L’athéisme chrétien

Les athées chrétiens rejettent tout élément surnaturel du christianisme, dont la notion d’un dieu intervenant dans les affaires humaines. Ils se déclarent de culture chrétienne et élaborent leur système éthique à partir des enseignements puisés dans le Nouveau Testament. Ce n’est pas un mouvement structuré, mais des initiatives personnelles qui revêtent différentes formes.

C’est Pierre, un ami, qui m’a fait découvrir le sujet qui s’est révélé plein de surprises… comme on va le voir.

Une désignation ambiguë

Un athée ne croit pas en Dieu, il ne se préoccupe pas de Dieu, il ignore ce concept. Dieu n’est pas nécessaire à son éthique.

Un chrétien croit en Jésus comme Christ, c’est à dire le Messie qui viendra à la fin des temps.

Les deux concepts : athée et chrétien sont donc antinomiques, incompatibles : on ne peut pas nier Dieu et croire au Messie. Pour contourner cette contradiction, on peut parler d’athéisme jésuisme. Mais ce barbarisme n’éclaire pas sur le sujet.

Jésus comme modèle

L’athéisme chrétien se développe dans la culture chrétienne et dans la lecture du Nouveau Testament. Jésus n’est pas le fils de Dieu ni le fondement de la foi, c’est un modèle de vertu, un idéal de vie, certains disent un philosophe.
Mais à lire le Nouveau Testament, on n’y perçoit qu’une ébauche de philosophie. Il faudra attendre les gnostiques au IIe siècle puis Augustin d’Hippone (354-430) pour voir des développements philosophiques enrichir le christianisme de base.

C.S. Lewis ne s’y trompe pas, dans son livre Mere christianity (Simple christianisme) il refuse de réduire Jésus à un simple moraliste et de nier sa filiation avec Dieu. Son argument est étrange : il dit qu’à lire les évangiles, on n’y voit pas les paroles d’un moraliste, mais peut-être d’un fou, d’un imbécile. Comme il rejette cette idée, il conclut que Jésus était effectivement le Fils de Dieu… CFDT !

Pourtant, plusieurs « philosophes » contemporains ont démontré que les valeurs modernes comme l’égalité, la démocratie, la laïcité, la séparation du spirituel et du temporel, ou encore les droits de l’homme, sont directement issues de la matrice chrétienne. Mais n’est-ce pas du nombrilisme occidental de penser que tout ce qui est bien vient de leur monde ? Ils devraient relire l’histoire de l’Europe chrétienne avant de proférer de telles inepties : on n’y voit que pogroms, croisades, inquisition, colonisation, esclavage « industriel », génocides en Afrique et aux Amériques et la Shoah.

Absence de dieu

Pour les athées chrétiens, Dieu est absent… ou presque. Il serait logique qu’ils aient renoncé à Dieu, prétextant qu’y croire est un péché d’orgueil. L’homme se croit assez intelligent pour appréhender le créateur d’un monde, l’Univers, qu’ils n’arrivent pas à comprendre. Aujourd’hui, on n’a identifié que 5% de la composition de l’Univers. Des 95% restant, on ne connaît que leurs actions, sans pouvoir les identifier (voir Notes en fin d’article).

Les athées chrétiens qui n’ont pas renoncé à Dieu, rejettent néanmoins l’image d’un dieu anthropomorphe, le dieu de la Bible, pour se tourner vers un dieu immanent, loin du monde des hommes, monde avec lequel il n’interfère pas.

Dieu est mort

Mais l’aspect le plus original, le plus étrange est la mort de Dieu. Dieu existait, il s’est incarné en Jésus, mais il est décédé sur la croix. Cette mort est la vraie rédemption, en se sacrifiant, Dieu a racheté les hommes, ils les a libéré. Paul van Buren dans son livre L’Évangile de l’athéisme chrétien écrit :

Aujourd’hui, tout homme ouvert à l’expérience sait que Dieu est absent, mais seul le chrétien sait que Dieu est mort, que la mort de Dieu est un événement final et irrévocable et que la mort de Dieu a permis dans notre histoire actuelle une humanité nouvelle, libérée.

Au XIXe siècle, Nietzsche l’avait pressenti: les chrétiens ont tué leur propre Dieu. Dans Le Gai Savoir, il présentait l’athéisme comme aboutissement ultime du christianisme.

Les athées chrétiens sont-ils nombreux ?

Une étude a été faite aux Pays-Bas.
42% des membres de l’Église protestante des Pays-Bas se disent théistes, ils croient réellement en Dieu.
Par contre sur 860 pasteurs interrogés, un sur six se dit agnostique (il doute) ou athée.
Parmi eux, Don Cuppit soutient que Dieu est un symbole, une métaphore. Son confrère Klass Hendrikse décrit Dieu comme « un mot pour désigner l’expérience humaine« . Ce pasteur nie même l’historicité de jésus. Pour lui, « il n’est pas nécessaire de croire en l’existence de Dieu pour croire en Dieu« .

Un synode général, réuni en 2010, n’a pas condamné les prises de position d’Hendrikse : « ses déclarations ne sont pas assez importantes pour endommager les fondements de l’Église, elles sont conformes à la tradition libérale qui fait partie intégrante de notre Église.« 

Chez les personnes considérées comme catholiques aux Pays-Bas, 27% se déclarent agnostiques ou athées.

Quid de Benoît XVI ?

Benoît XVI était-il un chrétien athée ? C’est ce qui semble ressortir des réflexions que Joseph Ratzinger a faites lors d’une conférence à la Sorbonne le 27 novembre 1999, moins de 5 ans avant de devenir pape sous le nom de Benoît XVI. À lire attentivement et à méditer.

Ce scepticisme très général vis-à-vis de la prétention à la vérité en matière de religion est ensuite étayé par les questions que la science moderne a soulevées quant aux origines et aux contenus de ce qui est chrétien : la doctrine de la création semble dépassée par la théorie de l’évolution, la doctrine du péché originel par les connaissances sur l’origine de l’homme. L’exégèse critique relativise la figure de Jésus et pose des points d’interrogation sur sa conscience filiale. L’origine de l’Église placée en Jésus semble douteuse et ainsi de suite. Le fondement philosophique du christianisme est devenu problématique avec la fin de la métaphysique, ses bases historiques restent dans un clair-obscur par suite des méthodes historiques modernes. [Le texte complet de la conférence est paru dans le Frankfurter Allgemeine Zeitung le 8 janvier 2000 et sa traduction française est parue dans l’ouvrage « Est-ce que Dieu existe ? » aux Editions Payot et Rivages en 2006.]

Ce texte forme l’introduction de la conférence de Joseph Ratzinger. Je suis conscient que ces propos semblent totalement contradictoires avec la position d’un cardinal. Il ne faut pas oublier qu’avant de devenir pape il était préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, c’est-à-dire grand inquisiteur. Il avait pour mission de traquer tout ce qui n’était pas en adéquation avec la foi, avec le dogme. Pourtant il a bien dit ces paroles, sans les justifier : on pourrait croire que sa conférence va développer un argumentaire pour contrer cette analyse. Il n’en est rien, il disserte sur la philosophie sans évoquer Dieu et conclut :

L’essai pour redonner, dans cette crise du christianisme, un sens judicieux au concept de christianisme, doit miser sur l’action juste et la foi juste. Sa teneur devra aujourd’hui, comme autrefois finalement, consister au plus profond en la coïncidence de l’amour et de la raison, piliers de base du réel : la véritable raison est l’amour et l’amour est la véritable raison. Dans leur unité, ils sont le véritable fondement et le but de tout réel.


Notes

L’hypothétique matière noire ou matière sombre (26.8% de la masse de l’Univers) a été introduite pour expliquer l’anomalie du déplacement des étoiles les plus éloignées du centre des galaxies. Elles se déplacent beaucoup plus vite que ce que prévoit la théorie. Elle n’a jamais été détectée.

L’hypothétique énergie sombre (68.3% de la masse de l’Univers) permet expliquer l’accélération de l’expansion de l’Univers. Tout se passe comme si une force répulsive s’opposait à la gravité. Elle n’a jamais été détectée.

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