Et si Jésus était vraiment le messie

Voir l’article : « Le Messie« 

Dans cet article, je ne vais pas adopter le point de vue des Églises chrétiennes qui ont fait de Jésus un messie, le fils de Dieu, et Dieu lui-même en 325, au Concile de Nicée (voir l’article « La nature de Jésus« ). C’est de cette époque, le IVe siècle, que datent les exemplaires des évangiles qui nous sont parvenus. Comme on le sait par le philosophe grec Celse, les textes inclus dans le Nouveau Testament ont été constamment modifiés pour les adapter à la doctrine en cours d’élaboration, on peut donc penser qu’ils ont été rectifiés une dernière fois après le concile (voir l’article « Les évangiles« ). Toute trace du Jésus historique a donc été effacée pour laisser place à un Jésus spirituel, le Jésus de la foi.
Les évangiles ont totalement occulté le contexte historique de la mission de Jésus. Le premier siècle de notre ère en Palestine est une période troublée, depuis la mort d’Hérode en -4, les Juifs attendent impatiemment la venue d’un messie, un prêtre-roi qui les délivrerait de l’occupation étrangère. Les évangiles ont sciemment ignoré le sens du mot « messie » et ont fait de Jésus un sauveur des âmes non violent alors qu’il était peut-être un libérateur prêt à employer la force pour faire valoir ses droits. (Sur la violence dans les évangiles, voir l’article : « Et si Jésus n’avait pas existé« , comme « N’allez pas croire que je sois venu apporter la paix sur la terre ; je ne suis pas venu apporter la paix, mais le glaive (Mt. 10,34)« ).

Si les évangiles ont été modifiés, il reste des traces d’une vérité qu’on a voulu cacher. Pour répondre à la question en titre : « Et si Jésus était vraiment le messie« , il me faut répondre à trois questions en fouillant les textes du Nouveau Testament :

  • Jésus était-il un descendant du roi David dont le messie devait être issu ?
  • Jésus a-t-il été considéré comme le nouveau roi des Juifs ?
  • A la disparition de Jésus, une dynastie a-t-elle perpétué son message politique ?

Descendant du roi David

Les évangélistes Matthieu (1, 1) et Luc (3, 22) nous ont livré une généalogie de Jésus pour prouver qu’il était bien un descendant de David, donc un prétendant au trône d’Israël. Les deux généalogies ne concordent pas, sauf sur la présence de David. Matthieu insiste : « généalogie de Jésus, fils de David, fils d’Abraham » (Matt. 1, 1). Luc est moins affirmatif, « il était fils, croyait-on … de David… fils d’Adam, fils de Dieu ». Pour Luc, il est donc fils de David et fils de Dieu.

Quand Jésus entre à Jérusalem, monté sur une ânesse, la foule crie « Hasanna au fils de David ». Étrange monture, pourquoi une ânesse et pas un superbe étalon ? Pour respecter la prophétie du livre de Zacharie 9, 9 : « Dites à la fille de Sion : Voici que ton roi vient à toi, humble, monté sur une ânesse et un ânon, le petit d’une bête de somme » (Matt. 21, 5)

Le roi des Juifs

Dès l’entrée à Jérusalem, Jésus est donc perçu comme le roi des Juifs. Il va tout faire pour déclencher une révolte. Il s’attaque tout d’abord aux marchands du temple. Et que se passe-t-il lors de son arrestation sur le Mont des Oliviers ? « il [Judas] prit la tête de la cohorte et des gardes fournis par les grands prêtres… » (Jean 18, 3). Pourquoi déplacer une cohorte, de 500 légionnaires à 1000 auxiliaires pour arrêter un seul homme pacifique ? Y a-t-il eu un début d’insurrection qui amena à l’arrestation de Jésus ?

Ponce Pilate le condamne à mort, la mort réservée aux agitateurs, aux déserteurs et aux esclaves en fuite. Sur le titulus, la pancarte que l’on accrochait au cou des condamnés, il a fait écrire « Jésus le nazaréen, roi des Juifs« . Tous les évangiles sont d’accord sur le sens du titulus, mais citent tous un libellé différent. Pour l’Église, c’est de l’ironie ! Drôle de façon d’ironiser. C’est plutôt un avertissement : « Voici ce que Rome fait du roi des Juifs ». N’oublions pas que la période est troublée, des rois autoproclamés apparaissent à intervalles réguliers : Judas bar Ézéchiel à la mort d’Hérode, Judas de Gamala lors du recensement de Quirinus, « l’Égyptien » (vers 60), Theudas (vers 45), un autre Jésus (vers 65), Simon bar Gioras (en 70) et Bar Kochba (132-135).

A la naissance de Jésus, Luc nous raconte la venue de mages, devenus par la suite les trois rois-mages. Ils se présentent à Hérode et demandent : « Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? ». Ce qui déclenchera, toujours selon Luc, le massacre de tous les enfants de Bethléem. Notons que dans l’évangile de Luc, Jésus naît dans la maison de ses parents à Bethléem, pas dans une étable ou une grotte. Mais pourquoi Bethléem ? « Et toi, Bethléem, terre de Juda, tu n’es certes pas le plus petit des chefs-lieux de Juda : car c’est de toi que sortira le chef qui fera paître Israël mon peuple » (Luc 2, 6 citant le prophète Michée 5, 1).

Deux autres événements, rapportés par les quatre évangiles, sont troublants.
(1) Pourquoi Jésus se fait-il baptiser par Jean « en vue du pardon des péchés » (Marc 1, 4). Quels péchés le Fils de Dieu a-t-il commis ?
Jean est le cousin de Jésus par leur mère, il appartient à la tribu des lévites, descendant de Aaron, le frère de Moïse. Cette tribu fournit les prêtres du temple. Ne faut-il pas voir dans ce « baptême » la consécration de Jésus en tant que messie-roi, comme c’était la coutume : Samuel a consacré Saül, puis David. C’est après ce « baptême » que le ministère de Jésus commence.
La tradition de la consécration des rois par un prêtre s’est poursuivie en France où le prétendant au trône ne devenait roi qu’après avoir été oint dans la cathédrale de Reims.

(2) Lorsque Jésus demande curieusement à ses disciples qui il est d’après eux, Simon-Pierre avance timidement « Tu es le messie, le Fils de Dieu vivant ». Alors Jésus « leur commanda sévèrement de ne le dire à personne ». Pourquoi se cacher ? Sinon que l’heure de la révolte n’est pas encore arrivée.

Sa dynastie

A la mort de Jésus, c’est Jacques son frère qui prend la tête du mouvement nazaréen installé à Jérusalem, d’après les Actes de Apôtres. Les membres de ce mouvement, qui comprend les apôtres, se comportent en Juifs respectueux de la Loi. Pierre et Jean se rendent régulièrement au temple pour prier. Néanmoins ils sont arrêtés (ils s’échappent grâce à des miracles). Pourquoi ces arrestations sinon parce qu’ils font partie d’un mouvement séditieux dont se méfient les Romains. Si on accepte l’idée d’un Jésus prétendant au trône d’Israël, on comprend mieux les persécutions dont sont victimes les premiers « chrétiens » en Judée.

Jacques est lapidé… mais étrangement, les Actes des Apôtres n’en parle pas. Il a été assassiné lors de la vacance du procurateur romain. Ce n’est donc pas une initiative romaine, mais une décision d’Agrippa II, un descendant d’Hérode qui doit voir d’un mauvais œil un prétendant au trône.
C’est Jude, un autre frère de Jésus qui prend la succession de Jacques. Puis on perd la trace du mouvement. Paul occupe alors le devant de la scène et avec lui, l’idée d’un messie-roi est totalement occultée. Il s’était opposé violemment à Jacques au sujet du message délivré par Jésus.

La rancœur de Romains ne s’arrête pas après la victoire de 70 sur les révoltés juifs. L’empereur Domitien (81-96), le frère du vainqueur, Titus(empereur de 79 à 81), s’en prend également à la famille de Jésus.

Il y avait de la race du Sauveur les petits-fils de Jude qui lui-même était appelé son frère selon la chair. On les dénonça comme descendants de David. On les amena à Domitien, celui-ci craignait la venue du Messie, comme Hérode. (Eusèbe : Histoire ecclésiastique livre III, 20)

Domitien les interrogea puis les relâcha, d’après Eusèbe qui écrit 250 ans après les faits.

Conclusion

Tout ceci n’est qu’une hypothèse, mais elle a des bases solides. Paul ne dit-il pas dans 2 Corinthiens, 11,4 : « En effet, si le premier venu vous prêche un autre Jésus que celui que nous avons prêché…« . Paul savait-il que les apôtres regroupés à Jérusalem autour de Jacques, le frère de Jésus, enseignaient une autre vision de Jésus. Paul n’avait pas connu Jésus, il l’avait vu en songe. Il a occulté les prétentions politiques du groupe pour se concentrer sur le message spirituel. Ce glissement était nécessaire pour s’imposer dans l’Empire romain. Yeshua le messie-roi, le renégat crucifié par les Romains devenait Jésus-Christ, le Sauveur, l’agneau sacrifié par les Juifs.

Note : préfet ou procurateur

Une province sénatoriale était dirigée par un préfet, issu de l’ordre équestre, qui avait tous les droits, sauf celui de lever des impôts. A sa création en 6 ou 7 de notre ère, la Judée est une province sénatoriale. C’est pourquoi le recensement, pour établir l’impôt, a été fait par Quirinus, envoyé par le gouverneur de Syrie. La légion ne séjourne pas dans ces provinces. Les troupes sont constituées d’auxiliaires.

Une province impériale était dirigée par un procurateur qui avait le droit de lever des impôts. La Judée est devenue province impériale sous l’empereur Claude (41-54).

Ponce Pilate était donc préfet comme le confirme une inscription trouvée à Césarée. Tous les auteurs chrétiens lui donnent la fonction de « procurateur« , ce qui est une erreur.

Ponce Pilate préfet de Judée

Et si la Terre était unique

Cet article est inspiré du documentaire du même nom réalisé par Laurent Lichtenstein.

Naissance de la Terre

L’Univers a été créé voici 13,8 milliards d’années. Il a surgi d’une singularité cosmique, un euphémisme pour dire qu’on ignore ce qu’il s’est passé quelques fractions de secondes avant son apparition. Cette « singularité » a été nommée le Big Bang, bien qu’aucune explosion n’ait eu lieu. L’Univers compte des milliards de galaxies, chaque galaxie, dont la nôtre, la Voie Lactée compte des milliards d’étoiles. La nôtre s’appelle le Soleil qui est né, ainsi que les planètes et objets divers qui l’accompagnent à partir d’un nuage de gaz et de poussières (hydrogène, hélium, glaces et silicates), il y a 4,6 milliards d’années. Cette nébuleuse s’est condensée par effondrement gravitationnel.

Situation idéale par rapport au Soleil

Dans le ballet des huit planètes qui tournent autour du soleil, la Terre occupe une position privilégiée, ni trop près, ni trop loin du Soleil. On a longtemps considéré le système solaire comme le prototype des systèmes planétaires dans l’Univers. Mais depuis qu’on a pu étudier des exoplanètes (fin du XXe siècle), on se rend compte que ce sont les grosses planètes, telles Jupiter et Saturne, qui sont proches des étoiles.

Et c’est logique. La gravitation, l’attraction entre deux objets, est directement proportionnelle à leur masse. La Terre aurait dû être rejetée vers l’extérieur du système, vers les espaces glacés.
Que s’est-il passé dans le système solaire ?
Premier coup de pouce du destin : alors que le système était en formation, Jupiter commençait à se rapprocher du Soleil pour y occuper une place de choix quand l’attraction de Saturne stoppa sa migration et figea les positions. Jupiter s’était approchée trop près de Mars, avalant une partie des poussières qui allaient s’agglomérer pour former cette planète. Mars devint trop petite pour garder une atmosphère.

Présence d’eau

La Terre se trouve dans une zone rocheuse, elle devrait être pauvre en eau. L’eau sous forme de glace se trouve aux confins du système solaire, dans sa partie froide. Nouveau coup de pouce du destin, la Terre, boule de feu, fut bombardée par des astéroïdes et des comètes qui tournent autour du soleil, déversant leur glace sur la Terre. Cette eau a été piégée par le magma et a remonté vers la surface, il y a 4 milliards d’années, grâce aux éruptions volcaniques dont le gaz contient 95% de vapeur d’eau et du CO2.

Note : Astéroïdes et comètes

Ce sont des résidus du nuage de gaz originel.
Les astéroïdes sont des objets composés de roches, de métaux ou de glace. Ils tournent autour du soleil. Ceux composés de glace se trouvent au-delà de Neptune, dans la ceinture de Kuiper, les astéroïdes rocheux ou métalliques sont plus près de nous, entre Mars et Jupiter. Contrairement à ce que les films nous montrent, les astéroïdes de cette ceinture sont très éloignés les unes des autres. Il y a peu de chance de collision en la traversant.

Les comètes sont de petits corps célestes composés essentiellement de glace. Ils tournent autour du Soleil, mais leur orbite est très elliptique. Elles proviendraient des confins du système solaire, de la ceinture de Kuiper ou du nuage de Oort qui s’étendrait de 0,3 année lumière jusqu’à 2 années lumière du Soleil, soit la moitié de la distance qui nous sépare de la plus proche étoile, Alpha de Centaure.

Effet de serre

A cette époque, il y a 4 milliards d’années, le Soleil était moins chaud qu’aujourd’hui de 30%. Le CO2 a provoqué un effet de serre, qui empêcha l’eau de geler et permit la création des océans. Le CO2 s’est dissous dans les océans et est devenu inerte sous forme minérale, le calcaire.

La tectonique des plaques

Tout le CO2 va-t-il se dissoudre dans les océans ? Non, grâce à la tectonique des plaques, du CO2 est rejeté dans l’atmosphère alimentant l’effet de serre. La tectonique des plaques est une particularité de la Terre : en se refroidissant, la croûte terrestre ne s’est pas entièrement soudée, elle s’est fragmentée en une dizaine de plaques qui dérivent grâce au mouvement du manteau plus mou. La tectonique des plaques, unique dans le système solaire, est le thermostat de la Terre.

Mars est deux fois plus petite, sa gravité est plus faible et elle n’a pas de tectonique des plaque, elle n’a pas pu retenir son atmosphère. Vénus a la bonne taille, mais elle est trop chaude, l’eau du manteau s’est évaporée.

Une collision miraculeuse : bienfait de la Lune

Pourquoi la Terre est-elle lubrifiée à l’intérieur ? Lors sa formation, la Terre a été heurtée par une planète de la taille de Mars que les astronomes ont surnommée Théa. Le choc s’est produit à une vitesse de 150 km/sec. Une énergie énorme s’est dégagée, la Terre a été fendue en deux, les noyaux des deux planètes ont fusionné et leurs eaux se sont mélangées.

Les débris de la collision ont tourné autour de la nouvelle planète, notre Terre. Ils se sont agglomérés et ont donné naissance à la Lune. La Lune est une exception dans le système solaire : c’est le plus gros satellite par rapport à la taille de sa planète. Et cette caractéristique va influencer notre Terre par sa masse. La Lune est à 384.0000 km de la Terre dont elle s’éloigne de 3 à 4 cm par an. Elle était donc plus proche de la Terre à l’origine et les jours étaient plus courts.

On connaît son influence sur les marées, mais elle a surtout stabilisé l’axe de rotation de la Terre qui sans elle, oscillerait comme une toupie. Elle stabilise le climat de la Terre.

La chaîne de la vie

La Terre a donc de gros atouts : le climat est stable, elle a de l’eau et une atmosphère. Elle va recevoir des molécules énergétiques à base de carbone, des molécules organiques semées par les comètes. Les comètes, vestige du nuage originel, contiennent les éléments qui auraient pu contribuer à la formation de la vie sur Terre. Sur la comète Tchouri, visitée lors de la mission Rosetta (en 2014), on a trouvé notamment un acide aminé, la glycine, et du phosphore qui est un composant essentiel de l’ADN.

Mais les molécules venant des comètes dont les gaz s’évaporent en passant près du soleil, n’arrivent pas telles quelles sur le Terre. Elles subissent des transformations dues à la chaleur, au rayonnement ultra-violet et à la réaction avec d’autres éléments chimiques.

La photosynthèse et la fabrication de l’oxygène

Les bases de la vie, les acides aminés et les sucres, sont probablement venues de l’espace. Mais on ignore aujourd’hui comment on passe de la chimie à la biologie. On ignore comment les membranes cellulaires se sont formées.

On pense que tous les êtres se sont formés à partir d’un ancêtre commun. Tout le vivant possède les mêmes caractéristiques : les mêmes composants chimiques, les mêmes protéines, les mêmes 20 acides aminés… alors que les météorites en offrent une panoplie de 80 et que plus de 500 existent dans la nature.

Un des êtres vivant aux origines (plus de 3 milliards d’années), les stromatolites (une cyanobactérie) qui forment un tapis sédimentaire, a sans doute contribué à créer notre atmosphère riche en oxygène, grâce à la photosynthèse. Il fabrique sa nourriture à partir de l’eau, du CO2 et de la lumière rejetant de l’oxygène. L’oxygène s’échappe dans l’atmosphère et se transforme lorsqu’il rencontre les rayons ultraviolets provenant du Soleil, en ozone dont la couche va nous protéger des photons les plus énergétiques (les ultraviolets entre autres), néfastes pour le développement d’une vie terrestre et océanique plus complexe.

L’évolution

Le vie sur terre qui devient propice à de nouvelles formes adaptées à l’oxygène change. C’est le règne de la chlorophylle (produite par la photosynthèse).
Grâce à l’oxygène, nécessaire au fonctionnement des muscles et du cerveau, des formes plus complexes peuvent voir le jour. L’évolution de la vie a été façonnée par notre planète. La vie explore tous les possibles, elle ne se répète pas, c’est un processus aléatoire.
L’homme va probablement détruire l’écosystème et la biodiversité de la terre. Mais la conclusion semble sans appel : il n’y a pas de planète B pour les hommes.

La Sîra an-nabawîya

La biographie de Mahomet

La tradition raconte que le calife al-Mançur (754-775) convoqua l’historien ibn Ishâq (mort en 767) pour lui demander d’écrire un livre qui enseignerait à son fils al-Mahdi (calife de 775 à 785) tous les événements depuis Adam. ibn Ishâq s’exécuta. Le calife trouva le livre trop long, ibn Ishâq l’abrégea, ce fut la première biographie de Mahomet.

Cette version ne nous est pas parvenue. Plus de 50 ans plus tard, ibn Hicham (mort en 824) reprit le texte d’ibn Ishâq et l’abrégea de nouveau. Dans son introduction, il note : « Par souci de concision, je m’en tiendrai à la seule lignée qui descend directement d’Ismaël au prophète Muhammad ». Et il conçut un livre de 1600 pages qu’on lit encore aujourd’hui. Le texte actuel serait basé sur 17 manuscrits. La dernière édition a été publiée au Caire en 1955.

La Sîra se présente comme un ensemble de hadiths : tous les paragraphes sont précédés d’une chaîne de transmission : « X a entendu dire par Y qui le tenait de Z que Un tel a dit que…« . La version française de Wahib Atallah ne contient pas ces chaînes de transmission, ce qui facilite la lecture.

Le récit commence avec la naissance d’Ibrahim, fils d’Abraham et de son esclave égyptienne Maria (d’après la Sîra, Hagar d’après la Bible). C’est l’ancêtre de Mohamed, annoncé par deux prophètes. Il se termine à la mort du prophète de l’islam par le choix de Abu Bakr pour lui succéder à la tête de la Umma. (voir l’article sur Mahomet)

ibn Hicham est-il resté fidèle à ibn Ishâq ?

ibn Khaldun (1332-1406) considérait ibn Ishâq comme un des plus grands historiens de l’islam. Pour ibn Khaldun, le travail de l’historien ne se résume pas à établir des chaînes de transmission pour certifier un fait : « La meilleure manière de distinguer le vrai du faux consiste à faire l’examen critique des faits avant même d’apprécier la crédibilité des informateurs. Quand un récit est absurde, peu importe le crédit attaché ou non à son auteur « .

Or, la Sîra qui nous est parvenue contient nombre de faits peu crédibles, pour un lecteur neutre. Voici trois exemples :

  • Amina, la mère de Mahomet racontait : « Lorsque je fus enceinte, je vis sortir de moi une lumière qui illumina les châteaux de Bosra en Syrie ».
  • Mahomet déclare que lorsqu’il était enfant : « … je vis deux hommes habillés de blanc qui portaient une cuvette en or pleine de neige. Ils se saisirent de moi, m’ouvrirent le ventre et sortirent de mon cœur un caillot de sang noir qu’ils jetèrent. Puis ils lavèrent et purifièrent mon cœur avec cette neige ».
  • alors que Médine (Yathrib) va être assiégée par les armées de La Mecque, Mahomet ordonne de creuser un fossé tout autour de l’oasis, mais la terre était très dure. « Mahomet demanda une cruche d’eau, y cracha, fit une prière à Dieu et répandit l’eau sur le sol : la couche dure se disloqua, s’effrita et devint comme une dune de sable. »

ibn Ishâq a été accusé d’avoir des affinités avec les chiites. Il aurait donné un rôle exagéré à Ali. Or dans la Sîra d’ibn Hicham, Ali, est certes considéré comme le cousin bien aimé de Mahomet et son beau-fils, mais là s’arrête son rôle. Jamais il n’est considéré comme le successeur désigné du prophète, ni comme le messie que Mahomet aurait annoncé. (voir l’article sur le Coran des chiites)

Mise en contexte du Coran

L’objectif avoué ou sous-jacent de la Sîra est la mise en contexte du Coran. Le récit doit coller au Coran et expliquer en quelles circonstances, tel verset a été suggéré à Mahomet. Ainsi, c’est à cause de la Sîra qu’on a l’habitude de diviser les révélations entre La Mecque et Médine.

Je crois que les évangiles ont la même origine que la Sîra : un membre d’une communauté, de la deuxième ou troisième génération, a dû demander : « Mais Jésus-Christ, qui c’est ? ». On a donc rédigé une vie de Jésus à partir des souvenirs que les anciens avaient gardés des histoires que les prêcheurs leur avaient racontés. Ce qui pourrait expliqué qu’il y en ait plusieurs… qui ont été uniformisés plus tard. Mais chaque grande communauté, probablement Jérusalem, Alexandrie, Antioche, ont insisté pour garder le leur.

Dans l’exemple des évangiles, la mise en contexte ne s’est pas faite : les évangélistes n’ont pas expliqué en quelles circonstances les paraboles ont été prononcées.

Les mystères du christianisme

« Dieu a envoyé sur terre son fils, Jésus, le messie annoncé par les prophètes, afin de sauver les hommes. Par son sacrifice, il les a arraché au péché originel. S’ils croient en lui, leur péchés leur sont pardonnés et une vie nouvelle les attend au Paradis après la mort. Et à la fin des temps, toute proche, ils ressusciteront comme Jésus ».

Les Grecs et les Romains se sont-ils laissés convaincre par ce message somme toute basique. Ont-ils adhéré à la nouvelle religion eux qui ignoraient ce que signifiait le mot « messie » et qui ignorait la notion de « péché originel », une invention chrétienne. Les Romains ne connaissent pas le péché, mais bien la faute. Leur peur ultime était de tomber dans l’oubli.
Même les Juifs ne se sentaient pas concernés par ce péché d’Adam et de Ève : le péché individuel avait été remplacé par un péché collectif, celui du peuple élu, que le grand prêtre « négociait » seul face à Dieu, enfermé dans le Saint du saint du temple de Jérusalem, le jour du yom kippour, le jour du grand pardon.

Les textes anciens qui nous sont parvenus, le Nouveau Testament et les apocryphes, sont peu diserts sur les adhésions à la nouvelle religion. Les épîtres de Paul parlent à des personnes déjà converties, ils ne nous sont donc d’aucune utilité sur ce sujet. Dans les Actes des Apôtres, un discours de Pierre, qui ne nous apprend rien, amène 3000 conversions. Mais ce sont surtout les miracles effectués par les apôtres qui conduisaient les Juifs à la conversion :  » La parole de Dieu croissait et le nombre de disciples augmentait considérablement à Jérusalem : une multitude de prêtres obéissait à la foi » (Actes 6, 7). Les apôtres semblent avoir eu plus de succès que Jésus, abandonné par la foule de Jérusalem.

Y avait-il un autre message ? Le christianisme primitif était-il une religion à mystères, comme il en existait tant dans l’Empire romain ?

Les cultes à mystères

Les cérémonies des cultes à mystères ne sont pas publiques. Il faut être initié, avoir suivi un cursus, pour y assister. Ce sont des « sociétés secrètes » comme la franc-maçonnerie de nos jours. Secrètes, mais nullement interdites par le pouvoir romain. Plusieurs empereurs y ont été initiés et il n’est pas rare qu’une même personne soit initiée à plusieurs cultes.

Dans l’empire romain, les cultes à mystères prolifèrent, mais on ignore comment se déroulaient les cérémonies, aucun document ne nous est parvenu, les réunions étaient secrètes. Cependant, on sait qu’ils répondaient à la triple question : « d’où venons-nous, que faisons-nous sur terre, qu’y a-t-il après« . Les cérémonies principales se tenaient au solstice d’hiver (victoire de la lumière sur les ténèbres) et à l’équinoxe du printemps (résurrection de la nature).

On peut citer parmi les principaux cultes :

  • Celui d’Isis, venant d’Egypte. Isis ressuscite son frère et époux Osiris (appelé Sérapis par les Romains).
  • Celui de Cybèle, la Grande déesse, la Mère des dieux venant de Grèce par la Phrygie (actuellement en Turquie). Elle est associée à Attis, un berger, un homme devenu dieu, il est le fils de la Mère. L’empereur Julien lui a consacré un ouvrage.
  • Celui de Dionysos, le dieu grec de la vigne, de l’ivresse et de la démesure. Il est le seul dieu mortel. Le préfixe « di » de son nom indique qu’il naquit deux fois, il a ressuscité.
  • Celui de Mithra.
Mithra

Son culte était très suivi dans l’empire. On a retrouvé plus de 200 temples de Mithra, les « mithraeum » surtout sur les frontières de l’empire et dans les villes. Retracer l’histoire de Mithra est compliqué, car il a souvent changé de fonction. Au départ, c’est un dieu du panthéon perse. Il est évincé lors de la réforme de Zarathoustra qui aurait vécu entre le XVe (15) et le VIe (6) siècle avant notre ère. On ne peut être plus précis ! N’ayant plus sa place dans le ciel perse occupé par Ahura Mazda, le dieu de la lumière qui lutte contre Ahriman, le prince des ténèbres, il est adopté par les Phrygiens avant de se passer dans l’empire romain. A la fin du IIIe siècle, il sera même assimilé à Sol Invictis, le dieu des empereurs comme Constantin.

Mithra tuant le taureau céleste

Mithra est le garant de l’ordre du monde, responsable de la bonne marche du cosmos. Son culte, non documenté, a été réinterprété à partir de l’iconographie étudiée par les historiens… qui ne sont pas tous d’accord entre eux. Il semble que les adeptes recevaient un grade en fonction de leur initiation, comme dans la franc-maçonnerie. Le sacrifice du taureau cosmique avait pour but de transférer sa force vers l’initié. On peut penser que celui-ci buvait le sang et mangeait la chair lors d’un sacrifice exceptionnel qui avait lieu une fois l’an. Dans les réunions normales, le sang et la chair du taureau étaient remplacés par l’eau (ou le vin) et le pain. Les repas communautaires sont une autre constante des cultes à mystères.

Les cérémonies se tenaient dans des endroits clos. L’assistance ne dépassait pas 50 personnes, des hommes uniquement, car les femmes étaient exclues du culte qui s’est surtout développé dans les légions.

Comme tous les cultes à mystères, le culte de Mithra a disparu sous le règne de Théodose Ier (347-395) qui promulgua un édit (391) interdisant tous les cultes autres que le catholicisme. Je reviendrai sur les circonstances de cette décision.
Dans les environs de Strasbourg, on a retrouve les ruines d’un mithraeum dont les hauts-reliefs avaient été détruits. Des pièces de monnaie provenant probablement de la bourse d’un adepte, tué lors de la destruction de temple, datent du règne de Théodore. On impute sa destruction aux fanatiques chrétiens dont la folie destructrice s’est libérée après l’édit.
A Alexandrie, à la même époque, l’évêque Théophile a fait détruire le temple de Sérapis dont la statue dominait le port.

Le christianisme un culte à mystères ?

Des indices

Le christianisme a-t-il été un culte à mystère ?
Dans l’épître aux Corinthiens, Paul dit : « je suis venu vous annoncer le mystère de Dieu » (Cor. 2, 1). Dans ce contexte, « le mystère évoque le plan de Dieu pour sauver le monde » (lexique du Nouveau Testament TOB). Ce plan était caché mais a été révélé en la personne de Jésus. Cette notion se retrouve dans quatre lettres de Paul (Corinthiens, Romains (11, 21), Éphésiens (3, 3) et Colossiens (1, 26)), mais également dans l’Évangile de Marc (4, 11) et dans deux passages des Actes des Apôtres (10, 7 et 17, 5).
Quel est ce mystère, ce plan caché ? Aujourd’hui on l’ignore. Les théologiens se gaussent de mots pour se justifier : c’est le mystère de la foi, le mystère de l’incarnation, le mystère de la résurrection. Pour définir le mot, on utilise le mot lui-même. Les « voies du Seigneur restent impénétrables ».
« Mais ce jour et cette heure, nul ne les connaît, ni les anges dans les cieux, ni le Fils, personne sinon le Père » (Mat. 24, 36). Même Jésus, pourtant promu dieu au IVe siècle, au concile de Nicée, ignore le mystère, le plan auquel il a participé. Mais ce mystère a-t-il été révélé aux premiers postulants, un peu comme les « pescher », les commentaires de la secte de Qumran qui expliquent chaque verset de la Bible dans le style : « ceci a été écrit en référence à… ». Ainsi les évangiles font parler Jésus en paraboles, paraboles qui nécessitent une explication, donc une initiation.

Quand le christianisme a été reconnu comme religion officielle au IVe siècle, la tradition a rapporté que les premiers chrétiens se réunissaient en secret « car ils étaient persécutés, leur religion étant interdite« . Ce qui est faux, j’ai consacré trois articles (1, 2, 3) à cette fable qui a la vie dure : les persécutions ont eu lieu au début du IVe siècle quand les empereurs face aux invasions ont demandé à tous les citoyens de leur assurer de leur soutien, ce que certains chrétiens ont refusé. Les persécutions étaient plus politiques que religieuses. Déjà en Perse, le roi des rois avait dû punir les chrétiens qui refusaient de cautionner ses guerres.

Ce qui est certain, c’est que le courant gnostique délivrait un enseignement aux convertis. Pour eux, ce n’est pas la foi qui sauvait, mais la connaissance.
L’Évangile de Thomas, considéré par certains comme gnostique, est un véritable cahier de cours pour les nouveaux adhérents. Il comporte presque toutes les paraboles reprises dans les évangiles canoniques. Voici les trois premiers des 114 paroles (logia).

Voici les paroles secrètes que Jésus le Vivant a dites et que Didyme Jude Thomas a écrites.

1 Et il a dit : «Celui qui trouvera les interprétations de ces paroles ne goûtera jamais la mort.»

2 Jésus a dit : «Que celui qui cherche ne cesse pas de chercher, jusqu’à ce qu’il trouve. Et, quand il aura trouvé, il sera troublé ; quand il sera troublé, il sera émerveillé, et il régnera sur le Tout.»

3 Jésus a dit : «Si ceux qui vous guident vous disent : ‘Voici, le Royaume est dans le ciel’, alors les oiseaux du ciel vous précéderont ; s’ils vous disent qu’il est dans la mer, alors les poissons vous précéderont. Mais le Royaume est à l’intérieur de vous, et il est à l’extérieur de vous. Lorsque vous vous connaîtrez, alors on vous connaîtra ; et vous saurez que c’est vous les fils du Père vivant. Si au contraire vous ne vous connaissez pas, alors vous êtes dans la pauvreté, et c’est vous la pauvreté.

L’Évangile de Thomas peut être consulté sur le site : http://www.arsitra.org/yacs/files/article/145/evangile_de_thomas.pdf

Quel enseignement ?

On ne peut qu’imaginer l’enseignement qui aurait été prodigué aux postulants chrétiens, faute de preuves ceci n’est qu’une hypothèse.
Les cultes à mystères promettaient la résurrection après la mort pour les initiés. Mais, un dieu est mal placé pour parler de la résurrection, lui qui est immortel. Donc, Dieu envoie son fils, sous forme humaine, qui va souffrir avant de ressusciter pour montrer la voie aux hommes. Mais le monde céleste et le monde des humains sont séparés par une frontière hermétique. Il faut donc se servir d’une mortelle pour faire naître le fils de Dieu dans le monde humain. Et voilà le sauveur sur terre.
Mais comment conférer aux hommes une partie du pouvoir de Dieu pour leur permettre d’atteindre le monde d’en-haut et de ressusciter ? Pour les gnostiques, l’homme créé à partir de la matière a gardé une étincelle divine, il suffit de la retrouver par la connaissance. Pour les autres chrétiens, l’homme doit puiser sa force dans le fils de Dieu, comme les adeptes de Mithra la puisaient du taureau. Ce contact avec le fils de Dieu, c’est l’eucharistie, le partage du pain et du vin.
Les évangiles racontent le dernier repas de Jésus. Ce n’est pas un repas de Pâque juive, mais un repas essénien, tel que décrit dans les manuscrits de la secte de Qumran. Mais est-ce bien ce repas que les chrétiens perpétuent aujourd’hui ? Il semble que non.

L’eucharistie (encore) de nos jours

Toutes les cérémonies chrétiennes se terminent par la communion, au cours de laquelle, les fidèles rassemblés devant le prêtre reçoivent le pain (l’hostie),… mais plus le vin, que seul l’officiant boit par mesure d’hygiène. Ce qui est important dans cette communion, c’est que le fidèle ne mange pas du pain, mais le corps du Christ. Ce sont les paroles du prêtre lorsqu’il présente l’hostie : « le corps du Christ » (corpus Christi). Le vin est son sang. Et ce n’est pas symbolique ! Pour le catholique, l’hostie et le vin deviennent réellement le corps et le sang de Jésus. C’est la transsubstantiation : le changement s’opère tout en conservant la substance du pain et du vin. Cette communion avec le Christ est essentiel pour les chrétiens comme manger le produit des sacrifices était essentiel pour les païens qui entraient en communion avec leurs dieux. Le dogme de la transsubstantiation a été défini au concile de Latran de 1215 et confirmé au concile de Trente en 1542 après que Luther ait rejeté cette interprétation.

La pire sentence pour un chrétien est donc l’excommunication, l’exclusion de la communion qui est un obstacle à la résurrection. Donc, la résurrection est bien liée à la consommation du corps et du sang du Christ.
En 390, lors d’une saute d’humeur, l’empereur Théodose Ier ordonne de massacrer les habitants de Thessalonique qu’il avait invités à assister à des jeux. L’évêque de Milan, Ambroise l’excommunia et l’obligea à venir s’humilié en 391, lors des fêtes de Pâques. Alors que Théodose résidait à Constantinople, il a dû se déplacer à Milan, l’autre capitale de l’empire ! A cette période, les évêques commandaient aux empereurs ! Notons qu’Ambroise, évêque de Milan était plus puissant que celui de Rome (le pape). Il est probable qu’en échange de sa réintégration dans la communauté chrétienne, il dut promulguer l’édit qui interdisait tous les autres cultes. Ce qui permit aux fanatiques chrétiens de détruire impunément les lieux de cultes. Mais nombre de Romains, surtout parmi l’élite résistèrent. Athènes resta majoritairement païenne jusqu’en 529, date de la fermeture de l’école platonicienne.

Le suaire de Turin

Le suaire exposé de nos jours

Un peu d’histoire

Le suaire de Turin, ou plutôt le linceul de Turin, est une pièce de lin d’environ 4,4 mètres de long sur 1.1 de large. Il a été rapiécé car endommagé dans un incendie survenu en 1532. On devine une image d’homme supplicié de face et de dos. Il devint célèbre en 1898 lorsque le photographe Secondo Pia révéla que le linceul était l’image négative d’un homme qui pourrait être Jésus. On ignore toujours comment on a obtenu un négatif sur une étoffe, les croyants imputent ce miracle à la résurrection… dont on ignore tout du mécanisme.

Explication pour les plus jeunes qui n’ont connu que les photos numériques. Lorsqu’on photographie un objet, sa lumière entre par un petit orifice et se fixe sur une surface sensible. Les blancs sont fixés en noir (ils brûlent le film sensible) et les noirs deviennent blancs. On obtient un négatif. Pour restaurer l’image, on procède à une seconde exposition. Dans le cas du linceul, Secondo Pia a réalisé que le négatif qu’il avait obtenu révélait une image positive. Il n’avait pas besoin de l’exposer à nouveau.

Tête de l’homme (âgé ?) révélé par la photographie

Le linceul apparaît à Lirey, en Champagne vers 1350. On ignore d’où il vient, plusieurs hypothèses ont été formulées à son sujet suivant qu’on croit à son authenticité ou non. Pour les uns, il viendrait de Jérusalem via Constantinople pour les autres, il aurait été fabriqué à Lirey.

Il est intéressant de noter que lors de la construction de la collégiale de Lirey en 1353, les évêques accordent une bulle d’indulgences pour les fidèles qui visiteront l’église et les reliques. Les reliques y ont citées, mais le linceul n’apparaît pas. En 1389, l’évêque de Troyes, Pierre d’Arcis interdit l’ostension (l’exposition) du linceul, le considérant comme un faux, réalisé par une personne qu’il connaît. Mais les chanoines n’obéissent pas et le pape Clément VII autorise de montrer de nouveau le linceul aux fidèles à condition de mentionner que ce n’est pas une relique, mais que « la dite représentation n’est pas le vrai suaire du notre Seigneur Jésus-Christ ».

A partir de Lirey, le linceul a changé de mains et voyagé vers Chambéry (1502) où il aurait été endommagé par l’incendie de la chapelle du château. De là, il serait arrivé à Turin en 1578 où il sera conservé dans la cathédrale Saint-Jean-Baptiste.

Le suaire à Chambéry vers entre 1502 et 1532, date à laquelle un incendie l’endommagea.

Au Moyen-Age, plusieurs suaires ou linceuls sont montrés aux fidèles lors de l’évocation de la passion de Jésus. On en compte une quarantaine dont la majorité en France. Il y en a trois à Rome, deux à Aix-la-Chapelle et d’autres à Constantinople. Mais peu de linceuls affichent une image de crucifié, le suaire d’Oviedo (Espagne) est une des exceptions.

D’autres empreintes de Jésus

La relique la plus célèbre est le suaire de Véronique. Cette femme aurait essuyé le visage de Jésus lorsqu’il se rendait vers le lieu de son supplice, ployant sous le poids de sa croix. La figure de Jésus s’imprima miraculeusement sur le voile. C’est ce que raconte un apocryphe du VIe siècle : La vengeance du Seigneur.

Bien longtemps, cet événement a fait l’objet de la station VI du « chemin de croix » que les fidèles parcourent à Pâques. Cette station a été supprimée en 1991 par Jean-Paul II car non conforme aux évangiles. Le voile est toujours conservé au sanctuaire de Manoppello (Pescara) dans les Abruzzes, à 90 km de Rome. 

Une autre représentation de Jésus connue au VIe siècle est une toile représentant Jésus qui aurait été offerte au roi Abgar V d’Edesse, premier roi chrétien. Il régna de 13 à 50. Cette toile aurait été peinte d’après nature, donc du vivant de Jésus. Une autre version dit que la figure de Jésus serait apparue miraculeusement sur la toile.
L’objet aurait été rapporté à Paris en 1204, année du sac de la ville de Constantinople (chrétienne) par les Croisés (chrétiens) à la demande du doge de Venise (chrétien) pour payer le transport des troupes (4ème croisade). La toile figure dans l’inventaire des reliques de la Sainte-Chapelle construite en 1241. Elle aurait disparu à la Révolution française.
NB : Les chevaux de la basilique Saint-Marc de Venise ont également été volés à Constantinople. Ils ornaient l’entrée du cirque de la ville.

Vrai ou faux linceul ?

En 1978, avant une exposition (ostension) au public, une équipe de scientifiques est chargée d’analyser le linceul durant 5 jours. Leur rapport mentionne « qu’il est impossible d’exclure que le suaire soit celui décrit dans les évangiles ». En clair, « c’est possible qu’il ait contenu le corps de Jésus« .

En 1988, le pape Jean-Paul II accepte que des analyses au carbone 14 soient pratiquées sur le linceul. Trois laboratoires indépendants arrivent à une conclusion identique, la toile a été tissée entre 1260 et 1390.

Bien entendu, ce résultat n’empêche pas ceux qui veulent y croire de continuer à croire. Un site catholique qui confond information et manipulation conclut : « Les conclusions des recherches de 1978 témoignent de la vérité scientifique ainsi qu’à l’honnêteté de ces savants. On ne pourra pas en dire autant de ceux qui firent la datation au carbone 14″.

Comment aurait-on pu fabriquer ce suaire ? De nombreuses hypothèses ont été émises : on aurait pu « peindre » le corps sur le lé de tissu avec une préparation d’essence et d’huile puis ajouter du sang ou on aurait pu enduire un corps vivant ou mort des mêmes ingrédients et appuyer avec les mains sur tout le corps pour imprégner le tissu.

Que voit-on sur le suaire ?

Le plus simple est de le visualiser en 3D.

Le corps en 3 dimensions a été réalisé à l’Université et l’hôpital de Padoue, sous la direction du professeur Giulio Fanti (sans cravate sur la photo). Ce professeur aurait également inventé une nouvelle technique (personnelle) de datation qui appliquée au suaire donnerait la période de 33 à 250.
Les tâches ne sont pas sans rappeler la passion de Jésus décrite dans les évangiles : couronne d’épines, flagellation, blessure de lance dans la poitrine, clous dans les poignets et dans un pied.

NB : s’il y a bien du sang sur le tissu, pourquoi ne pas avoir réalisé une analyse ADN qui aurait pu se révéler très intéressante. Pour prouver que c’était bien du sang, les scientifiques en 1978 ont pratiqué plusieurs expériences… pas toutes concluantes. Ils n’ont pas utilisé le luminol (connu depuis 1913), un produit chimique présentant une luminescence bleue caractéristique, lorsqu’il est mélangé avec un oxydant adéquat. Il est utilisé en criminalistique pour détecter les faibles traces de sang laissées sur les scènes de crime.

Le corps représenté sur le linceul présente deux problèmes.

Pourquoi le corps n’est-il pas allongé : les jambes sont repliées, suivant l’idée qu’on se fait d’un crucifié ; de même la tête est penchée vers l’avant. On ne peut pas invoquer la rigidité cadavérique puisque les mains ont été ramenées sur les parties intimes
Mais la représentation est-elle exacte ? Il semble que non : pour avoir cette position, la face avant devrait être plus grande que la face arrière, pour suivre l’emplacement des jambes. Ce qui n’est pas le cas.

Pourquoi le corps est-il maculé de sang ? Le rite funéraire juif est très strict : le corps doit être lavé et les ongles coupées avant l’ensevelissement. Dans l’Évangile de Jean, on lit (Jean 19, 40) : « Ils [Joseph d’Arimathée et Nicodème] prirent donc le corps de Jésus et l’entourèrent de bandelettes avec des aromates suivant la manière juive d’ensevelir« . Jésus est donc bien enseveli suivant le rite juif.
Notons que les traducteurs de l’évangile dans la version TOB (Traduction Œcuménique de la Bible) parlent « des bandelettes« . La Bible de Jérusalem traduit « ils le lièrent de linges ». Linges et bandelettes sont des traductions possibles du mot grec utilisé dans l’évangile.
La TOB dit que lorsqu’on ouvrit le tombeau on découvrit (Jean 20, 6) « les bandelettes et le linge qui avait recouvert la tête« . Le même passage dans la Bible de Jérusalem est traduit : « Les linges ainsi que le suaire qui avait recouvert la tête« . Donc, pas de linceul complet d’après l’Évangile de Jean, contrairement aux trois autres.

Polémique

Un mort ne saigne pas (la pompe, le cœur s’étant arrêtée), on n’aurait pas dû trouver de sang sur le linceul. Ce fait a inspiré un auteur allemand Holder Kersten qui croit à l’authenticité du suaire de Turin. Dans son ouvrage de 1997, « La conspiration de Jésus », il affirme que Jean-Paul II a accepté et orienté la datation au carbone 14, pour discréditer le suaire. Les traces de sang prouvent que Jésus n’était pas mort lorsqu’on l’a descendu de la croix, il a continué à saigner !
L’opération de préparation des échantillons a été entièrement filmée pour éviter les mises en doute. Entièrement ? Non, trente minutes n’ont pas été filmées. Elles concernent l’emballage et étiquetage des échantillons pour « respecter leur anonymat« , certains échantillons neutres ayant été ajoutés aux tests.

Conspiration ! s’écrire l’auteur allemand.
Une lectrice qui signe « Madeleine » m’avait fait connaître une théorie, développée parallèlement par Holder Kersten, basée sur les évangiles (voir les commentaires : le procès de Jésus). Tous les évangiles sont d’accord sur un point : Jésus meurt dès qu’il a bu le « vinaigre » imbibant une éponge attachée à un roseau. « Pilate s’étonna [même] qu’il soit déjà mort » (Marc 15, 44).
Madeleine donne même le nom de la drogue absorbée : « la substance qui devait imprégner la fameuse éponge : c’est un extrait de la « coque du Levant » (Anamirta cocculus), une plante toxique et narcotique qui génère une sorte de catalepsie et une rigidité cadavérique sans qu’il y ait de réelle mort. »

Donc, si Jésus n’est pas mort sur la croix, il n’y a pas eu de résurrection, mais simplement un réveil. C’est cela que Jean-Paul II voulait cacher. Il aurait donc faussé l’analyse ADN pour qu’on déclare que le suaire n’était qu’un faux… dixit Holder Kersten.

Cette théorie présente un inconvénient : qu’est devenu Jésus après sa sortie du tombeau ? Il est apparu à ses disciples durant 40 jours nous dit la tradition, mais après ?