Taïwan

Taïwan est la plus grande île de la République de Chine à 160 kilomètres du continent, face à la République populaire de Chine (Chine continentale).
Taïwan est une question hautement politique et géopolitique, avec des différends entre la République de Chine et la République populaire de Chine sur la souveraineté et la reconnaissance internationale.
Comment en est-on arrivé là ?

Origines

L’île est peuplée d’aborigènes (comme en Océanie) lorsqu’au début du XVIIe siècle, des marchands espagnols, hollandais puis portugais installent des comptoirs commerciaux. Les Portugais lui donneront le nom de Formose.
Aujourd’hui, les aborigènes représentent 2,5% de la population, soit 600.000 individus appartenant à 16 groupes ethniques parlant 16 langues différentes. En 2016, la présidente de la république a présenté ses excuses pour des siècles de violation de leurs droits et de spoliation de leurs terres.

En 1683, Formose est annexée par les Chinois qui l’intègre à l’empire dirigé par le dynastie Qing, d’origine mandchoue (nord de la chine).
Dès le milieu du XIXe siècle, la Chine affaiblie est humiliée par les puissances impérialistes de l’époque qui l’obligent à ouvrir ses ports au commerce international. La Grande-Bretagne, la France, l’Allemagne, le Japon et les États-Unis y installent des concessions, véritables États dans l’État, avec leurs propres armées et leurs propres tribunaux. (sujet du film : La canonnière du Yang-tsé).

En 1895, suite à la défaite face aux Japonais, les Chinois doivent céder Formose et la Corée. S’en suit à Formose (Taïwan) une dure répression faisant plusieurs dizaines de milliers de victimes. Les habitants doivent adopter des noms japonais et parler cette langue.

Naissance de la République de Chine

En 1912, l’empereur Puyi, qui a alors 4 ans !, est destitué. C’est la fin de la dynastie Qing. Il restera dans la Cité interdite jusqu’en 1924 et aura une destinée hors du commun, on va en reparler.
La république est proclamée. Cette république se veut bourgeoise dans un pays qui manque d’une base sociale et qui n’a pas connu de révolution industrielle. Dans l’intérieur du pays, des seigneurs de la guerre s’emparent des pouvoirs locaux. Entre 1914 et 1918, la bourgeoisie, profitant de l’éclipse des Occidentaux qui monopolisaient le commerce, connaît un âge d’or… dans les régions de Pékin, Nankin, Shanghai et Canton.

Il faut attendre 1924 pour assister réellement à l’essor de la République.
A cette époque, deux partis sont créés : le Guomindang (parti nationaliste), créé par Sun Yat-sen revenu des États-Unis et le parti communiste. Sun Yat-sen (1866-1925) se rapproche de l’URSS pour réaliser l’unification et l’indépendance de la Chine. Son lieutenant Tchang Kaï-check (1887-1975) est envoyé en URSS pour concrétiser l’accord.
Les militants du parti communiste sont admis dans le Guomindang.

La politique du Guomindang tient en trois points :

  • Le nationalisme : la nation chinoise repose sur la race han qui est l’élément civilisateur. Quatre races minoritaires lui sont associées : la mongole, la tibétaine, la mandchoue et la hui (populations turques).
    Ce premier principe est symbolisé sur le drapeau de la République populaire de Chine qui sur fond rouge arbore cinq étoiles, une grande et quatre petites. Le sigle du Guomindang est repris sur le drapeau de la République Chinoise.
  • La démocratie : il faut une période de tutelle politique pour éduquer le peuple à la démocratie. Sun Yat-sen dire : « le peuple chinois, c’est du sable dispersé dont il faut faire du ciment« .
  • Le bien-être : il faut égaliser les droits sur la terre par un impôt progressif frappant les plus-values foncières.
République populaire chinoise (5 races)
République de chine (soleil du Guomindang)
La guerre civile

En 1927, une grève insurrectionnelle des travailleurs est réprimée dans le sang par les troupes du Guomindang. Devant l’indignation des communistes, toujours intégrés dans le Guomindang, Tchang Kaï-check mène une purge généralisée des communistes dans son parti. Le divorce est consommé, la guerre civile débute.

Les ouvriers communistes sont dirigés par Chou En-Laï (1898-1976), Mao Zedong (1893-1976) conduit les révoltes paysannes, vite réprimées par le Guomindang.

La situation s’enlise. Quand soudain, en 1931, les Japonais envahissent la Chine. Pour faire face à l’envahisseur, le Guomindang et les communistes s’allient à nouveau.

Carte publiée dans Histoire & civilisations de mai 2023 (n°94)
L’invasion japonaise

Les Japonais annexent la Mandchourie qu’ils rebaptisent le Mandchoukouo et place à sa tête le dernier empereur de Chine, Puyi. Après la défaite du Japon en 1945, Puyi sera « rééduqué » en Chine et terminera sa vie comme jardinier ! (sujet du film : le dernier empereur).

L’occupation de la Chine par les Japonais s’accompagne de scènes d’une brutalité inouïe.
Le Japon entre en guerre contre les États-Unis en décembre 1941. L’île de Taïwan sera peu impactée par la guerre. Néanmoins, un bombardement américain sur Taipei, la capitale de l’île, fera 3000 morts parmi les civils.

A la fin de la guerre, Tchang Kaï-chek devient président de la République de Chine… et la guerre civile reprend contre les communistes de Mao Zedong.
L’île de Taïwan est intégrée dans la République chinoise et occupée en octobre 1945 par l’armée de Tchang Kaï-chek d’abord accueillie chaleureusement, mais les difficultés commencent : le pillage par les soldats, les épidémies de choléra et les pénuries alimentaires.

En février 1947, des émeutes éclatent suite aux arrestations arbitraires, à la corruption et au népotisme. L’armée tire sur les manifestants faisant entre 18.000 et 28.000 morts. La loi martiale est proclamée. Elle supprime la liberté de presse, la liberté d’opinion, la liberté de réunion et les manifestations. Les tribunaux militaires jugeront 300.000 personnes jusqu’en 1960, dont beaucoup seront exécutées.

Exode vers Taïwan

Sur le continent, les communistes finissent par vaincre les nationalistes. Le nationaliste Tchang Kaï-chek se replie à Taïwan en décembre 1949 avec près de deux millions de partisans. La VII flotte des États-Unis aide à effectuer les transferts.
Les nationalistes ont emporté 700.000 pièces du trésor de la Cité interdite. Elles seront exposés dans un musée à Taipei.

Taïwan vivra alors pendant plusieurs décennies sous une dictature dirigée par le Guomindang, avec l’appui des États-Unis, qui visait encore à cette époque la reconquête de la Chine continentale. Taïwan étant considéré comme une base de repli.

En 1972, la croissance économique de Taïwan atteint des records et l’île se tourne vers des produits à forte valeur ajoutée. Elle produit aujourd’hui 63% du marché mondial des semi-conducteurs (TSMC et UMC), loin devant le Coréen Samsung (20%).

Vers la démocratie

En 1978, trois ans après la mort de Tchang Kaï-chek, son fils Tchang Ching-kuo devient président de la République de Chine. Petit à petit, il assouplit le régime de la loi martiale qui ne sera levée qu’n 1987 et vide les prisons. C’est son successeur Lee Teng-hui (1923-2020), toujours du Guomindang, qui démocratisera le pays en organisant des élections.

En 2000, le parti démocrate progressiste, fondé 14 ans plus tôt, gagne l’élection présidentielle, mais sans majorité au Parlement.
En 2008, le Guomindang revient au pouvoir. Le nouveau président Ma Ying-jeou prône le rattachement à la République populaire de Chine. En 2015, il rencontre Xi Jinping à Singapour.

Ma Ying-jeou et Xi Jinping

Lors des élections de 2016, la présidence et le contrôle du Parlement passent aux mains du parti démocrate progressiste. La présidente, Tsai Ing-wen est farouchement opposée à la réunion avec la Chine populaire.
Les statues de Tchang Kaï-chek ont été enlevées et regroupées dans un jardin, par contre son mausolée est toujours un lieu de vénération.

En 2022, 60% des habitants se déclarent Taïwanais, 23% Taïwanais et Chinois. C’est le chinois de pékin (le mandarin) qui est la langue officielle du pays.
Lors de ce sondage, 80% des participants se déclarent pour le statu quo (une Chine, deux systèmes) avec des nuances : situation définitive, évolution vers l’indépendance ou décision ultérieure. Une infime minorité se prononce soit pour l’indépendance soit pour l’unification.

Reconnaissance internationale

Jusqu’en 1971, la République de Chine (Taïwan) représentait les Chinois à l’ONU.

En 1971, à la suite d’une demande formulée par 17 de ses membres, puis du rejet par la république populaire de Chine d’une proposition des États-Unis de reconnaître les deux nations chinoises, l’ONU vote une résolution par laquelle la république de Chine perd son siège au profit de la république populaire de Chine, qui devient la seule représentante de la Chine à l’ONU.

En 1972, le président des États-Unis, Richard Nixon, se rend dans la République populaire de Chine et proclame qu’il soutient l’idée d’une seule Chine et deux systèmes (communistes et démocratique). Mais il faudra attendre 1979 pour que les États-Unis rompent leurs relations avec la république de Chine, ferment leur base militaire de Taïwan et établissent des relations diplomatiques complètes avec la République populaire de Chine.

Actuellement, seuls 14 pays reconnaissent officiellement Taïwan comme un État souverain : Belize, Eswatini (anciennement Swaziland), Guatemala, le Paraguay, Haïti, et des îles du Pacifique : Kiribati, les Îles Marshall, les Palaos, Nauru, Saint-Christophe-et-Niévès, Sainte-Lucie, Saint-Vincent-et-les Grenadines, les Salomon et Tuvalu.

Relations avec la République populaire de Chine

Les media nous rebattent les oreilles avec la menace d’une guerre (imminente) entre les deux Chines.
Mais ces media perdent de vue deux points très importants.
Premièrement, l’objectif de la Chine est de devenir la première puissance économique mondiale pour le centenaire de la République populaire, en 2049… au grand dam des États-Unis. Elle ne peut donc pas s’encombrer d’une guerre.
Deuxièmement, la Chine populaire est le premier partenaire commercial de Taïwan et Taïwan le premier investisseur en Chine : 400 milliards de dollar, soit 80% des investissements de l’île.

La Chine est le premier marché d’exportation de Taïwan (23,3% contre 20,2% pour les États-Unis) et le deuxième pays importateur (12,2%) derrière le Japon, mais devant les États-Unis.
La société Foxconn Technology, spécialisée dans la fabrication de produits électroniques, a son siège à Taipei, mais est principalement implanté en République populaire de Chine, dans la ville de Shenzhen où elle emploie plus d’un million de salariés. On y assemble, entre autres, les iPhones et les iPads.

Depuis 2011, Taïwan est une destination touristique pour les Chinois. Le voyage inverse a été inauguré dès 1994.

La Chine populaire fournit l’eau de l’archipel de Kinmen (Kemoï), dépendant de Taïwan, mais situé à seulement 6 kilomètres du continent. La construction d’un pont avait été prévue, mais la visite officielle d’une représentante des États-Unis (Nancy Pelosi) à Taïwan, considérée comme une provocation, a gelé le projet.

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