Jésus n’est pas né le 25 décembre

J’ai déjà consacré un article à la naissance pour le moins invraisemblable de Jésus. Et je ne parle que du point de vue historique. Je ne veux même pas aborder l’aspect théologique d’une naissance miraculeuse. En quelques mots, je résume l’article mentionné.
Seuls deux évangiles relatent la naissance de Jésus. L’Évangile de Matthieu le fait naître dans la maison de ses parents à Bethléem : « Il prit chez lui son épouse mais ne la connut pas jusqu’à ce qu’elle eut enfanté un fils auquel il donna le nom de Jésus. Jésus étant né à Bethléem… » (Ma. 1, 24-25 et 2, 1). Celui de Luc, que suit la tradition chrétienne, est plus magique, plus féerique, mais absurde d’un point de vue historique. Les parents de Jésus, qui habitent Nazareth en Galilée, se rendent à Bethléem en Judée pour se faire recenser par le romain Quirinus, alors qu’Hérode est roi de Judée. Toutes les auberges étant complètes, ils sont hébergés dans une étable où Jésus né.
Ce qui ne va pas dans cette histoire, ce sont les dates : Jésus est né sous Hérode qui est mort en -4 et le recensement de Quirinus a eu lieu en 6 ou 7, alors que les Romains avaient pris le contrôle de la Judée. Le recensement servant à déterminer l’impôt. La Galilée restait indépendante et ses habitants n’étaient donc pas recensés.
Dans l’article précité, j’élabore une hypothèse sur l’ajout de la naissance de Jésus dans les évangiles.

Donc, pour la Noël, pas d’étable, pas de crèche, pas de vache, ni d’âne, encore moins de bergers avec leurs agneaux, agneaux qui même en Judée, naissent au printemps !

Alors pourquoi le 25 décembre ?
Le 25 décembre fait partie de ces quelques jours où le soleil semble se figer sur l’horizon à son lever avant d’inaugurer des jours de plus en plus longs : c’est le solstice d’hiver qui met fin au raccourcissement des jours. Le mot Solstice décrit bien le phénomène : sol (soleil) stare (se tenir immobile). Les peuples de l’Antiquité n’ont pas attendu les chrétiens pour célébrer le solstice d’hiver. A Rome, une fête appelée Dies Natalis Solis Invicti, « jour de la naissance du soleil invaincu » avait été fixée au 25 décembre par l’empereur Aurélien en 274, comme grande fête du culte de Sol Invictus (le soleil invaincu) qui était devenu le dieu principal des empereurs. Aurélien avait choisi cette date, proche du solstice d’hiver, qui tombait  au lendemain de la fin des festivités célébrant Saturne : les Saturnales. C’était aussi le jour où la naissance de la divinité solaire Mithra, originaire de Perse et populaire dans l’armée, était célébrée.

Les chrétiens se sont associés à la fête romaine sous l’empereur Constantin. Auparavant, ils ne célébraient pas la naissance de Jésus, mais ils s’associaient aux fêtes juives auxquelles ils donnaient une autre signification. On n’a de trace d’une célébration de la naissance de Jésus avant 336. Les chrétiens s’étaient d’abord vus comme le « vrai Israël », Jésus devenait maintenant le « vrai Soleil ».
Rappelons que la mère de Mithra, dont la naissance est fêtée le 25 décembre, la déesse-mère Anahita était vierge. Les traditions chrétiennes ne sont pas apparue ex-nihilo, dans un coin retiré de la Judée, elles se sont substituées aux pratiques anciennes.
Il faudra attendre 529, sous le règne de Justinien, pour que le 25 décembre soit un jour chômé.

Les Saturnales étaient célébrées du 17 au 24 décembre en l’honneur du dieu (déchu) Saturne. On vivait le crépuscule de l’année. Une certaine liberté régnait à Rome. Lors de banquets, on s’offrait des cadeaux. Les maisons étaient ornées de plantes vertes pour fêter le renouveau qui s’annonçait.
On retrouve tous ces ingrédients dans la tradition chrétienne. La liberté de mœurs associée aux Saturnales a donné naissance à la fête des Fous durant laquelle, même le clergé et les évêques dansaient dans les rues. Elle ait été interdite en 1431, elle a aujourd’hui presque disparu. Le roman de Victor Hugo, Notre Dame de Paris, s’ouvre sur la fête des Fous.

La bûche de Noël, qui est servie au dessert lors du réveillon, commémore la fête de Yule des peuples germaniques (Yul signifie solstice dans les langues nordiques). Les Germains faisaient brûler un arbre en l’honneur des dieux, pour les remercier d’avoir restauré la lumière. Ils ornaient leurs cheveux de houx. C’était l’occasion de grandes fêtes familiales.

La fête de Yule

Rien de bien nouveau sous le soleil… invaincu

La charte de Yathrib (Médine)

La charte de Yathrib, aussi appelée « constitution de Médine », est à la politique ce que le Coran est à la religion pour les compagnons de Mahomet.
Ali, le cousin, beau-fils du prophète et quatrième calife gardait le document dans le fourreau de son épée d’après les hadiths collectés par ibn Hanbal (mort en 855), le théologien le plus traditionaliste, dont l’école de jurisprudence a donné naissance au wahhabisme.
Nous connaissons deux copies de ce document dont l’original ne nous est pas parvenu. Le document est repris dans la Sîra d’ibn Hicham (mort en 830), l’autre copie nous vient de Abu-Ubayd (mort en 838) et semble la plus ancienne.
L’archaïsme du style et les mots utilisés prouvent l’ancienneté du document dont l’authenticité n’est plus guère remise en cause.

Des différences entre les versions

Avant d’analyser le contenu de la charte, pointons les différences (pour se familiariser avec l’histoire de Mahomet, on peut se référer à l’article : Mahomet).
Dans la version de Abu-Ubayd, le texte commence par :

Ceci est un écrit de Mahomet, le prophète, établi entre ceux des Quraysh (NB : les premiers compagnons de Mahomet) et des gens de Yathrib (NB : ceux qui les ont accueillis) et ceux qui les ont suivis et, s’étant joints à eux, ont combattu avec eux. Ils sont une communauté unique à l’exception des autres hommes.


La version de ibn Hicham ne varie que sur un point, elle ajoute derrière le mot prophète, la bénédiction rituelle : que la paix et les bénédictions de Dieu soient sur lui« . L’aspect religieux a été ajouté.

Si le début montre des différences, la fin aussi, et elles sont plus marquées.
Dans la version de Abu-Ubayd, on lit : « Si entre les gens de cette charte survient une agression dont on peut craindre une détérioration, on soumettra l’affaire à Dieu le Très-Haut et à Mahomet le prophète. »
A ce texte, la version d’ibn Hicham ajoute : « Allah est le plus sûr et le plus loyal garant de ce qui est dans cette charte. On n’accorde protection ni aux Quraych (NB : les habitants de La Mecque), ni à ceux qui les assistent ».

Comme on peut le voir, des éléments religieux sont, encore une fois, venus s’ajouter au texte et une mention est faite à la ville de La Mecque qui n’apparaît pas dans le document d’Abu-Ubayd, alors que le nom de Yathib (identifié comme Médine) y apparaît 3 fois.

Quel est l’objectif de la charte ?

Ce document structure l’organisation interne d’une communauté, appelée umma, et son activité guerrière « sur le chemin de Dieu ». Ce traité aurait été rédigé par Mahomet lui-même (voir l’introduction ci-avant)… alors qu’il était illettré d’après la tradition. Ce que conteste une chronique arménienne de 660 : « Il était très instruit et très versé dans l’histoire de Moïse ». Mahomet apparaît dans le texte comme un prophète et un simple arbitre en cas de différend… et surtout le garant de la cohésion entre les composantes de la communauté, les muminûn que l’on traduit souvent par croyants, mais qui n’a pas ce sens dans la charte. Ce sont plutôt « des gens qui se font confiance ». Le professeur Alfred-Louis de Prémare le traduit par « les affidés » du mot latin « fides » (la foi, la confiance), enlevant toute connotation religieuse au terme, ce qui semble plus correct comme on va le voir.

Les droits et les devoirs des affidés sont bien spécifiés et Dieu, le Très-Haut, est garant de ces clauses.

Un affidé ne tue pas un autre affidé pour venger un « infidèle ».
Le moindre d’entre les affidés les protège tous.
Les affidés sont alliés les uns des autres à l’exclusion des autres hommes.
Les affidés exercent la vengeance les uns au profit des autres.
Un affidé n’établit pas la paix séparément des autres affidés lors d’un combat sur le chemin de Dieu.
Les affidés qui respectent les clauses de ce document sont dans la voie la meilleure et la plus droite.

Plus inattendu (et j’en reparlerai) :

Ceux des juifs qui nous suivent ont droit à l’assistance en parité : on ne les lèse pas, on ne s’allie pas contre eux.

Qui concerne-t-elle ?

La charte concerne donc les premiers compagnons de Mahomet, des gens de Yathrib et des juifs. Ils constituent tous la umma primitive.
C’est très troublant quand on connaît la biographie (romancée) de Mahomet, la Sîra mise par écrit par ibn Hicham au IXe siècle. En résumé, Mahomet est accueilli à Yathrib par deux tribus arabes non juives, les Banu Aws et Banu Khazraj. Trois autres tribus, juives celles-là, vivaient également à Yathrib. Mahomet va entrer en conflit avec ces tribus, en chassant deux et exterminant la troisième. Pour plus de détails, lire l’article sur Mahomet.

Or dans la charte, on dénombre pas moins de huit tribus non juives et leurs alliés juifs, ce qui va à l’encontre du point de vue traditionaliste. Et la charte est très explicite :

Les juifs supportent les dépenses avec les affidés aussi longtemps que ceux-ci sont en guerre.
Les juifs alliés des Banu Awf constituent une communauté avec les affidés. Aux juifs leur loi religieuse et aux affidés leur loi religieuse, qu’ils s’agissent de leurs alliés ou d’eux-mêmes. Celui qui est injuste et viole les clauses n’attire la mort que sur lui et sur sa maison.

Pour les juifs alliés des Banu I-Harith, il en est comme pour les juifs des Banu Awf.
Pour les juifs alliés des Bani I-Awsil, il en est comme pour les juifs des Banu Awf.
[Et de même pour les huit tribus (banu)].

Que penser ?

Ce document est le tout premier écrit proto-islamique. Certains l’appelle la « constitution de l’an 1 ». Il nous présente une communauté multi-culturelle, sans contrainte religieuse, réunie pour combattre sur le chemin de Dieu. Les spécialistes de l’histoire de l’islam sont circonspects, car cette communauté n’a rien d’équivalent dans la Sîra, qui reste la référence pour ces historiens : Mahomet avait chassé ou massacré les trois tribus juives de Yathrib qui ne voulaient pas se soumettre à sa vision du monothéisme. Il ne restait donc plus de juifs à Yathrib, cinq ans après l’arrivée du prophète. Comme les historiens refusent de remettre en cause la Sîra, cette biographie de Mahomet mise par écrit deux siècles après la mort du prophète, ils sont face à un problème qu’ils bottent en touche en qualifiant la charte de document disparate, regroupant des traités signés séparément, sur plusieurs années. Le paradigme reste traditionnel : la communauté (umma) de Mahomet est mono-culturelle, exclusivement islamique, elle a pour objectif de répandre la nouvelle religion dans la monde.

On se trouve face à deux vues différentes qui s’opposent sur le rôle des juifs et l’objectif de la communauté.

Commençons par analyser le rôle des juifs. Dans la charte, ils sont les alliés, les clients des tribus arabes. Dans la Sîra, ils ont l’air de dominer l’oasis de Yathrib (Médine) : leurs villages sont fortifiés, ils ne sont pas seulement cultivateurs, mais ils exercent d’autres métiers comme métallurgistes : ils fabriquent les armes. Yathrib était aussi un centre culturel juif. On ne décèle pas de lien de dépendance des juifs par rapport aux deux tribus non juives.
Les historiens minimisent le nombre de tribus : 8 dans la charte, contre seulement 2 non juives dans la tradition. Pour eux, il s’agit non pas de huit tribus, mais des différents clans des deux tribus mentionnées dans la Sîra. Soit.

Si ce ne sont pas les juifs de Yathrib, éliminés selon la tradition, qui sont-ils ? Pour certains historiens, sceptiques, il est peu probable qu’il y ait eu des tribus juives aussi loin dans le désert arabique. Les juifs étaient présents dans l’empire byzantin, mais surtout dans l’empire perse beaucoup plus tolérant. Dans la péninsule arabe, les rois de Himyar, au Yémen actuel, s’étaient convertis au judaïsme en 380. Le royaume est resté juif jusqu’en 525 quand il a été conquis par les chrétiens du royaume d’Aksoum (Ethiopie).

Ce qui est très étonnant, dans la charte et dans la tradition, c’est l’absence des chrétiens à Yathrib alors qu’ils évangélisaient tout azimut. Les prédicateurs accompagnaient les caravanes et parcouraient toutes les routes commerciales. On les retrouve en Chine et chez les Mongols. Plusieurs évêchés ont été créé sur la côte orientale de la Péninsule arabique. Mais comme je l’ai déjà dit à maintes reprises, je doute que La Mecque et Médine soient sur des grandes routes commerciales (voir l’article : Pétra – La Mecque). Cette partie centrale de l’Arabie (le Hidjaz) est ignorée des grands empires, elle n’est desservie que par un commerce local.

D’où pouvaient venir les juifs mentionnés dans la charte de Yathrib. Il faut remonter 8 ans avant l’arrivée de Mahomet à Yathrib. Nous sommes en 614, les Perses envahissent l’Empire byzantin profitant d’une guerre de succession. Ils sont aidés par des contingents juifs qui prennent d’ailleurs le contrôle de Jérusalem, d’où ils avaient été chassés en 137. Les Perses iront jusqu’à Constantinople avant que le nouvel empereur, Héraclius, ne les repousse au-delà de l’Euphrate vers 622 (voir mon article sur la conquête arabe). Héraclius va s’en prendre aux juifs de l’Empire. Il leur pose un ultimatum : ils se convertissent au catholicisme ou ils quittent le territoire. Que vont-ils faire ? Laissons parler l’évêque Sébéos qui, vers 660, écrit l’Histoire d’Héraclius.

Ils (NB : les juifs) prirent le chemin du désert et arrivèrent en Arabie, chez les enfants d’Ismaël ; ils les appelèrent à leur secours et leur firent savoir qu’ils étaient parents, d’après la Bible…

Mahomet (NB : s’adressant à ses partisans) ajoutait : « Dieu a promis par serment ce pays à Abraham et à sa postérité après lui en toute éternité ; il a agi selon sa promesse, lorsqu’il aimait Israël. Or vous, vous êtes les fils d’Abraham et Dieu réalise en vous la promesse faite à Abraham et à sa postérité. Aimez seulement le dieu d’Abraham, allez vous emparer de votre territoire, que Dieu a donné à votre père Abraham, et personne ne pourra vous résister dans le combat, car Dieu est avec vous ».

Alors ils (NB : les partisans de Mahomet) se rassemblèrent tous, depuis Ewiwlay jusqu’à Sur et en face de l’Égypte; ils sortirent du désert de Phapan répartis en douze tribus, d’après la race de leurs patriarches. Ils répartirent parmi leurs tribus les douze mille enfants d’Israël,  mille par tribu, pour les guider dans le territoire d’Israël.

NB : Le désert de Phapan désigne probablement le désert de Paran (ou Faran en arabe qui ne connaît par le P) situé au nord-est du Sinaï. C’est là selon la Bible, qu’Agar et son fils Ismaël sont arrivés lorsqu’ils ont été chassés du clan d’Abraham (Gen. 21, 21)

Ce récit est plus cohérent avec la charte de Yathrib. Il explique aussi le sens de « combattre sur le chemin de Dieu » : conquérir la terre d’Israël que Dieu à donné aux fils d’Abraham, les Israéliens et les Ismaéliens. Quand Jérusalem tombera aux mains des armées arabes (vers 638), des artisans seront recrutés pour construire un lieu de prière sur l’emplacement du temple, au grand dam du patriarche chrétien Sophronios qui vit son diacre, tailleur de pierre, répondre à l’appel des Arabes.

Vers 640, un auteur chrétien anonyme, dans la Doctrina Jacobi, met en scène un juif qui raconte à Jacob, le héro de l’histoire : « Et nous les juifs, nous étions en grande joie. On disait que le prophète était apparu, venant avec les Saracènes (Arabes), et qu’il proclamait l’arrivée du Messie qui allait venir« . En 640, Jérusalem était déjà tombée (638).

NB : Lors de la conquête arabe, Jérusalem s’appelait Aelia et la Judée était devenue la Palestine. Ce changement de désignation était l’oeuvre de l’empereur romain Hadrien (son nom complet est Publius Aelius Traianus Hadrianus Augustus) qui, en 137, avait maté la deuxième révolte juive. Il avait détruit Jérusalem, expulsé les Juifs et rebâti une ville romaine à qui il avait donné son nom.

L’anti-judaïsme n’est pas inhérent à l’islam, il ne viendra que plus tard : les chrétiens de l’administration des Omeyyades, restés en place, persuadés que les Juifs étaient responsables de la mort de Jésus imposeront leur idéologie aux musulmans (voir l’article sur l’élaboration du Coran).

Conclusion

Cette hypothèse est-elle la véritable histoire des débuts de la conquête arabe ? A-L de Prémare, un islamologue réputé, dans son livre « Les fondations de l’islam » s’étonne : « On peut effectivement éprouver une certaine réticence à admettre que Mahomet ait envisagé, à partir du Hidjaz, une expédition aussi lointaine dans une zone aussi peuplée que la Palestine ».
Un autre historien, l’américain Hoyland, professeur à Oxford et à l’UCLA, dans son livre « Dans la voie de Dieu » voit dans les conquêtes, non pas une « invasion » musulmane, mais des insurrections d’Arabes et de non Arabes de toute confession, juifs, chrétiens ou zoroastriens, résidant dans les empires byzantins et perses et profitant du marasme causé par la fin de la guerre entre ces empires (603 à 628) et l’arrivée de la umma de Mahomet. Ces attaques sur plusieurs fronts expliquent les guerres civiles de 656 à 661 et de 683 à 692 entre les différentes armées conquérantes.

Cette vision va à l’encontre de la tradition islamique mise par écrit au IXe siècle (au IIe siècle de l’ère musulmane), alors que les lois n’étaient plus édictées par les califes, mais par les religieux. Les chroniqueurs de IXe siècle ont réinterprété les expéditions et les conquêtes à l’aune du contexte de leur époque, en amplifiant l’aspect religieux, en exaltant et en glorifiant l’islam.

La conversion des peuples conquis n’a jamais été un objectif pour les conquérants. Comme indiqué dans la charte de Yathrib, à chacun sa religion. Cette maxime est même reprise dans le Coran, sourate 2, verset 256 : « Nulle contrainte en religion. Car le bon chemin s’est distingué de l’égarement. Donc, quiconque mécroit au Rebelle (Satan) tandis qu’il croit en Dieu saisit l’anse la plus solide qui ne peut se briser« . Il n’est pas question de religion dans les premières années de la conquête. Il faudra attendre la fin de la seconde guerre civile en 692 sous le règne d’Abd al-Malik pour que Mahomet soit mentionné en tant que prophète par les califes omeyyades. Son nom va apparaître sur les pièces de monnaie et dans le Dôme du Rocher. A ce moment, on peut parler de l’islam en tant que religion califale.


Une autre culture islamique

La culture islamique est une culture sans image. Vraiment ?
La première dynastie musulmane, les Omeyyades, qui succède aux compagnons du prophète Mahomet, installe son pouvoir en Syrie-Palestine, entre Damas et Jérusalem. Elle ignore ce qui deviendra les lieux saints de l’islam : La Mecque et Médine. Les califes omeyyades ont conquis le pouvoir par les armes, en battant le quatrième calife, Ali, gendre et beau-fils du prophète (voir mon article sur les premiers califes omeyyades).

Ils vont tisser un réseau de résidences fortifiées dans tout le territoire qu’ils contrôlent, d’Alep au nord de la Syrie jusqu’au nord de la péninsule arabique en passant par l’actuelle Jordanie. On dénombre aujourd’hui plus d’une trentaine de « châteaux de désert » ainsi qu’on les appelle. Ils sont tous de forme et de taille différente. Ils servaient de résidence à la cour califale lors des déplacements du calife que l’on peut imaginer rendant visite à ses sujets, comme les rois de France le pratiquaient… d’où l’abondance des châteaux royaux en France.

Le château du désert de Qusayr Amra en Jordanie

Un de ces châteaux a gardé sa décoration originale et elle surprend. Les murs sont recouverts de 400 m² de fresques qui montrent une tout autre culture musulmane que celle que véhicule l’islam d’aujourd’hui. On se croirait dans une villa romaine : les scènes de fêtes succèdent aux scènes de chasse. Des femmes dansent et se baignent. C’est un lieu de perdition pour les intégristes.

J’ai parlé de lieu de perdition, mais ce sont plutôt des scènes de paradis, tel que se l’imagine les salafistes. C’est là toute l’ambiguïté des combattants d’Allah : ils veulent détruite la civilisation occidentale qu’ils jugent décadente et débauchée pour gagner un paradis où ils pourront vivre une vie de repos et de débauche.
(Exemples de citations sur le Paradis tirées du Coran d’après Les Grands Thèmes du Coran par Jean-Luc Monneret) :

Le Paradis est un jardin parcouru de ruisseaux (Co. 4, 122). On y trouve d’immenses ombrages (56, 30) , non le soleil implacable. On y reçoit des fruits (56, 32) et des boissons en abondance, du vin dont on ne se lasse pas et qui n’enivre pas (37, 47). Des « houris » aux grands yeux sont là, toujours vierges et d’âge égal (55, 36) ainsi que de beaux éphèbes (56, 17). Vêtus de brocart et de soie, parés de bijoux précieux (18, 31) les élus se reposeront pour l’éternité dans de profonds divans (76, 13).

Mais revenons aux Omeyyades. Doit-on s’étonner de la décoration de ces châteaux ? Oui si on se réfère à la tradition islamique qui fait des Omeyyades, les descendants d’Abu Sufyan, le maître de La Mecque, un fils du désert, converti sur le tard à l’islam. Non, si on suit l’hypothèse que j’ai développée dans l’article précité, qui fait des Omeyyades des Arabes de Syrie, alliés (abandonnés) des Byzantins, donc de culture grecque. Leur tribu dirigeait la confédération des Ghassan (ou Ghassanides) et construisaient déjà des résidences dans les déserts comme Jabiya dans le Golan ou Jilliq au sud de Damas.

Mais connaît-on vraiment l’histoire de l’islam ?

Les représentations humaines dans l’islam

Aucun verset du Coran n’interdit de représenter des personnes. La tradition islamique vient probablement du judaïsme. Dans le livre de l’Exode 20, 4-5, il est dit : « Tu ne te feras point d’image taillée, ni de représentation quelconque des choses qui sont en haut dans les cieux, qui sont en bas sur la terre, et qui sont dans les eaux plus bas que la terre. Tu ne te prosterneras point devant elles, et tu ne les serviras point. Cette interdiction vise à éviter l’idolâtrie.
Certains auteurs considèrent que l’interdiction des images dans l’islam serait une conséquence de la crise des icônes qui frappa l’Empire byzantin au VIIIe siècle. En 730, l’empereur Léon III l’Isaurien (empereur de 717 à 741 né en Isaurie, région du centre de la Turquie moderne) interdit l’usage des icônes du Christ, de Marie et des saints, et ordonne leur destruction. Cette raison est peu probable, car le Dôme du Rocher, construit avant la crise, ne comporte aucune représentation « d’être ayant une âme« .

Mahomet a-t-il fait des miracles ?

Que dit le Coran ?

Le Coran est formel : NON, Mahomet n’a pas fait de miracle. Ce n’est qu’un homme.

Dis-leur : « Je ne prétends pas disposer des trésors de Dieu, ni de connaître les mystères, je ne vous dis pas que je suis un ange. Je ne fais que suivre ce qui m’a été révélé. (Co. 6, 50)

Ils disent : ‘Pourquoi ne nous apporte-il pas un miracle de son Seigneur ? » La preuve de ce que contiennent les écritures anciennes ne leur est-elle pas parvenue ? (Co. 20, 133) [NB : à lire de verset, on pourrait croire que les habitants de La Mecque devaient connaître la Bible hébraïque ???]

Ne leur suffit-il pas que nous ayons fait descendre sur toi le Livre et qu’il leur soit récité ? Il y a certes là une miséricorde et un rappel pour les gens qui croient. (Co. 29, 51)

En résumé, les miracles ne sont pas nécessaires pour croire, la révélation du Coran suffit.

Qu’en pensent les musulmans ?

Et pourtant de nombreux miracles sont attribués à Mahomet, que ce soit dans sa biographie (la Sîra) ou dans les hadiths (la sunna). Les musulmans ne lisent-ils pas le Coran ?
Le site islamreligion.com nous enseigne que « le prophète Mohammed (que la paix et les bénédictions de Dieu soient sur lui) a accompli de nombreux miracles dont ont été témoins des centaines, et parfois des milliers de personnes.  Le récit de ces miracles nous est parvenu par l’intermédiaire d’une méthode de transmission d’une efficacité jamais égalée dans l’histoire. » Sic.

Mahomet aurait divisé la lune en deux lors d’une prière. Ce « miracle » est déduit du verset 54, 1 du Coran qui dit « L’heure approche et la lune s’est fendue en deux ». Le verset parle en fait de la fin du monde. Le site islamreligion.com nous dit même que les habitants de Washington n’ont pas pu voir le miracle car il était 2 heures de l’après-midi chez eux !

Lors de son prêche, Mahomet avait l’habitude de monter sur une souche. Les fidèles devenant de plus en plus nombreux, on lui construisit une chaire. A l’office suivant, tous les participants ont entendu la souche pleurer et Mahomet l’a consolée en la caressant.

Lors d’un déplacement, l’eau vint à manquer. Mahomet avait conservé une petite fiole pour ses ablutions. Il l’ouvrit et l’eau coula en abondance entre ses doigts.

Bien entendu, il a multiplié les pains, il a guéri Ali qui soufrait des yeux et il a exorcisé un démon qui avait pris possession d’un enfant. Il a aussi exaucé les vœux des fidèles. Il a rétabli des jambes brisées et a fait d’un fantassin un cavalier émérite?

La Sîra raconte qu’alors que les armées de La Mecque s’apprêtaient à attaquer Médine, Mahomet demanda de creuser un fossé tout autour de l’oasis. Le travail était ardu, le sol était très dur. Mahomet cracha par terre et le sol devint meuble et malléable. Grâce à ce fossé (une tranchée avant l’heure ?), les 10.000 assaillants n’ont pas osé s’attaquer aux fidèles du prophète, se contentant de les invectiver en leur récitant des poèmes. Après quelques jours de siège, ils ont refait, en sens inverse, les 350 kilomètres qui les séparaient de La Mecque.

Le voyage nocturne

On raconte qu’une nuit, alors qu’il était toujours à la Mecque, Mahomet fut réveillé par l’ange Gabriel qui lui fit enfourché un animal fabuleux Buraq, mi-femme, mi-cheval ailé, pour se rendre à Jérusalem. De là, Mahomet s’envola vers les cieux où il rencontra Abraham, Moïse, Jésus et finalement Allah à côté duquel trônait l’original du Coran. Au petit matin, il était de retour et raconta son aventure. Personne ne le crut. Il annonça alors qu’il avait survolé une caravane qui arriverait le surlendemain. Ce qui se réalisa. On peut encore voir « l’empreinte du pied de Mahomet » sur la pierre conservée à l’intérieur le Dôme du Rocher à Jérusalem.

Mahomet montant Buraq

D’où vient ce récit ? Il fait partie du Coran, sourate 17, verset 1 :

Gloire à celui qui a fait voyager de nuit son serviteur du lieu de prière sacré vers le lieu de prière éloigné dont nous avons béni l’enceinte, et ceci pour lui montrer certains de nos signes. Dieu entend et voit tout.

Voilà le texte intégral (j’ai remplacé « mosquée » par « lieu de prière », car il n’ y avait pas de mosquées lorsque Mahomet résidait à La Mecque).
Comme on peut le voir, le verset ne parle ni de Mahomet, ni de l’ange Gabriel, ni de Buraq (qui est un personnage de la mythologie persane), ni de La Mecque, ni de Jérusalem. C’est un vrai miracle que ce texte soit devenu le récit fantastique du voyage nocturne.

Quand le verset a été interprété, une mosquée avait bien été édifiée à La Mecque et on l’avait appelée « la mosquée sacrée« , elle existe toujours, très embellie. Ca rapproche le texte du récit.
En 705, Walid I, le fils d’Abd al-Malik, fit construire une mosquée à Jérusalem, mosquée qui sera appelé « al Aqsa« , c’est à dire, la mosquée éloignée. Et le tour est joué.

On raconte que Aïcha la femme préférée du prophète aurait dit que le voyage s’était fait en songe. Or Aïcha est morte en 678, bien avant la construction de la mosquée al-Aqsa. Qui croire ? Que croire ?