Recep Tayyip Erdogan

Enfance

Recep Tayyip Erdogan naît le 26 février 1954 à Beyoglu, un des districts européens d’Istanbul, dans une famille modeste : son père est capitaine sur un navire du Bosphore. Un quartier de Beyoglu est bien connu pour son équipe de football et son université : Galata. Pour rappel, la Turquie est un pays d’Asie avec un tout petit bout de territoire en Europe séparé de l’Asie par le Bosphore.
Il suit les cours d’une école religieuse qui forme des imams.
De 1969 à 1982, il joue au football et deviendra même semi-professionnel.

Entrée en politique

Il travaille dans une entreprise de transport lorsqu’il épouse Emine Gülbaran (née en 1955) en 1978. Elle militait au sein de l’Association des femmes idéalistes, une organisation islamique ultranationaliste proche des « Loups gris ». Ils ont 4 enfants.

Sa femme et ses enfants

En 1983, après que les militaires aient rendu le pouvoir aux civils, il adhère au Parti du salut national, le parti islamique d’Erbakan qui deviendra premier ministre mais sera démis de ses fonctions par un nouveau putsch militaire en 1997.
Pour comprendre l’intervention de l’armée, il faut se remémorer la création de la Turquie moderne. Le pays a été fondé par un militaire, Mustapha Kemal, qui a refusé les conditions du traité de Sèvres de 1920 et continué la guerre, chassant les Grecs, les Italiens, les Britanniques et les Français qui s’étaient installés dans l’Empire ottoman démembré. Il avait créé une république laïque que l’armée devait protéger. L’armée est la gloire nationale, l’âme turque. Elle reversera quatre fois le gouvernement élu : en 1960, 1971, 1980 et une dernière fois en 1999.

Maire d’Istanbul

A 40 ans (1994) il devient maire d’Istanbul avec comme objectif la lutte contre la corruption. Il n’y restera pas longtemps. En 1998, il est condamné à 10 mois de prison pour incitation à la haine. Il avait minimisé le rôle de l’armée en récitant un poème nationaliste qui dit « Les minarets sont nos baïonnettes, les coupoles nos casques, les mosquées nos casernes et les croyants nos soldats ».

En 2001, il s’éloigne d’Erbakan et fonde l’AKP, le Parti de la justice et du développement.

Premier ministre

Il devient premier ministre en 2003. Il prône l’intégration de la Turquie dans l’Union européenne. Pour cela, la Turquie doit réunir plusieurs conditions dont :

  • œuvrer à la réunification de Chypre (en 1974, l’armée turque a créé la République turque de Chypre du nord, un Etat indépendant non reconnu par l’ONU)
  • et éloigner l’armée du pouvoir.

En 2008, à Cologne lors d’un meeting électoral, il déclare que l’assimilation et l’intégration des Turcs est un crime contre l’Humanité. La même année, il autorise le port du voile à l’université, où sa fille vient d’entrer, déclarant que son interdiction empêche les femmes de se cultiver.
Il faut savoir qu’en 1999, une élue avait fait son entrée au Parlement la tête couverte d’un foulard. Elle avait été huée et expulsée avant d’avoir pu prêter serment. Les choses changent. Mais il faudra attendre 2013 pour que les premières députées voilées reviennent au Parlement. En France et en Belgique, les députées peuvent siéger voilées. Les fonctionnaires ne peuvent pas arborer de signes religieux, mais les politiciens le peuvent puisqu’ils ne sont pas neutres. Dans les années 60, la France, laïque, a connu des députés en soutane !

En 2009, il s’attaque aux militaires. Ici, je dois introduire un nouveau personnage : Fethullah Gülen (né en 1941).

C’est un ami d’Erdogan. Il est philosophe et prédicateur musulman. Pour lui, l’islam doit être au service du bien commun. Il croit en la science, à la démocratie et au dialogue interconfessionnel. Il a rencontré le pape Jean-Paul II, le patriarche orthodoxe grec et le grand rabbin israélien. Objet d’une enquête par les militaires lors du putsch de 1999, il s’est exilé aux Etats-Unis.
Pourquoi est-il important ? Son mouvement, Hizmet (le service), gère des centaines d’écoles mixtes en Turquie. Je parle ici de mixité au sens islamique : dès la puberté les femmes sont séparées des hommes en dehors des cours. Ces écoles ont une très bonne réputation et elles fournissent les cadres de la société. De fait, ses diplômés contrôlent l’administration et la justice.

Gülen doit le succès de son mouvement au financement des Etats-Unis. Pour comprendre, il faut remonter aux années 70. Le communisme prend de l’ampleur en Turquie. Tous les jours des heurts violents opposent la droite et la gauche. On déplore des morts chaque jour à Istanbul. En 1980, l’armée met fin à l’anarchie en prenant le pouvoir. Les communistes sont arrêtés, la censure instaurée. Pour contrer le communisme, l’armée remet la religion au premier plan : les cours de religion sont rétablis dans les écoles et le prosélytisme est favorisé. Avec l’accord de l’armée, les Etats-Unis mettent la main au portefeuille en finançant les confréries musulmanes ce dont va profiter Gülen.

Erdogan et Gülen au temps de leur amitié

L’armée est accusée de préparer des attentats pour déstabiliser le pays. Les chefs d’état major sont arrêtés lors d’une vaste opération policière… menée par des juges de la mouvance Gülen. L’accusation n’est pas sans fondement, des perquisitions ont permis de mettre au jour des documents compromettants que les militaires justifient par des procédures d’entraînement. Libéré de la menace des militaires, Erdogan peut rêver à un avenir radieux.
Mais en 2013, son fils, plusieurs de ses amis ainsi que 4 ministres (sur 25) sont arrêtés, sur ordre des mêmes juges, pour faits de corruption. Erdogan crie au complot. Le procureur est dessaisi du dossier. Gülen toujours en exil, devient un terroriste, il perd la nationalité turque et un mandat d’arrêt international est lancé contre lui avec demande d’extradition. Les Etats-Unis n’ont pas donné suite.
Erdogan avait lancé de grands projets de travaux publics dans le pays et surtout à Istanbul : modernisation de la ville, tunnel sous le Bosphore, aéroport ultra-moderne, extension du métro, troisième pont sur le Bosphore, etc. C’est à l’occasion de ces travaux que des milliards de dollars ont/auraient été détournés.

En 2014, les Panama Papers dévoilent que des proches d’Erdogan et des dirigeants de l’AKP administrent des sociétés offshore. Complot ! 150 journaux, sites d’information et chaînes de télévision sont fermés.

Président

En Turquie, pour être élu président, il faut avoir fait des études universitaires. Des doutes subsistent sur les études d’Erdogan. Mais il arbore un diplôme de la faculté des sciences économiques et commerciales de l’université de Marmara… dirigée par un ami politique. Or, cette faculté n’existait pas lorsqu’il a obtenu son diplôme et il semble qu’on ne l’y ait jamais vu : il ne figure pas sur les photos de classe. L’avoir dénoncé a peut-être coûté la vie à Ömer Basoglü. Il a été retrouvé mort, mais l’enquête n’a pas confirmé l’assassinat.
Cette polémique ne l’empêche pas de remporter les élections de 2014 à une écrasante majorité et à devenir le premier président élu au suffrage universel. Il promet d’islamiser la Turquie et d’effacer l’héritage laïc de Mustapha Kemal. Pourtant il reste dans la voie tracée par Kemal.

Erdogan dans son nouveau palais sous la photo de Mustapha Kemal

En faisant référence au Coran, Erdogan déclare que les femmes sont inférieures aux hommes, leur tâche principale étant de faire des enfants (2014). Sa femme est un modèle : toujours voilée, elle suit docilement son mari et ne prend jamais la parole.
Dans le discours de fin d’année 2015, il compare son régime à celui de « Monsieur Hitler ».

Les programmes scolaires sont revus : le djihad est enseigné comme principe de l’islam, le darwinisme est supprimé. Des milliers de livres luxueux sont envoyés dans les établissements scolaires secondaires des pays européens pour dénigrer le darwinisme.

Nouveau « sultan »

Il déjoue une tentative de coup d’Etat militaire en 2016 en appelant la population à descendre dans la rue… comme Eltsine l’avait fait à Moscou. 250 personnes perdent la vie, 103.000 personnes sont arrêtées (chiffre officiel) dont 18.000 condamnées. 50.000 voient leur passeport confisqué. Rien ne peut plus lui résister : il dira que ce coup d’Etat est un don de Dieu. Beaucoup d’universitaires fuient vers l’Allemagne qui compte 3 millions de Turcs. La plupart acquis à Erdogan.

Le régime présidentiel qu’il soumet à référendum en 2017 est adopté à une courte majorité : 51% des voix grâce à l’appui des nationalistes (MHP : Parti d’action nationale). La presse d’opposition résume ainsi le nouveau régime : l’exécutif, c’est Erdogan, le législatif, c’est l’AKP et le judiciaire est nommé par le président. Il a rétabli de système de Kemal qui proclamait que la séparation des pouvoirs était une aberration qui empêchait le développement du pays.

La presse s’insurge ? On la muselle : des journalistes sont emprisonnés pour outrage, terrorisme ou espionnage. Celui qui a été accusé d’espionnage avait révélé que la Turquie livrait des armes à DAESH en échange de pétrole, photos à l’appui. 3000 journalistes ont perdu leur travail. Les médias sont maintenant contrôlés directement ou indirectement par l’Etat.
La Turquie occupe la 157ème position sur 180 selon l’indice de la liberté de presse.

Erdogan ne s’est pas oublié, il a fait construire un palais de 1000 pièces à Ankara. En comparaison, Versailles en compte 2300 et la Cité interdite de Pékin, 8700 !
Comme les sultans ottomans, il s’est entouré de janissaires.

Le palais d’Ankara et la garde présidentielle
Politique extérieure

La politique extérieure de la Turquie est très complexe. La Turquie fait partie de l’OTAN. Elle constitue la deuxième armée en nombre. Elle occupe une situation stratégique dans l’OTAN comme frontalière avec Russie, bien que depuis la crise de Cuba, les Etats-Unis aient dû démanteler les missiles pointés vers Moscou. Elle contrôle les détroits permettant l’accès de la Mer Noire vers la Méditerranée, points de passage obligés des navires russes. Mais cette situation ne l’empêche pas d’entretenir de très bonnes relations avec la Russie de Poutine. La Turquie a même acheté des missiles S400 à la Russie… missiles conçus pour abattre les avions de l’OTAN ! Elle sera punie, elle sera privée des F35 qu’elle avait commandés.

La Turquie se sent l’héritière de l’empire ottoman : la Syrie, l’Irak lui ont été arrachés au traité de Sèvres en 1920. Lors de la guerre d’Irak, Erdogan a refusé la présence de 62.000 soldats américains sur son territoire… même pour un chèque de 15 milliards de dollars.

La Turquie est proche de l’Iran chiite, son voisin, mais aussi des pays musulmans sunnites. Elle soutient l’intervention des Saoudiens au Yémen, mais elle accuse les mêmes Saoudiens de l’assassinat de Jamal Khashoggi dans leur ambassade à Istanbul. Elle veut se présenter comme l’autre représentant des musulmans dans le monde. En 2017 à Istanbul, lors du sommet des pays musulmans (Organisation de la coopération islamique : OCI), Erdogan a accusé l’Occident (ses alliés) de piller les richesses des pays musulmans.

Erdogan est également l’allié des Israéliens, mais ne manque pas de les critiquer lors des attaques sur la bande de Gaza. Il a déclaré : « Les Israéliens traitent les Palestiniens comme ils ont été traité eux-mêmes il y a 50 ans. » Il a envoyé une flottille pour briser le blocus de Gaza en 2010. Cette opération s’est soldée par un échec et la mort de 9 Turcs. Israël, accusé de terrorisme d’Etat, a présenté ses excuses.

La Turquie et l’Europe

La Turquie menace régulièrement l’Europe de laisser partir les 3,6 millions de réfugiés qui ont fui la guerre en Syrie et en Irak.
Si les négociations avec l’Union européenne se sont pas rompues, la Turquie sait depuis 2009 qu’elle ne peut espérer qu’un partenariat privilégié et non une adhésion complète.

Deux anecdotes pour suivre.
Pour le référendum de 2017, des meetings étaient prévus dans plusieurs pays européens. Les Pays-Bas ont interdit ces meetings sur leur territoire. La ministre turque de la famille, en tournée en Allemagne, a voulu bravé cet interdit et faire un discours à partir du balcon de l’ambassade (extraterritoriale). Elle a été arrêtée devant la grille et expulsée. Erdogan a traité les Pays-Bas d’Etat nazi et fasciste et a demandé des excuses… ce que le premier ministre Mark Rutten a refusé, qualifiant les propos d’Erdogan de nauséabonds et d’hystériques. L’Allemagne et plusieurs pays d’Europe ont pris parti pour les Pays-Bas.

Erdogan a reçu de nombreuses distinctions de par le monde, mais une seule lui a été accordée par un pays européen. La Belgique l’a gratifié de la plus haute distinction en 2015 : le grand cordon de l’ordre de Léopold, qui correspond à la légion d’honneur française. La grande différence entre les deux décorations réside dans le nombre de décorés : des centaines par an en France, 156 en tout en Belgique, surtout des hommes d’Etat belges et étrangers. Devant les critiques, le ministre des relations extérieures a expliqué : « C’est simplement une coutume lors d’une visite d’Etat: des décorations sont échangées entre chefs d’État. Il ne faut y voir qu’une tradition protocolaire. » Donc, pas besoin de la mériter.

Erdogan, le roi et le premier ministre belges lors de la cérémonie de remise de la décoration.
Et aujourd’hui (2019) ?

Erdogan est à l’apogée de son règne en 2016. L’AKP a apporté la stabilité au pays et favorisé son développement économique. Erdogan a gagné son pari : il a redonné son lustre à la Turquie, elle a sa place sur l’échiquier politique mondial. Il reste néanmoins très nostalgique de l’Empire ottoman. Lors de ses voyages au Kosovo et en Bosnie, il ne manque pas de rappeler les liens qui unissent ces pays et la Turquie (la religion et un passé commun). Il a déclaré que la Turquie ne devait pas avoir honte de son passé… lors de l’évocation de « la guerre civile » contre les Arméniens dont il refuse toujours de reconnaître le génocide.

La situation économique est florissante : le taux de croissance flirte avec les 10%. Les investissements étrangers affluent. Les grandes marques automobiles (Ford, Toyota, Renault, Volkswagen, Hyundai, Fiat, Mercedes) produisent un million de voitures par an dont plus de 80% sont exportées.

Mais dès 2018, tout s’arrête.
L’inflation atteint 25% en octobre, le salaire minimum est augmenté de 26%. Les constructeurs automobiles se désengagent suite à l’augmentation des salaires et à l’inflation. Le chômage remonte à 13%.

2019 est l’année noire. C’est une année d’élections municipales. Les partis d’opposition se regroupent, ils présentent une liste unique. L’AKP perd les villes d’Istanbul, d’Izmir et d’Ankara remportées par le CHP : le Parti républicain du peuple. Erdogan dénonce « les irrégularités, les abus et la corruption ». Gonflé le gars ! On recompte les voix à Istanbul, le vote est annulé… nouvelle élection. Le candidat social démocrate l’emporte à nouveau, non plus avec 8000 voix d’avance, mais avec 180.000 !
L’AKP doit faire face à de nombreuses défections dont un ex-président de ce parti et un ex-ministre.

Trois maires kurdes sont accusés de détourner l’argent de la ville au profit du terrorisme. Ils sont destitués et leurs villes placées sous le contrôle de gouverneurs désignés par l’Etat.

Erdogan doit réagir. Il doit regagner la confiance.
Le 9 octobre 2019, il envahit le nord de la Syrie pour y chasser les Kurdes. Les nationalistes se rallient à lui, sa popularité remonte. La question kurde a toujours été son joker.

A suivre

Nos ancêtres, les Yamnayas

Les Homos sapiens

Il y a 30.000 ans, des hommes nouveaux à la peau sombre, venus d’Afrique, ont colonisé l’Europe, rencontrant les Néandertaliens installés depuis bien longtemps. L’Europe était bien différente d’aujourd’hui. On était en pleine ère glaciaire. La banquise recouvrait le nord du continent, les mers Baltique et du Nord étaient prises dans les glaces, l’eau des mers et des océans étaient bien plus basses. L’air était sec, les précipitations peu abondantes, les rares arbres étaient rabougris : le continent était couvert d’une savane herbeuse où paissaient des troupeaux de bisons, de rennes et de mammouths.

Les cultivateurs-éleveurs

Voici 9000 ans, une technique nouvelle venant de Mésopotamie, bouleverse la vie des habitants d’Europe : l’agriculture et l’élevage. Jusqu’alors, les hommes suivaient les troupeaux qui se regroupaient autour des points d’eau. Maintenant que le réchauffement s’est amorcé et que le continent prend sa forme actuelle, les précipitations deviennent plus nombreuses, les arbres poussent, les troupeaux s’amenuisent car la neige a recouvert la prairie dans un premier temps, puis les forêts ont créé des obstacles à la transhumance.

Les hommes se sont sédentarisés. Ils cultivent et élèvent des animaux. Ils deviennent esclaves de la terre : ils doivent défricher, labourer, semer, récolter… et on recommence d’année suivante. Ils inventent le travail ! Alors qu’avant les hommes prélevaient le nécessaire sur la nature, maintenant, ils amassent, ils thésaurisent : toujours plus de terre, plus de bétail. Bientôt, ils vont être exploités par des chefs et soumis à des dieux. L’humanité a basculé.

Les Yamnayas

Venus du nord de la mer Noire (territoires des actuelles Ukraine et Russie), des hordes guerrières, s’élancent vers l’ouest aux environs de l’an 3000. En 500 ans, ils vont traverser et conquérir l’Europe. Ce sont les Yamnayas. Ils sont grands, ont des haches de cuivre, ils ont domestiqué le cheval, ils digèrent le lactose, ils enterrent leurs morts dans des tombes individuelles alors qu’auparavant elles étaient collectives.

Leurs conquêtes vont bouleverser notre génome, c’est ce que révèle un article du Science et Vie d’octobre 2019. 30% à 35 % de l’ADN des Français proviennent des Yamnayas. Plus on va vers le nord, plus le génome des habitants contient des gènes de Yamnayas, jusqu’à 50%. Ce qui s’explique par la moindre densité des populations qu’ils ont rencontrées. Et bien entendu, plus on se rapproche de leur aire de départ, plus on retrouve de gènes yamnayas.

Répartition du pourcentage de gènes (en noir : non impactés)

Presque tous les Européens ont un chromosome Y provenant des envahisseurs. Or, seuls les hommes ont un chromosome Y parmi les 23 paires qui nous définissent. Ce chromosome est donc hérité du père. Ce qui veut dire que seuls les Yamnayas mâles se sont reproduits à une certaine époque. Ont-ils massacré tous les hommes qu’ils ont rencontrés ou les ont-ils réduit en esclavage ?

L’article conclut : « Nous venons en droite ligne de sanguinaires conquérants… dont il nous reste peut-être certains traits. »

Les ismaéliens

Potins mondains
Les jeunes mariés

La presse people a relaté le mariage, à Genève fin septembre, du prince Hussein Agha Khan (né en 1974), avec l’américaine Elizabeth Hoag devenue suite à sa conversion à l’islam, princesse Fareen ce qui signifie « chanceuse ».

Hussein est le second fils de Karim Agha Khan IV (né en 1934), le chef de la communauté des ismaéliens nizarites. Karim Agha Khan est l’une des plus grosses fortunes au monde. Les Agha Khan ne règnent par sur un pays, mais sur une communauté chiite dispersée au Pakistan, en Afghanistan, au Tadjikistan, en Inde, au Yémen et en Syrie.

L’Agha Khan possède plusieurs résidences de luxe dans le sud de la France, en Suisse, en Sardaigne et en Angleterre où il est proche de la famille royale. En plus de terres en Egypte, il possède une île en Italie où mouille son yacht ainsi qu’une autre aux Bahamas. Sa grande fierté reste néanmoins ses haras français et irlandais producteurs de pur-sang qui triomphent sur les champs de course internationaux.

Il gère un fonds estimé à 800 millions de dollar annuels, l’Agha Khan Development Network, destiné à des fins caritatives et culturelles. Les princes saoudiens et les émis qataris (Qatar Charity) brassent également des fonds qui servent, notamment, à promouvoir leur vision religieuse de par le monde.

Karim Agha Khan IV a épousé, entre autres, Gabriele Renate Thyssen (du groupe Thyssen-Krupp) née en 1963. Elle a choisi le nom de son beau père plus prestigieux que celui de son père : Homey, ce qui montre à quel point elle est ambitieuse. Elle partagea la vie de l’Agha Khan durant trois ans, mais refusa de divorcer pour garder son titre (la bégune) et les avantages qui y sont associés.

Bien que l’Agha Khan ait écumé les soirées de la jet set, il est resté moins en vue que son père le prince Ali Khan, né en 1911, mort dans un accident de voiture en 1957 et qui n’a jamais régné. Celui-ci épousa l’actrice hollywoodienne Rita Hayworth en 1949. Elle avait été mariée à Orson Welles. Elle divorça rapidement du prince, ne supportant pas la polygamie de son mari. Elle retourna à Hollywood poursuivre sa carrière et reprendre la religion chrétienne.

Ali Khan et Rita Hayworth

Le plus célèbre dans la famille reste néanmoins le grand-père : Muhammad Shah Agha Khan III, né en 1877 et mort en 1957. Il épousa, entre autres, miss France 1930, Yvette Labrousse. Mais c’est surtout comme homme politique qu’il se fit remarquer. Résidant en Inde, il œuvra à la création d’un Etat islamique, mais resta fidèle aux Britanniques, incitant les musulmans des Indes à les aider dans la première guerre mondiale. Son rêve se réalisa en 1947 avec la création du Pakistan.

Agha Khan III et miss France

Il avait une façon particulière de fêter le jubilé de son règne. En 1937, il fêta son jubilé d’or : ses fidèles lui « offrirent » son pesant d’or. En 1946, il remit ça avec son jubilé de diamant et en 1954, son jubilé de platine. Les bénéfices de ces « dons » sont entrés dans le capital de sa fondation caritative.

Et l’histoire dans tout ça ?

Qui sont les ismaéliens ? D’où vient la famille des Agha Khan ?

L’ismaélisme est une mouvance chiite. Les chiites, contrairement aux sunnites qui étaient dirigés par un calife, avaient un chef spirituel et non politique : un imam, un guide suprême, descendant d’Ali, le gendre et cousin de Mahomet.
Au VIIe siècle de notre ère, la plupart des chiites résident en l’Irak et en Arabie actuelle. Le sixième imam se nomme Ja`far al Sâdiq, il vit à Médine. Lorsqu’il meurt en 765, son fils aîné qui devait lui succéder, Ismaël, est déjà mort. La plupart des chiites reconnaissent le fils cadet du défunt comme nouvel imam. D’autres affirment que c’est au fils d’Ismaël que doit revenir l’imanat : ce sont les ismaéliens aussi appelés chiites septimains car ils ne reconnaissent que les 7 premiers imams.

Plus tard, l’imam chiite Ubay Allah al-Mahdi va fuir l’influence des sunnites et s’installer à Kairouan (actuellement en Tunisie). Il va rallier les tribus berbères et occuper le Maghreb, du Maroc à la Libye. Il se proclame calife en 909. En 969, les chiites conquièrent l’Egypte. L’Afrique du nord est sous le contrôle de la dynastie fatimide, du nom de Fatima, la fille de Mahomet, épouse d’Ali. Les Fatimides annexeront bientôt la Syrie et Jérusalem dont ils seront délogés par les croisés en 1099.
Ils connaîtront le même sort que les souverains francs de Palestine, ils seront défaits en 1171 par les Turcs, dirigés par un Kurde, Salah al-Din, mieux connu sous son nom francisé de Saladin.

Entre-temps, que sont devenus les ismaéliens ?
Ils s’étaient installés dans tous les pays musulmans et principalement en Egypte où ils vont revivre la même mésaventure. A la mort du calife Al-Mustansir en 1094, l’imanat passe à son fils Mostali, le cadet, lésant l’aîné, Nizar. Une partie des ismaéliens vont de nouveau reconnaître le perdant, Nizar, comme imam : ils deviennent les ismaéliens nizarites, aujourd’hui guidés par l’Agha Khan.

Un persan, Hassan ben Sabbah (1050-1124), qui étudiait au Caire dans la Maison de la sagesse, qui regroupait les érudits de tous horizons, prend la direction de la contestation. Ses fidèles vont émigrer en Syrie et en Iran où ils formeront une organisation politico-religieuse bientôt appelée « secte des Assassins ». Ils vont lancer des attaques contre des hauts fonctionnaires de l’entourage des califes de Bagdad et contre des chrétiens. Ils ont à leur tableau de chasse un vizir, le fils d’un sultan, le fils du comte de Tripoli et même le prétendant au trône de Jérusalem : Conrad de Montferrat. On a dit que leur nom d’assassins venait de « haschisch », substance qu’ils consommaient avant de perpétrer leurs attentats. Rien n’est moins sûr. Leur nom viendrait de « assas« , le gardien : ils se définissaient comme gardiens de la vraie foi.
On a souvent prétendu que les Assassins entretenaient d’étroites relations avec les Templiers.

Pourchassé, Hassan ben Sabbah s’établit avec une armée dans les montagnes du nord de l’Iran, près de la mer Caspienne, plus particulièrement dans la citadelle d’Alamut. Ils ne furent délogés que par les Mongols en 1256. Ces mêmes Mongols, commandés par Houlagou Khan, petit-fils de Gengis Khan, prendront Bagdad deux ans plus tard, mettant fin au califat abbasside.
Marco Polo dit avoir rencontré le Vieux de la Montagne, nom donné au maître d’Alamut, alors qu’il ne quitta Venise qu’en 1271, soit 15 ans après la mort de son dernier représentant.

Ce qu’il reste de la citadelle

Ainsi fini l’histoire des ismaéliens nazirites qui disparurent avec l’arrivée des Mongols… Jusqu’au début du XIXe siècle où les « descendants » des grands-maîtres d’Alamut sortirent de la clandestinité et intégrèrent la cour des Kadjars, qui gouvernaient l’Iran. C’est en 1817 que Hassan Ali Shah reçu le premier le titre d’Agha Khan des mains du souverain perse.
Shah est un mot perse signifiant « roi ». Khan est un mot mongol signifiant « dirigeant ».

En 1838, les Kadjars d’Iran tentèrent d’envahir l’Afghanistan. Ce fut un échec cuisant, ils perdirent leur indépendance. La Grande Bretagne à partir de l’Inde et la Russie à partir du nord occupèrent l’Iran. Hassan Agha Khan se réfugia en Inde, au Sind (la basse vallée de l’Indus aujourd’hui au Pakistan) où résidaient de nombreux ismaéliens, pas tous heureux de recevoir leur imam. Il fallut une décision judiciaire britannique pour imposer l’Agha Khan comme chef spirituel de la communauté, en 1866.

Et que devint l’Iran ?
Lors de la révolution russe de 1917, la Grande Bretagne étend son influence sur l’Iran et nomme Reza Khan de la Brigade cosaque iranienne chef des armées. Celui-ci, fait une ascension fulgurante, chassant en 1925 le dernier roi kadjars. Il devint de premier souverain de la dynastie pahlavi dont le dernier souverain Mohammad Reza (le shah d’Iran) sera démis du pouvoir par l’ayatollah Khomeini en 1979.

Pétra – La Mecque

Qu’ont en commun le site touristique de Pétra en Jordanie, à 200 km au sud de la capitale Amman (l’ancienne Philadelphie grecque) et la ville sainte de l’islam, La Mecque, à plus de 1000 km au sud ?

Environs de Pétra

Les deux villes se situent en plein désert, dans une cuvette dominée par des collines rocheuses aux parois abruptes. La pluie y est rare, environ 100 mm par an, vite absorbée par le sol ou s’évaporant sous la chaleur. La Mecque a une température moyenne annuelle de plus de 40°. Pétra bénéficie d’une température plus clémente et plus contrastée, plus froide la nuit et moins chaude le jour : 30°. Dans la cuvette, quelques sources permettraient à quelques familles de survivre dans cet environnement hostile.

Mais à certains moments de l’année, les pluies se déversant sur les hauts plateaux environnants inondent la cuvette. Ainsi, à Pétra, 24 personnes ont été emportées par les flots en avril 1964, et en novembre 2018, 4000 touristes ont dus être évacués. A La Mecque, en 1620, la puissance des flots était telle que la Kaaba a été détruite. Des travaux d’égouttage récents préviennent actuellement les inondations. Mais en 2009, on dut déplorer 13 morts suite à la montée des eaux.

La Kaaba sous eaux vers 1950

Mais l’intérêt de la comparaison réside dans la différence entre les deux villes.

Pétra, le miracle du désert

Dans l’Antiquité, Pétra était la capitale des Nabatéens qui contrôlaient les routes commerciales entre l’est et l’ouest, le nord et le sud. Pétra était une ville florissante de 20.000 habitants. Pour réaliser ce miracle, les Nabatéens ont dû dompter les eaux. Ils ont construit 170 km de canalisation, recueillant les eaux de ruissellement dans des bassins de décantation puis dans des citernes, captant des centaines de milliers de m³ d’eau, par an, alimentant fontaines et bassins. Les boues récoltées par décantation servaient de fertilisant.

A droite une canalisation. A gauche des bassins de décantation.

Les Nabatéens nous ont laissé des monuments extraordinaires taillés dans la roche, des sanctuaires ou des tombeaux, en fait on n’en connaît pas l’usage. La taille se faisait de haut vers le bas. L’intérieur est très sommaire, deux trois pièces.

A droite, sanctuaire à l’entrée de la gorge (le Sik) conduisant à Pétra.

On trouve des monuments identiques à Hégra dans le nord de la péninsule arabique. Cette ville, bâtie à proximité d’une oasis, était une colonie de Pétra. Elle permettait de sécuriser la frontière sud du royaume et de contrôler le commerce sur la mer Rouge. Hégra était desservie par le port de Leukè Kômè, « le Port Blanc » en grec. Les marchandises : les épices, les étoffes, l’ivoire, l’or venaient d’Inde via le Yémen, appelé Arabia Felix (Arabie heureuse) par les Romains, auxquelles d’ajoutait la production locale d’encens.

Pourquoi le transport par voie maritime se termine-t-il au port d’Hégra pour se poursuivre par caravane vers Pétra, puis Gaza et la Méditerranée ? La Mer Rouge est une mer très chaude (plus de 20° en moyenne) en plein désert, soumise à un régime de vents changeants, surtout dans le nord. En 25 avant notre ère, le général romain Aelius Gallus tenta d’atteindre le Yémen par la mer à partir du port de Cléopatris, au sud de l’actuel canal de Suez. Il dut y renoncer. Il avait fallu attendre le début de ce premier siècle avant notre ère pour que les navigateurs découvrent comment naviguer dans le sud de la Mer Rouge.

Un peu d’histoire

Les Nabatéens étaient voisins des Hébreux. Ils ont même eu les honneurs des évangiles. Et Matthieu s’est de nouveau trompé dans la chronologie. Il avait déjà fait accoucher Marie pendant 11 ans ! Pour lui, Jésus était né sous Hérode le Grand, mort en -4, mais durant le recensement de Quirinus de l’an 7, lorsque la Judée est devenue une province sénatoriale romaine.

Ici, il s’agit de la mort de Jean le Baptiste. Accrochez-vous, c’est une histoire de famille. Jean avait été emprisonné par Hérode Antipas, un des fils d’Hérode le Grand, tétrarque de Galilée, parce qu’il avait critiqué son mariage avec Hérodiade. Hérodiade avait été la femme de son frère Philippe.
Lors d’une fête, Salomé, la fille d’Hérodiade, demanda la tête de Jean en échange d’une danse, lascive probablement (Mt. 14, 1-12). Ces événements se passaient avant la mort de Jésus, qu’on situe vers l’an 33.
Or pour ce mariage, Hérode Antipas avait répudié son épouse Phasaélis, la fille d’Aretas IV, le roi des Nabatéens. Ce dernier déclara alors la guerre à Hérode Antipas. Cette guerre eut lieu en l’an 36 de notre ère et vit la victoire des Nabatéens.

Pétra fut occupée par les Romains en 106, probablement à la mort du dernier roi nabatéen. Le royaume fut annexé sans violence à l’Arabie Pétrée qui avait comme capitale Bosra, au sud de la Syrie. La ville continua à prospérer.

Constructions romaines (?) à Pétra

En 363, un tremblement de terre endommagea une partie de la ville. En 446, une cathédrale y fut inaugurée. Que devint Pétra par la suite ? On perd sa trace au VIe siècle. Elle a été construite sur la faille séparant la plaque arabique de la plaque africaine, elle a peut-être disparu dans un nouveau tremblement de terre. Ou alors, sa population a été décimée par la peste qui a ravagé l’empire byzantin en 543. Les archéologues ont retrouvé des restes de repas dans la cathédrale, ce qui privilégierait la thèse de la peste. En cas de tremblement de terre, les habitants se seraient réfugiés dans les sanctuaires sculptés dans la roche et n’auraient pas cherché la protection directe de Dieu.

Quand le site fut abandonné, le système hydraulique n’a plus été entretenu et a fini par perdre son efficacité.

La Mecque

La Mecque n’a pas bénéficié d’un système hydraulique permettant l’installation d’une ville importante. Contrairement aux récits de la tradition musulmane, La Mecque n’a pas pu devenir une étape caravanière… sans eau.

Par contre, elle était probablement un lieu de rassemblement et de pèlerinage pour les Bédouins en raison des inondations de la cuvette. La Kaaba, monument pré-islamique, servaient de lieu de stockage des bétyles (beth = maison, el = dieu), la demeure de Dieu, qui accompagnaient les nomades dans leurs déplacements. La Sira nous raconte que Mahomet aurait détruit 360 idoles rassemblées dans la Kaaba.

De nos jours, les pèlerins miment toujours les trombes d’eau en dévalant le mont Arafat vers la plaine de Mina. Et deux pierres noires sont enchâssées dans les murs de la Kaaba. On prête à Umar, le deuxième calife, la réflexion suivante :

« Si je n’avais pas vu le prophète le faire (embrasser la pierre), je ne l’aurais jamais fait ».

La Mecque n’est pas citée dans la charte de Yathrib, elle apparaît deux fois dans le Coran officiel, mais ces deux versets sont contestés par les chercheurs :

« C’est lui qui dans la vallée de La Mecque a écarté leurs mains de vous, de même qu’il a écarté vos mains d’eux, après vous avoir fait triompher sur eux. Allah voit parfaitement ce que vous œuvrez. » (Co. 48, 24)

« La première maison qui ait été édifiée pour les gens, c’est celle de Bakka (La Mecque) bénie et une bonne direction pour l’univers. » (Co. 3, 96)

Ce sont les traductions officielles. Dans le premier verset, La Mecque traduit le mot « moka », qui signifie simplement vallée. Le nom du café vient d’une ville du Yémen. En arabe, La Mecque, c’est Makka. Le mot « Bakka » du second verset désigne aujourd’hui l’esplanade qui entoure la Kaaba.

La Mecque est interdite aux non musulmans et des panneaux signalétiques routiers indiquent clairement la direction que ceux-ci doivent prendre pour éviter la ville. Elle est également interdite aux femmes non accompagnées de leur tuteur. Ces interdictions ont été décrétées par les Saoudiens alliés aux religieux wahhabites qui ont pris le pouvoir en Arabie en 1932.

La ferveur pour le pèlerinage est un phénomène récent. La Mecque peut accueillir aujourd’hui 2 millions de pèlerins. Ils n’étaient que 20.181 à avoir demandé un permis en 1932 et 100.000 en 1950.

Autour de la Kaaba en 1953 (hors pèlerinage) et en 2010

L’afflux des pèlerins provoque de nombreux accidents dus essentiellement aux bousculades. Le pèlerinage est aussi un facteur de propagation des maladies infectieuses comme le choléra au XIXe siècle, le SRAS en 2003 et la grippe H1N1 en 2009.

Bilan des bousculades :
1990: 1426 morts
1994 : 1099 morts
1998 : 107 morts
2001 : 35 morts
2003 : 14 morts
2004 : 251 morts
2006 : 362 morts
Le pouvoir mobilise alors 100.000 personnes pour assurer le sécurité des pèlerins.
Malgré cela, en 2015 on dénombre 2.300 morts.