depuis le 1947, les plaques de marbre se détachant. L’édicule est sous la responsabilité des orthodoxes mais aucune modification ne peut être entreprise sans le consentement des autres communautés. La fermeture forcée emporta l’unanimité et des travaux de restauration ont été menés à l’automne 2016 : on a consolidé le bas de l’édicule. Les archéologues qui accompagnaient les ouvriers étaient des prêtres et Antonia Moropoulou, l’ingénieure chargée de la supervision des travaux, a bien spécifié que sa mission était de réparer, pas de chercher de l’ADN. On y a découvert une première dalle de marbre datant du XIIe siècle et ensuite le morceau d’une seconde dalle datant du IVe siècle, date de la construction de la basilique. C’est tout. Et une chape (de béton) s’est refermée sur le tombeau.
Le mont du Crâne (Gordon)
En 1883, un major anglais, archéologue amateur, en voyage dans la Palestine ottomane aperçoit au nord de Jérusalem une colline dont la forme lui fait penser à un crâne. Pas de doute, c’est le Golgotha !
Ancienne photo, aujourd’hui, le « nez » est tombé.
La tombe
Cette large colline est clairement à l’extérieur de la ville romaine. Dans les alentours, on trouve de multiples tombeaux creusés dans la roche. Des fouilles complémentaires ont permis d’identifier une citerne souterraine (1890) et un pressoir (1924), pressoir à huile se dit Gethsémani en araméen. Tout comme le Golgotha, le jardin de Gethsémani n’a pas pu être localisé par des données juives. Ces découvertes ont conduit à l’idée que des jardins se trouvaient à proximité, comme le dit l’Évangile de Jean.
Une tombe, la plus proche de la colline, a été baptisée la Tombe du Jardin et identifiée, par ses partisans, comme la tombe où Jésus aurait reposé. Le terrain a été acheté par la Garden Tomb Association. Le fait que cette association britannique soit d’obédience protestante a nourri la critique des milieux catholiques.
Aujourd’hui, 100.000 personnes visitent la Tombe du Jardin contre plus d’un million pour le Saint-Sépulcre.
Conclusions
La foi, cet irrésistible besoin de croire, détruit la part logique de la pensée de l’individu. Alors que les évangiles sont unanimes pour dire que Jésus a été placé dans le tombeau de Joseph d’Arimathie, qui fait office de père de substitution, les fidèles peuvent se recueillir sur le tombeau du dit Joseph dans un coin ouest du Saint-Sépulcre, une petite excroissance de l’église… en remerciement, je suppose ! Joseph serait mort en Bretagne romaine qu’il a évangélisée avec l’apôtre Philippe, y apportant le Saint-Graal. Mais c’est une autre histoire.
Voici un disciple de Jésus dont le nom est devenu synonyme de traître. Il a trahi son maître pour 30 pièces d’argent, somme dérisoire à l’époque.
Mais rien n’est clair autour de ce personnage.
Tout d’abord son nom : Judas Iscariote. Les traditionalistes interprètent ce nom comme Judas l’homme de Qeriyyot, une localité de Judée mentionnée dans le livre de Josué (15, 21-25) : « <liste de villes>, Haçor-Hadatta, Qeriyyot-Hèçron – c’est Haçor – Amam, … » « Isch » en hébreu signifiant « homme ».
On trouve également le nom de cette localité dans la stèle de Mesha, roi de Moab aux temps d’Omri, roi d’Israël. Dans ce cas, il s’agirait non plus d’une ville de Judée mais de Moab, à l’est du Jourdain :
J’emportai de là l’autel de Dodoh et je le traînai devant la face de Kamosh à Qeriyot où je fis demeurer l’homme de Saron et celui de Maharot.
NB : Kamosk est le dieu de Moab
Cependant, la plupart des chercheurs donnent à ce nom une tout autre connotation : Judas le sicaire. Les sicaires sont des activistes anti-Romains. Armés d’un petit poignard (sica en latin), ils profitent de l’anonymat de la foule, lors des marchés ou des pèlerinages, pour assassiner les « collaborateurs » de l’occupant romain. Ce qui ne doit pas nous étonner, ne trouve-t-on pas un Simon le Zélote dans l’entourage de Jésus ? Judas est même qualifié de « zélote » dans l’apocryphe « Épître des Apôtres » daté de la fin du IIe siècle. Dans cette lettre, la liste des apôtres est curieuse : Jean, Pierre, Thomas, André, Jacques, Philippe, Barthélemy, Matthieu, Nathanaël, Judas le zélote et Képhas. Il n’y en a que onze avec un Pierre et un Képhas.
Certains ergotent sur les appellations « sicaire » et « zélote », arguant que Flavius Josèphe n’utilise ces termes que pour décrire les révoltés de la guerre de 67-70. Ce serait donc un anachronisme d’utiliser ces termes pour une période antérieure. Rappelons tout d’abord que les évangiles ont été écrits après la révolte de 70. Ensuite, Flavius Josèphe décrit bien les zélotes comme une quatrième philosophie juive, avec les pharisiens, les esséniens et les saducéens, dont il situe l’origine lors de la révolte de Judas de Gamala en l’an 7 de notre ère, lors du recensement de Quirinus. Mais effectivement, il ne leur donne aucun nom. Ce n’est pas une raison pour nier l’existence de ces groupes avant la révolte de 70.
Mais pourquoi Judas, un Hébreu, dans un texte écrit en grec porte-t-il un surnom dérivé du latin ? Aussi, certains ont cherché une origine araméenne et ont trouvé « isqqarya » qui signifie le traître ou le trompeur.
D’autres chercheurs associent son nom à « Judéen », simplement. En latin Judéen se dit Judaeus et en grec Ioudaios. Ce qui fait penser à Judas. Donc, pour eux, le traître, ou plutôt les traîtres sont les Judéens, les Juifs. De plus, le salaire du traître, 30 deniers ou sicles est la valeur numérique de Yéhudah, «Judas » en hébreu, c’est une somme dérisoire, c’est le prix fixé dans l’Exode pour compenser la mort d’un esclave.
NB : En hébreu, les lettres sont également utilisées comme chiffres. Tout mot peut donc être interprété comme un nombre. C’est la base de la Kabbale.
Il ne faut peut-être pas chercher si loin : Judas est un nom très répandu en Judée. Jésus n’a-t-il pas un frère qui s’appelle Judas et que les traducteurs nomment pudiquement Jude ? Et sur une des urnes de la tombe de Talpiot, ne retrouve-t-on pas Judas fils de Jésus/Josué ? J’en parlerai dans la seconde partie d’un article sur « Le tombeau de Jésus ».
Ce qui est troublant, c’est que Judas et sa trahison ne semble pas connu, dans les premiers temps, même dans les ouvrages chrétiens. Ainsi, Paul ne le connaît pas, il nous dit même que Jésus est apparu aux douze apôtres… alors que Judas s’est pendu lors de la crucifixion de Jésus, c’est ce que nous dit l’Évangile selon Matthieu (27, 5). Par contre, pour les Actes des Apôtres (1, 18), il serait mort dans un champ qu’il aurait acquis avec ses 30 deniers… somme qui était nettement insuffisante pour l’achat d’une parcelle de terrain. Trente deniers, c’est un mois de solde d’un légionnaire romain.
Justin, qui écrit au deuxième siècle ne dit rien sur la trahison de Judas : dans « le martyre de Polycarpe », un ouvrage du milieu du deuxième siècle, Jésus a été livré par un serviteur. Dans l’Évangile de Pierre (IIe siècle également), un des apocryphes trouvés à Nag Hammadi, Judas est toujours cité comme l’un des apôtres.
C’est à partir du IIIe siècle que les pères de l’Église vont se déchaîner contre lui. Il est probable que la trahison de Judas ait été ajoutée après la séparation des chrétiens d’avec les juifs, Judas personnifiant bien « le Juif »
Quel a été le rôle de Judas ?
Simon Claude Mimouni minimise le rôle de Judas : pour lui, les hommes qui viennent arrêter Jésus n’avaient pas besoin d’un familier pour le reconnaître, car il était bien connu de tous.
Ce n’est pas si sûr. Jésus prie, le soir, dans le jardin de Gethsémani (le pressoir), qu’on situe sur le mont des Oliviers, à l’est de Jérusalem. Or, lors de la Pâque, cet endroit sert de lieu de repos à tous les pèlerins qui n’ont pas trouvé refuge dans une auberge. Et ils doivent être nombreux. Flavius Josèphe estime que Jérusalem accueillait un million de pèlerins pour la Pâque. Ce nombre est sans doute exagéré. On parle aujourd’hui de 100 à 400.000 personnes. Ce qui est énorme pour une ville de 50.000 habitants. Donc Jésus est perdu dans la foule et l’aide d’un familier pour le localiser n’est pas superflue. On peut se demander pourquoi Jésus s’est arrêté sur le mont des Oliviers alors que la maison de Marthe et Marie, à qui il a rendu visite lors de son arrivée, se trouve à Béthanie, à quelques lieues de là. Nous verrons que le « Livre du Coq » situe la Cène à Béthanie.
Ceux qui croient en l’historicité des évangiles, donc à la trahison de Judas, se demandent pourquoi Judas a vendu son maître. Aucune réponse officielle n’a été donnée à cette question, sauf que Satan est entré en Judas (Luc 22, 3). Était-ce la jalousie, l’appât du gain (peu probable), l’impatience, a-t-il voulu hâter le destin de Jésus ? Certains y ont vu l’acte d’un zélote qui par l’arrestation de Jésus voulait provoquer le soulèvement du peuple de Jérusalem.
Une autre version fait de Judas l’accusateur de Jésus lors du procès face à Ponce Pilate. La justice romaine n’agissait que si un crime ou un méfait était dénoncé par une tierce personne. Mais dans le cas de Jésus, Judas n’est pas l’accusateur, il ne fait que désigner Jésus en l’embrassant. Ce sont les membres du Sanhédrin qui portent l’accusation de roi des Juifs.
L’Évangile de Judas
L’Évangile de Judas, un apocryphe gnostique retrouvé en 1978 près d’Al Minya en Égypte, nous donne une vision tout autre de l’apôtre. Cet évangile, écrit en copte, relate « Le discours caché de la déclaration que Jésus a faite à Judas l’Iscariote, pendant huit jours, trois jours avant qu’il célèbre la Pâque ». Le seul exemplaire connu de ce document de 20 feuillets, est la propriété de la fondation Bodmer à Genève, il date de la fin du IIe siècle.
Cet évangile ne raconte pas la vie de Jésus. C’est un dialogue entre Jésus et Judas au sujet des étoiles, des archontes et des anges. On y lit, dans la traduction publiée par le National Geographic Society en 2006 :
« Mais toi, tu feras encore plus qu’eux tous, car l’homme qui me porte, tu vas l’offrir en sacrifice« ET « Lève les yeux et regarde le nuage et la lumière qui s’y trouve, ainsi que les étoiles qui l’entourent ! L’étoile qui est l’avant-garde, c’est ton étoile.”
Judas est présenté comme le seul qui ait compris la mission de Jésus, il passe pour le disciple que Jésus aimait… Dans aucun des évangiles canoniques, il ne désigne Jésus en le montant du doigt, mais il l’embrasse d’une étreinte fraternelle d’adieu.
Néanmoins, la première phrase citée est hors contexte, le parchemin étant en mauvais état, il manque les huit lignes précédentes.
Le livre du Coq
Et pour conclure, une question angoissante… pour l’anecdote. Comment Jésus a-t-il su que Judas allait le trahir ?
« Cependant, voici que la main de celui qui me livrera est avec moi sur la table » (Luc 22, 21)
On pourrait croire que Jésus étant (le fils de) Dieu, sait tout. Erreur ! « Quant à ce jour et à cette heure-là [l’instauration du royaume de Dieu], nul ne les connaît, pas même les anges des cieux, pas même le Fils, mais le Père seul. » (Luc 24,36). Alors, comment était-il au courant ? Le livre apocryphe intitulé « Le Coq » nous apporte la réponse, et elle est surprenante. Ce livre est une version longue de la passion de Jésus lors de la Pâque.
Sur le Mont des Oliviers, Jésus ordonne à une pierre de désigner celui qui le trahira. La pierre s’élève et plane au-dessus de Judas en lui adressant des reproches (1, 17-19). Ensuite, Jésus et ses disciples se rendent à Béthanie pour y célébrer le repas de Pâque. La maîtresse de maison leur sert un coq rôti que Jésus s’empresse de ressusciter (4, 6-8) :
C’est moi qui t’ordonne ô coq de suivre Judas en secret. Va à Jérusalem et tâche de savoir ce que Judas fera chez lui, auprès de Juifs et au temple. Après t’être envolé sans crainte, reviens ici. Il te sera donné une langue comme aux humains, et tu feras aux apôtres le récit de tout ce qui s’est passé.
Remarquons que Judas ne participe pas au repas de Pâque, il est à Jérusalem.
Aussi invraisemblable que cela paraisse, ce livre est quasi canonique dans la communauté copte d’Égypte.
Jusqu’au XIe siècle, il y avait dans l’Europe, morcelée par la féodalité, des Églises en communion avec Rome bien plus qu’une Église catholique dirigée par le pape. Les seigneurs nommaient les évêques qui nommaient les curés des paroisses. Des paroisses étaient souvent desservies par des prêtres peu instruits. Le trafic des charges ecclésiastiques était généralisé : on payait pour devenir évêque. Certains évêchés étaient des fiefs d’un seigneur. L’évêque avait donc le devoir des vassaux, entre autres, il devait participer aux guerres, non pas en tant qu’ecclésiastique, mais en armes ! Le pape était nommé par le roi des Romains, l’empereur germanique, descendant de Charlemagne. Les familles nobles de Rome considéraient que ce privilège était leur prérogative. Ils firent assassiner deux papes nommés par l’empereur : Clément II et Damase II.
Le célibat des prêtes n’était pas une règle stricte.
Sur le chemin du renouveau
C’est du monastère de Cluny, fondé en 909, que vint le renouveau. Les abbayes dépendantes de Cluny étaient totalement hors de contrôle de l’autorité des seigneurs.
En 1049, le pape Léon IX est nommé par l’empereur Henri III. Ce pape est partisan de l’indépendance du pouvoir religieux par rapport au pouvoir séculier. Il a l’habilité de faire confirmer son élection par la population romaine.
En 1059, le pape Nicolas II profitant de la minorité du nouvel empereur Henri IV (1050-1106) décrète que seuls les cardinaux peuvent élire le pape. Ce même décret interdit le mariage des prêtres et ordonne aux mariés de répudier leur épouse.
En 1075, le nouveau pape, Grégoire VII réunit le concile de Rome qui condamne l’investiture des évêques par des laïcs. L’empereur germanique, Henri IV, dont dépend l’évêque de Rome, donc le pape, réunit un concile à Worms et destitue le pape qui réagit en excommuniant l’empereur. Les sujets et les vassaux de l’empereur ne sont donc plus tenus par leur serment de fidélité envers lui. Deux thèses s’affrontent :
« L’autorité du pape est supérieure au pouvoir de l’empereur ».
Contre « l’empereur tient son pouvoir de Dieu : l’Église et l’État dépendent de lui ».
C’est l’empereur qui cède ! Il viendra se repentir à Canossa, où réside le pape en janvier 1077. Pieds nus dans la neige, Henri IV vient s’agenouiller devant le pape qui lève son excommunication.
L’empereur, sa femme et son fils attendent pieds nus dans la neige que le pape veuille bien les recevoir.
Conséquences de la réforme grégorienne
Le pape est devenu souverain, chef de l’Église universelle, il dispose des pouvoirs spirituel et temporel. L’Église est une monarchie élective absolue, son chef, le pape, est élu démocratiquement par les cardinaux. Autour du pape, toute une structure étatique se met en place : la curie contrôlant l’Église. Le clergé est indépendant du pouvoir laïc qui ne peut plus intervenir dans les nominations. Le clergé sera mieux instruit. Le célibat et la chasteté sont imposés aux prêtres. Le mariage des laïcs devient un acte religieux.
La chasteté n’a pas toujours été respectée par les papes eux-mêmes. Au début du XVIe siècle, le pape catalan, Rodrigo Borgia, connu sous le nom d’Alexandre VI (1492-1503) eut au moins sept enfants. Son fils, César Borgia, chef de guerre redoutable contribua à agrandir les territoires de son père, l’État pontifical. Sa fille, Lucrèce, lui apporta l’appui des cités italiennes par ses mariages. C’est le dernier des papes scandaleux… à cause de ses enfants. Jules II (1503-1513) avait trois enfants illégitimes, mais ce sont les accusations d’homosexualité qui marquèrent son pontificat. Ce fut un grand mécène, il fit reconstruire la Basilique Saint-Pierre, il confia la décoration des nouveaux appartements à Raphaël. Michel-Ange édifia son tombeau et décora la chapelle Sixtine. Après Jules II, et toujours au XVIe siècle, Léon X (1513–1521) et Jules III (1550–1555) ont fait l’objet des mêmes accusations d’homosexualité.
Inversion de tendance : la papauté contrôle les seigneurs
Mais revenons au XIe siècle. La papauté s’est libérée de l’emprise des laïcs. Elle va maintenant tenter de canaliser la violence que les seigneurs font régner. Sous Urbain II (1088-1099), les rois, lors de la cérémonie du sacre, prêtent le serment de défendre les faibles et d’assurer la justice. Il décrète que la guerre doit être suspendue durant les jours de fête religieuse. Et surtout, ce pape va envoyer les seigneurs faire la guerre en dehors de la chrétienté : il lance les croisades en Syrie et en Espagne contre l’Islam. Pour motiver les troupes, il accorde la rémission des pêchés à tout guerrier qui partira en croisade.
La papauté en un siècle est passée de la totale dépendance au pouvoir des seigneurs à l’autorité suprême sur ceux-ci.
Le talmud, ou plutôt les talmuds car ils sont au nombre de deux, constituent la base de la loi religieuse juive, la halakha, avec la Torah (les cinq premiers livres de la Bible hébraïque).
Que nous apprennent les talmuds sur Jésus ? Les talmuds ne parlent pas de Jésus le Nazaréen, mais d’un certain Yeshou, qu’on a tôt fait d’assimiler à Jésus. Les informations qu’on y puise n’éclairent pas la situation. Le Jésus des talmuds n’est pas historique, mais polémique. Les talmuds datent des IVe et Ve siècles de notre ère alors que le christianisme est devenu religion d’État, ils veulent prouver aux juifs que Jésus n’était pas le messie et qu’ils ont bien fait de ne pas le suivre. Voyons néanmoins comment ils le présentent.
Jésus serait le fils d’une coiffeuse, Myriam (Marie), tellement volage que son mari, Papos ben Yehouda, l’enfermait lorsqu’il quittait son domicile. Le mari finit par s’enfuir à Babylone sur les conseils de rabbi Aqiba, qui vécut la seconde révolte juive. Cette histoire nous projette donc vers 120 de notre ère.
Une seconde version fait de Jésus le fils d’une autre Myriam, fille de bonne famille, violée par un voisin, Yossef (Joseph) ben Pendera. Celse, un écrivain grec du IIIe siècle en a fait un soldat romain : Pantera. Le fiancé de Myriam fuit également à Babylone sur les conseils de son maître, Simon ben Shéta, le frère de la reine Alexandra-Salomé, qui vécut au premier siècle avant notre ère, ce qui nous amène un siècle avant l’histoire chrétienne.
Cette chronologie est confirmée par un autre texte : Jésus aurait été le disciple de rabbi Yeoshoua ben Pera‘hiya. Il serait né la quatrième année du règne d’Alexandre Jannée, soit en 99 avant notre ère. Lors des persécutions des pharisiens, il aurait accompagné son maître en Égypte, jusqu’à ce que Simon ben Shéta, grande figure du pharisianisme, lui annonce la fin des persécutions.
Si on prête foi à cette histoire, qui dans le talmud est accompagnée de médisances (Jésus ne comprend pas son maître), on pourrait croire que Jésus et le Maître de Justice des Esséniens ne font qu’un.
Cette hypothèse est séduisante, car elle explique pas mal de choses.
Mais attention, il n’existe aucun lien entre le Maître de Justice et le Jésus du talmud si ce n’est la période pendant laquelle ils auraient vécu. Certains auteurs ont attribué au Maître de Justice un nom : Yeoshua, qui est le même que celui de Jésus… mais le Maître de Justice n’a pas été identifié dans les manuscrits de la Mer Morte, on ignore donc son nom. Plus mystérieux, Flavius Josèphe ne parle pas du Maître de Justice alors qu’il proclame avoir suivi les enseignements des esséniens. Oubli de sa part ou censure des copistes ?
Pour l’anecdote, on a retrouvé en Allemagne, à Bingerbrück, la tombe d’un centurion romain appelé Julius Abdes Pantera. Il faisait partie de la XVIIe légion, commandée par Varus. Or cette légion, avant d’être envoyée en Germanie, était stationnée en Syrie et a participé à l’écrasement de la révolte de Judas bar Ézéchiel qui avait tenté de prendre le pouvoir à la mort d’Hérode en l’an 4 avant notre ère.
Les talmuds sont au nombre de deux : le Talmud de Jérusalem, en fait rédigé en Galilée, Jérusalem étant interdite aux Juifs depuis 137 de notre ère suite à la révolte de Bar Kachba, et le Talmud de Babylone, plus complet. Le mot hébreu « talmud » signifie « enseignement ». Les talmuds recueillent les enseignements oraux du judaïsme, des commentaires et des notes historiques. C’est une somme colossale d’informations religieuses, juridiques et historiques.
Ils ont été compilés entre le IVe et le Ve siècle de notre ère.
Le talmud comporte 2 parties : la Mishna et la Guemara.
La Mishna, dont le nom vient du verbe hébreu signifiant « répéter », est l’enseignement oral des premiers rabbins, après la destruction du temple. Ils prétendaient détenir cet enseignement de Moïse lui-même. Nous retrouverons la même dichotomie dans l’islam, où à côté de la révélation écrite, le Coran, s’est constitué un enseignement oral, les hadiths, les paroles de Mahomet.
Les « enseignements oraux de Moïse » ont été compilés et mis par écrit vers l’an 200 de notre ère. Ils s’accompagnent de commentaires sur l’application de la Torah. La Mishna semble ignorer que le temple a été détruit et qu’Israël n’est plus indépendant. Ce recueil, écrit en hébreu, composé de 6 traités juridiques et canoniques, se propose de résumer les principaux préceptes et pratiques du judaïsme rabbinique tels qu’ils avaient été transmis depuis l’époque où le temple existait encore.
La Mishna se compose de 6 traités :
Les « semences » traitent de l’agriculture et des bénédictions.
Les « fêtes » traitent du calendrier.
Les « femmes » reprennent les lois du mariage et du divorce.
Les « dommages » comprennent les lois relatives aux droits civil et pénal.
Les « objets sacrés » traitent des lois relatives à l’abattage rituel, aux sacrifices et au Temple… qui a déjà été détruit par les Romains.
Les « puretés » reprennent les lois relatives à la pureté et à l’impureté rituelle.
La Guemara compile des commentaires sur la Mishna.
Si la Mishna a été écrite en hébreu, la Guemara est rédigée en partie en araméen. Ces commentaires ergotent parfois sur des détails sans intérêts et, en cela, ils préfigurent les hadiths de l’islam. Ainsi, à la grande question : peut-on tuer un pou le jour de Shabbat, les réponses varient du oui au non en passant par non mais on peut lui couper les pattes.
La Mishna, c’est l’enseignement et la Guemara, c’est l’explication.
Voici un exemple de ce que l’on trouve dans le talmud.
À partir de quand peut-on lire le chema Israël le soir? (NB : c’est une prière issue du Deutéronome 6, 4 qui commence par « écoute (chema) Israël, l’Éternel est notre Dieu, l’Éternel est un ».
Réponses :
À partir du moment où les cohanim (les prêtres) rentrent manger leur prélèvement (parties des sacrifices ayant eu lieu au temple et réservées aux prêtres).
Jusqu’à la fin de la première garde. Ce sont les paroles de Rabbi Eli’ézer.
Les Sages disent: jusqu’à la mi-nuit.
Rabban Gamliel dit : jusqu’à ce que monte la lueur de l’aube.
On remarquera dans cet exemple, qu’une réponse se réfère aux prélèvements faits sur les animaux sacrifiés dans le temple alors que celui-ci n’existait plus lors de la rédaction de la Mishnah.
Le talmud dans l’espace chrétien
Les talmuds ont été rédigés pour prémunir les juifs de l’influence chrétienne, pour fixer la loi juive. Les juifs n’ont plus de patrie, ils vivent comme minorité entourée de chrétiens ou de musulmans. Dès de XIIIe siècle, le talmud fait l’objet de controverses en France. Il ferait l’apologie du meurtre des non-juifs et de la pédophilie. Ce qui est totalement faux. En 1242, les manuscrits sont brûlés en Place de Grève à Paris.
Les autodafés vont se répéter en Espagne et en Italie. Le pape s’en mêle, le censure en 1554 puis le met à l’index. La XIIe bénédiction attaquerait les chrétiens :
Qu’il n’y ait pas d’espoir pour les apostats, et que se déracine le royaume de l’arrogance (Rome) au plus tôt et dans nos jours. Que les nazaréens (notsrim) et les hérétiques (minim) périssent en un instant. Efface-les du livre de vie et qu’ils ne soient pas inscrits avec les justes. Loué sois-tu seigneur qui soumet les arrogants.
Notons que les nazaréens, pour les chrétiens, sont des judéo-chrétiens, donc des hérétiques.
La première version du talmud expurgé paraît à Bâle en 1578. Le texte original sera imprimé à Cracovie en 1602. L’étude du talmud va surtout se développer dans l’est de l’Europe. C’est de cette région que proviennent la plupart des juifs orthodoxes.
Au XIXe siècle, en France et en Autriche, des soi-disant traductions du talmud vont circuler. Elles vont servir d’argument aux attaques antisémites. Citons : le juif talmudique et le talmud démasqué. Ces pamphlets sont comparables aux Protocoles de Sion, un faux des services secrets russes du début du XXe siècle.
Le talmud aujourd’hui
Les écoles talmudiques sont consacrées à l’étude du talmud. En Israël, certains juifs orthodoxes passent toute leur vie à étudier le texte, c’est leur but ultime. Ils sont rémunérés par des dons qui peuvent s’élever à 500 dollars. Cette somme ne permet pas d’entretenir leur famille très nombreuse, parfois dix enfants. C’est leur femme qui travaille pour nourrir la maisonnée. Les orthodoxes et ultra-orthodoxes représentent plus de 20% de la population des juifs de plus de 20 ans en Israël, et leur nombre va en croissant. Les juifs représentent 75% de la population de l’État hébreu.