L’Arabie

Où est l’Arabie ?

La question paraît saugrenue. Tout le monde sait que l’Arabie (saoudite) se trouve dans la Péninsule arabique. D’accord, mais c’est une situation nouvelle, le pays n’existe que depuis 1932.
Avant la fin de la première guerre mondiale, tout le Proche Orient était sous le contrôle de l’Empire ottoman. Il n’y avait pas de pays, pas de frontières.
Certaines régions avaient un nom qui, la plupart du temps, avait été donné par les Romains.

  • La Syrie-Phénicie, une province romaine, comprenant les monts du Liban.
  • La Palestine, ancienne province perse de Judée, renommée par les Romains après la révolte des Juifs de l’an 135. Littéralement, le pays des Philistins.
  • La Mésopotamie, le pays entre (meso) les deux fleuves (potamos) : l’Euphrate et le Tigre.
  • Le reste, le désert, c’était l’Arabie, peuplées de Bédouins.
Le Croissant fertile et les déserts

Le fameux colonel Thomas Edward Lawrence, plus connu sous le nom de Lawrence d’Arabie, a recruté les troupes du prince Fayçal, dont le père, Hussein ben Ali était chérif de La Mecque,… en Jordanie. C’est à partir du sud de ce pays (actuel) qu’ils sont partis à la conquête de Damas, et pas à partir de la Péninsule arabique.

L’Arabie a-t-elle toujours été un désert ?

Non, il y a 12.000 ans, alors que la banquise recouvre le nord de l’Europe, l’Arabie et le Sahara se couvrent de savanes et même de forêts. Le gibier abonde, la société néolithique s’épanouit. Mais 3000 ans avant notre ère, la sécheresse s’abat sur ces régions qui se désertifient petit à petit. Les hommes fuient, des petits groupes s’adaptent : les Bédouins qui ont domestiqué le dromadaire vers 1200 avant notre ère.

Déserts et civilisations

Aucune civilisation ne s’est développée dans les déserts. Elles ont pris naissance dans le Croissant fertile : Sumer, Babylone, l’Assyrie, le Hatti (les Hittites), le Mittani (les Hourrites), l’Égypte. Que faut-il pour faire éclore une civilisation ? De la richesse, une population élevée et des ressources alimentaires en suffisance. Or dans le désert, les nomades n’accumulent pas de richesse et les habitants des oasis n’ont pas assez d’espace pour permettre à la population d’atteindre un seuil critique.

Quid de La Mecque, qui est présentée comme une riche ville de caravaniers prospères ? Combien comptait-elle d’habitants ? Aucun recensement n’ayant été fait, il faut se baser sur les textes décrivant des batailles. Dans la Sîra, lors de la bataille du fossé, les 3000 hommes de Mahomet se retrouvent face à 10.000 Quraysh venant de La Mecque. Or dans une population, 40% des hommes ont entre 15 et 50 ans, en Europe (30% en Afrique). Comme il y a autant d’hommes que de femmes, 20% de la population sont des hommes en âge de guerroyer. La Mecque aurait donc compté 50.000 habitants. Ce qui est suffisant pour donner naissance à une civilisation. Or, malgré les travaux d’embellissement de la ville au XXe siècle, on n’a découvert aucune trace archéologique, pas un mur de fondation, pas une pièce de monnaie, pas un tesson de poterie. La Mecque n’était pas une ville caravanière, mais un lieu de pèlerinage des bédouins. Elle ne prit de l’importance (littéraire) qu’à l’avènement de l’islam, comme substitut de Jérusalem trop chrétienne à l’époque. (voir mon hypothèse sur les débuts de l’islam).

Remarquons que les civilisations musulmanes se sont développées, non pas dans les déserts, mais dans le Croissant Fertile : à Damas avec les Omeyyades, à Bagdad avec les Abbassides et au Caire avec les Fatimides (voir : La fin des califats)

Les Romains en Arabie

Par contre, une civilisation du désert a bien vu le jour, dans l’actuelle Jordanie, au Ier siècle avant notre ère : la civilisation nabatéenne, avec sa capitale Pétra (voir l’article sur Pétra et La Mecque). Grâce au contrôle des routes commerciales sud-nord et est-ouest, les Nabatéens se sont enrichis. Leur ingéniosité dans la domestication de l’eau leur a permis de créer, en plein désert, une ville de 20.000 habitants. Les monuments que l’on peut encore voir témoignent de la richesse de leur culture.
En 106, l’empereur romain Trajan annexe leur territoire à l’Empire et en fait la province d’Arabie. Pétra va péricliter quand les routes commerciales vont se déplacer : le transport maritime en Mer Rouge et dans le Golfe persique va remplacer les déplacements caravaniers. La montée en puissance des empires parthe puis sassanide (en Perse) va modifier les relations est-ouest. La ville, située sur une faille sismique (comme toute la région), figurée par la Mer Morte, a dû subir plusieurs tremblements de terre qui ont endommagé les canalisations, privant la ville de l’abondance de l’eau. Les habitants restants lors de l’arrivée des musulmans étaient de simples fellah.

Puisqu’on parle des Nabatéens, je dois citer un fait historique qui va à l’encontre du récit des évangiles. Le cousin de Jésus, Jean le Baptiste a été arrêté par Hérode Antipas (ethnarque de Galilée) pour avoir critiqué son mariage avec Hérodiade, la femme de son frère Philippe. A l’occasion de ce mariage, Hérode Antipas avait répudié son épouse Phasaélis, la fille d’Arétas IV, le roi des Nabatéens. Arétas lui déclara la guerre.
Et c’est là que l’on rencontre des problèmes de chronologie dans les évangiles. Jean est mort, décapité lors d’un banquet à la demande de la fille d’Hérodiade (Mt. 14, 1-12). Le passage de Matthieu se termine par : « Les disciples de Jean vinrent prendre le cadavre et l’ensevelirent ; puis ils allèrent informer Jésus ». Jean meurt donc avant Jésus. Or l’Eglise situe la mort de Jésus en 33. Par contre, la guerre entre Arétas IV et Hérode Antipas s’est déroulée en 36. Aurait-il pris plus de 3 ans avant de venger l’affront fait à sa fille ? Ou alors, les Évangiles ont-elles inventé la relation entre Jésus et un prophète avéré appelé Jean ?

Les Romains avaient fait plusieurs tentatives pour annexer le sud de la Péninsule arabique qu’ils nommaient Felix Arabia, l’Arabie heureuse, en raison des (faibles) pluies de mousson qui permettent la production de l’encens utilisé dans les cérémonies religieuses. En 25 avant notre ère, Aelius Gallus tenta de conquérir le Yémen… à plus de 2.000 kilomètres de sa base ! Sur les conseils des Nabatéens, il organise d’abord une expédition maritime au départ du port de Cléopatris (au sud de l’actuel canal de Suez), qui est un échec : les bateaux n’étant pas adaptés à la navigation dans la Mer Rouge. L’année suivante, il repart par le désert, probablement au départ d’Hégra, un comptoir nabatéen dans le nord de la péninsule arabique. Mais mal préparé, il doit de nouveau renoncer à son projet. L’Arabie restera inviolée.

L’islam du désert

La première radicalisation de l’islam est l’œuvre d’un prêcheur solitaire, un bédouin nommé Muhammad ibn Abd al-Wahhab, qui au beau milieu du désert d’Arabie, vers 1740, proclamait qu’il n’y a de dieu que Dieu. On ne peut pas dire que les débuts de son mouvement furent un succès : il se heurta à l’hostilité des populations à tendance chiite. Par dérision on a appelé son mouvement le wahhabisme, la religion du seul Abd al-Wahhab… c’est son frère qui l’aurait ainsi nommée.

Les région et les villes de la Péninsule arabique.

Le wahhabisme est l’exemple type du fondamentalisme musulman. Quoi de plus fondamental en effet que sa profession de foi : il n’y a de dieu que Dieu, point. L’homme ne doit pas compter sur les saints ni même sur le prophète pour intercéder auprès d’Allah. Abd al-Wahhab s’attaque donc au culte des saints (les marabouts) et des ancêtres. Il rejette les confréries soufies. Il interdit le tabac, la musique, toute espèce de loisir ainsi que les chapelets qu’on égraine. Tout ce qui n’existait pas au temps de Mahomet est interdit, dont les armes à feu !
On le traite d’ignare, d’égaré et même d’hérétique.
Mais la situation change du tout au tout lorsqu’il rencontre un émir du Nadjd, la région centrale de l’Arabie, dont il aurait épousé la fille. Son ambitieux beau-père, Muhammad ibn Saoud, va transformer le prêcheur en une figure de proue d’un mouvement militaro-religieux et va prendre petit à petit le contrôle du centre de l’Arabie puis, de la péninsule entière. A Médine, les wahhabites détruisent plusieurs tombeaux de saints qui entouraient celui de Mahomet dont ceux de Khadija, d’Hassan et d’Hussein… qu’ils avaient déjà détruits lors d’une incursion dans le sud de la Mésopotamie, à Karbala. Pour eux, il ne s’agit pas d’un sacrilège, mais d’un retour à la normale. Un hadith ne proclame-t-il pas « le prophète m’a ordonné de démolir les idoles et d’aplanir toute tombe » ? Ils ont également emporter l’or et les pierres précieuses déposées en offrande par les pèlerins. Aujourd’hui, cette violence est oubliée et on présente le wahhabisme comme un mouvement religieux pieux et nationaliste.

Le sultan ottoman qui s’était désintéressé d’un mouvement se développant dans une région qui échappait à son contrôle va réagir à l’occupation des lieux saints de l’islam. N’est-il pas leur protecteur ? En 1818, il envoie la troupe, une armée commandée par l’émir Mehmet Ali, vice-roi d’Égypte de 1804 à 1849, qui balaye les wahhabites. L’émir Abdallah ibn Saoud est capturé, il sera décapité à Istanbul.

La conquête du pouvoir

Un de ses descendants, Abdelaziz ibn Saoud profite de la révolte des Arabes contre l’Empire ottoman de 1916, pour chasser le gouverneur ottoman de Riyad et reprendre sa conquête. Alors que les Français et les Britanniques se partagent les territoires arabes pris aux Ottomans, au mépris des promesses faites au prince Fayçal qui les avait aidé à chasser les Turcs, Abdelaziz ibn Saoud prend La Mecque et Médine en 1924. En 1932, il se proclame roi de l’Arabie saoudite qui sera un Etat wahhabite. (Pour le partage d’empire ottoman, voir « Le jour où la Turquie gagna la guerre« )

En 1945, après avoir participé à la conférence de Yalta qui a redessiné l’Europe d’après-guerre, le président américain Roosevelt a invité le roi saoudien Abdelaziz sur le bateau qui le ramenait aux États-Unis, le Quincy. Un pacte, tacite, a été conclu : le pétrole, découvert en 1938, contre la protection des États-Unis qui veilleront à la sécurité de l’Arabie et se porteront garants de la monarchie. Cette sécurité comprend, bien entendu, l’éloignement de toute influence soviétique. À cette occasion, le président américain a offert un premier avion à l’Arabie, un DC3. Une longue discussion va s’en suivre entre les oulémas wahhabites pour savoir si le déplacement des pèlerins en avion ne va pas amoindrir la valeur du pèlerinage à La Mecque. Une réponse négative va donner une vigueur exceptionnelle au pèlerinage. De 20.000 participants en 1932, on passe à 2 millions dès 1’an 2000. Aujourd’hui le pèlerinage est limité à 2 millions pour des questions sécuritaires.

Le luxe et la pauvreté

L’Arabie saoudite s’ouvre progressivement à l’Occident et à son progrès… jusqu’en novembre 1979. Le pèlerinage touche à sa fin lorsque plusieurs centaines de fondamentalistes islamistes armés font irruption dans la grande mosquée et prennent une centaine de fidèles en otage. Son chef, Juhaiman, est un opposant à la famille régnante à qui il reproche son laxisme, sa corruption, son luxe, son goût immodéré pour les images (voir : 1979 que le djihad commence). Après avoir maté la rébellion, un vent de radicalisation va souffler sur l’Arabie Saoudite. Les cinémas sont fermés, les publicités à l’occidentale enlevées, la stricte séparation des femmes et des hommes dans les lieux publics est décrétée. Il est conseillé aux hommes de se laisser pousser la barbe. La police religieuse, renforcée, veillera à la stricte application des nouvelles dispositions. Des prêcheurs wahhabites vont être envoyés de par le monde pour convertir les musulmans à un islam radical.

En Arabie, la famille Saoud dépense sans compter pour embellir les villes de La Mecque et de Médine. Ces lieux de culte dépassent en luxe le Vatican pourtant considéré comme une insulte à l’humilité prônée par les chrétiens qui se réfèrent à la vie de Jésus. Ne lit-on pas dans l’Évangile de Matthieu (19, 24) : « Je vous le dis encore, il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le royaume de Dieu. » Luc, envoie les riches habillés de pourpre (les cardinaux ?) en Enfer (Luc 16, 19-23)

Mais Mahomet ne s’est pas prononcé sur la richesse et l’humilité. Il a simplement déclaré « qu’un cinquième du butin lui était réservé ainsi qu’à ses proches, aux orphelins et aux pauvres » (Co. 8, 41). Et de fait, la manne pétrolière profite essentiellement à la famille royale qui compte plus de 500 princes. La plupart de ceux-ci alimentent un fonds qui porte leur nom pour aider les démunis. Car l’Arabie saoudite possède de nombreux pauvres : 800 mille familles bénéficient des aides sociales, soit plus de 6 millions de pauvres sur une population de 33 millions dont 20% d’étrangers. Notons qu’en 1960, Il n’y avait que 4 millions d’habitants. L’aumône faite aux démunis n’est pas égalitaire, tous ne reçoivent pas leur part : les dons sont faits aux mosquées et à des associations qui redistribuent les sommes reçues. Les étrangers en sont exclus.

Aujourd’hui et demain

L’avenir de l’Arabie saoudite est promise à Mohammed ben Salmane dit MBS à qui j’ai consacré l’article : Les enfants gâtés de la Péninsule arabique. Il semble ouvert à une certaine libération des mœurs, mais il reste respectueux des oulémas qui guettent le moindre de ses gestes : il donne avec modération. Il a la lourde tâche de préparer l’Arabie à la crise prochaine du pétrole dont tous les pays essaient de s’affranchir n’en déplaise aux frères Koch, magnas américains du pétrole et de la chimie, grand pourvoyeur de fonds du parti républicain à hauteur de 40 millions de dollar. Ils ont fait oublier aux députés républicains leur position de défenseur de la planète contre le réchauffement climatique. Trump a remercié les deux frères en sortant de l’accord de Paris pour le climat.

Gog et Magog dans le Coran

Les versets 93 à 98 de la sourate 18 racontent une bien étrange histoire qui met en scène Alexandre le grand, appelé Dul-Qarnayn (le biscornu) et deux tribus, Gog et Magog. Voici le texte :

Dul-Qarnayn suivit une nouvelle route et arriva entre les deux digues au-delà desquelles se trouvait un peuple qui ne comprenait presqu’aucune langue. Ces gens dirent  » Ô Dul-Qarnayn voici que les Gog et les Magog sèment le désordre sur terre. Pouvons-nous t’accorder un tribut pour élever une barrière entre eux et nous ? »
– Ce que m’a accordé mon Seigneur est préférable à votre tribut. Aidez-moi avec zèle et j’établirai cette barrière entre vous et eux…

Et Dul-Qarnayn construisit donc une porte de fer et une porte d’airain (versets 95-97). La suite :

Ceci est une miséricorde de mon Seigneur dit-il. Quand s’accomplira sa promesse, il nivellera cet ouvrage car la promesse de mon Seigneur est vérité.

Ce texte est inséré dans la sourate hors de tout contexte, comme si les lecteurs connaissaient l’histoire. D’où vient ce passage et que signifie-t-il ?

Gog roi de Magog est un personnage de la Bible, il apparaît dans le livre d’Ézéchiel (38:2,15). Gog et ses innombrables guerriers montés sur des chevaux viendront du nord semer la désolation en Israël… à la fin des temps.

Mahomet avait-il épluché la Bible pour connaître cette histoire ? Ce n’était pas nécessaire. Le Coran est le reflet du contexte culturel et cultuel de son époque (VI et VIIe siècles). Le monde où s’est élaboré le Coran est un monde essentiellement religieux. Tous les écrits, tous les récits font intervenir Dieu. Ce monde est très interlope, les chrétiens, les juifs, les zoroastriens et les manichéens cohabitent, plus ou moins pacifiquement selon les régions et les époques. L’Arabie n’échappe pas à la diffusion des idées et des récits venant de Syrie et de Perse.

La Syrie est essentiellement chrétienne et grecque, elle fait partie de l’empire byzantin. L’ennemi héréditaire des Byzantins n’est autre que l’empire perse sassanide. Or Alexandre le grand, un grec, a vaincu les Perses et occupé leur territoire. C’est un héro en Syrie. De nombreux récits vantent ses exploits. C’est dans ces récits qu’il faut rechercher la source de l’inspiration du Coran, et plus particulièrement dans les apocalypses mettant en scène Alexandre.
Un récit apocalyptique, du grec « apocalypsis« , signifiant révélation, est l’explication de ce qui va se passer à la fin des temps. Les plus célèbres sont l’Apocalypse de Jean, dans le Nouveau Testament, et le Livre de Daniel, dans la Bible. Notons que le qualificatif « biscornu » dont est affublé Alexandre viendrait du Livre de Daniel qui fait intervenir un personnage ayant deux cornes. En Syrie, à l’époque qui nous occupe, circulent plusieurs récits apocalyptiques ayant comme héro Alexandre : « L’Apocalypse d’Alexandre », « Les Exploits d’Alexandre, fils de Philippe », « Alexandre et la Porte du Nord« …

L’insouciance n’est pas de mise au Proche Orient en ce début du VIIe siècle. La peste a sévi et a même eu raison de l’empereur Justinien, les tribus du nord, les Huns et les Alains ont déferlé sur la Syrie, venant du Caucase et emporté de nombreux captifs On craint leur retour. De plus, la guerre contre les Perses (612-628) a repris, ils se sont installé à Jérusalem (614) puis sont allé jusqu’à Constantinople avant d’être repoussé (en 622) par l’empereur byzantin Héraclius, le nouvel Alexandre.

Dans ce contexte, la fin des temps est annoncée par de nouveaux prophètes. Les portes qui retiennent Gog et Magog vont être ouvertes, les Huns et les Alains vont revenir semer la ruine. C’est ce que dit la Bible, mais aussi le Coran : « Quand s’accomplira sa promesse, il nivellera cet ouvrage car la promesse de mon Seigneur est vérité« . La promesse de Dieu, c’est l’arrivée de la fin des temps, lorsque les hommes seront jugés, l’imminence de l’avènement du royaume de Dieu sur terre.
Notons que les deux portes qui retiennent Gog et Magog n’existent pas, mais elles symbolisent deux passages, de part et d’autre de la mer Caspienne, que les Perses gardent… aux frais de l’empire byzantin.

Cette légende n’appartient pas au fond traditionnel de la Péninsule arabique, mais à la Syrie-Palestine. L’histoire est racontée dans la Bible, évoquée dans la Guerre des Juifs de Flavius Josèphe (VII, 4 : « …passage que le roi Alexandre a fermé avec des portes de fer« ), avant d’être reprise dans les apocalypses associées à Alexandre le Grand. On pourrait en déduire que le Coran, ou du moins une partie, a été rédigé en Syrie, ce qui n’est pas à écarter, mais surtout, que la Péninsule arabique, désert géographique, n’était pas isolée. Elle faisait partie d’un vaste espace culturel comprenant également la Syrie-Palestine, la Perse et l’Éthiopie. Des souverains juifs, puis chrétiens ont régné sur le Yémen (appelé Himyar) dès le IVe siècle et des évêchés ont été créés sur la côte est, le long du Golfe persique. Le nord de la péninsule a toujours été en contact avec la Syrie-Palestine (voir l’article sur Pétra).
La situation du Hedjaz, la côte ouest, comprenant les villes de La Mecque et Médine, est beaucoup moins connue. L’interdiction des fouilles dans les villes saintes de l’islam et les destructions causées par les Séoudiens à la fin du XIXe siècle ne permettent pas aux historiens de vérifier la véracité des faits racontés dans les biographies de Mahomet. Le mystère qui planait sur cette région a t-il incité les autorités musulmanes du début de l’islam d’y transposer l’histoire du prophète, faisant du lieu de pèlerinage berbère de La Mecque une riche ville caravanière et de Yathrib le refuge de trois tribus juives ? La question mérite d’être posée.

Pétra – La Mecque

Qu’ont en commun le site touristique de Pétra en Jordanie, à 200 km au sud de la capitale Amman (l’ancienne Philadelphie grecque) et la ville sainte de l’islam, La Mecque, à plus de 1000 km au sud ?

Environs de Pétra

Les deux villes se situent en plein désert, dans une cuvette dominée par des collines rocheuses aux parois abruptes. La pluie y est rare, environ 100 mm par an, vite absorbée par le sol ou s’évaporant sous la chaleur. La Mecque a une température moyenne annuelle de plus de 40°. Pétra bénéficie d’une température plus clémente et plus contrastée, plus froide la nuit et moins chaude le jour : 30°. Dans la cuvette, quelques sources permettraient à quelques familles de survivre dans cet environnement hostile.

Mais à certains moments de l’année, les pluies se déversant sur les hauts plateaux environnants inondent la cuvette. Ainsi, à Pétra, 24 personnes ont été emportées par les flots en avril 1964, et en novembre 2018, 4000 touristes ont dus être évacués. A La Mecque, en 1620, la puissance des flots était telle que la Kaaba a été détruite. Des travaux d’égouttage récents préviennent actuellement les inondations. Mais en 2009, on dut déplorer 13 morts suite à la montée des eaux.

La Kaaba sous eaux vers 1950

Mais l’intérêt de la comparaison réside dans la différence entre les deux villes.

Pétra, le miracle du désert

Dans l’Antiquité, Pétra était la capitale des Nabatéens qui contrôlaient les routes commerciales entre l’est et l’ouest, le nord et le sud. Pétra était une ville florissante de 20.000 habitants. Pour réaliser ce miracle, les Nabatéens ont dû dompter les eaux. Ils ont construit 170 km de canalisation, recueillant les eaux de ruissellement dans des bassins de décantation puis dans des citernes, captant des centaines de milliers de m³ d’eau, par an, alimentant fontaines et bassins. Les boues récoltées par décantation servaient de fertilisant.

A droite une canalisation. A gauche des bassins de décantation.

Les Nabatéens nous ont laissé des monuments extraordinaires taillés dans la roche, des sanctuaires ou des tombeaux, en fait on n’en connaît pas l’usage. La taille se faisait de haut vers le bas. L’intérieur est très sommaire, deux trois pièces.

A droite, sanctuaire à l’entrée de la gorge (le Sik) conduisant à Pétra.

On trouve des monuments identiques à Hégra dans le nord de la péninsule arabique. Cette ville, bâtie à proximité d’une oasis, était une colonie de Pétra. Elle permettait de sécuriser la frontière sud du royaume et de contrôler le commerce sur la mer Rouge. Hégra était desservie par le port de Leukè Kômè, « le Port Blanc » en grec. Les marchandises : les épices, les étoffes, l’ivoire, l’or venaient d’Inde via le Yémen, appelé Arabia Felix (Arabie heureuse) par les Romains, auxquelles d’ajoutait la production locale d’encens.

Pourquoi le transport par voie maritime se termine-t-il au port d’Hégra pour se poursuivre par caravane vers Pétra, puis Gaza et la Méditerranée ? La Mer Rouge est une mer très chaude (plus de 20° en moyenne) en plein désert, soumise à un régime de vents changeants, surtout dans le nord. En 25 avant notre ère, le général romain Aelius Gallus tenta d’atteindre le Yémen par la mer à partir du port de Cléopatris, au sud de l’actuel canal de Suez. Il dut y renoncer. Il avait fallu attendre le début de ce premier siècle avant notre ère pour que les navigateurs découvrent comment naviguer dans le sud de la Mer Rouge.

Un peu d’histoire

Les Nabatéens étaient voisins des Hébreux. Ils ont même eu les honneurs des évangiles. Et Matthieu s’est de nouveau trompé dans la chronologie. Il avait déjà fait accoucher Marie pendant 11 ans ! Pour lui, Jésus était né sous Hérode le Grand, mort en -4, mais durant le recensement de Quirinus de l’an 7, lorsque la Judée est devenue une province sénatoriale romaine.

Ici, il s’agit de la mort de Jean le Baptiste. Accrochez-vous, c’est une histoire de famille. Jean avait été emprisonné par Hérode Antipas, un des fils d’Hérode le Grand, tétrarque de Galilée, parce qu’il avait critiqué son mariage avec Hérodiade. Hérodiade avait été la femme de son frère Philippe.
Lors d’une fête, Salomé, la fille d’Hérodiade, demanda la tête de Jean en échange d’une danse, lascive probablement (Mt. 14, 1-12). Ces événements se passaient avant la mort de Jésus, qu’on situe vers l’an 33.
Or pour ce mariage, Hérode Antipas avait répudié son épouse Phasaélis, la fille d’Aretas IV, le roi des Nabatéens. Ce dernier déclara alors la guerre à Hérode Antipas. Cette guerre eut lieu en l’an 36 de notre ère et vit la victoire des Nabatéens.

Pétra fut occupée par les Romains en 106, probablement à la mort du dernier roi nabatéen. Le royaume fut annexé sans violence à l’Arabie Pétrée qui avait comme capitale Bosra, au sud de la Syrie. La ville continua à prospérer.

Constructions romaines (?) à Pétra

En 363, un tremblement de terre endommagea une partie de la ville. En 446, une cathédrale y fut inaugurée. Que devint Pétra par la suite ? On perd sa trace au VIe siècle. Elle a été construite sur la faille séparant la plaque arabique de la plaque africaine, elle a peut-être disparu dans un nouveau tremblement de terre. Ou alors, sa population a été décimée par la peste qui a ravagé l’empire byzantin en 543. Les archéologues ont retrouvé des restes de repas dans la cathédrale, ce qui privilégierait la thèse de la peste. En cas de tremblement de terre, les habitants se seraient réfugiés dans les sanctuaires sculptés dans la roche et n’auraient pas cherché la protection directe de Dieu.

Quand le site fut abandonné, le système hydraulique n’a plus été entretenu et a fini par perdre son efficacité.

La Mecque

La Mecque n’a pas bénéficié d’un système hydraulique permettant l’installation d’une ville importante. Contrairement aux récits de la tradition musulmane, La Mecque n’a pas pu devenir une étape caravanière… sans eau.

Par contre, elle était probablement un lieu de rassemblement et de pèlerinage pour les Bédouins en raison des inondations de la cuvette. La Kaaba, monument pré-islamique, servaient de lieu de stockage des bétyles (beth = maison, el = dieu), la demeure de Dieu, qui accompagnaient les nomades dans leurs déplacements. La Sira nous raconte que Mahomet aurait détruit 360 idoles rassemblées dans la Kaaba.

De nos jours, les pèlerins miment toujours les trombes d’eau en dévalant le mont Arafat vers la plaine de Mina. Et deux pierres noires sont enchâssées dans les murs de la Kaaba. On prête à Umar, le deuxième calife, la réflexion suivante :

« Si je n’avais pas vu le prophète le faire (embrasser la pierre), je ne l’aurais jamais fait ».

La Mecque n’est pas citée dans la charte de Yathrib, elle apparaît deux fois dans le Coran officiel, mais ces deux versets sont contestés par les chercheurs :

« C’est lui qui dans la vallée de La Mecque a écarté leurs mains de vous, de même qu’il a écarté vos mains d’eux, après vous avoir fait triompher sur eux. Allah voit parfaitement ce que vous œuvrez. » (Co. 48, 24)

« La première maison qui ait été édifiée pour les gens, c’est celle de Bakka (La Mecque) bénie et une bonne direction pour l’univers. » (Co. 3, 96)

Ce sont les traductions officielles. Dans le premier verset, La Mecque traduit le mot « moka », qui signifie simplement vallée. Le nom du café vient d’une ville du Yémen. En arabe, La Mecque, c’est Makka. Le mot « Bakka » du second verset désigne aujourd’hui l’esplanade qui entoure la Kaaba.

La Mecque est interdite aux non musulmans et des panneaux signalétiques routiers indiquent clairement la direction que ceux-ci doivent prendre pour éviter la ville. Elle est également interdite aux femmes non accompagnées de leur tuteur. Ces interdictions ont été décrétées par les Saoudiens alliés aux religieux wahhabites qui ont pris le pouvoir en Arabie en 1932.

La ferveur pour le pèlerinage est un phénomène récent. La Mecque peut accueillir aujourd’hui 2 millions de pèlerins. Ils n’étaient que 20.181 à avoir demandé un permis en 1932 et 100.000 en 1950.

Autour de la Kaaba en 1953 (hors pèlerinage) et en 2010

L’afflux des pèlerins provoque de nombreux accidents dus essentiellement aux bousculades. Le pèlerinage est aussi un facteur de propagation des maladies infectieuses comme le choléra au XIXe siècle, le SRAS en 2003 et la grippe H1N1 en 2009.

Bilan des bousculades :
1990: 1426 morts
1994 : 1099 morts
1998 : 107 morts
2001 : 35 morts
2003 : 14 morts
2004 : 251 morts
2006 : 362 morts
Le pouvoir mobilise alors 100.000 personnes pour assurer le sécurité des pèlerins.
Malgré cela, en 2015 on dénombre 2.300 morts.

Abd al-Malik : l’apogée des Omeyyades

A la mort de Muawiya, après 20 ans de règne (en 680), un arrangement dynastique permit à son fils Yazid de devenir calife. Consternation parmi les factions rivales qui attendaient une élection par consensus comme le voulait la coutume dans les tribus. C’est le début de la deuxième guerre civile qui durera 12 ans et occupera 4 califes.

Dans le sud de la Mésopotamie (de l’Irak actuel), le fils d’Ali, Husayn, tenta de rassembler les partisans de son père parmi les tribus lakhmides rivales des Ghassanides de Syrie car soutien des Perses contre les Byzantins. Il n’en eut pas le temps, sa petite armée fut décimée à Karbala en 680, où il fut tué. Sa mort est toujours commémorée de nos jours par les chiites.

L’opposition du fils d’un compagnon de Mahomet a été plus sérieuse. Abd Allah ibn al-Zubayr, présenté comme petit-fils d’Abu Bakr, le neveu de Aïcha, se proclama « commandeur des croyants ». Parti d’Irak, il avait conquis la majorité du califat quand Abd al-Makik succéda à son père Marwan en 685. ibn al-Zubayr avait rassemblé tous les disciples de Mahomet. Il fit frapper des pièces de monnaie dans lesquelles l’influence perse est manifeste.

Dès son accession au pouvoir, Abd al-Malik chargea son fidèle général al-Hajjaj ben Youssef de mater le dissident. l’Egypte, puis l’Irak furent reprises. ibn al-Zubayr se réfugia dans la péninsule arabique. Le dernier acte se déroula à La Mecque où le rebelle aurait péri, d’après la tradition. Des récits contradictoires circulent sur les faits.

Les récits de la conquête ont été écrits au IX° siècle, sous la dynastie des Abbassides qui prit le pouvoir en 750, anéantissant les derniers représentants omeyyades. Ceux-ci ont alors été présentés comme des usurpateurs, des tyrans impies.

  • ibn al-Zubayr aurait détruit la Kaaba pour y décrocher la pierre noire et la mettre en lieu sûr. Si les sédentaires bâtissent des temples pour y vénérer leur(s) dieu(x), les nomades les emportent avec eux. ibn al-Zubayr a-t-il perpétué la tradition ?
  • Les troupes d’abd al-Malik auraient assiégé la Mecque durant 8 semaines et détruit la Kaaba en lançant des projectiles sur les assiégés. Cette version est peu crédible quand on connaît la situation de La Mecque, une cuvette entourée de collines rocheuses, sans eau (sauf une source à faible débit), où rien ne pousse. Les attaquants ont une position idéale, ils dominent la ville. Les nombreux chantiers de La Mecque pour construire des hôtels de luxe et aménager les lieux de pèlerinage n’ont jamais mis à jour la moindre trace d’un rempart de protection de la ville.

Vers un Etat arabe

Jusqu’à l’accession au pouvoir d’abd al-Malik, les administrations grecque et perse étaient restées en place. Le nouveau calife va rénover l’administration : les fonctionnaires seront arabes, et les documents seront rédigés en arabe. On peut donc en conclure qu’à cette époque, la langue arabe écrite était standardisée et ne prêtait plus à interprétation. Les anciens fonctionnaires et même l’entourage non arabe du calife furent congédiés. Ainsi, Jean de Damas (Jean Damascène ou Mansour ibn Sarjoun) dont le père, collecteur d’impôt pour l’empereur byzantin, était resté au service des califes, se retira dans le monastère de Saint-Sabas près de Jérusalem où il rédigea un livre sur les hérésies. Malgré son éviction de l’entourage du calife, il garda de lui une image d’un homme juste et tolérant.

Dans son ouvrage, daté de 743, il parle de l’islam et du Coran qu’il semble bien connaître ainsi que de la Kaaba comme lieu de pèlerinage.

… et musulman

Si mon opinion est confirmée, les Omeyyades sont originaires de Syrie où les tribus étaient chrétiennes. Alors pourquoi ont-ils opté pour l’islam ?
La réponse est différente pour les dirigeants et pour citoyens.

Il faut se replonger dans l’époque. L’islam primitif n’a rien à voir avec ce qu’il est devenu au fil des siècles. Les hadiths, ces paroles de Mahomet, réelles ou inventées, n’ont pas encore été collectées, elles ne le seront qu’au VIIIe siècle. L’islam n’est pas encore une religion formaliste, le dogme n’est pas encore entièrement défini, mais les grandes lignes sont tracées : Mahomet a reçu le Coran, Jésus est un prophète qui n’a pas été crucifié, il faut embrasser la pierre noire de la Kaaba, le vin est proscrit… nous raconte Jean de Damas.

En abandonnant la religion chrétienne, les Omeyyades deviennent entièrement indépendants. En tant que chrétiens, ils étaient soumis à l’empereur byzantin, lui même aux ordres du pape de Rome (le schisme entre catholiques et orthodoxes n’était pas encore consommé). Ils devaient répondre de leurs actes auprès des patriarches et des évêques qui pouvaient les excommunier, les exclure de la communauté. Même s’ils n’adhéraient pas au dogme édicté à Chalcédoine en 451 (Il y a trois personnes en Dieu et Jésus est homme et dieu, il a deux natures et deux volontés), ils n’en étaient pas moins soumis à leurs évêques. En devenant musulmans, ils devenaient califes, représentants de Dieu sur terre, successeurs du prophète Mahomet, et commandeurs des croyants. Ils étaient tout puissants. La fonction de calife ira en se dépréciant au fil du temps, les docteurs en religion prenant de plus en plus d’importance.

C’est sous abd al-Malik que la première référence à Mahomet apparaît sur les pièces de monnaie. On y lit la chahada complète : « il n’y a qu’un seul Dieu et Mahomet est son prophète ».

Pour le commun des mortels, devenir musulmans permettait d’échapper à l’impôt de capitation (djizia) dû par tous les hommes non musulmans en âge de porter les armes. Les musulmans devaient eux s’acquitter de l’aumône, qui est un principe religieux (zakât). Cette « conversion » faisaient d’eux des citoyens de première classe.

Le Dôme (ou Coupole) du Rocher de Jérusalem.

L’oeuvre majeure d’abd al-Malik, toujours visible de nos jours est le Dôme du Rocher à Jérusalem, construit en l’an 72 du calendrier musulman, qui correspond à 691/692. Je lui consacrerai l’article suivant car cet édifice est plein de mystères.

1979 : que le djihad commence !

On peut parler d’un « effet papillon » : un événement local a eu des répercussions internationales. En 1979, une rébellion contre le pouvoir saoudien, jugé trop laxiste !, va amener à la création de groupes djihadistes comme Al Qaïda ou DAESH.

A la Mecque, en cette fin novembre 1979, le grand pèlerinage, le Hajj, touche à sa fin. 50.000 fidèles fréquentent encore la Grande Mosquée dont les récents travaux d’embellissement et d’agrandissement, ont été exécutés par la famille Ben Laden, proche de la famille royale. Le 20 novembre, plusieurs centaines de fondamentalistes islamistes armés font irruption dans la mosquée et prennent une centaine de fidèles en otage. Son chef, Juhaiman, est un opposant à la famille régnante à qui il reproche son laxisme, sa corruption, son luxe, son goût immodéré pour les images. Le portait des membres de la famille royale s’affiche sur les immeubles et leur photo est imprimée sur les billets de banque qui circulent dans la mosquée, suprême blasphème dans une religion où la représentation des personnes est proscrite.

billet

Juhaiman considère également la famille Séoud comme des usurpateurs, ayant chassé le chérif de La Mecque, gardien des lieux saints et « descendant de Mahomet », entre 1927-1932, avec l’aide des Britanniques qui avaient pourtant requis l’aide du chérif en 1916 (célèbre fait d’armes du lieutenant Lawrence). Mais la région de Riyad, fief de Séoud, prospectée dès 1930, se révélait riche en gisements pétroliers. Ils seront exploités à partir de 1937.

Le gouvernement saoudien reste indécis : comment déloger les rebelles alors qu’il est interdit de porter les armes dans les lieux saints : « Ne leur (les infidèles) livrer pas combat près de la mosquée sacrée » (Co. 2, 192). Les oulémas se réunissent en hâte et après de longues palabres ordonnent l’assaut. Le 22 novembre, la garde nationale attaque les rebelles, c’est un échec. 127 soldats sont tués et les rebelles se réfugient dans les caves de la mosquée, avec leurs otages.

Ce qui va suivre n’est pas très clair, différents versions circulent, suivant les sources gouvernementales, policières ou militaires. Ce qui est sûr, c’est que le roi Khaled ben Abdelaziz fait appel à ses alliés. Les Américains hésitent, la France s’engage. De source officielle française, trois membres du groupe d’intervention de la gendarmerie (GIGN) s’envolent vers Ta’if à 60 km au nord de La Mecque. Ils emmènent avec eux 300 kg d’un gaz incapacitant, le 2-chlorobenzylidène malonitrile (appelé aussi « CS », des initiales de Corson et Stoughton, chimistes qui ont synthétisé la molécule). Ils ont pour mission de former les gardes saoudiens pour l’assaut qui a lieu le 4 décembre et au cours duquel 244 rebelles sont tués. Une version non officielle affirme que l’assaut a été dirigé par le GIGN dont les membres avaient été convertis à l’islam lors d’une brève cérémonie. Mais cette version aurait été très mal perçue dans les pays musulmans.

Le 9 janvier 1980, Juhayman et 62 autres prisonniers sont, sans jugement, décapités en public dans différentes villes pour servir d’exemple.

Épilogue

Un vent de radicalisation va souffler sur l’Arabie Saoudite. Les cinémas sont fermés, les affiches publicitaires occidentales enlevées, la stricte séparation des femmes et des hommes dans les lieux publics est décrétée. Il est conseillé aux hommes de se laisser la barbe. La police religieuse, renforcée, veillera à l’application des nouvelles dispositions.

Le train de vie de la famille régnante ne sera pas modifié, mais elle va encourager le djihad : les jeunes sont invités à aider leurs frères musulmans à bouter hors d’Afghanistan les infidèles. Les Américains formeront les candidats et fourniront les lance-missiles, les Israéliens livreront les Kalachnikovs, les Saoudiens financeront le djihad : « Ô vous qui croyez, combattez ceux de vos voisins qui sont infidèles. Qu’ils vous trouvent durs. Sachez que Dieu est avec ceux qui le craignent. » (Co. 9, 123).

En octobre 1981, Amour El Sadate est assassiné par des anciens membres des Frères Musulmans dont le parti avait été interdit lors d’une purge nationale qui avait touché les communistes, les islamistes, les coptes, les féministes, etc. Les opposants radicaux vont se joindre au djihad.

Dans un premiers temps, les Saoudiens ont accusé l’Iran (chiite) d’avoir organisé la rébellion, ce qui s’est révélé inexact, il n’y avait aucun iranien parmi les assaillants. Qu’à cela ne tienne, il faut en finir avec l’Iran qui fait de l’ombre (religieuse) aux wahhabites saoudiens. On persuade Saddam Hussein d’attaquer son voisin, l’Arabie et le Koweït pourvoiront au financement. Le 22 septembre 1980, les troupes irakiennes passent la frontière. La guerre durera 8 ans.

A la fin de la guerre, le Koweït a l’outrecuidance de réclamer le remboursement des prêts consentis. Le première guerre du Golf commence… la région sera déstabilisée pour de nombreuses années. Le ailes du papillon ont brassé beaucoup trop d’air.