Le califat abbasside

Avant-propos : qui sont les Arabes ?

Les Arabes ne forment pas une ethnie, ils n’ont pas comme ancêtres les bédouins et les commerçants qui arpentaient les déserts du Proche Orient, de la Syrie au Yémen. Est arabe celui qui parle cette langue.
Prenons le cas de l’Égypte du XIIIe siècle pour illustrer cette définition.
A cette époque en Égypte, se côtoient :

  • Des coptes chrétiens descendants des occupants du pays sous la dynastie des Ptolémée. Ils sont égyptiens ou grecs.
  • Des Arabes des déserts du Proche Orient, des Saracènes (Sarrasins) comme les appelaient les Byzantins, venus conquérir et islamiser le pays vers 640.
  • Des Berbères d’Ifriqiya (la Tunisie) accompagnant la dynastie fatimide qui prit le pouvoir en Égypte en 969 et créa un califat chiite.
  • Des Turcs de l’armée de Saladin qui gouverna l’Égypte de 1169 à 1193, renversant le calife fatimide et imposant le sunnisme.
  • Des mamelouks, esclaves-soldats, caucasiens, slaves, turcs kiptchaks vendus par les Mongols, ou nubiens (garde noire du calife). Ils prendront le pouvoir en 1250, arrêterons les Mongols (1261) et chasseront les Francs du littoral libano-palestinien (1291).
  • Sans oublier les esclaves domestiques en provenance de l’Afrique subsaharienne.

Tous les descendants de ces populations sont les Arabes de l’Égypte d’aujourd’hui : ils parlent arabe.

Avec les émigrations de la seconde moitié du XXe siècle, la notion de « qui est Arabe » s’est modifiée. Il est aujourd’hui admis que les personnes issues d’un pays arabophone est Arabe, même s’il a perdu l’usage de la langue de ses parents. Ainsi, le Libanais chrétien, Amin Maalouf, membre de l’Académie française, se considère comme Arabe.

Synthèse

L’histoire du califat abbasside est très complexe, émaillée de faits divers nombreux. On doit distinguer trois périodes radicalement différentes dans la vie de ce califat.
De 749 à 936, le calife gouverne effectivement l’Islam (avec une majuscule : l’empire islamique) et permet le développement d’une brillante civilisation. Néanmoins il perd petit-à-petit le contrôle d’al-Andalous (Espagne) et du Maghreb (voir mon article).

La seconde période, de 936 à 1258, est moins glorieuse : le calife vit sous la tutelle d’un vizir iranien tout d’abord puis d’un sultan turc. Il perd le contrôle de la Syrie et de l’Egypte, passées aux mains d’un autre calife, chiite celui-là et se désintéresse de la présence des Francs (croisés) sur les côtes de Palestine.

1258, c’est la fin. Les Mongols envahissent tout l’est de l’empire. Un descendant du calife se réfugie dans l’Égypte des mamelouks, devenue sunnite, qui l’accueille avec bienveillance pour avaliser leur pouvoir usurpé. Les Ottomans mettront fin au califat en 1517.

749-936 (186 ans)

Tout commence dans le sud de la Syrie avec un descendant l’al-Abbas, un oncle de Mahomet (qui donnera son nom au califat) auquel le chef de file des chiites, descendant d’Ali, cède ses droits au pouvoir. Muhammad ibn Ali, c’est de lui qu’il s’agit, se déplaça alors vers l’est (Irak) moins contrôlé par le pouvoir omeyyade et organisa un mouvement de révolte qui eut peu de succès dans un premier temps. Mais son idée fait du chemin. Un obscur personnage Abu Muslim, rassemble des troupes hétéroclites, à majorité des convertis non arabes (des mawali), au Khorassan, une province de l’est de l’Iran. En 749, il atteint Koufa où il fait allégeance aux princes abbassides descendant de Muhammad ibn Ali.

Les Abbassides ont eu l’excellente idée de se présenter comme descendants « directs » de Mahomet et reconnus par les partisans d’Ali (les chiites ou Alides). Ce qui n’empêchera pas les Alides d’abandonner très vite les nouveaux califes et de leur contester le pouvoir.
Les Omeyyades furent massacrés en 750. Les nouveaux souverains délaissèrent Damas en Syrie pour s’établir dans une toute nouvelle ville, Bagdad, entre le Tigre et l’Euphrate, près de l’ancienne capitale de l’empire perse : Ctésiphon.

Le califat atteint le sommet de sa gloire sous Haroun al Rachid, intronisé en 786. Il entretiendra des relations diplomatiques avec Charlemagne à qui il offrira un éléphant. Cette relation ne doit pas nous surprendre, car une « guerre froide » s’était installée entre l’empire carolingien et l’empire byzantin pour le contrôle de la Méditerranée occidentale et du monde chrétien. Chacun s’appuyant sur les musulmans : les Carolingiens sur le califat abbasside et les Byzantins sur l’émirat de Cordoue, qui était aux mains des Omeyyades.

Le calife Al-Mamun, qui a fait graver son nom dans le Dôme du Rocher, fonda vers 830 la maison de la science dans sa capitale Bagdad. Elle attira des savants de toutes origines, des Perses, des Grecs, des Indiens, des chrétiens, des juifs et des musulmans. Les textes anciens y sont traduits et la connaissance se diffuse à grande échelle grâce à l’utilisation du papier nouvellement importé de Chine. Son utilisation permettait de multiplier et de conserver plus facilement les manuscrits qu’avec le papyrus ou le parchemin. Cette connaissance retrouvée atteindra l’Occident par l’Espagne (al-Andalous) et la Sicile.

[Citons la présence à Bagdad d’un grand mathématicien, al-Kwarizmi, dont le nom prononcé en Occident « Alchorismi », a donné le mot « algorithme ». C’est également à ce mathématicien que nous devons le mot « algèbre » qui est le titre d’un de ses livres.]

936-1258 (321 ans)

Le califat vit au dessus de ses moyens. Le calife rémunère son armée, composée de mercenaires, en leur octroyant des terres qu’ils gouvernent et où ils peuvent prélever l’impôt. L’empire se morcelle. Les premiers a en profiter sont des Iraniens, les Bouyides, chiites, qui deviennent en quelque sorte les tuteurs, les protecteurs du calife. Trois familles rivales se partagent les territoires de l’ancienne Perse.

Venant des steppes d’Asie centrale, à travers la Transoxiane, des bandes de Turcs nomades vont envahir petit à petit l’Iran. En quelques années, toutes les principautés iraniennes passent sous le contrôle d’une famille turque : les Seldjoukides. Chamanistes au départ comme le prouve le nom de leur chef : Prince Faucon et Prince Épervier, ils vont se convertir à l’islam sunnite et s’entourer d’Iraniens dont ils vont adopter les mœurs et la langue. En 1055, le calife les accueille à Bagdad d’où ils chassent les Bouyides.

Le calife donne à leur chef les titres de sultan, roi d’Orient et d’Occident, c’est-à-dire chef politique de tout le monde musulman. Poursuivant leur conquête, ils se retrouveront en pays byzantin. L’Arménie passe sous leur contrôle en 1064, après la prise de sa capitale (voir l’article). Ils s’attaquent alors à l’empire byzantin et capturent même l’empereur Romain IV Diogène lors de la bataille de Van en 1071. La rançon à payer sera très élevée, l’empereur devra même concéder la ville de Nicée, aux portes de Constantinople.

Mais chez les Turcs, la succession se fait dans la douleur : le pouvoir est un bien familial et lors de la mort d’un chef, des luttes internes opposent les différents clans pour hériter de ce pouvoir ce dont vont profiter les croisés lorsqu’ils entreront en contact avec les Seldjoukides. Ces successions et ces guerres internes vont avoir une autre conséquence, le morcellement à outrance des possessions turques : chaque ville sera gouvernée par un clan.

[Avant de devenir sultan, Saladin, qui n’est pas turc seldjoukide mais kurde, était simple officier dans l’armée du gouverneur seldjoukide de Mossoul.]

Ainsi, lorsque les Francs assiègent la ville d’Antioche aux mains des Turcs seldjoukides aucune armée ne viendra au secours des assiégés. [Antioche est actuellement la ville d’Antakya en Turquie, à la frontière avec la Syrie.] Ce n’est que lorsque la ville fut prise, après un siège de sept mois, qu’une armée venant de la ville voisine d’Alep, tenue par un clan rival, viendra assiéger les croisés qui s’étaient curieusement enfermés dans la ville.

[Les Francs, ou plutôt les Normands, c’est l’armée de Bohémond de Tarente qui prend Antioche, vont briser l’encerclement, galvanisés par la découverte miraculeuse, dans le sous-sol d’une église d’Antioche, de la Sainte-Lance, celle qui a percé le flanc de Jésus sur la croix. C’est un « vrai miracle », car lors du rassemblement des troupes devant Constantinople, les chefs croisés avaient été invités à vénérer cette même lance, propriété de l’empereur byzantin !]

A l’est, le shah du Khwarezm, occupe presque tout l’Iran actuel dès 1157, chassant les Grands Seldjoukides. Le calife lui accorde également le titre de sultan. Le Khwarezm est un territoire situé entre les mers Caspienne et Aral. Cette contrée a été islamisé au IXe siècle (voir l’article). C’est un pays riche grâce au contrôle du commerce est-ouest. Si j’en parle, c’est que cette dynastie sera la cause directe de l’arrivée des Mongols… comme on le verra dans un prochain article.

1258-1517 (258 ans)

En 1215, Gengis Khan fédère toutes les tribus mongoles qui nomadisaient dans les steppes de Mongolie. Il va partir à la conquête du plus grand empire jamais créé, s’étendant de la Chine à la Hongrie.

En 1256, le mongol Hülegü, khan d’Iran, prend la forteresse d’Alamut, le repère de l’ordre des Assassins, se débarrassant ainsi des Ismaéliens que les Seldjoukides n’avaient jamais pu vaincre. Continuant sa conquête vers l’ouest, il prend Bagdad en 1258, tue le calife, al-Musta’sim, mettant fin au califat des Abbassides. Il est probable que sa tête alla grossir les pyramides de crânes qui s’entassaient devant les villes prises par les Mongols. Cette sauvagerie avait pour but d’apeurer leurs adversaires et de les pousser à se rendre plutôt que de combattre.

Fuyant les Mongols, un parent du dernier calife, al-Hakim, va rejoindre l’Égypte où il assurera à la dynastie une survie artificielle : le calife fera de la figuration, se contentant d’apparaître lors de l’accession au trône du nouveau sultan. Il devient par la même occasion le protecteur des lieux saints de l’islam : les villes de La Mecque et de Médine étant contrôlées par l’Égypte. Il apporte aux mamelouks, les nouveaux maître de l’Égypte, une aura face aux États musulmans rivaux en tant que soutien du calife.

Seize califes vont se succéder au Caire jusqu’en 1517 lorsque les Turcs ottomans vont détrôner les mamelouks. Ils vont abolir le califat… qu’ils revendiqueront en 1876 pour tenter de rétablir leur aura.

La théorie d’ibn Khaldun

ibn Khaldun est un historien et un géographe ayant vécu au Maghreb et en Égypte au XIVe siècle (1332-1406). Il a connu la peste, les changements de dynastie et a même rencontré Tamerlan.

Dans ses écrits, ibn Khaldoun divise la société des hommes en nomades, qu’il appelle bédouins et en sédentaires, les empires. Les nomades possèdent l’espace, mais leur activité se limitent à subvenir à leurs besoins. Mais ils rêvent de se procurer d’autres richesses et finissent par se sédentariser.
Les sédentaires eux développent l’urbanisation et des techniques de plus en plus complexes. Le sédentaire, contrairement au nomade, exerce un métier.

ibn Khaldoun pense que la vie bédouine est à l’origine des diverses civilisations dans la mesure où les Bédouins se contentent de satisfaire leurs besoins tandis que les sédentaires sont attirés par le confort et le luxe. Les Bédouins sont jugés par Ibn Khaldoun comme les peuples les plus courageux. Leur puissance est issue de leur esprit de clan. Le clan unit le groupe autour d’une ascendance commune, il permet une assistance mutuelle et crée la solidarité du groupe. Or, celle-ci est fondamentale pour se défendre dans une période de luttes tribales.

Pourtant, une lignée prestigieuse mue par un fort esprit de clan peut s’éteindre au bout de quelques générations. Plusieurs clans peuvent se regrouper pour constituer un ensemble dirigé par le clan le plus puissant, celui qui sera le plus enraciné dans la vie bédouine, le plus sauvage. Mais, au bout de quelques générations, un autre clan peut toujours faire valoir un esprit de clan plus puissant et, donc, diriger le groupe. On assiste ainsi à des luttes incessantes pour accaparer le pouvoir. Les empires musulmans, les Turcs seldjoukides et les Mongols lui servent d’exemple.

L’esprit de clan offre une puissance et une supériorité qui entre en contradiction avec l’objectif des nomades, qui aspirent de plus en plus au confort et au luxe. Il leur faut pour cela se sédentariser, ce qui sera à l’origine de la perte de l’esprit de clan : « Quand un peuple se sédentarise dans les plaines fertiles et amasse les richesses, il s’habitue à l’abondance et au luxe, et son courage décroît de même que sa « sauvagerie » et ses usages bédouins« .

Il explique ainsi les changements incessants de l’autorité dans les califats. Lorsqu’un « empire » sédentarisé est attaqué par un voisin nomade, il n’a plus les ressources militaires nécessaires pour faire face. Il fait donc appel à la « sauvagerie » d’autres nomades qui vivent aux marges de l’empire et ceux-ci finissent par s’implanter dans l’empire… La boucle est fermée, et le cycle reprend.

L’interdit sur le porc

Pourquoi les musulmans ne consomment-ils pas de porc ? Le réponse est très simple, ils ont hérité cette pratique du judaïsme. Alors, d’où vient cette coutume pour les juifs ? Elle leur vient de l’Égypte des pharaons.

Relation Égypte-Hébreux

La relation entre les Hébreux et l’Égypte est une relation ambiguë, faite d’amour et de haine… si l’on en croit la Bible. (Pour la chronologie supposée, voir mon article : La chronologie biblique)
Tout commence avec Abraham. Il se rend avec son clan en Égypte où le pharaon tombe amoureux de sa femme Sarah qu’Abraham avait présentée comme sa sœur. Elle refile une « maladie » à Pharaon qui chasse les Hébreux. Suite à cet épisode, Abraham se fera circoncire. La Bible ne dit pas s’il y a une relation de cause à effet.

Le petit-fils d’Abraham, Jacob, qui est aussi appelé Israël, a douze fils. L’un d’eux, Joseph est vendu par ses frères à des caravaniers se rendant en Égypte. Dans ce pays, grâce à l’interprétation des rêves, Joseph se taille une place de choix : il devient premier ministre de Pharaon. (NB : Dans le récit des patriarches, les pharaons n’ont pas de noms. Il faut dire que les récits sont loin d’être historiques). Suite à une disette à Canaan, la tribu de Jacob, avec ses onze fils restant, viennent se réfugier en Égypte où ils sont accueillis par leur frère (Joseph) qui leur a pardonné.

La relation change, on ignore pourquoi. Dans la saga suivante, les Hébreux sont les esclaves des Égyptiens. C’est ici qu’intervient Moïse qui va faire sortir les Hébreux d’Égypte. j’ai consacré deux articles à ce personnage : Quel pharaon face à Moïse et Moïse au-delà du mythe.

Voilà pour le récit biblique. Le Coran reprend ces histoires dans les grandes lignes.
Abraham (Ibrahim) est « le modèle parfait de soumission à Dieu » (Co. 16-120). C’est la référence, le modèle : il n’est ni juif, ni chrétien, donc parfait ancêtre des musulmans. Si le Coran n’est pas disert sur le passage d’Abraham en Égypte, il le fait venir à La Mecque où il construira la Kaaba.

La saga de Joseph est la plus cohérente du Coran. Tout se trouve dans la sourate 12. Pas besoin de rechercher dans les sourates les versets se rapportant au personnage. Par contre, Abraham (Ibrahim) apparaît dans 13 sourates et Moïse (Musa), le plus cité, dans 19 sourates.

Alors que les Hébreux, conduits par Moïse, sont au nombre de 600.000 sans compter les femmes et les enfants, dans le récit biblique, les « Juifs ne sont qu’une bande peu nombreuse » dans la Coran (26, 56).
Deux versets font polémiques (7, 136-137). Ils donnent aux enfants d’Israël toutes les terres situées à l’est et à l’ouest du Nil ou de la Mer Rouge. De quoi permettre aux Arabes de revoir leur position sur les Israéliens ?

Alors nous (Dieu) nous sommes vengés d’eux (les Égyptiens) ; nous les avons noyés dans les flots, parce qu’ils traitaient de mensonges nos signes et n’y prêtaient aucune attention.
Et les gens qui étaient opprimés (les Hébreux), nous les avons fait hériter les contrées orientales et occidentales de la terre que nous avons bénies. Et la très belle promesse de ton Seigneur sur les enfants d’Israël s’accomplit pour le prix de leur endurance. Et nous avons détruit ce que faisaient Pharaon et son peuple, ainsi que ce qu’ils construisaient.

La place du porc dans l’Égypte ancienne.

Revenons à nos moutons, ou plutôt à nos porcs. Quelle était leur place dans l’Égypte des pharaons ? Je reprends ici un extrait de l’article « Le régime du Nil nourrit les Égyptiens » de Martina Tommasi paru dans la revue Histoire et civilisations (Le Monde) n° 66 de novembre 2020.

Le porc occupait quant à lui une place ambiguë. Lâché dans les champs avant les semailles pour aérer la terre et permettre une meilleure pénétration des semences, il consommait aussi les déchets alimentaires ce qui réglait la question de leur élimination et évitait qu’ils ne se transforment en source potentielle d’infection.
Le porc était malgré tout considéré comme un animal impur, dont le contact devait être suivi d’une immersion intégrale dans l’eau du fleuve et dont l’élevage interdisait à ses maîtres, pourtant des citoyens libres, d’entrer dans les temples ou de se marier.

Des porcs n’en étaient pas moins sacrifiés une fois par an à la déesse Nout (déesse du firmament) et communément consommés par la population rurale.

Le fait que l’élevage des porcs interdise l’entrée dans le temple a dû jouer un rôle dans l’interdiction décidée par les Hébreux : ne pas entrer dans le temple, c’est être rejeté de la communauté. Or la société israélite des débuts est une société hautement égalitaire. Le ciment de la société, c’est la communauté. L’autre point : l’interdiction de se marier, est en totale contradiction avec la loi de Moïse. Tout Hébreux a l’obligation de marier ses enfants. Le porc, peu adapté à la topologie du terrain rocheux est donc banni par les Hébreux : la communauté reste soudée et la loi appliquée.

L’élevage des porcs dans les pays musulmans

L’élevage des porcs est interdit dans beaucoup de pays musulmans : l’Arabie saoudite, les pays du Golfe et la Libye. Dans les autres pays, ce sont les minorités non musulmanes qui s’en occupent. En Égypte, les coptes (chrétiens) élevaient les porcs dans la banlieue du Caire où, comme dans l’Antiquité, ces animaux consommaient les déchets alimentaires. En 2009, on comptait 350.000 porcs, avant que le gouvernement ne décide de les faire abattre pour éviter la propagation du virus de la grippe (H1N1)… qui n’était pas arrivé en Égypte et qui ne se transmet pas par les porcs ! Alors, affaire religieuse, attaque contre les coptes ou magouille financière : le gouvernement voulant récupérer des terres à grande valeur ajoutée si elles étaient débarrassées de ces éboueurs ?

1967 : Israël conquiert Jérusalem

Curieux titre !
Jérusalem n’est-elle pas la ville phare d’Israël ? En 1948, à la fin de la guerre ayant débouché sur la création de l’Etat hébreu, l’ONU a partagé la ville en deux. La vielle ville, à l’est, avec tous les édifices religieux, musulmans et chrétiens, de même que le Mur des Lamentations, les fondations du temple d’Hérode détruit par les Romains en 70, a été rattachée à la Jordanie, l’enceinte ottomane servant de frontière.

Mai 1967, Gamal Abdel Nasser, le président égyptien prêche l’invasion d’Israël, l’éradication des Israéliens, leur rejet à la mer. Des manifestions monstres déferlent dans les rues des villes égyptiennes, des drapeaux israéliens sont brûlés et des effigies de Juifs pendues aux lampadaires… Heureusement le plupart des Juifs ont été expulsés d’Egypte lors de l’affaire du Canal de Suez.

Remontons dans le temps. Nasser est colonel dans l’armée égyptienne. En 1952, il participe au renversement du roi Farouk proche des Britanniques et devient le deuxième président en 1956. Socialiste et pan-arabe, il nationalise, la même année, la Compagnie du Canal de Suez, dont les actionnaires français, britanniques et américains avaient refusé de financer la construction du barrage d’Assouan. En octobre, l’ONU ayant avalisé la nationalisation, les Français et les Britanniques signent un accord secret avec Israël pour prendre le contrôle du canal et renverser Nasse. Israël doit attaquer l’Egypte, les troupes françaises et britanniques s’interposant en prenant le contrôle du canal. Très vite, l’armée égyptienne est submergée. Les Français et les Britanniques débarquent à Port Saïd. Début novembre, l’affaire est réglée… C’est sans compter sur l’ONU dont la résolution de renvoyer les belligérants chez eux est approuvée unanimement. Américains et les Russes ont marqué leur accord.
Résultat final : le canal est nationalisé, les Casques bleus déployés dans le Sinaï, les Juifs expulsés, les cadres et employés français et britanniques priés de rentrer chez eux. C’est ainsi qu’un jeune homme de 17 ans vint s’installer avec sa famille à Nice. Il s’appelait Claude François.

Revenons au printemps 1967.  La tension monte, l’armée égyptienne occupe le Sinaï d’où les troupes de l’ONU se sont retirées à la demande de Nasser. En 1966, l’Egypte avait signé un accord militaire avec la Syrie. Aujourd’hui, le 30 mai, un général égyptien prend le commandement de l’armée jordanienne… bien que le roi Hussein se déclare toujours adversaire de la guerre. Israël est encerclée.
Elle mobilise… mais rien ne se passe. Les militaires, dont Yitzhak Rabin et Moshe Dayan, préconisent une action préventive, le président israélien, Zalman Shazar hésite. L’économie israélien est à l’arrêt, toutes les forces vives sont mobilisées. Le pays ne tiendra pas longtemps d’autant plus que Nasser bloque le port d’Eilat dans le golfe d’Aqaba depuis le 23 mai.
Les militaires vont alors instiller un climat de terreur dans le pays : la rumeur parle d’un nouvel holocauste, les terrains de sport, les parcs et les vergers sont réquisitionnés pour creuser 50.000 tombes ! C’est la panique dans la population. Le président Shazar cède enfin après un mois d’hésitation.
Le commandement militaire israélien a eu ce qu’il voulait, mais il n’était pas dupe, il savait que l’Egypte, malgré les provocations, n’était pas prête à la guerre.

Les puissants s’en sont mêlés : les Etats-Unis de Johnson ont fait savoir à Israël que le déploiement des troupes égyptiennes dans le Sinaï n’est que défensif. En relation avec Johnson, Alexeï Kossyguine a prévenu Nasser qu’en cas d’attaque d’Israël, il n’aura aucun soutien.

Mais la machine est lancée, ce n’est pas l’Egypte qui attaquera ! Le 5 juin, au matin, les avions israéliens surgissent de la Méditerranée et détruisent l’aviation égyptienne au sol. La plupart des avions sont complètement détruits. Simultanément les chars israéliens et l’infanterie pénètrent dans le Sinaï, mettant en déroute l’armée égyptienne : 10.000 morts, plus de 4.000 prisonniers.

Mais le soir même, Nasser, mal informé par ses généraux, persiste, il fanfaronne et annonce la victoire. La population descend dans la rue et manifeste sa joie. Par contre, la radio israélienne reste muette sur l’issue de ce premier jour. Croyant la victoire acquise l’armée jordanienne bombarde Israël, les Israéliens ripostent et les para entrent dans la vieille ville de Jérusalem et conquièrent la rive occidentale du Jourdain (la Cisjordanie) alors administrée par la Jordanie. Le 7 juin, les opérations militaires sont terminées sur le front jordanien.

Le 9 juin, l’armée israélienne attaque la Syrie et conquiert le plateau du Golan. La confusion est grande en Syrie : la radio anticipe l’avancée des troupes israéliennes en annonçant des prises de villes qui n’ont pas encore eu lieu. Les Etats-Unis et l’URSS, qui a menacé d’intervenir, imposent un cessez-le-feu qui prend effet le 10 juin. La guerre des six jours est finie, Israël a triplé son territoire et annexé toute la ville de Jérusalem.

6jours

Épilogue

C’est l’euphorie dans la population. Des foules se précipitent dans la vieille ville de Jérusalem conquise pour prier au Mur des Lamentations, qui était interdit aux Juifs. Les ultra orthodoxes annoncent l’imminence des temps messianiques : tous les Juifs de la Diaspora peuvent rentrer dans le grand Israël qui a, ou plutôt aurait, retrouvé les frontières du royaume de David. Actuellement, encore près de 60% des Juifs, soit 8 millions de personnes, sont installés hors d’Israël. Des commandos essaient même de détruire le Dôme du Rocher dans la vielle ville. Ils sont repoussés par l’armée qui protègent les lieux de culte musulmans.

Le gouvernement ne partage par cet enthousiasme. Il est certes heureux de l’issue de la guerre, même s’il déplore 779 morts et plus de 2.500 blessés, mais il s’attend à ce qu’une résolution de l’ONU l’oblige à ramener les troupes vers leurs bases. Cette résolution ne viendra jamais, les Etats-Unis opposant leur veto.

Comme en 1948, lors de la création de l’Etat d’Israël, des milliers de Palestiniens prennent le chemin de l’exil vers les camps de réfugiés.

Fin 1967, les pays arabes, réunis à Khartoum, prennent une résolution commune :

  • pas de paix avec Israël,
  • pas de reconnaissance d’Israël,
  • aucune négociation avec l’Etat hébreu.

Pour avoir outrepassé ces résolutions (accords de Camp David), le président Anouar el-Sadate a payé de sa vie, assassiné en octobre 1981 lors d’un défilé par des membres du Djihad islamique égyptien.

Mais quel est aujourd’hui le statut de Jérusalem-est ? Jamais Israël n’a mentionné l’annexion de Jérusalem-est, bien qu’en 1980, le Knesset, le parlement israélien, ait proclamé Jérusalem capitale de l’Etat, une et indivisible. Jérusalem n’est pas annexée, elle est réunifiée… nuance diplomatique.

Récemment, le 19 juillet 2018, la Knesset a promulgué une loi faisant de l’Etat hébreu, l’Etat-nation du peuple juif. Israël devient le porte-parole de tous les Juifs du monde alors que la grande majorité vit en dehors du pays. Le loi spécifie également que les implantations dans les territoires occupés sont d’intérêt national. L’arabe perd par la même occasion son statut de langue officielle alors que 20% de la population est d’origine arabe, soit musulmane, soit chrétienne.