Cette question peut sembler saugrenue à toute personne qui connaît un tant soit peu le récit de la « vie de Jésus » : Jésus a été baptisé par Jean, donc il l’a rencontré ! C’est effectivement ce que dit la « vie de Jésus », celle du catéchisme.
Jean le Baptiste parut dans le désert proclamant un baptême de conversion en vue du pardon des péchés… Il proclamait : « Celui qui est plus fort que moi vient après moi… Moi, je vous baptise par l’eau, mais lui vous baptisera par l’Esprit Saint ».
Or, en ces jours-là, Jésus vint de Nazareth en Galilée et se fit baptiser par Jean dans le Jourdain. À l’instant où il remontait de l’eau, il vit les cieux se déchirer et l’Esprit comme une colombe descendre sur lui. Et des cieux vint une voix : « Tu es mon fils bien-aimé, il m’a plu de te choisir ».
Mais la « vie de Jésus » est composée d’extraits des quatre évangiles ; c’est un patchwork qui ne correspond à aucun des quatre évangiles. J’ai déjà publié un article sur la composition de la crèche de Noël qui varie grandement en fonction de l’évangile qui sert de référence (voir « La crèche de Noël« ).
Lisons l’Évangile de Luc, pour répondre à la question titre.
Les naissances de Jean et de Jésus
L’Évangile de Luc est le seul qui nous parle de la naissance de Jean. Dans les autres, il apparaît de nulle part et disparaît aussitôt. Mais il joue un rôle essentiel : par deux fois, il définit la nature de Jésus. La première fois, lors de son baptême (voir l’extrait plus haut), il le déclare fils de Dieu (Marc et Matthieu) ou Messie (Jean et Luc), et ensuite, lorsque de sa prison, il lui fait demander « Es-tu celui qui doit venir ?« .
Luc 1, 5 Au temps d’Hérode le Grand, un prêtre nommé Zacharie et sa femme Élisabeth n’avaient pas d’enfant. Élisabeth était stérile et tous deux étaient avancés en âge. Alors qu’il était de service pour offrir l’encens, Zacharie aperçut l’ange Gabriel qui lui annonça : « Sois sans crainte Zacharie, ta prière a été exaucée, ta femme Élisabeth enfantera un fils que tu nommeras Jean… Il ramènera beaucoup de fils d’Israël au Seigneur leur Dieu. » (Luc 1, 11-16)
Six mois plus tard, l’ange Gabriel fut envoyé en Galilée, à Nazareth auprès d’une jeune fille nommée Marie, accordée en mariage à un homme nommé Joseph. Il lui dit : « Sois sans crainte, Marie, tu as trouvé grâce auprès de Dieu, tu enfanteras un fils et tu lui donneras le nom de Jésus » (Luc 1, 39)
Luc 2, 1 À l’époque où Quirinius était gouverneur de Syrie, toute la population dut se faire recenser dans sa « propre ville ». Joseph monta de la ville de Nazareth vers la ville de David qui s’appelait Bethléem parce qu’il était de la famille et de la descendance de David. Il était accompagné de Marie, son épouse qui était enceinte. (voir « l’invraisemblable naissance de Jésus »)
Conclusion
Jean et Jésus ne sont pas la même génération. Jean est né sous le règne d’Hérode, qui mourut en -4, alors que Jésus est né lors de l’annexion de la province de Judée à l’Empire romain en 6 ou 7 de notre ère. Il est peu probable qu’ils se soient rencontrés, d’autant plus que Jésus habite Nazareth, dans le nord de la Galilée, et que Jean demeure auprès de son père, prêtre du temple de Jérusalem.
Les ministères publics de Jean et de Jésus
Luc 3, 1 En l’an 15 du gouvernement de Tibère César (en 28 de notre ère), Jean vint dans la région du Jourdain proclamant le baptême de conversion en vue du pardon des péchés, comme il est écrit dans le livre des oracles du prophète Isaïe.
Luc 3, 15 Le peuple était dans l’attente et tous se posaient des questions au sujet de Jean : « Était-il le Messie ? ». Jean leur répondit : « Moi, c’est avec de l’eau que je vous baptise, mais celui qui vient est plus fort que moi… Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu.«
Luc 3, 19 Mais Hérode le tétrarque [de Galilée] qu’il blâmait pour sa femme Hérodiade, la femme de son frère Philippe, fit arrêter Jean et l’enferma en prison. (voir « Les Hérodes dans les évangiles« )
Luc 3, 21-22 Or comme tout le peuple était baptisé, Jésus, baptisé lui aussi, priait. Alors le ciel s’ouvrit, l’Esprit Saint descendit sur Jésus sous l’apparence d’une colombe et une voix vint du ciel : « Tu es mon fils, aujourd’hui je t’ai engendré« .

Conclusion
Les versets 21 et 22 semblent avoir été ajoutés. Alors que Jean baptise, contrairement aux autres évangiles, Jésus n’apparaît pas. On a intercalé son baptême et la descente de l’Esprit Saint après l’emprisonnement de Jean.
Un baptême gênant
Le baptême de Jésus est gênant pour le dogme. Au IVe siècle, Jésus est proclamé Dieu au même titre que le Père et le Saint-Esprit lors du concile de Nicée organisé par l’empereur Constantin Ier. Pourquoi Dieu a-t-il besoin de se faire baptiser… pour pardonner ses péchés ?
Au verset 3, 22, la voix dit « Tu es mon fils, aujourd’hui je t’ai engendré » ce qui est contraire au dogme défini à Nicée : Jésus est de la même substance que Dieu, il n’a pas été créé. Mais à cause de cette phrase, le dogme ajoute… pas créé mais engendré. Quelle différence ?
Le site chrétien « La Croix » tente l’explication suivante :
Rien de ce passage du dogme – « Engendré, non pas créé, de même nature que le Père ; et par lui tout a été fait. Pour nous les hommes, et pour notre salut, il descendit du ciel » – ne figure dans les évangiles.
Les premiers chrétiens ont dû trouver les mots pour établir un lien, une logique, une continuité entre ce qui est dit dans les évangiles et le fait qu’on affirme le Fils comme étant Dieu. S’il est Dieu, où donc était-il avant de naître ?
Avec le vocabulaire grec dont disposaient ces pionniers, avec le mode d’expression de l’époque, à force de réflexion, ils ont fourni les réponses et établi le pont qui reste ainsi formulé et tient lieu d’explication : il est Dieu né de Dieu, lumière née de la lumière, vrai Dieu né du vrai Dieu.
« Engendré » indique qu’il n’est pas soumis à la génération qui est la nôtre, car avant sa naissance, il existait déjà, tandis que nous-mêmes sommes « créés ».
Cela n’explique pas « Tu es mon fils, aujourd’hui je t’ai engendré« , qui semble vouloir dire, à partir d’aujourd’hui, je te reconnais comme mon fils.
Les versets 21 et 22 mettent en scène un miracle qui devrait ravir tous les chrétiens : Dieu UN apparaît sous ses trois formes simultanément ! Le Saint-Esprit vole comme une colombe, le Fils (Jésus) prie (qui ?) et le Père parle depuis le ciel. L’important n’est pas de donner une explication logique, mais d’avoir la foi, de croire sans chercher à comprendre.
