Contexte des évangiles
Que nous apprennent les évangiles sur le tombeau de Jésus ?
Jésus est crucifié entre deux bandits (Mt. 27, 38). Jésus mort est enveloppé d’une pièce de lin et déposé dans le tombeau de Joseph d’Arimathée ou d’Arimathie (Mt. 27, 59-60).
Marc nous dit que la crucifixion a lieu au Golgotha, qui signifie le lieu du Crâne. Il confirme l’intervention de Joseph d’Arimathée.
Luc ajoute que la tombe a été taillée dans le roc (23, 53).
Pour Jean, le Golgotha est proche de la ville de Jérusalem (19, 20). Jésus « est entouré de bandelettes avec des aromates, suivant la manière juive d’ensevelir » (19, 40). Les autres évangiles disent que le corps de Jésus n’avait pas été préparé : les femmes se rendent au tombeau le lendemain du shabbat, après avoir acheté des aromates.
Jean précise : « A l’endroit où Jésus avait été crucifié, il y avait un jardin et dans ce jardin, un tombeau tout neuf où personne n’avait été déposé » (19, 41).
Notons que tous les évangiles ont une interprétation différente de l’écriteau placé sur la croix.
« Celui-ci est Jésus, le roi des Juifs » (Mt. 27, 32).
« Le roi des Juifs » (Marc 15, 26).
« C’est le roi des Juifs » (Luc 23, 38)
« Jésus le nazoréen, le roi des Juifs » (Jean 19, 19).
Aucun évangile ne dit que Jésus a été cloué sur la croix.
Mais après la résurrection, Luc dit « Regardez mes pieds et mes mains, c’est bien moi. (24, 39).
Jean est plus explicite, il fait dire à Thomas, appelé Didyme : « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je n’enfonce pas mon doigt à la place des clous et si je n’enfonce pas ma main dans son côté, je ne croirais pas [en la résurrection] » (20, 25). Thomas et Didyme veulent dire « jumeau » en araméen et en grec.
Si on peut déduire que Jésus a été cloué, aucun évangile ne nous renseigne sur l’opération de descente de la croix qui devait être une tâche particulièrement délicate. Les légionnaires romains utilisaient des clous de section carrée de 17 cm de long, les légionnaires étant astreints aux travaux de génie civil. (voir l’article sur le crucifixion)
Le Saint-Sépulcre
Au concile de Nicée (325), l’empereur romain Constantin (272-337), à la demande des évêques, décide de financer la construction de lieux de culte pour honorer la mémoire des endroits marquants de la vie de Jésus. Malheureusement, la ville de Jérusalem a subi de nombreux bouleversements en 70 et 135-137 qui l’a rendue méconnaissable. Trois bâtiments vont être construits : l’église de la Nativité à Bethléem, la basilique de l’Ascension sur le Mont des Oliviers et la basilique de la Résurrection à Jérusalem.
Pour l’église de la Nativité, une grotte fut choisie conformément à l’Évangile de Matthieu, alors que celui de Luc raconte que Marie a accouché chez elle à Bethléem où elle résidait avec Joseph.
Sur le Mont des Oliviers, le choix s’est porté sur un endroit où la roche présentait ce qui semblait être des traces de pied !
La basilique de la Résurrection, Anastasis en grec, sera construite à la place du temple de Vénus, en mauvais état, au nord du forum de Jérusalem, construit sous l’empereur Hadrien (117-138). Cette basilique deviendra le Saint-Sépulcre. A l’époque, elle ne ressemblait pas à ce qu’elle est devenu à force de réparations et de reconstructions : elle a été détruite par les musulmans en 1009 et fragilisée par des tremblements de terre ou des incendies accidentels.
La basilique initiale probable Le Saint-Sépulcre aujourd’hui
Topologie des lieux

Quand ils entrent dans l’église, les fidèles se précipitent juste en face pour vénérer la Pierre de l’Onction, là où Jésus aurait été « entouré de bandelettes avec des aromates« , d’après l’Évangile de Jean. En fait, cette pierre aurait été ajoutée au XIIe ou XIIIe siècle, alors que les Croisés occupaient les lieux.
Sur la droite, six ou sept marches permettent d’accéder au mont Golgotha. Une petite excroissance, où il est impossible de dresser trois croix côte à côte, comme l’affirment les évangiles. Le mont a une hauteur de 11 mètres dont seuls une partie émerge dans l’église. Il se situe à 35 mètres de la tombe proprement-dite. Il faut noter qu’aucune mémoire juive ne se souvient d’un endroit appelé Golgotha (le crâne en araméen) dans les environs de Jérusalem.

A gauche de l’entrée, se trouve le tombeau de Jésus. Il est surmonté d’un édicule. Le tombeau, invisible, est 4,5 mètres plus bas que le niveau de l’église.
Pierre de l’onction La foule autour de l’édicule recouvrant le tombeau lors du miracle du feu sacré
Les cinq dernières stations du chemin de croix, inauguré par les franciscains en 1220, se passent dans l’église-même. Selon la forme moderne instaurée en 1991 par le pape Jean-Paul II : Jésus est cloué sur la croix, Jésus promet son royaume au bon larron, Jésus confie sa mère à Jean, Jésus meurt sur la croix, Jésus est mis au tombeau.
Organisation des lieux
Quand on pénètre dans cette église, on a l’impression d’entrer dans un souk, richement décoré : c’est bruyant, il y a des « échoppes » partout. Ce capharnaüm est le résultat de l’organisation des lieux. Pas moins de six communautés chrétiennes se partagent l’édifice, d’où la profusion de chapelles, d’autels et de lieux de prière. On trouve donc des secteurs catholiques, tenus par des moines franciscains, des secteurs orthodoxes, d’autres occupés par les Églises arménienne, copte, syriaque et éthiopienne.
Les heures des prières et des processions sont rigoureusement régentés, pas question de chevauchement.
Ce partage est régi par une ancienne loi ottomane concernant les biens religieux, toujours en vigueur. Une règle particulière pose problème : une communauté perd le droit sur un espace si elle n’en fait pas usage. Les communautés essaient donc de s’étendre en catimini au détriment de leurs voisins. Récemment, les franciscains, profitant des fouilles israéliennes en sous-sol, ont occupé le lieu pour en faire une chapelle. Il y a des lieux de culte à tous les étages.
Des altercations entre prêtres sont fréquentes. Des pugilats ont éclaté parce qu’une communauté avait laissé la porte d’une chapelle ouverte lors de la prière d’une autre. La police israélienne doit parfois intervenir pour séparer les prêtres qui se tirent par la bure ou se frappent à coups de cierge, offrant un piètre exemple du « aimez-vous les uns les autres« .
Pour éviter certains risques, les successeurs de Saladin ont décidé de fermer l’église la nuit… et d’en confier les clés à deux familles musulmanes. A quatre heures du matin, se déroule un étrange cérémonial : un prêtre resté à l’intérieur de l’église passe une échelle par une ouverture en haut de la porte, un membre d’une famille musulmane monte sur l’échelle, le dépositaire de la clé la lui passe et la porte s’ouvre. Et l’opération inverse recommence le soir. NB : La serrure est placée trop haut pour y accéder sans échelle.
Le rôle d’Hélène, la mère de Constantin
Le tradition chrétienne raconte qu’Hélène, lors de sa visite à Jérusalem, a découvert les croix sur lesquelles Jésus et les deux brigands avaient été crucifiés, ainsi que les clous, la couronne d’épines, etc. (voir mon article sur les reliques) Par un miracle, différent chez chaque auteur, elle a pu identifier la « Vraie » croix.
Qu’en est-il historiquement ? On se fie ici à l’Histoire de Constantin écrite par Eusèbe de Césarée, après la mort de Constantin en 337. Hélène, morte en 330, a été envoyée par son fils Constantin pour superviser les travaux de construction à Jérusalem, probablement entre 326 et 328. C’est tout !
La légende de l’invention de la croix (du latin inventum, découverte) prend sa source dans l’éloge funèbre de l’empereur Théodose prononcé en 395 par l’évêque Ambroise de Milan. Par la suite, tous les continuateurs de l’ouvrage d’Eusèbe de Césarée, l’Histoire Ecclésiastique, vont reprendre, amplifier et améliorer (par des miracles) les dires d’Ambroise. Il faut noter que les écrits chrétiens sont de plus en plus « précis » au fur et à mesure qu’ils s’éloignent des événements.
Le miracle du feu sacré
Le samedi précédent la Pâque orthodoxe, le patriarche de Jérusalem s’approche de l’édicule du tombeau, se dépouille de ses habits de cérémonie, et comme un magicien, il fait constater qu’il n’a rien dans les mains et rien dans les poches. Il entre alors dans l’édicule, les portes se ferment… et quelques instants plus tard, il réapparaît brandissant une torche enflammée. C’est le miracle du feu sacré. Tous les fidèles présents allument leur torche de proche en proche. Ils sont en extase, se passent la flamme sur leur visage et prient à haute voix. (voir photo plus haut)
Polémique sur l’emplacement du tombeau
Les historiens « neutres » ne croient pas que le Saint-Sépulcre recouvre le tombeau de Jésus et le Golgotha. En 137, après avoir maté la révolte de Bar Kochba, l’empereur Hadrien fait raser la ville de Jérusalem, déjà mal en point après l’incendie de 70, et fait construire une ville romaine. Un axe nord-sud et un axe est-ouest sont tracés. Au nord-ouest de ces axes, le temple de Vénus est édifié. Au sud-ouest, se trouve le cantonnement de la Xe légion Fretensis, dont l’enseigne figure un sanglier (un porc !), tandis que l’est, l’emplacement du temple juif, voit s’ériger le temple de Jupiter capitolin, de Junon et de Minerve.
Jérusalem a vécu, Aelia Capitolina a pris sa place. Les Juifs sont chassés de la ville, cette interdiction d’accès s’adresse aussi aux juifs nazaréens, les disciples de Jésus.
Donc deux cents ans plus tard, plus personne ne pouvait identifier un lieu.
Il est peu probable que les Romains aient tracé le cardo maximus (N-S) et le decumanus maximus (E-O) hors de l’enceinte de l’ancienne ville. Donc, le temple de Vénus devait être dans Jérusalem-même, l’inverse contredirait les évangiles : on ne mélangeait pas les morts et les vivants, les tombes et les lieux d’exécution étaient à l’extérieur des villes.
Grâce à Flavius Josèphe, on connaît très bien l’emplacement des fortifications extérieures durant la guerre de 70. Malheureusement, le troisième rempart, le plus extérieur n’a été construit qu’en 41… après le événements relatés par les évangiles. Il y a donc doute sur l’emplacement du deuxième rempart. Ce doute profite aux chrétiens qui le dessine à l’est du Saint-Sépulcre, rejetant celui-ci hors des remparts.
L’emplacement du Golgotha ne nous est pas connu par la littérature juive. On ignore où il se trouvait… s’il a existé. il fut appelé le mont du Crâne car on y aurait découvert le crâne d’Adam lors de la crucifixion de Jésus.
Personne n’a jamais vu la tombe de Jésus. En février 2015, la police israélienne expulse les « touristes » et les prêtres et fait fermer le Saint-Sépulcre : l’édicule surplombant le tombeau est jugé dangereux et risque de s’effondrer. Des travaux auraient dû être entrepris depuis le 1947, les plaques de marbre se détachant. L’édicule est sous la responsabilité des orthodoxes mais aucune modification ne peut être entreprise sans le consentement des autres communautés.
La fermeture forcée emporta l’unanimité et des travaux de restauration ont été menés à l’automne 2016 : on a consolidé le bas de l’édicule. Les archéologues qui accompagnaient les ouvriers étaient des prêtres et Antonia Moropoulou, l’ingénieure chargée de la supervision des travaux, a bien spécifié que sa mission était de réparer, pas de chercher de l’ADN.
On y a découvert une première dalle de marbre datant du XIIe siècle et ensuite le morceau d’une seconde dalle datant du IVe siècle, date de la construction de la basilique. C’est tout.
Et une chape (de béton) s’est refermée sur le tombeau.
Le mont du Crâne (Gordon)
En 1883, un major anglais, archéologue amateur, en voyage dans la Palestine ottomane aperçoit au nord de Jérusalem une colline dont la forme lui fait penser à un crâne. Pas de doute, c’est le Golgotha !
Ancienne photo, aujourd’hui, le « nez » est tombé. La tombe
Cette large colline est clairement à l’extérieur de la ville romaine. Dans les alentours, on trouve de multiples tombeaux creusés dans la roche. Des fouilles complémentaires ont permis d’identifier une citerne souterraine (1890) et un pressoir (1924), pressoir à huile se dit Gethsémani en araméen. Tout comme le Golgotha, le jardin de Gethsémani n’a pas pu être localisé par des données juives. Ces découvertes ont conduit à l’idée que des jardins se trouvaient à proximité, comme le dit l’Évangile de Jean.
Une tombe, la plus proche de la colline, a été baptisée la Tombe du Jardin et identifiée, par ses partisans, comme la tombe où Jésus aurait reposé.
Le terrain a été acheté par la Garden Tomb Association. Le fait que cette association britannique soit d’obédience protestante a nourri la critique des milieux catholiques.
Aujourd’hui, 100.000 personnes visitent la Tombe du Jardin contre plus d’un million pour le Saint-Sépulcre.

Conclusions
La foi, cet irrésistible besoin de croire, détruit la part logique de la pensée de l’individu.
Alors que les évangiles sont unanimes pour dire que Jésus a été placé dans le tombeau de Joseph d’Arimathie, qui fait office de père de substitution, les fidèles peuvent se recueillir sur le tombeau du dit Joseph dans un coin ouest du Saint-Sépulcre, une petite excroissance de l’église… en remerciement, je suppose !
Joseph serait mort en Bretagne romaine qu’il a évangélisée avec l’apôtre Philippe, y apportant le Saint-Graal. Mais c’est une autre histoire.