Les épouses du prophète

Tout ce que nous connaissons, ou croyons connaître, de la vie de Mahomet (570-632) nous vient des hadiths et de sa biographie, très romancée, écrite dans la première moitié du IXe siècle par à ibn Hicham… 200 ans après la mort du prophète. La littérature musulmane des tout premiers siècles a donné naissance à trois genres littéraires : les hadiths (les dits du prophète et de ses proches), les circonstances de la révélation et les expéditions militaires ou conquêtes. Tous les faits rapportés sont « certifiés » par une chaîne de transmission : « Je tiens ce récit de X, qui l’a entendu de Y, qui en avait connaissance par Z…( sous-entendu, donc, c’est la vérité) ». Quelque soit le genre, il n’est pas rare qu’un même fait, dans le même ouvrage, soit rapporté de façon tout à fait différente, par deux chaînes de transmetteurs.
La Sîra, la biographie de Mahomet appartient au genre « circonstances de la révélation ». Ce genre est très important, car même si le Coran est incréé, comme le dogme l’affirme, Allah en a modifié le texte : dans le Coran, on lit que la vigne offre une boisson enivrante agréable (16, 67) mais aussi que boire du vin est un péché grave (2, 219) (voir mon article intitulé : Du vin et du porc). Allah dit : « Nous n’abrogeons aucun verset sans le remplacer par un autre qui soit meilleur » (2, 106). Il est donc important de savoir quel verset abroge et remplace l’autre, d’où la nécessite de connaître les circonstances de la révélation. Dans le cas cité, la Sîra nous informe que Mahomet recevait des outres de vin de voyageurs venant de Syrie, mais un jour un fidèle s’est présenté saoul à la prière et le verset 2, 219 a été révélé. La Sîra se sert donc de la biographie romancée de Mahomet pour justifier les versets du Coran.

Khadija

Mahomet épousa Khadija à La Mecque où il était à son service comme caravanier. C’était une riche veuve, propriétaire de caravanes. On était en 595, il avait 25 ans, elle en avait 15 de plus que lui. Il fut un mari exemplaire. Ils eurent 6 enfants, on en reparlera.

En 610, Mahomet eut ses premières révélations. Dans la Sîra (I, 233-239), ibn Hicham raconte cette anecdote. Alors qu’il est en contact avec l’ange Gabriel (Gibrîl), Khadija demanda à Mahomet de se blottir dans son giron.

– Cousin » demanda-t-elle, le vois-tu encore ?
– Oui je le vois, répondit Muhammad.
Khadija se débarrassa de sa robe et mit la tête de Muhammad, toujours sur son giron, sous sa chemise de corps.
– Le vois-tu encore ? demanda-t-elle
– Non, je ne le vois plus.
– Cousin, sois heureux et tiens bon. Ton ami est un ange du ciel et non point un démon.

Elle fut la première convertie et une aide précieuse pour son mari en butte aux railleries des notables de La Mecque. Elle est appelée « Mère des croyants ».

Ils eurent deux fils : el Qassim et Abdallah, tous deux morts en bas âge, et quatre filles d’après la tradition.
Zaynab née entre 598 et 600. Elle est morte du vivant de son père en 629. Elle épousa un mécréant qui fut fait prisonnier par Mahomet. Il le libéra en échange de sa fille. Le mari retourna à La Mecque et Zaynab, pourtant amoureuse de son époux, dû rejoindre son père à Médine. Elle avait une fille qui épousa Ali, le quatrième calife.

Ruqayya née en 601 et morte en 624. Elle épousa un aristocrate mecquois, fils d’Abu Lahab. Ce personnage est un des rares contemporains de Mahomet cités dans le Coran, livre incréé rappelons-le. C’était son ennemi.

Que les deux mains d’Abû Lahab périssent et que lui-même périsse !
Ses richesses et tout ce qu’il a acquis ne lui serviront à rien.
Il sera exposé à un feu ardent
Ainsi que sa femme, porteuse de bois, dont le cou est attaché par une corde de fibres. (Co. 111, 1-5).

La sourate 111 ne comporte que ces 4 versets, elle lui est entièrement consacrée.
Ruqayya fut répudiée et épousa Uthman, le troisième calife.

Oum Kalthoum dont on connaît ni l’année de naissance ni le nom, Oum Kalthoum signifiant « la mère du joufflu » a le même parcourt que sa sœur Ruqayya : elle a épousé un fils de Abu Lahab qui l’a répudiée, elle épousa alors Uthman, le troisième calife… après la mort de sa sœur Ruqayya.

Fatima épousa Ali, le quatrième calife et est aussi vénérée que lui. On ignore quand elle est née en 604, 605, 609 et même 615 selon les sources. Notons qu’aucune archive n’étant tenue, les dates de naissance des personnages de l’entourage du prophète ont été estimées bien des années plus tard. Si on s’en tient à la chronologie établie, Fatima est née alors que sa mère avait entre 49 et 60 ans, ce qui à l’époque tient du miracle. Elle mourra quelques jours après son père.

Donc, à la mort de Mahomet, il n’a plus de descendance directe. Comme il n’a pas eu de frères, ni de sœurs, il n’a pas d’héritiers directs.

A Médine

Khadija meurt en 619, trois ans avant que Mahomet quitte La Mecque pour Médine, ce qui s’appelle l’Hégire et donne le point de départ du calendrier musulman. Il respecte le deuil d’un an, puis épouse Sawda. Il est âgé de 50 ans, elle en a 35 (Wikipédia lui en donne 65 !). Bien vite, Mahomet veut la répudier car il a épousé une très très jeune fille (une enfant) Aïcha. Sawda lui fait alors cette étrange proposition qu’il accepte : « Je ne te demande pas de coucher avec moi, je cède mon tour à Aïcha. Mais je veux être présente le jour de la résurrection parmi tes épouses. » Comme bon nombre de croyants, elle attend toujours !

L’épouse la plus célèbre de Mahomet, avec Khadija, est Aïcha (614-678). Elle est la fille de l’ami du prophète, Abu Bakr, qui sera son successeur direct. Elle a 6 ans lorsqu’il demande sa main à son père. A 8 ans elle devient sa femme. Un an plus tard, le mariage est consommé. Ce qui choque dans ce mariage, ce n’est pas l’âge de la fillette. Beaucoup de souverains européens se sont mariés à cette âge. Ce qui choque, c’est la différence d’âge, lui a plus de 50 ans et le fait que le mariage fut consommé. Suite à ces noces, la Charia fixa l’âge légal du mariage des filles à 9 ans (voir mon article sur les mariages de plaisir).

Malgré ses caprices, elle fut la préférée du prophète s’il faut en croire la tradition musulmane. Ce qui n’empêcha pas Mahomet de prendre encore de nombreuses épouses. Mais Allah lui a permis de dépasser la limite fixée à quatre femmes (Co. 4, 3).

Ô prophète. Nous avons rendu licite pour toi les épouses que tu as dotées, les captives que Dieu a fait tomber entre tes mains, les filles de ton oncle ou de tes tantes paternels ou maternels ainsi que toute croyante qui aura livré son cœur au prophète pourvu qu’il consente à l’épouser (NB : remarquons le changement de personne : tu puis il). C’est un privilège que nous t’accordons à l’exclusion des autres croyants. (Co. 33, 50)

J’ai souligné « ton oncle » au singulier. Ce personnage est Abu Talib, le père d’Ali, quatrième calife et cousin de Mahomet. C’est lui qui l’éleva après la mort de son père et le protégea des attaques des Mecquois réfractaires au message du prophète. Mais alors qui est al-Abbas, le fondateur de la dynastie des Abbassides venu du fin fond de l’Iran et qui se présenta comme l’oncle du prophète ?

Fermons cette parenthèse. La tradition raconte qu’au cours d’une étape aride, sans eau, Aïcha perdit son collier. Le moment de la prière approchant, les croyants voulaient atteindre au plus vite un point d’eau pour les ablutions rituelles. Aïcha ne voulut rien entendre et exigea qu’on cherchât son collier. Le soir même Allah donna connaissance d’un nouveau verset à Mahomet :

Lorsque vous vous disposez à la prière, lavez vos visages et vos mains jusqu’aux coudes, passez les mains mouillées sur vos têtes et lavez-vous les pieds jusqu’aux chevilles… si vous ne trouviez pas d’eau alors, recourez à la terre pure (au sable), passez-en sur votre visage et vos mains… (Co. 5, 6)

Notons qu’avant ce verset, tout voyage dans le désert semble avoir été interdit aux croyants. Comment trouver cinq points d’eau pour respecter les prières journalières ?

Mahomet prit ensuite pour femme Hafsa, la fille de son ami Umar, qui deviendra deuxième calife. C’était sa quatrième épouse. Quelque temps plus tard, il convola avec Zaynab, une veuve de 30 ans. Mahomet avait 56 ans. Puis il épousa Oum Salama, la veuve de son frère de lait. Comme elle était inconsolable, Abu Bakr et Umar se proposèrent de l’épouser. Elle refusa, mais elle accepta la proposition de Mahomet. Aïcha la trouvait très belle malgré son âge (30 ans). Elle mourut en 680, soit 64 ans après l’Hégire. On lui doit toute une série de hadiths.

Ensuite, vient l’épisode d’une seconde Zaynab, l’épouse du fils adoptif du prophète, nommé Zayd. Les circonstances de ce mariage sont floues… pour ne pas salir la mémoire du prophète. Il aurait trouvé Zaynab à son goût et son fils adoptif aurait proposé de la répudier. Malgré son désir, Mahomet aurait refusé car il était interdit d’épouser la femme de son fils, même adoptif. C’était considéré comme un inceste. Alors Allah intervint :

Il n’appartient pas à un croyant ou à une croyante, un fois qu’Allah et son messager ont décidé une chose d’avoir encore le choix dans leur façon d’agir… Quand tu disais à celui qu’Allah avait comblé de bienfaits tout comme toi-même l’avait comblé (c’est Zayd) : « Garde pour toi ton épouse (Zaynab) et crains Allah ». … Tu (Mahomet) craignais les gens mais c’est Allah qui est digne de ta crainte. Quand Zayd (cité explicitement dans le texte, comme Abu Lahab dans la sourate 111) eut cessé toute relation avec elle, nous te la fîmes épouser afin qu’il n’y ait aucun empêchement pour les croyants d’épouser les femmes de leurs fils adoptifs quand ceux-ci cessent toutes relations avec elles. Le commandement d’Allah doit être exécuté. (Co. 33, 36-37)

Vinrent ensuite Juwayrira, une jeune femme de 20 ans et Ramlah Abi Sufyan, également appelé Oum Habiba, convertie très tôt à l’islam bien qu’elle ait été la fille d’un dirigeant de La Mecque, ennemi de Mahomet : Abu Sufyan. Il compte maintenant 9 épouses.

Le seigneur de guerre

A Médine, résidaient trois tribus juives d’après la Sîra. Mahomet chassa deux d’entre elles sous des prétextes divers et anéantit la troisième accusée de trahison. Les hommes furent rassemblés devant de grandes fosses, égorgés et enterrés (Sîra II, 58-60). Parmi les captives, se trouvait Safiyya, une très jolie femme (juive) que Mahomet réclama comme butin. Il partagea sa couche le soir même… après l’avoir convertie à l’islam et l’avoir épousée. Il faut respecter les règles.

Son épouse suivante est Maymuna, elle avait 36 ans et lui 60.
Enfin, il prit pour concubine Maria la Copte, une esclave chrétienne venant d’Egypte qu’il reçut en cadeau. Elle lui donna un fils, Ibrahim qui ne vécut que quelques mois. Mahomet n’a décidément pas de chance avec ses fils.

Conclusions

Mahomet eut donc une douzaine d’épouses et quelques concubines. Des jalousies et des disputes éclatèrent entre elles. Un vent de révolte souffla même. Mais Allah veillait au bon ordre de la maison du prophète.

S’il vous répudie il se peut que son Seigneur lui donne en échange des épouses meilleures que vous, soumises à Dieu, croyantes, pieuses, adorantes, observant le jeûne, qu’elles aient été mariées ou qu’elles soient encore vierges.

Ce verset, d’après la tradition, suffit à les calmer.

Pour conclure, je laisse la parole à l’islamologue français Guillaume Dye, professeur à l’Université Libre de Bruxelles qui en 2016 déclara : « Il me semble à peu près impossible de retrouver la réalité historique derrière tous ces récits [sur la famille de Mahomet], et l’idée traditionnelle selon laquelle le Prophète aurait eu sept enfants (un chiffre qui n’est pas anodin dans la culture biblique) ne paraît pas être une information historique. » 

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