Tous les croyants espèrent atteindre le royaume de Dieu, le paradis.
Mais quand s’effectue le passage ? A la mort… ou au Jugement dernier ?
Étiquette : Jugement dernier
Le messie
Origine
Un messie est une personne consacrée par l’onction, l’application d’une huile sur sa tête ou son corps. Le mot vient de l’hébreu « mashia« , l’oint, traduit en grec par « christos« . C’est un concept juif qui est employé, la première fois, dans le livre de l’Exode (29, 7) : « Tu prendras l’huile d’onction, tu en répandras sur sa tête et tu l’oindras ». Ce texte fait référence à Aaron, le frère de Moïse qui est consacré prêtre de YHWH par ce geste.
Jusqu’au XIe siècle avant notre ère, les Hébreux étaient groupés en tribus et en clans, indépendants les uns des autres. Ils se choisissaient un chef, un juge, quand la situation les obligeait à s’unir. Un jour, ils décidèrent de se donner un roi. Saül, de la tribu de Benjamin, fut choisi. Il fut oint par le prophète Samuel qui à l’occasion prononça un discours mettant en garde contre la royauté (1er livre de Samuel : 8, 11-18) :
Tel sera le droit du roi qui va régner sur vous. Il prendra vos fils et les affectera à ses chars et à sa cavalerie et ils courront devant son char. Il les établira chefs de mille et chefs de cinquante ; il leur fera labourer ses champs, moissonner sa moisson, fabriquer ses armes de guerre et les harnais de ses chars. Il prendra vos filles comme parfumeuses, cuisinières et boulangères. Il prendra vos champs, vos vignes et vos oliviers les meilleurs et les donnera à ses serviteurs. Sur vos semences et vos vignes, il prélèvera la dîme et la donnera à ses eunuques et à ses serviteurs. Les meilleurs de vos serviteurs, de vos servantes et de vos jeunes gens ainsi que vos ânes, il les prendra et les fera travailler pour lui. Il prélèvera la dîme sur vos troupeaux. Vous-mêmes deviendrez ses serviteurs. Ce jour-là, vous crierez à cause du roi que vous vous serez choisi, mais YHWH ne vous répondra pas, ce jour-là.
Saül fut remplacé par David, de la tribu de Juda, qui fut également oint par Samuel.
Ce sont les seuls rois qui ont reçu le rite de l’onction.
Dans ces temps, l’idée de messie recouvre plus une fonction qu’un personnage.
La monarchie française a repris le rite de l’onction des rois. L’onction par le « saint-chrême », contenu dans la sainte-ampoule, officialisait le sacre du roi. Ce sacre, à ne pas confondre avec le couronnement qui était automatique à la mort du roi précédent, avait lieu dans la cathédrale Notre-Dame de Reims. Cette cérémonie ne faisait pas du roi de France un messie. Le dernier roi sacré à Reims fut Charles X en 1825… la sainte-ampoule avait échappé aux révolutionnaires de 1789.
Le messie dans le judaïsme
En 586 avant notre ère, Jérusalem est détruite pas les Babyloniens de Nabuchodonosor (voir : Chronologie biblique). L’élite du peuple, la cour et les prêtres, est déportée à Babylone où les prêtres vont réfléchir sur les malheurs du « peuple élu de Dieu« . C’est à partir de cette réflexion que la plupart des textes de la Bible vont être mis par écrit et que l’idée d’un sauveur va voir le jour. Ce sera un homme de la lignée du roi David qui délivrera la terre d’Israël de l’occupation étrangère et amènera une ère de paix et de félicité permettant à toute la nation de se réunir à Jérusalem. Il annoncera l’avènement du royaume de Dieu. Petit à petit, le mot mashia (messie) devient synonyme de chef puissant, investi d’une mission divine.
Curieusement, le premier à bénéficier du titre de « messie » fut le roi des Perses, Cyrus, qui a vaincu les Babyloniens et permis aux Hébreux de rentrer à Jérusalem et de rebâtir le temple, inauguré en 515 avant notre ère.
Le Ier siècle de notre ère a vu l’éclosion de plusieurs « messies » autoproclamés (voir l’article : Jésus dans les textes de Flavius Josèphe).
Le dernier en date se nomme Sabbataï Tsevi. Vers 1650, dans l’Empire ottoman, il draine des foules nombreuses lors de ses prêches. Il appelle les Juifs à s’installer à Jérusalem. Il prend des initiatives de plus en plus dangereuses pour l’empire. En 1666, il pousse les Juifs à la révolte pour prendre le pouvoir. Il est arrêté et emprisonné… Pour sauver sa tête il se convertit à l’islam.
Les Juifs attendent toujours le messie. Mais les différents courants du judaïsme ne sont pas d’accord sur sa nature. Sera-ce un homme ou simplement des temps messianiques qui verront s’instaurer une paix et une fraternité universelle ? Au XIXe siècle, en Europe, les temps messianiques ont même été assimilés à l’essor de la mécanisation, à la technologie.
Le messie dans le christianisme
Comme les Juifs, les chrétiens attendent toujours leur messie. Mais eux savent que ce sera Jésus qui est déjà venu et qui a promis de revenir très bientôt : « En vérité je vous le dit, cette génération ne passera pas que tout cela n’arrive. Le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront pas » (Matthieu 24, 34-35). On ne peut pas dire que lors de son ministère sur terre, Jésus se soit comporté en messie, tel que les Juifs l’espéraient. Certains historiens y voit la décision de Judas de le trahir. Judas est nommé « iscariote » qui pourrait vouloir dire « le sicaire« . Un sicaire était un révolutionnaire juif opposé aux Romains, dans la foule, ils poignardaient les « collaborateurs » à l’aide d’un petit poignard, un sica en latin. Ils ont participé à la révolte de 66-73 contre les Romains. La tradition chrétienne veut que « iscariote » soit compris comme « ish Kariot« , c’est-à-dire « l’homme de Kariot« . Kariot étant une ville… qu’il reste à découvrir !
Le messie dans l’islam
Le Coran associé 11 fois le terme « messie » à Isa (Jésus) : le messie Jésus (Isa al-Masih). Faut-il y voir une mauvaise interprétation de Jésus-Christ qui à l’époque était l’appellation courante de Jésus ?
Toujours est-il que les musulmans attendent le retour de Jésus à la fin des temps pour présider au Jugement dernier, récompenser les justes et punir les mécréants (voir : Jésus dans le Coran).
Ambiguïté !
Les chrétiens et les musulmans attendent la fin des temps qui sera précédée du Jugement dernier.
Mais quelle est l’utilité de ce jugement ? Les bons ne sont-il pas déjà au Paradis et les mécréants en Enfer ?
Cette ambiguïté n’a pas été héritée du judaïsme. Le judaïsme n’est pas unifié, il n’y a pas un dogme. Chaque école a ses propres idées sur l’après-mort et les temps messianiques.
Suivant les croyances, lorsqu’une personne meurt, elle est placée « endormie » sous les ailes de la Providence, quelque part dans les cieux, ou elle reste dans la sphère terrestre et vit dans les mémoires, ou encore, elle rejoint le jardin d’Eden.
La résurrection des morts est un thème secondaire, ce qui importe, c’est l’avenir de la communauté. Dans les évangiles, des sadducéens demandent à Jésus avec qui ressuscitera une veuve qui a épousé plusieurs frères ? De qui sera-t-elle la femme ? Les sadducéens appartenaient à un école qui rejetait la résurrection, aujourd’hui, certains courants du judaïsme écartent toujours cette idée.
Paradis et Enfer
Chez les juifs
Dans le proto-judaïsme, la religion des juifs avant la destruction du temple de Jérusalem en 70 par les légions romaines de Titus, YHWH (Yahvé) n’est pas un dieu personnel, c’est le dieu de la communauté, comme tous les dieux de l’Antiquité (Amon, Baal, Zeus, Jupiter). Il ne récompense donc pas les bienfaits : à la mort, le corps retourne à la terre et l’âme vers Dieu : « Alors la poussière retournera à la terre dont elle vient et l’âme reviendra à Dieu qui l’a donnée » (Eccl. 12,7). Il n’y a pas de Paradis, il n’y a pas d’Enfer. Les bonnes actions sont récompensées dans le monde d’ici-bas.
Vu les origines diverses des livres de la Bible, on peut y retrouver des influences différentes, comme l’existence de spectres (livre des Rois) ou la résurrection (livre de Daniel). Après 70, la vision du monde à venir (la venue du Messie), la fin des temps va fortement évoluer, et la résurrection est envisagée… mais sera-t-elle physique ou spirituelle ? Le débat n’est pas clos.
Chez les chrétiens
Tout change avec le christianisme dont le Paradis devient un « argument de vente ». Pour le christianisme, le Paradis et l’Enfer sont des réalités physiques, ils existent… quelque part. Pour le chrétien, il est facile d’accéder au Paradis. Il suffit de se faire baptiser pour effacer le péché originel qui marque les hommes depuis Adam et Ève, et d’avoir la foi, c’est-à-dire croire à tout ce que le clergé dit, sans poser de question. Mais alors à quoi sert le jugement dernier si dès la mort on séjourne dans le félicitée éternelle face à Dieu ou au contraire on est soumis aux caprices sadiques de Satan et ses anges déchus ?
Face à l’incohérence de cette théologie eschatologique (concernant la fin du monde), le philosophe allemand Friedrich Nietzsche se déchaîne contre le catholicisme dans son ouvrage « L’Antéchrist » :
« Avec l’avènement du christianisme, c’est tout le sens du monde antique qui est perdu. Le contact avec la réalité cède le pas à un monde de pure fiction qui fausse, nie et dévalue cette réalité :
- monde des causes imaginaires : Dieu, l’âme, le Moi, la Vérité.
- monde d’effets imaginaires : péché, rédemption, grâce, châtiment, rémission des péchés.
- monde où des êtres imaginaires, Dieu, esprits, âmes, commercent entre eux, où l’on a qu’une science imaginaire de la nature, ignorant le concept de cause naturelle.
- monde où l’on traite d’une psychologie imaginaire de repentir, de remords, de tentation du Diable, de la présence de Dieu et des saints.
- monde théologie imaginaire : le royaume de Dieu, le jugement dernier, la vie éternelle. »
Dans les évangiles, c’est le jugement dernier imminent qui prédomine, on ne parle pas de Paradis ni d’Enfer après la mort. Le judaïsme est toujours présent dans les débuts du christianisme.
Au fil du temps, la notion de Paradis et d’Enfer, associée à la bonté de Dieu, va poser certains problèmes : que deviennent les enfants innocents non baptisés, tous les péchés sont-ils équivalents ?
Les enfants non baptisés, sur lesquels pèsent toujours le péché originel ne peuvent pas aller au Paradis, mais ne méritent pas l’Enfer. Ils sont donc dans un état intermédiaire où ils ne souffrent pas, mais où ils n’ont pas de contact avec Dieu. Ce sont les limbes. En 2007, une commission du Vatican a « précisé » : « L’idée des limbes, que l’Église a employée pendant des siècles pour désigner le sort des enfants qui meurent sans baptême, n’a pas de fondement clair dans la Révélation, même si elle a été longtemps utilisée dans l’enseignement théologique traditionnel. » Cependant, cela « demeure une opinion théologique possible ». Comprenne qui pourra.
Il existe des dizaines d’endroits en Europe, appelés sanctuaires à répit, où l’enfant est ressuscité un court instant pour permettre de le baptiser.
Notons que dans les débuts du christianisme, il fallait être adulte pour être baptisé. L’aspirant devait être instruit de la foi avant d’accéder au baptême. Clovis a dû se soumettre à deux ans d’étude avant d’être baptisé.
Les défunts, morts en état de grâce (ayant reçus les sacrements ad hoc), mais n’ayant pas fait une pénitence suffisante de leur vivant vont au Purgatoire, un lieu de purification, dont le terme apparaît au XII° siècle.
Il est intéressant de se pencher sur le catéchisme de 1992 :
Question 210 : Qu’est-ce que le purgatoire ?
Le catéchumène répond : Le Purgatoire est l’état de ceux qui meurent dans l’amitié de Dieu, assuré de leur salut éternel, mais qui ont encore besoin de purification pour entrer dans le bonheur du Ciel.
Question 211 (plus intéressante) : Comment est-ce que nous pouvons aider les âmes à être purifiées au purgatoire ?
À cause de la Communion des saints, les fidèles qui sont encore des pèlerins sur terre sont capables d’aider les âmes dans le Purgatoire en offrant des prières en suffrage pour eux, spécialement dans le Sacrifice eucharistique. Ils peuvent aussi les aider par des aumônes, les indulgences, et les œuvres de pénitence.
Et voici les fameuses « indulgences ». Au début du XV° siècle l’antipape Jean XXIII permet la distribution d’indulgences pour réduire le temps de purgatoire. (Jean XXII est considéré comme antipape, car à l’époque, il y avait deux papes). En 1476, le pape Sixte IV décrète que les indulgences peuvent s’acheter. Il est ainsi à l’origine du commerce des indulgences dans l’Église catholique. On estime que l’abbaye de Montserrat en aurait fait imprimer 200 000 en trois ans, vers l’an 1500. C’est grâce à la vente d’indulgences que la basilique saint-Pierre de Rome a été construite.
Luther et Calvin vont s’élever contre ce commerce qui sera un des déclencheurs de la réforme (protestantisme).
Chez les musulmans
L’islam reprend les mêmes notions ambiguës de Paradis, d’Enfer et de jugement dernier que le christianisme. Le jugement dernier se fera même sous l’égide de Jésus.
Le Paradis est une oasis rafraîchie par des cours d’eau et ombragée par des arbres fruitiers.
« Hommes et femmes, ceux qui pratiquent les bonnes œuvres et qui croient en Dieu entreront dans le Paradis. » (Co. 4, 124). Ici, pas de rémission des péchés, le péché originel introduit par les chrétiens n’existe pas. Il suffit de croire, de se soumettre à Dieu.
L’Enfer, c’est le désert brûlant. Un des mots utilisés à de multiples reprises dans le Coran est Géhenne, un mot hébreu/araméen signifiant la vallée de Hinnom, une vallée étroite et profonde qui s’étendait au sud et au sud-ouest de la Jérusalem antique. D’autres mots sont utilisés dans le Coran : le feu, la fournaise, le brasier, etc.
« Le feu de l’Enfer est réservé aux incrédules. Ils ne seront pas condamnés à mort et leur supplice ne sera pas allégé. C’est ainsi que nous rétribuerons les négateurs» (Co. 35, 36). L’Enfer est réservé à tous les non musulmans… et aux injustes épouvantés par leur actes passés (Co. 42, 22).