Le djihad est un devoir religieux pour les musulmans. Mais djihad ne signifie pas « guerre sainte« , mais « effort« , « abnégation » ou même « lutte« . On peut traduire l’idée par « faire un effort sur le chemin de Dieu« . Ce concept peut être interprété de deux manières : (1) faire un effort sur soi-même, lutter contre son ego, respecter les principes de l’islam ou (2) faire un effort pour propager l’islam, lutter contre les infidèles. La première interprétation est appelée, de nos jours, le grand djihad, elle concerne la morale, la seconde le petit djihad, concerne la guerre.
Le grand djihad
Cette notion reste vague : faut-il faire un effort afin de s’améliorer et améliorer la société ou pour devenir un meilleur musulman. C’est cette alternative qui semble prévaloir. Quand un prédicateur salafiste, tel l’Allemand Pierre Vogel, s’adresse à un enfant, il ne lui demande pas s’il obéit à ses parents, s’il est respectueux ou attentif à l’école. Non, il lui demande s’il prie bien cinq fois par jour, car « la prière, c’est important pour ne pas aller en enfer » (documentaire de Helmar Büchel (2015) : « Face aux salafistes » ). Pour ce prédicateur, l’islam se résume à « conforme-toi ce que dit la communauté sinon tu iras en enfer ».
Note : les deux prochains articles seront consacrés au salafisme.
Le grand djihad comporte quatre étapes :
- lutter contre son ego en étudiant la religion
- s’efforcer d’agir en conformité avec les religieux
- enseigner l’islam aux personnes qui ne le connaissent pas (est-ce du prosélytisme ?)
- se montrer patient face aux épreuves terrestres
Le petit djihad
L’islam divise le monde en deux parties : le Dar al-Islam (le monde de l’islam) et le Dar al-Harb (le monde de la guerre). Le monde de l’islam doit être régi par la charia. La relation avec le Dar al-Harb, peuplé d’infidèles, varie selon les prédicateurs et le temps.
- e djihad oblige le(la) musulman(e) à prendre les armes dans une guerre défensive quand la communauté est menacée. Il commande de défendre la religion, l’Etat, les choses sacrées, la terre et l’honneur.
- l’autre vision, la plus ancienne, est plus radicale : le djihad est une guerre permanent contre le Dar al-Harb en vue de propager la foi. Cette vision se base sur un verset 5 de la sourate 9 du Coran : « Après que les mois sacrés expirent, tuez les associateurs où que vous les trouvez. Capturez-les et guettez-les dans toutes les embuscades. Si ensuite ils se rependent, accomplissent la Salat (prière) et acquittent la Zakat (aumône), alors laissez-leur la voie libre, car Allah est pardonneur et miséricordieux« .
Note : les 5 piliers de l’islam sont : la profession de foi, les 5 prières jounalières, l’aumône, le jeûne du ramadan et le pèlerinage à La Mecque.
Seul le petit djihad (ou djihad mineur) est défini par le fiqh, le droit islamique, comme un effort et un devoir collectif.
Ce qu’en dit le Coran
Le Coran a été rédigé durant une période de guerre : guerres de conquête et guerres civiles. Il reflète donc les préoccupations de l’époque, il met l’accent sur la lutte sur le chemin de Dieu. C’est bien l’expression reprise dans un document fondateur appelé « la charte de Yathrib« , rédigé au nom de Mahomet et qui définit les objectifs du mouvement et la composition des troupes (disciples et leurs alliés juifs). J’en parlerai plus tard.
Dieu promet une récompense à ceux qui luttent dans le chemin de Dieu : « Certes Allah a acheté aux croyants leurs personnes et leurs biens en échange du paradis. Ils combattent dans le chemin de Dieu : ils tuent et se font tuer… Réjouissez-vous de l’échange que vous avez fait. » (Co. 9, 111)
Le Coran contient plusieurs versets exhortant au djihad, en voici quelques exemples.
... Ne prenez pas d’alliés parmi eux [les mécréants] jusqu’à ce qu’ils émigrent sur le chemin de Dieu. Mais s’ils tournent le dos, saisissez-les et tuez-les où que vous les trouviez. (Co. 4, 89)
Ce n’est pas vous qui les avez tué, mais c’est Allah qui les a tué. (Co. 8,17)
Combattez-les [les mécréants] jusqu’à ce qu’il ne subsiste plus d’association [christianisme], et que la religion soit entièrement à Allah. (Co. 8, 39)
Combattez-les. Allah, par vos mains, les châtiera, les couvrira d’ignominie, vous donnera la victoire sur eux et guérira les poitrines du peuple croyant. (Co. 9,14)
Ô vous qui croyez, combattez ceux des mécréants qui sont près de vous. Qu’ils trouvent la dureté en vous. Sachez qu’Allah est avec les pieux. (Co. 9, 123)
Mais ces injonctions coraniques n’ont pas été corroborées par les faits : durant la conquête, peu de massacres ont été constatés, au contraire, les populations chrétiennes et juives ont été épargnées et les monastères étaient toujours en activité après la conquête.
Faut-il croire que le verset 69 de la sourate 5 ait plus d’importance que les autres ? « Les musulmans, les juifs, les sabéens, les chrétiens, tous ceux qui croient en Dieu et au jour dernier et qui sont vertueux, pas de crainte pour eux, ils ne seront point affligés ».
Djihad et terrorisme
On ne peut pas résumer le djihad au terrorisme. La notion de terrorisme est subjective. Suivant le point de vue observé, on parle de terrorisme ou de résistance. Durant l’occupation de la France par les Nazis (1940-1944), les actions des « résistants » français étaient considérés comme du terrorisme par les Allemands.
Lorsque troupes de Ben Laden, armées par les Etats-Unis, entraînées par la CIA et financées par l’Arabie Saoudite attaquaient les installations soviétiques en Afghanistan, l’Occident parlait d’actes courageux de résistance. (voir notre article : Que le djihad commence). Lorsque les mêmes se sont attaqués aux Américains et aux Occidentaux, dans le même pays, Ben Laden est devenu l’homme à abattre, le pire des terroristes. Alors où est la frontière ? Peut-on considérer que lorsque les musulmans défendent leurs droits, répliquent à une attaque c’est de la résistance (Afghanistan, Iraq, Palestine) et lorsque la violence s’exerce à l’extérieur, on parle de terrorisme ? C’est un peu réducteur. Reprenons notre comparaison avec l’invasion allemande : travailler dans une usine allemande pour saboter les outils de guerre devient alors un acte de terrorisme.
Les notions subjectives restent toujours une question d’interprétation, une question de point de vue.