Vendredi 13

Vendredi 13 est-il un jour faste ou néfaste ? Même si tout cela n’est que superstition, on ne trouve pas de trace d’un événement historique qui aurait pu faire de ce jour un jour de chance. Ce sont les loteries nationales qui ont inventé ce concept pour booster leurs ventes.
Pourquoi certaines personnes croient que le vendredi 13 porte malheur ? Cette phobie s’appelle « paraskevidékatriaphobie« .

La mort de Jésus

Dans l’Évangile selon Jean, Jésus serait mort le 13 du mois de nisan, deux jours avant la Pâque juive qui est toujours célébrée le 15 de ce mois, premier mois du printemps dans le calendrier lunaire judéen. Or d’après cet évangile, le 14 était un jour de shabbat. On verra l’importance de ce fait.

Jusque là, on ne parle donc pas de vendredi. Et pour cause, les jours n’ont pas de noms dans les calendriers juifs et romains de l’époque (voir mon article sur les calendriers). Il faudra attendre près de 300 ans pour que les Romains adoptent la semaine de 7 jours et placent ceux-ci sous la protection des « planètes » qu’ils connaissent (la Lune, Mars, Mercure, Jupiter, Vénus, Saturne et le Soleil). Comme le jour du shabbat pour les Juifs devient le samedi, le 13 nisan, jour de la crucifixion de Jésus était donc un vendredi.

Mais on ignore si ce lien a été fait et à quelle époque. Il semble donc que la phobie ne soit pas liée à cet événement d’autant plus que les autres évangiles placent la crucifixion le 14 nisan, juste avant la fête de la Pâque juive.

L’arrestation des templiers

Le vendredi 13 octobre 1307, tous les baillis de France ouvrent une lettre envoyée par le roi Philippe IV le Bel ordonnant l’arrestation des Templiers sur base de dénonciations faisant d’eux des hérétiques, des sodomites, des magiciens. Les historiens discutent toujours de la véracité de ces accusations qui semblent pour le moins invraisemblables. Mais alors, pourquoi ces arrestations d’autant plus que la veille, le roi de France et le Grand maître des Templiers, Jacques de Molay, assistaient côte à côte aux obsèques de la belle-sœur du roi. Le Grand maître n’ignorait pas qu’une enquête était en cours contre son ordre.

Les Templiers (et les Hospitaliers) sont des moines guerriers qui ont combattu en Palestine jusqu’à la prise de leur dernière place forte, Saint-Jean d’Acre, par les Mamelouks d’Egypte, en 1291. Suite à cette défaite, ils se sont repliés vers leurs bases européens. En France, leur chef-lieu est l’enclos du Temple, à Paris. Cette citadelle a aujourd’hui entièrement disparu, seuls les noms des rues rappellent son emplacement : rue du Temple et rue de Blancs Manteaux, dans le quartier du Marais (3e et 4e arrondissements)

Enclos du Temple

Les Templiers sont très riches surtout en domaines qui échappent aux taxes royales car le Temple est un véritable Etat dans l’Etat : les Templiers n’ont de compte à rendre qu’au pape. Philippe le Bel a probablement voulu faire d’une pierre deux coups : se débarrasser de ces guerriers indépendants et faire main basse sur leurs biens pour renflouer ses finances toujours mal en point. Il avait déjà spolié et expulsé les Juifs et les Lombards qui lui avaient prêté de l’argent. Il avait aussi procédé à des dévaluations.

Mais qui aurait eu l’idée d’associer l’arrestation des Templiers à un jour maudit ? Il semble que cette idée ne remonte qu’au XXe siècle.

13 un nombre particulier

Le nombre 13 suit le nombre 12 symbolisant l’accomplissement : il y a 12 constellations, 12 mois, 12 heures dans la journée et dans la nuit, les Grecs honoraient 12 dieux principaux. Douze est divisible par 2, 3, 4 et 6, alors que 13 est un nombre premier. Ce nombre est source de déséquilibre, d’anéantissement. Les chrétiens l’associent au dernier repas de Jésus auquel assistaient 13 personnes, dont Judas qui l’aurait trahi. Et dans les évangiles synoptiques (Matthieu, Marc et Luc), ce repas a lieu le jour précédent la crucifixion, soit le 13 du mois de nisan.
Mais ici, pas de trace du vendredi. Il se pourrait que l’association ait été faite après le concile de Nicée (voir mon article sur la nature de Jésus) où le jour de Pâques, célébrant la résurrection de Jésus, fut fixé au dimanche suivant la Pâque juive, soit le premier dimanche qui suit la première pleine lune du printemps. Dès lors, le jour de la crucifixion tombait un vendredi. Vendredi et 13 étaient ainsi reliés… par deux événements différents, mais proches.

Comme on le voit, il faut beaucoup gratter pour trouver l’origine de cette superstition essentiellement liée à la culture chrétienne.

La crucifixion

crucifié

Ce dessin illustre un article de Jacques Briend dans l’excellente revue « Le Monde de la Bible ». Cette position a été déduite de la découverte en 1968 d’un os de talon percé d’un clou appartenant à un jeune homme nommé Johanan.

Cependant, ce clou de 17 cm n’est pas assez long pour transpercer les deux talons.
De plus, la position recroquevillée du crucifié ne lui permet pas de soulager ses poumons en s’appuyant sur les pieds. Or c’est la base du supplice de la crucifixion : tant que le crucifié peut soulever son corps, il survit. Dès que ses forces l’abandonnent, il meurt étouffé par son propre poids. Les muscles pectoraux se tétanisent empêchant les muscles intercostaux de fonctionner : le supplicié peut alors expirer mais pas inspirer. Le gaz carbonique s’accumule dans les voies respiratoires et le sang, provoquant un œdème des poumons, le cœur passe alors en fibrillation, ses battements ne sont plus synchronisés. Le supplice pouvait durer des heures, même des jours.

Dans le cas de Johanan, ses tibias brisés indiquent qu’il a lutté longtemps. probablement trop pour ses gardiens qui ont brisé ses tibias et l’ont abandonné après lui avoir cloué un talon à l’arbre ou au poteau où il était suspendu.

On ne peut pas déduire qu’il avait été cloué au préalable. Il l’a peut-être été lorsque ses gardiens, lassés, ont quitté le lieu du supplice, pour éviter qu’il ne soit dépendu facilement. Le clou restant attaché à son talon prouve que la manœuvre n’a pas été aisée.

clou
smiley

On n’a aucun document décrivant la procédure de crucifixion.
Rien ne permet d’affirmer que les suppliciés étaient cloués… sauf les évangiles et les clous de la crucifixion de Jésus .