Gaza : destruction d’un patrimoine

Gaza n’a pas toujours été un ghetto de 400 km² où s’entassent 2 millions de reclus. C’est une ville vieille de plus de 4000 ans, construite par les Égyptiens pour contrôler le passage vers le Sinaï. Dans l’Antiquité, elle fut une ville prospère, elle devint un centre culturel sous les Romains. Au Moyen-Age, sa région fut stratégique avant de se faire absorber par l’Histoire.
De son passé, elle gardait un précieux patrimoine qui vient d’être détruit.
Survolons l’histoire de Gaza, sa place dans la Bible, puis jetons un coup d’œil sur son patrimoine

Gaza et la Palestine : un peu d’histoire

La Bible nomme la région « terre de Canaan », du nom d’un petit-fils de Noé, fils de Cham. Cham ayant surpris son père Noé nu, celui-ci maudit Canaan. Oui, c’est très tordu comme récit, d’autant plus que YHWH a donné la terre de Canaan aux Hébreux.
Ce territoire est sous à domination égyptienne depuis le pharaon Thoutmosis III (règne de 1458 à 1425 ?). Sous la protection des Égyptiens, des villes-États voient le jour. À cette époque, Gaza, de par sa situation comme port et verrou vers l’Égypte, abrite la résidence du gouverneur égyptien de Canaan.
La civilisation égyptienne culmine sous Ramsès II (1303-1213).

Ramsès III (1186-1155), son petit-fils, doit faire face aux Peuples de la mer, des migrants (voir l’article sur les Peuples de la mer). Certains s’installent sur la côte de Canaan : les Philistins. Ils vont créer (ou occuper) cinq villes : Gaza, Ascalon, Ashdod, Gath et Ekron.

Cette période provoque de grands bouleversements démographiques et culturels : les villes-États de Canaan disparaissent. Le vide laissé est occupé par des tribus d’éleveurs venus des hauts plateaux. Les tribus vont s’unir pour former de petits royaumes comme Israël (avec Sichem et Samarie) et Juda autour de Jérusalem délaissée par les Jébuséens.

Ensuite, Gaza subit le cours de l’Histoire. Tour à tour occupée par les Assyriens, les Babyloniens, et les Perses qui créent la province de Judée. Elle héberge une puissante garnison perse. Puis viennent les Grecs d’Alexandre le Grand et les Romains. Elle est alors une cité grecque qui profite de sa situation de carrefour commercial.
En 135, après la seconde révolte des Juifs, l’empereur Hadrien fait raser Jérusalem qu’il rebaptise Aelia Capitolina. La Judée est effacée de l’Histoire, elle devient la Palestine. Ce nom apparaît déjà dans les textes d’Hérodote au Ve siècle avant notre ère.
Au IIIe siècle de notre ère, Gaza est un centre philosophique. Malgré l’édit de Théodose qui décrète la fermeture de tous les temples en 392, elle résistera au christianisme jusqu’en 402, date à laquelle le temple de Jupiter cesse ses activités. Mais son école de rhétorique ne fermera ses portes qu’au VIe siècle, peut-être à cause de l’épidémie de peste qui ravage l’empire byzantin dès 541.

Elle fut prise lors de l’expansion de l’islam en 637, après Damas (634) et Jérusalem (636). Ensuite, elle subit tous les changements politiques de la région.
A la fin de la première guerre mondiale, la Palestine passe sous contrôle des Britanniques. Ceux-ci, harcelés par les « terroristes » juifs de l’Haganah, jettent l’éponge. Le 23 juillet 1946, le QG de l’armée britannique, l’hôtel King David est l’objet d’un attentat. On dénombrera 91 victimes sous les décombres.
En 1947, l’ONU propose la création de deux États : l’un juif l’autre palestinien. (voir : la naissance d’Israël). Attention, cette proposition devait être soumise à référendum car l’ONU n’a pas le pouvoir de donner une terre à quelqu’un.

Extrait de l’album « Tintin au pays de l’or noir » (version originale). Dans la version actuelle, les Britanniques et les Juifs ont disparus.

Les Juifs, sans attendre le référendum, décident de créer l’État d’Israël. Si Israël voit le jour en 1948, les États-Unis bloqueront toutes les résolutions de l’ONU condamnant Israël pour son opposition à la création d’un État palestinien. L’ONU n’a jamais pu remplir son objectif : empêcher les guerres par la négociation. Cette organisation est une coquille vide, au mieux un salon où les diplomates de tous les pays peuvent se rencontrer.

Gaza et les Philistins dans la Bible

Gaza est citée une trentaine de fois dans la Bible, toujours associée aux Philistins. La plupart des mentions sont anachroniques : les Philistins s’installent à Canaan après -1180. Or on les retrouve dans la saga d’Abraham, puis de Josué, le successeur de Moïse, au moins 100 ans avant leur apparition (voir la chronologie biblique). Les Philistins sont présentés comme un peuple à éradiquer, comme tous les peuples qui occupent Canaan pour permettre l’installation des Hébreux… mais les Philistins résistent. Ils n’apparaissent pas dans la liste des rois vaincus (Livre de Josué 12, 7-24).
Effectivement, on les retrouve dans l’histoire de David : Goliath est un Philistin. Il faudra attendre le règne d’Ézéchias, roi de Juda, (716-687) pour qu’ils soient défaits (2Rois 18, 8) :

C’est lui qui battit les Philistins jusqu’à Gaza, dévastant leur territoire depuis les tours de garde jusqu’aux villes fortes.

Gaza, un patrimoine détruit

D’après un article d’Histoire & civilisations de mars 2024

Après les bombardements : à gauche, le palais al-Basha, à .droite la grande mosquée.

Le centre de la ville et son passé ottoman est complètement détruit :

  • la mosquée al-Omar, ancienne cathédrale Saint-Jean-Baptiste, construite par les croisés au XIIe siècle,
  • les bains al-Samara,
  • l’église orthodoxe Saint-Porphyre, l’évêque qui ferma le temple de Jupiter,
  • le palais al-Basha construit au XVIIe siècle. Il abritait un musée et une école de filles.

Les sites de fouilles sont probablement endommagés :

  • l’église byzantine de Jabaliya et ses 500 m² de mosaïques,
  • le monastère Saint-Hilarion,
  • le local abritant les découvertes archéologiques des 10 dernières années.

On ignore l’état du Musée archéologique qui permettait aux habitants de Gaza de se réapproprier leur passé.

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