Le port du voile

Toutes les citations du Coran sont extraites de l’édition 2008 du « saint Coran » de l’Université d’al-Azhar de Beyrouth.

Si une femme ne se voile pas la tête, qu’elle se coupe aussi les cheveux. Or, s’il est honteux à une femme d’avoir les cheveux coupés ou la tête rasée, qu’elle se voile. L’homme ne doit pas se couvrir la tête, parce qu’il est l’image de la gloire de Dieu, tandis que la femme est la gloire de l’homme. En effet, l’homme n’a pas été tiré de la femme, mais la femme de l’homme ; et l’homme n’a pas été créé pour la femme, mais la femme pour l’homme. C’est pourquoi la femme doit, à cause des anges, avoir sur la tête un signe de sujétion.

Voici qui est clair et précis : la femme est inférieure à l’homme et doit se voiler la tête… à cause des anges (?). Seulement ce texte ne concerne pas l’islam. Ce passage est extrait du Nouveau Testament, de l’épître aux Corinthiens (11, 6-10) attribué à Paul qui ne l’oublions pas reste juif, même s’il était chrétien.

Qu’en est-il pour les musulmans ? C’est un sujet controversé qui refait régulièrement surface comme signe religieux distinctif, ce que le Coran confirme. Le verset 33, 59 ne dit-il pas :

Ô Prophète, dis à tes épouses, à tes filles et aux femmes des croyants de ramener leurs grands voiles sur elles : elles en seront plus vite reconnues et éviteront d’être offensées.

Mais d’où vient cette tradition du voile ? Dans les déserts, qu’ils soient syriens ou arabes, il est normal de sortir couverts. Hommes et femmes s’enroulent une pièce d’étoffe autour de la tête. De plus, dans l’Antiquité, de Sumer à la Grèce, les femmes ont toujours porté un châle sur la tête dans l’espace public. Alors pourquoi une révélation oblige la femme à porter un voile ?

Hijab : Coran 33, 53

Mais qu’est-ce que le « voile » pour l’islam ? Dans le Coran, trois mots sont traduits par « voile ». Hijab se rencontre plusieurs fois, il désigne chaque fois un accessoire de décoration, un rideau, une tenture séparant une pièce en deux parties.
Ainsi dans le verset 33, 53 :

Si vous leur demandez (sous-entendu : aux femmes du prophète) quelque objet, demandez-le derrière un rideau (hijab). C’est plus pur pour votre cœur et pour leur cœur.

Pourquoi hijab est-il devenu synonyme de foulard ? Asma Lamrabet, une intellectuelle marocaine, avance une idée très intéressante. Pour elle :

« On a imposé le hijab aux femmes musulmanes dans son sens de séparation afin de bien indiquer à ces dernières où est leur place dans la société, autrement dit afin de les cantonner, au nom de l’islam, dans la relégation et l’ombre, loin de la sphère sociopolitique » (Femmes et Hommes dans le Coran : quelle égalité ? (al-Bouraq, 2012))

Khimar : Coran 24, 31

Dans le verset 24, 31, on rencontre le mot khimar, d’origine syriaque, qui lui désigne le foulard qu’on porte sur la tête.

Dis aux croyantes de baisser leurs regards, de garder leur chasteté, de ne montrer de leurs atours que ce qui en paraît et qu’elles rabattent leur voile (khimar) sur leur poitrine. Qu’elles ne montrent leurs atours qu’à leurs maris, à leurs pères et beaux-pères, à leurs fils ou aux fils de leurs maris, à leurs frères, ou aux fils de leurs frères ou aux fils de leurs sœurs, ou aux femmes musulmanes ou à leurs esclaves, ou aux domestiques mâles impuissants ou aux garçons impubères qui ignorent tout des parties cachées des femmes. Et qu’elles ne frappent pas avec leurs pieds de façon que l’on sache ce qu’elles cachent sous leur parure.

Remarquons que la femme musulmane est plus impudique ou a moins de contraintes que la femme juive que seuls son père et son mari peuvent voir nue (Lv. 18, 1-19). Mais ce verset parle-t-il de la nudité de la poitrine ? Les atours sont aujourd’hui interprétés comme les cheveux, les oreilles et la gorge alors que le texte désigne spécifiquement la poitrine. Mais alors pourquoi rabattre le foulard sur la poitrine ?

Ce verset du Coran est cité par les musulmans pour justifier le port du foulard pour cacher les cheveux qui comme la poitrine est à même de susciter l’excitation des hommes ! Mais tout part de l’interprétation de mot « atours ». Les femmes arabes avaient-elles l’habitude de sortir seins nus ? Ne faut-il pas y voir une mise en garde contre l’exhibition des richesses que constituent les bijoux ? Que vient faire la dernière phrase du verset : « Et qu’elles ne frappent pas avec leurs pieds de façon que l’on sache ce qu’elles cachent sous leur parure » ? En quoi frapper du pied laisse voir les atours ? Cette injonction ne se justifie que si les atours sont des bijoux que l’on peut deviner par le bruit qu’ils font lorsqu’on frappe du pied par terre.

Ce verset est à rapprocher du passage de la première épître à Timothée dans le Nouveau Testament :

Et que de même les femmes en tenue décente, se parent avec pudeur et bon sens, non de tresses, ni d’or, ni de perles, ni de vêtements coûteux mais de bonnes œuvres ; c’est ce qui convient aux femmes qui ont promis de révérer Dieu.

Jalabib : Coran 33, 59

Dans le verset 33, 59 que nous avons cité en tête de cet article, ce n’est pas le mot hijab qui est utilisé, mais jalabib, mot éthiopien qui signifie manteau, cape et qui a donné djellaba. Donc, le verset peut être traduit par « revêtir leur cape ». Ce qui nous éloigne d’un foulard sur la tête.

Relisons ce verset :

Ô Prophète, dis à tes épouses, à tes filles et aux femmes des croyants de ramener leurs grands voiles (jalabib) sur elles : elles en seront plus vite reconnues et éviterons d’être offensées.

Il va à l’encontre de ce que la tradition nous dit de la vie à Médine où toutes les tribus s’étaient converties à l’islam sauf les juifs. On devait reconnaître les femmes musulmanes parmi les femmes juives. Mais, si l’on en croit Tertullien, un père de l’Eglise chrétienne du IIe siècle : « Le voile sur la tête est si coutumier aux femmes juives qu’on les reconnaît par là » (Apologétiques 18, 9). C’est à n’y rien comprendre. Pour se différencier, les musulmanes doivent copier les juives !

À l’origine, ce verset ne devait s’appliquer qu’aux épouses et aux filles du prophète. Le terme « aux femmes des croyants » a dû être ajouté par la suite. De cette manière le verset devient compréhensible et s’apparente au verset 33, 53 qui propose de cacher les femmes du prophète par un rideau. D’ailleurs, les derniers versets de la sourate 33 concernent tous les femmes du prophète.

Ajoutons, pour « clarifier » la compréhension,  que nous croyons qu’une langue arabe précise, unifiée, n’existait pas avant le Coran. Donc, la signification que la langue arabe donne aux mots jalabib, khimar et hijab est récente et toute relative.

La même idée se trouve dans Le Didascalia apostolorum (L’Enseignement des apôtres), un traité de l’Eglise syriaque, écrit par les douze apôtres au concile de Jérusalem de l’an 50… selon la tradition, mais plus vraisemblablement au début du IIIe siècle. Il a été traduit en arabe avant les débuts de l’islam. On y lit :

Si tu veux devenir ne femme croyante, sois belle pour ton mari seulement. Lorsque tu marches dans la rue, couvre ta tête avec ton habit, afin que grâce à ton voile, ta grande beauté puisse être couverte. Ne peins pas le contour de tes yeux, mais baisse ton regard. Et marche voilée.

Un récit d’Aïcha

Les premières femmes arabes disciples de Mahomet ne portaient pas le voile si l’on en croit un récit (hadith) attribué à Aïcha, une des femmes du prophète de l’islam, rapporté par Boukhari et repris dans la Sîra (vol. 2, 297-307). Boukhari est un érudit perse du IXe siècle. Il a collecté plusieurs hadiths, on parle de 600.000. On raconte que chaque fois qu’il écrivait un hadith, il faisait ses ablutions et récitait une prière. Il a vécu 60 ans. À vos calculettes…L’affaire survint après la révélation concernant le port du voile. Aïcha faisait partie d’une caravane. Lors d’une halte, devant satisfaire un besoin naturel elle s’éloigna. À son retour, la caravane était repartie. Cet incident est rapporté par un hadith, car on soupçonna Aïcha d’adultère, ce qui fit grand bruit, perturba Mahomet et sema la discorde entre ses disciples.

Comment se fait-il que personne ne se soit aperçu de l’absence d’Aïcha… la femme préférée de Mahomet ? Pourquoi insister sur le fait que l’incident intervient après la révélation sur le « port du voile » ? En quoi avoir un voile sur la tête dissimulait-il Aïcha à la vue des membres de la caravane au point de partir sans elle ? Ne faut-il pas en déduire que ce voile n’était pas un simple foulard, mais un voile, entourant le palanquin posé sur le chameau, cachant la femme du prophète aux yeux des hommes de la caravane ?

Si on suit la tradition, la suite du récit de Boukhari tombe dans  l’absurde : on chercha Aïcha et enfin on la retrouva. Son « sauveur » la reconnut car il l’avait déjà vue sans son voile. Elle était reconnaissable, car elle était rousse, ses cheveux étaient roux. C’est du moins ce que dit un hadith attribué à Mahomet : « Prenez la moitié de votre religion de cette petite rousse ». D’après cette information Aïcha aurait donc retiré et perdu son voile en s’isolant ? Ceci confirme bien que le voile, dont il est question ici, n’a rien à voir avec un foulard, mais est bien un rideau, une tenture pour dissimuler la femme aux regards des hommes. Hors de son palanquin, Aïcha n’avait pas de foulard, même après la révélation !

De quand date cette obligation ?

C’est de nouveau Boukhari qui nous éclaire, c’est Umar qui parle : « Envoyé de Dieu, les gens vertueux comme les libertins pénètrent chez tes femmes. Si tu ordonnais à tes femmes de se dérober à leur regard par un voile. Alors le verset du voile descendit ».

Conclusions

Les religions juives et chrétiennes ont abandonné l’usage du foulard, seul l’islam résiste et continue à imposer des prescriptions désuètes, sclérosé qu’il est par l’idée que le Coran serait incréé. Même l’hindouisme, pourtant toujours figé dans son système de castes, n’impose plus le voile aux femmes. Même à la lecture (éclairée) du Coran, on ne voit rien qui pourrait obliger les musulmanes à porter le foulard. On leur demande juste d’être discrète et pudique. En 2014, en Iran, plusieurs femmes ont publié sur Internet une photo d’elle non voilée. Cette rébellion a provoqué une manifestation monstre dans les rues de Téhéran dont le slogan était « Homme où est ta dignité, où est le voile de ta femme ?« . Certains calicots appelaient même à la lapidation ! Cette manifestation n’est-elle pas la réponse au problème ?

Petite fille swahili ou l’islam mal compris

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