Quand le Sacré-Cœur de Paris fai(sai)t polémique.

La basilique du Sacré-Cœur, sur la Butte Montmartre, est un des trois édifices les plus connus de Paris avec la cathédrale Notre-Dame et la Tour Eiffel. Mais la procédure de classement de la basilique au titre des moments historiques en 2021 a ravivé d’anciennes blessures, vieilles de 150 ans ! La basilique est une pomme de discorde entre les républicains anti-cléricaux et cléricaux. Mais commençons par le début.

Le Sacré-Cœur domine Paris
La guerre franco-prussienne de 1970

Nous sommes en 1848. Louis-Napoléon Bonaparte, neveu de Napoléon, fils de son frère Louis, est élu président de la IIe république française.
Le 2 décembre 1852, il se proclame empereur sous le nom de Napoléon III.
Sa popularité décroit avec le temps. A Paris, les travaux d’embellissement du préfet Hausmann ont chassé les pauvres du centre de la ville. Ils ont migré vers la périphérie près des fortifications qui entourent la ville. Ils s’entassent dans des logements insalubres à Belleville, La Chapelle, Montmartre, etc.
Les idées socialistes se répandent chez les travailleurs. En 1869, des grèves en province sont réprimées dans le sang. En janvier 1870, les obsèques du journaliste Victor Noir tué par un parent de l’empereur dégénèrent en manifestation contre Napoléon III.

Pour détourner la colère du peuple, il désigne un ennemi extérieur : la Prusse, qui monte en puissance. C’est une menace qu’il faut éradiquer, d’après l’empereur. Le 19 juillet 1870, sous un prétexte futile, il déclare la guerre à la Prusse : « tous à Berlin ! ».
Mais rien ne se passe comme prévu. Les troupes françaises ne sont pas encore en ordre de marche que les Prussiens, soutenus par toutes les principautés germaniques, entrent en France et volent de victoires en victoires. Le 2 septembre, Napoléon III, qui défend la ville de Sedan, sur la Meuse, se rend avec 80.000 hommes.

Atterré, le gouvernement envisage de capituler. Mais le 4 septembre, la république est proclamée, la guerre continue. Le 19, les Prussiens, que rien n’arrête, mettent le siège devant Paris qui est bombardée.

Alors que l’armée est en déroute, les Parisiens créent une milice civile, la garde nationale, pour défendre leur ville. 180.000 hommes s’enrôlent pour 1,5 franc par jour. Les officiers sont élus par leur troupe. Des armes, dont 227 canons, sont achetés par souscription de la population. Les canons sont placés sur les collines de la ville comme la butte de Montmartre.

Avec le blocus prussien, la vie devient difficile dans Paris. Le peuple a faim : un chat se vend 10 francs. Mais les restaurants du centre-ville restent ouverts et les plus fortunés peuvent y déguster un ragoût de girafe ou un steak d’éléphant… les animaux de Jardin des Plantes sont au menu.

Le quart nord-est de la France est occupée par les troupes prussiennes.
Le 18 janvier 1871, le roi de Prusse est nommé empereur de l’Allemagne unifiée. (Le roi Louis II de Bavière, que l’on dit fou, s’est fait représenter.) Le couronnement se passe dans la galerie des glaces du château de Versailles débarrassé des lits et des blessés… la galerie servait d’hôpital durant les hostilités.

La Commune de Paris

Pour hâter la fin de la guerre, les Allemands exigent des élections d’un gouvernement français qui serait leur interlocuteur officiel. Le 8 février, les Français élisent donc un gouvernent de la République où les conservateurs et les monarchistes sont majoritaires. Il s’installe à Bordeaux et demande la paix : la France cédera l’Alsace et une partie de la Lorraine (le département de la Moselle) et paiera 5 milliards de francs or de dédommagement.
Le traité de paix est ratifié le 1er mars… Les Allemands défilent symboliquement sur les Champs Elysées puis se retirent au-delà des fortifications. L’évacuation totale des Allemands est conditionnée par le paiement de l’indemnité de guerre, ce qui ne se fera qu’en septembre.

Le gouvernement revient à Paris et donne l’ordre de saisir les canons de la garde nationale. Sur la butte Montmartre, la foule amassée s’oppose à la troupe. Ordre est donné de tirer. Mais les soldats refusent. Cet acte, met le feu aux poudres : Paris se révolte le 18 mars 1871. Le gouvernement fuit à Versailles. Les Allemands libèrent 50.000 prisonniers et les met à disposition du gouvernement pour mater l’insurrection.

A Paris, le Comité central de la Garde républicaine(ex-nationale) appelle aux urnes. Des placard précisent : « Voter pour des ouvriers et des artisans, comme vous. Méfiez-vous des riches qui ne pensent qu’à s’enrichir« . Le 28 mars, après les élections, la Commune est proclamée, c’est une république démocratique et sociale. D’autres villes de France suivent le mouvement, mais sont vite réprimées.

Le Comité central travaille d’arrache pied, parfois plusieurs jours et nuits consécutifs. Des mesures très sociales sont mises en application : moratoire sur les loyers et les baux de commerce, journée de 10 heures, enseignement laïc gratuit, etc.

Après des batailles en périphérie, le gouvernement de Versailles lance une grande offensive contre la Commune en mai. La semaine du 2 au 28 mai 1871 a été nommée la « semaine sanglante ». Les troupes gouvernementales progressent inexorablement d’ouest en est. Tout homme pris les armes à la main est abattu. De leur côté, les communards incendient le Palais des Tuileries qui a servi de résidence aux empereurs et aux rois du XIXe siècle. L’Hôtel de Ville subit le même sort. Des otages sont fusillés, dont l’archevêque de Paris. Le canon cause des dégâts importants aux immeubles.

Le 28 mai, la Commune est vaincue. 38.000 personnes sont prisonnières, 20.000 ou plus ont perdu la vie.

Paris en ruines se défend contre le gouvernement
Le Sacré-Cœur

Cette partie est inspirée de l’article de Florence Bourillon (Université de Créteil) paru dans L’Histoire de février 2021.

Alors que le peuple de Paris pleure ses morts et que les prisonniers sont expulsés vers les colonies, principalement vers les îles (Nouvelle Calédonie), l’idée d’un édifice religieux pour purifier Paris et œuvrer au salut de la France fait son chemin. Déjà, la défaite de Sedan avait été interprétée par les religieux comme une punition divine consécutive au relâchement moral du Second Empire. Que penser, maintenant que la Commune a fusillé l’archevêque de Paris : il faut faire amende honorable pour les péchés des Français.

Une souscription populaire est donc lancée. En octobre 1872, la butte de Montmartre, vidée de ses canons, est choisie. Mais la France vit, depuis Napoléon, sous le régime du Concordat, signé avec le pape. Les églises sont propriétés de l’État qui en échange rémunère les ministres du culte. L’Église n’a donc pas le pouvoir de construire une nouvelle basilique. Une loi d’exception est cependant votée par le gouvernement qui se veut « d’ordre moral« . L’édifice est déclaré d’intérêt public et les expropriations sont acceptées. Le nouvel archevêque de Paris agit donc en personne morale au nom de l’État.

La construction débute en juin 1875. Pour le peuple, c’est un camouflet qui rappelle la répression sanglante de mai 1871. Plusieurs politiciens, dont Georges Clemenceau, laisseront éclater leur indignation.

En 1905, la France a bien changé, la séparation de l’Église et de l’État pousse certains à demander l’arrêt de la construction de cette « citadelle de la superstition« , cet « asile du fanatisme religieux« . Le chantier est mis en séquestre, puis attribué à la ville de Paris : l’État ne peut s’opposer à la construction d’un édifice financé par souscription populaire alors qu’il l’avait acceptée quelques années auparavant.
La construction se terminera en 1919… pour l’extérieur, en 1927 pour les ornements intérieurs.

La riposte
Statue du chevalier de La Barre devant le Sacré Cœur en construction.

En 1906, une statue est érigée face au Sacré Cœur. C’est un hommage au chevalier de La Barre supplicié pour blasphème en 1766. Elle sera déplacée en 1926 et détruite par les Allemands en 1941.

En 1971, pour commémorer la Commune de Paris, l’artiste Ernest Pignon, place des sérigraphies de cadavres couchés sur les marches de la butte Montmartre représentant les communards abattus.

Les gisants d’Ernest Pignon

La Bible, mille ans de compromis

Cet article est inspiré par l’article de Jean-François Mondot paru dans « Les Cahiers de Science et Vie » consacré à la Bible.

Une longue tradition orale

Les récits de la Bible sont ancrés dans une longue tradition orale. Les clans qui composaient la société hébraïque se sont donnés des ancêtres prestigieux, associés à des légendes. Abraham est un personnage que le récit promène dans le sud de Canaan, à Hébron, tandis que Jacob, aussi appelé Israël, se situe dans le nord. Ces histoires qui devaient être contées lors des veillées sont souvent empruntées aux civilisations environnantes, comme le Déluge et la création du monde, mythes venant de Mésopotamie, le pays entre (mésos) deux fleuves (potamos) : le Tigre et l’Euphrate.

Cette oralité est si bien ancrée, que les rédacteurs successifs de la Bible ont dû composer avec des récits scabreux, comme celui d’Abraham qui fait passer sa femme pour sa sœur et l’offre au pharaon. Les exemples sont nombreux. On peut citer Noé enivré qui se fait violer par son fils Cham, Lot qui a pourtant trouvé grâce aux yeux de Dieu est violé par ses deux filles. Ou encore, Jacob (Israël) achète le droit d’aînesse de son frère pour un plat de lentilles et se fait bénir par Isaac, son père aveugle, en se couvrant le corps de poils de bête pour lui faire croire qu’il bénit son aîné, Esaü, très poilu d’après la Bible.

Jusqu’en 722 avant notre ère, les Hébreux formaient deux royaumes, Israël au nord, riche, bien intégré dans les réseaux commerciaux de l’époque et Juda, au sud, dans une région aride, comptant une vingtaine de hameaux autour d’un « village typique de montagne » : Jérusalem (selon Israël Finkelstein).

Note : Israël Finkelstein est directeur de l’Institut d’Archéologie de l’Université de Tel Aviv. C’est un grand spécialiste des données archéologiques sur les premiers Israélites. Ses travaux se basent uniquement sur les fouilles archéologiques, même si elles contredisent les récits bibliques.

En 722, Israël est envahi par les Assyriens et annexé à leur empire. Seul le royaume de Juda subsiste. Il va accueillir les réfugiés du nord. Jérusalem va s’étendre de 6 ha à 60 ha. De 2000 habitants, sa population va passer à 15000. c’est dans ce contexte que des liens vont se tisser entre les récits identitaires du nord et du sud. Abraham va devenir le grand-père de Jacob (Israël). Des récits totalement distincts vont se fondre en une histoire commune.

Les premiers écrits

Si la société hébraïque a une longue tradition d’histoires orales, elle va mettre longtemps avant de s’approprier l’écriture, qui existe pourtant depuis 3500 ans avant notre ère en Mésopotamie, région proche du foyer des Hébreux. L’écriture, basée sur l’alphabet phénicien de 22 lettres, se développe tout d’abord pour les transactions commerciales au VIIIe avant notre ère. Mais, il faudra attendre le règne du roi Josias (640-606 avant notre ère) pour voir apparaître la première mise par écrit des traditions.

La Bible, elle-même, met en scène l’apparition de ce document : il aurait été trouvé lors de la rénovation du temple. Il est lu en public. On ignore le contenu de ce texte, mais les chercheurs estiment qu’il devait contenir des éléments législatifs. Il s’agirait peut-être des chapitres 12 à 26 du Deutéronome, actuellement le cinquième livre de la Torah. Il faut garder à l’esprit que les 24 livres qui composent la Bible hébraïque aujourd’hui ont été rédigés individuellement et n’étaient pas destinés à former un ensemble.

L’exil : la rupture

Le royaume de Juda ne va pas survivre très longtemps au règne de Josias. Ses fils ne vont pas pouvoir faire face à l’invasion des Chaldéens venus de Babylone. En -597, Juda devient une province de l’empire babylonien, le roi est emmené captif à Babylone. Suite à une révolte, dix ans plus tard, Jérusalem est détruite, son temple pillé et incendié. Pour une partie de la population, l’élite et des artisans, c’est l’exil : leur avenir se poursuivra à Babylone.

C’est un coup très dur pour ce peuple très croyant : leur dieu les a-t-il abandonné ? Face au mauvais sort, les exilés vont s’organiser et se composer une histoire… glorieuse au service de YHWH. Dans cette histoire, YHWH ne les a jamais déçu, il a toujours protégé son peuple. Il suffit de le vénérer pour que tout rendre dans l’ordre.

La fin de l’exil

Et de fait, après 50 ans d’exil, l’empire babylonien s’effondre. Les Perses de Cyrus prennent le contrôle de la région et en -539, les Hébreux peuvent rentrer chez eux et reconstruire leur temple. Cinquante années se sont passées, peu d’exilés sont revenus, ce sont leurs enfants qui auront l’honneur de reconstruire Jérusalem qu’ils n’ont jamais connue.

Les nouveaux venus ont été installés par les Perses dans la nouvelle province de Judée. Un territoire exigu de 50 km de côté autour de Jérusalem. Ils vont falloir composer avec les Judéens habitant d’autres régions, comme les Samaritains, descendants des Israélites qui honorent YHWH sur le mont Garizim, près de la ville de Samarie, l’ancienne capitale du royaume d’Israël. Ainsi, la Torah, les cinq premiers livres de la Bible, ne cite jamais la ville de Jérusalem comme ville unique du culte de YHWH… mais bien le mont Ebal qui fait face au mont Garizim.

Ceux qui sont restés à Babylone, où ils faisaient du commerce lors de l’exil, ne sont pas oubliés. Abraham, figure locale typique de Canaan, est maintenant natif de Ur en Mésopotamie. Il viendra à Canaan sur l’ordre de Dieu. Il légitimise les exilés restés à Babylone.

Beaucoup d’Hébreux ont fui en Égypte lors de la prise de Jérusalem et y ont fait souche, surtout à Alexandrie. Pour eux, on ajoute la saga de Joseph, fils de Jacob (Israël) qui est devenu premier ministre du pharaon. L’Égypte est vue non plus comme une terre d’esclavage comme dans l’histoire de Moïse, mais comme une terre d’accueil.

Les Hébreux n’ont plus de roi. Ce sont les prêtres qui dirigent la communauté. Ils vont se réserver une place de choix dans les écrits qui s’élaborent. Ainsi, Moïse, le législateur, va se voir accompagné d’un frère, Aaron, ancêtre de tous les prêtres. Il est la parole de son frère, bègue. Au fil du récit de l’Exode, d’Égypte vers Canaan, le bâton de Moïse, avec lequel il a infligé les 10 plaies aux Égyptiens, symbole de son pouvoir, va devenir un attribut de son frère.

Les textes vont être composés sous la domination perse, de -539 à -333. La Torah aurait trouvé sa forme actuelle à cette période. Mais tous les chercheurs ne sont pas d’accord. Certains soulignent que la période grecque, après 333, époque de grande prospérité économique, démographique et intellectuelle serait la plus propice à la rédaction. Les manuscrits de la mer Morte (Qumran) ont été rédigés du IIIe siècle avant notre ère jusqu’au Ier siècle après.

La finalisation

Si les textes acquièrent une forme quasi définitive, les livres restent indépendants, la Bible n’existe pas encore. Aux premiers siècles de notre ère, les chrétiens parlent de la Loi et des Prophètes lorsqu’ils citent les livres sacrés. Ce n’est probablement qu’au IIIe siècle de notre ère que les livres seront rassemblés dans ce que les juifs appellent la Tanakh : TNK. T de Torah, l’Enseignement qu’une mauvaise traduction grecque a transformé en Loi. N pour Nevriim, les Prophètes et K pour Ketouvim, les autres écrits. Après 10 siècles, mille ans de compromis, la Bible est enfin achevée.

Les livres de la Bible n’ont jamais eu pour vocation d’être des récits historiques. Ils expliquent le monde, ils « donnent une identité culturelle et religieuse à un peuple qui a tout perdu » comme le dit Thomas Römer. Il ne faut donc pas s’étonner si on trouve dans la Bible deux récits, différents, de la création du monde, deux récits du Déluge, deux récits de l’alliance entre YHWH et son peuple. Ces récits viennent de sources différentes qu’il fallait concilier.

Note : Thomas Römer occupe la chaire des « Milieux blibliques » au Collège de France. C’est un des exégètes de la Bible les plus reconnus.

Le mystère de la sourate 97

1. Nous l’avons certes fait descendre pendant la nuit d’Al-Qadr.
2. Et qui te dira ce qu’est la nuit d’al-Qadr ?
3. La nuit d’al-Qadr est meilleure que mille mois.
4. Durant celle-ci descendent les anges ainsi que l’Esprit par permission de leur Seigneur pour tout ordre.
5. Elle est paix et salut jusqu’à l’apparition de l’aube.

Voici la sourate telle que traduite dans le très officiel « Saint Coran » de Médine. Mais quel est le sens de ce texte ?
On aurait aimé que Dieu soit plus clair, plus précis dans ses propos. Qu’il utilise une langue aboutie, telle que le grec, la langue des philosophes, ou du moins une « langue arabe très claire », comme le précise la sourate 26, verset 195.
Mais nous resterons dans le flou, puisque l’islam est la dernière révélation, Mahomet étant le sceau des prophètes, d’après l’islam. Et il faut bien avouer que depuis le début du VIIe siècle, plus aucun « prophète » n’a connu le succès… tous les fidèles potentiels étant déjà accaparés, plus ou moins volontairement, par le christianisme ou l’islam, Dieu n’a plus jugé bon d’intervenir.

Signification du texte

Le Coran de Médine, dans une note de bas de page, nous indique que « la nuit d’al-Qadr (laylat-ul-Qadr) » est le nuit glorieuse où le Coran fut révélé pour la première fois et que l’Esprit n’est autre que l’ange Gabriel. La première phrase doit donc être comprise comme « Nous avons fait descendre le Coran pendant la nuit d’al-Qadr ». On objecte à ce point de vue que le Coran n’a pas été révélé en une fois, mais sur une période de 20 ans ! Les oulémas répliquent qu’il a fallu vingt ans à Mahomet pour apprendre le Coran par cœur sous la dictée de Gabriel, mais que le Coran est bien descendu en une fois à mi-chemin entre la terre et les cieux… ou bien, que le verset ne parle que de la première révélation.

Les chiites interprètent la sourate de façon différente. Pour les eux, cette nuit est celle où « le Maître de l’Ordre », l’Imam, descendant d’Ali, recevait par inspiration les informations concernant l’année à venir. Il n’y a plus d’Imam actuellement, la chaîne dynastique s’est interrompue avec septième ou le douzième imam selon les obédiences. Il reviendra à la fin des temps.

Point de vue des chercheurs non musulmans

Les exégètes occidentaux ne sont pas spécialement convaincus par ces explications. Cette courte sourate (5 versets) les intriguent. Dans le volume 2b de l’ouvrage collectif « Le Coran des Historiens », qu’il co-dirige avec Mohammad Ali Amir-Moezzi, l’islamologue français Guillaume DYE consacre 14 pages de commentaires à la sourate 97, contre 6 aux 8 versets de la sourate suivante.
Pourquoi ?
L’expression « al-Qadr » pourrait signifier « la nuit du destin« , qui est en fait le titre de la sourate. Mais de quel destin s’agit-il et pourquoi cette nuit est-elle meilleure que mille mois ? Cette nuit semble de répéter : « Durant celle-ci descendent les anges… ». Le verbe n’indique par une action passée et unique, mais comme les chiites l’ont bien compris, une nui qui se répète.
La sourate 97 est la seule sourate qui parle de PAIX.
D’où l’idée que cette nuit est la nuit de Noël et que le texte a été interpolé pour effacer cette référence au christianisme, Jésus a été remplacé par le Coran. Pour arriver à cette conclusion, il faut « jouer » avec les mots, ce que permet la langue arabe du Coran qui emprunte beaucoup de mots au syriaque (une version de l’araméen toujours utilisée dans la liturgie des Églises chrétiennes de Syrie) et à l’hébreu, mots qui sont passés dans l’arabe moderne avec un sens parfois différent.

Je ne vais pas me lancer dans une longue démonstration. Soulignons simplement quelques arguments.
Christoph Luxenburg, fait remarquer que le destin est lié à la naissance. C’est ce que croit les personnes qui se réfèrent à l’horoscope : ils associent naissance-étoile-destin. De là à comprendre qu’il s’agit de la nuit de la Nativité de Jésus, il n’y a qu’un pas. Luxenburg souligne également que le mot arabe traduit par « mois » désigne la « veillée » en syriaque. Il en déduit que « mille mois » pourrait être traduit par « mille veillées« , « mille vigiles« , la vigile étant une prière nocturne pour les chrétiens, un office se déroulant entre minuit et l’aube.

Guillaume DYE, pour sa part, met cette sourate en relation avec l’Hymne XXI de la Nativité d’Éphrem  le Syrien (306-373) :

Ne comptons pas notre vigile comme une vigile ordinaire.
C’est une fête dont le salaire dépasse cent pour un…
Les anges et les archanges, ce jour-là, sont descendus entonner sur terre un nouveau Gloria (prière chrétienne)…
Gloire à Dieu dans les cieux et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté.

Est-on face à une appropriation d’une fête chrétienne ou s’agit-il d’un texte original ? Chacun doit se faire sa propre opinion.

Le dialogue inter-religieux

Mais si c’est une appropriation, voici un beau sujet de convergence pour le dialogue inter-religieux.
Ce dialogue avait mal démarré : Benoît XVI, qui venait d’être élu pape, a fait un discours à l’université de Ratisbonne, le 12 septembre 2006, qui a choqué les musulmans. Oubliant sa fonction, il a cité un texte du XIVe siècle dans lequel l’empereur byzantin Manuel II, apostrophe un persan en ces termes : « Montre-moi donc ce que Mahomet a apporté de nouveau, et tu y trouveras seulement des choses mauvaises et inhumaines, comme son mandat de diffuser par l’épée la foi qu’il prêchait ».
Le résultat ne s’est pas fait attendre, son discours, pourtant confidentiel, a été relayé, comme d’habitude, dans les pays musulmans et a déchaîné la violence… que voulait stigmatiser le pape. En Irak, en Somalie, en Palestine, des églises ont été attaquées, incendiées et des chrétiens ont été tués.

A l’instigation de la Curie romaine, le pape a dû faire profil bas. Il s’est excusé, prétendant que ce discours ne reflétait pas sa pensée personnelle. A Istanbul, il a prié dans la mosquée bleue aux côtés de l’imam et à Jérusalem, il a visité le Dôme du Rocher avec le Grand mufti. Il a appelé les musulmans et les chrétiens à « marcher sur les chemins d’une compréhension réciproque« .

Note : La curie est l’ensemble des conseillers du pape. Ce terme a été emprunté à l’Empire romain dans lequel la Curie était le siège du Sénat de Rome. D’autres emprunts ont été faits comme « diocèse » (division administrative de l’Empire), « basilique » (édifice public couvert), « vicaire » (responsable d’un diocèse), etc.

Du côté musulman, le prince jordanien Ghazi ibn Muhammad, qui dirige l’Académie Ahl al-Bayt, est engagé depuis de longues années dans le rapprochement entre chrétiens et musulmans : « Conformément au Coran, nous, en tant que musulmans, invitions les chrétiens à s’accorder avec nous sur ce qui nous est commun, et qui constitue également l’essentiel de notre foi et de notre pratique : les deux commandements de l’amour. » Personnellement, je n’ai lu nulle part dans le Coran que le musulman doit aimer son prochain, ni qu’il doit répandre l’amour sur terre. Le message récurrent semble être : « Le musulman doit craindre Dieu et aider les autres musulmans« .

Laissons donc à quelques optimistes ces rencontres enrichissantes… qui n’ont encore donné aucun résultat. Force est de reconnaître qu’un dialogue constructif n’est pas pour demain : « un dialogue » n’est pas synonyme de « deux monologues« .

Ainsi, du côté chrétien, Samir Khalil Samir, prêtre jésuite égyptien, préconise-t-il que « leur devoir apostolique oblige les chrétiens à aider les musulmans à décanter leur foi, pour découvrir ce qu’elle offre de pierres d’attente (sic) et finalement pour s’ouvrir à l’Évangile qu’ils croient connaître à travers le Coran, alors qu’ils l’ignorent. En suscitant le désir d’une spiritualité plus exigeante, on permet la rencontre avec le Christ des Évangiles et pas seulement celui du Coran ». Si on lit entre les lignes, le dialogue consiste donc à faire reconnaître aux musulmans que Jésus est le fils de Dieu, dieu lui-même ! La position de l’Église n’a pas changé depuis Pierre de Montboisier, dit le Vénérable, qui en 1156 publia « Contre la secte des Sarrasins » après avoir fait traduire la Coran en latin. »Pourquoi« , dit-il, « s’ils adhèrent à une partie des Écritures, n’ont-ils pas adhéré à tout ? De deux choses l’une, soit le texte (les Écritures) est mauvais et ils doivent le rejeter, soit il est vrai et il convient de l’enseigner »

Du côté musulman, la réponse est simple, Dieu ne dit-il pas dans le Coran (9, 30) : « Les juifs disent : « Uzaïr est le fils de Dieu ». Les chrétiens disent : « le Messie est le fils de Dieu ». Telles sont les paroles de leurs bouches. Ils répètent ce que les impies disaient avant eux. Que Dieu les écrase ! Ils marchent à reculons ».
La seule issue est donc  la conversion à l’islam. L’islam est la religion « originelle » de l’Homme, tous ont le même dieu, mais la dernière révélation est celle de Mahomet. Elle corrige toutes les interprétations erronées précédentes. Les juifs et les chrétiens n’ont pas compris le message de leurs prophètes, ils l’ont falsifié. D’ailleurs, « comment concevoir un dieu qui engendre, se nourrisse, boive, monte l’âne, dorme, urine et défèque ? » comme le rappelle en 1997 l’imam de la mosquée de Médine en présence de l’ancien président iranien Rafsandjani.

N’oublions pas que l’article 2 de la constitution irakienne (2005), tout en affichant la tolérance envers toutes les religions,  prévoit que : « L’islam est la religion officielle de l’État et une source fondamentale de la législation.  Aucune loi ne peut être promulguée si elle est contraire aux principes établis de l’islam».
En mars 2021, le pape François s’est rendu en Irak et a demandé que les chrétiens d’Irak soient reconnus comme citoyens à part entière. Ce sont actuellement des citoyens de seconde zone, comme les coptes d’Egypte et… les musulmans de l’Algérie au temps de la colonisation française. Ils sont inéligibles au niveau national.
Le rapport de force s’est inversé. L’islam triomphant pavoise partout. En Europe occidentale, on trouve des musulmans à tous les niveaux du pouvoir politique. Et la suprématie de l’islam n’est pas prête à régresser : les musulmans et les musulmanes doivent donner naissance à des enfants musulmans qui s’ils abjurent leur religion risquent la peine de mort. Si cette peine est rarement appliquée, elle reste une menace qu’on ne néglige pas. Des scientifiques prévoient une forte diminution de la population mondiale vers 2050 (Science & Vie de mars 2021). La terre perdrait un milliard de personnes entre 2064 et 2100. C’est une première depuis le début de l’humanité… si on excepte les épidémies et les guerres. Mais la baisse de la natalité affectera nettement moins les pays musulmans.

Conclusion

Dans le texte du chapitre précédent, j’ai souligné les mots « aider » et « invitons » qui montrent que chacun s’attend à ce que l’autre s’adapte. En conclusion, nous devons lire « dialogue inter-religieux« , non comme un dialogue qualifié d' »inter-religieux », c’est-à-dire, entre religion, mais comme un dialogue entre religieux. On se parle, mais rien de concret n’en ressort. Les deux religions ne sont pas des opinions différentes sur un sujet identique, opinions qui pourraient se rencontrer, mais une polarisation des points de vue, et chacun d’entre nous sait que les deux pôles se repoussent. On ne tente pas de faire converger les doctrines, on vise uniquement le « vivre ensemble« … le plus harmonieusement possible. Et ce n’est pas gagné.

Qatar, pays du sport-roi

Tout le monde sait que la prochaine Coupe du monde des nations de football se déroulera au Qatar, en novembre et décembre 2022. Ce qu’on sait moins, c’est que ce petit pays est détenteur de la Coupe d’Asie des nations, ayant battu en finale le Japon par 3 buts à 1.
Plus de 3 milliards de spectateurs s’apprêtent à vivre, en 2022, un fantastique et féerique spectacle, et peu importe les 4000 ou 6500 ouvriers, esclaves modernes (Népalais, Sri Lankais, etc), qui sont morts dans la construction des stades climatisés, bâtis pour la plupart dans le désert. En France, les amateurs de football pourront assister à tous les matches sur la chaîne de télévision privée BeIN, … propriété du Qatar.

Et le Qatar ne se limite pas au football.
Il organise un Grand prix motocycliste depuis 2004 et espère bientôt organiser un Grand prix de Formule 1. Mais les places sont chères d’autant plus que trois Grands prix ont lieu dans la Péninsule arabique : à Abu Dhabi, au Bahreïn et en Arabie saoudite.
Depuis  2002, le Tour cycliste du Qatar est organisé par la société Amaury Sport Organisation, celle-là même qui organise le Tour de France.
On peut espérer que les organisateurs de ces manifestations sportives ne sont pas attirés que par l’argent, mais également par la beauté des paysages, la ferveur et l’engouement des spectateurs. Le GP moto se déroule sur le circuit de Lusail qui peut accueillir 8.000 spectateurs… contre 125.000 pour le circuit de Jerez en Espagne.

Le peloton cycliste sur les routes qataries
Couac

Le Qatar attire toute une série d’autres manifestations sportives, comme un tournoi de tennis WTA, la finale du Championnat du monde de handball en 2015, etc. Bientôt une manche du championnat du monde de ski alpin ? Actuellement, trois centres de ski indoor sont proposés aux touristes. Attention au choc thermique : on passe de plus de 30° à -4° !

Piste de ski de Dubaï dans les Emirats. Celles du Qatar sont identiques.

Cette année (2021), le Qatar a accueilli la Coupe du monde des clubs (football) qui a vu la victoire du Bayern de Munich (Allemagne) contre le Tigres de Monterrey (Mexique). A l’occasion de la clôture de la compétition et de la remise des trophées, le frère de l’émir du Qatar a refusé de serrer la main des arbitres féminines.

Autre polémique ! Le Qatar organisera, pour la première fois en 2021, un tournoi de beach-volley. L’équipe allemande a décidé de boycotter ce tournoi et se justifie à la radio par la voix de Karla Borger, vice-championne du monde : « Nous sommes là pour faire notre travail mais on nous empêche de porter notre tenue de travail. C’est vraiment le seul pays et le seul tournoi où un gouvernement nous dit comment faire notre travail. » Elle explique que les joueuses ont été invitées à porter des T-shirts et de longs pantalons plutôt que les maillots de bain habituels par « respect de la culture et des traditions du pays hôte« .

Par la voix du président de sa fédération de handball, le Qatar nie cette directive : « Nous n’avons en rien précisé ce que les sportives devaient porter lors de cet événement. Nous respectons pleinement le code de conduite édicté par la Fédération internationale et avons montré par le passé lors d’événements organisés au Qatar que les sportives sont libres de porter les mêmes tenues qu’elles portent dans d’autres pays« . Dont acte.

Question

Les Qatari sont des parieurs assidus sur les courses de dromadaires, avec jockey humain ou robotisé… contrevenant aux lois islamiques qui interdisent les paris sur les jeux de hasard. Je me demande si les chamelles ont le droit de concourir, ou si c’est uniquement réservé aux mâles. Poser la question, c’est y répondre.

Dromadaires montés par des robots téléguidés. On fouette par procuration.