11 septembre : 20 ans déjà

Cet article est inspiré du dossier « Les États-Unis et le Monde. 2001-2021, le grand tournant » paru dans le magasine l’Histoire de septembre 2021.

Article connexe :
La naissance du djihad moderne et la montée de Ben Laden : « 1979 : que le djihad commence« 

Conséquences du 11 septembre

Sous le coup de l’émotion des attentats qui ont fait près de 3000 morts et 16000 blessés, les États-Unis, par la voix de leur président, George Bush, ont déclaré la guerre au terrorisme (war on terror) et débuté la traque de Ben Laden, jugé responsable, protégé par les talibans qui régnaient sur l’Afghanistan. Cette guerre totale les conduira au Pakistan, en Irak (de 2003 à 2011 sous mandat de l’ONU), au Yémen, dans la Corne de l’Afrique et aux Philippines… sans grands résultats.
Dès le 18 septembre, quand le Congrès a voté le recours aux armes, la parlementaire californienne Barbara Lee a justifié son opposition en déclarant : « qu’elle refusait de cautionner une guerre sans stratégie de sortie ni cible précise. » La proposition a été votée à la majorité… moins une voix.

L’attaque de l’Afghanistan n’est pas une guerre des États-Unis, mais bien de l’OTAN : l’article 5 de la charte atlantique a été invoqué. Il déclare que s’attaquer à un membre est considéré comme une agression contre tous les membres.

La dérive

45 jours après l’attaque terroriste, le Patriot Act a été voté. Il fragilisait l’État de droit : il permettait au FBI d’accéder à la correspondance privée et aux comptes bancaires sans décision de Justice ; la NSA pouvait mettre n’importe qui sur écoute ou perquisitionner sur base d’un soupçon ; la CIA pouvait détenir et interroger des présumés terroristes sans limite de temps.

Plus la traque s’éternisait, plus les mesures se renforçaient. Ainsi, des interrogatoires « agressifs » vont être autorisés sans en référer au Congrès. La décision a été prise en petit comité : par le vice-président de Bush, Dick Cheney, le secrétaire à la Défense, Donald Rumsfeld, le ministre de la Justice, John Ashcroft et le directeur de la CIA, George Tenet.

Ces décisions, prises hors du cadre légal, vont mener à des abus comme la torture dans la prison d’Abu Ghraïb (Irak : 2004), le massacre de civils à Haditha par des marines en novembre 2005 ou l’exécution de 17 civils sur la place Nisour à Bagdad en septembre 2007 par une compagnie privée de sécurité, la Blackwater.

Le Patriot Act avait été voté pour une durée de quatre ans. Il a été remplacé en 2015 par son frère jumeau, le USA Freedom Act. On se demande de quelle liberté on parle !

Sous la présidence d’Obama (2009-2017)

Barack Obama va tenter de changer de stratégie… d’occupation, car il n’a toujours pas de stratégie de sortie des guerres entreprises par son prédécesseur : George Bush (2001-2009).
Il réduit drastiquement le nombre de militaires au sol, qu’il remplace par des agents de sécurité privés. Avant son mandat, en 2007, il y avait déjà 180.000 agents privés pour 160.000 soldats pour en Irak.

Il accentue l’utilisation des drones, la technologie devient un acteur important de la guerre. Les drones n’empêchent pas les bavures. Ainsi un citoyen américain a été abattu par un drone. C’était probablement un terroriste, mais l’opinion publique américaine s’est mobilisée contre cette exécution sans jugement. Qui décide de la peine de mort ?

L’administration Obama a donné son feu vert au projet Maven dont l’objectif est de rendre les drones tueurs autonomes. Un programme de reconnaissance faciale décide de la cible à atteindre. Est-ce un de ces drones qui a envoyé un missile lors d’un mariage dans la province de Kandahar en Afghanistan tuant 37 personnes ? Des dégâts collatéraux ? Et ce n’est pas la seule bavure en Afghanistan, au Yémen, en Irak et même au Pakistan.
Google a quitté du projet en 2018 à la suite de ses errements.

Dans sa traque contre Ben Laden, Obama ne va pas hésiter à violer l’espace aérien de pays amis comme le Pakistan.

Vingt ans de guerre pour rien

La réaction aux attentats de 11 septembre a coûté 6000 milliards de dollar, 7000 morts du côté américain, 350.000 civils tués (ce chiffre est contesté) et 40 millions de réfugiés.

Notons que 6000 milliards sur 20 ans, soit 300 milliards par an représente 0,015% du PIB° des États-Unis et 42% de leurs dépenses militaires.

Et toutes ces dépenses en vies humaines et en matériel pour rien ! Al Qaïda est toujours actif, une nouvelle organisation terroriste a vu le jour : DAESH. Les talibans ont repris le contrôle de l’Afghanistan et y appliquent toujours une charia d’un autre âge.
L’Irak est totalement déstabilisé : un nouveau despote dirige le pays où règne la corruption. Il faut savoir que la première mesure prise par les Américains a été de limoger tous les fonctionnaires et les militaires appartenant au parti de Saddam Hussein, le parti Baas. En 1945, dans l’Allemagne vaincue, les fonctionnaires, nazis ou non, avaient été maintenus à leur poste pour faire redémarrer le pays.

L’Iran a tiré profit des guerres. Malgré l’assassinat en janvier 2020 du général iranien Qassem Soleimani, tué par un drone américain à sa sortie de l’aéroport de Bagdad, son plan de désenclavement de l’Iran a été mené à bien. Il voulait créer un front chiite au Proche Orient, du Hezbollah libanais pro-iranien à l’Iran en passant par la Syrie et l’Irak où le Hezbollah irakien s’est constitué suite à l’invasion américaine. L’Iran contrôle toute une bande de territoire.

Qu’est-ce qui n’a pas fonctionné ?

Il est plus simple de voir ce qui a fonctionné : les invasions ont été très rapides, Kaboul a été libérée en novembre 2001 et Bagdad est tombée moins d’un mois après le début de la guerre.
Mais après… les États-Unis n’avaient aucune stratégie. Les Afghans et les Irakiens devaient leur tomber dans les bras pour les remercier de leur avoir apporté la démocratie. C’est tout le contraire qui s’est produit. En traînant pour mettre fin aux pillages et pour rétablir l’électricité, l’eau et le ramassage des immondices, les Américains se sont fait des ennemis des Irakiens les plus enthousiastes.

Quant à la démocratie, on en est loin. Les États-Unis entretenaient l’illusion que des élections libres allaient engendrer un gouvernement démocratique. Au lieu de cela, les électeurs ont pu choisir les corrompus qui allaient s’enrichir des millions de dollars que les États-Unis allaient déverser sur leur pays.

En Afghanistan, ils ont commis une autre erreur. Ils ont voulu ignorer que le Pakistan était l’allié des talibans. Les États-Unis et la France ont continué à livrer des armes aux Pakistanais qui les transféraient en Afghanistan. Ces deux pays étaient pourtant au courant puisqu’en 2001, lors du retrait des talibans de Kaboul, ils avaient découvert des armes livrées au Pakistan dans les caves des bâtiments occupés par les talibans.

La fin de la guerre

Le 31 août 2021, les troupes américaines ont quitté l’Afghanistan. La situation n’a pas évolué en 20 ans, les talibans sont de nouveau au pouvoir. Ils ont négocié le départ des troupes américaines à Doha, au Qatar… sans compensation. Avec le retrait des troupes, les civils Américains et leurs collaborateurs ont essayé de s’extirper de l’Afghanistan. On a vécu les mêmes scènes de chaos, de bousculades, de drames que lors de l’évacuation de Saïgon en 1973. A Kaboul, au moins, les États-Unis n’ont pas oublié de soldats. Au Vietnam, une dizaine de soldats avaient été oubliés dans l’ambassade. Tout s’est bien terminé pour eux, après quelques négociations, un hélicoptère a pu les évacuer par le toit.

En Irak, bien que les militaires se soient officiellement retirés en 2011, il reste toujours des conseillers chargés de former la police et l’armée… en plus des sociétés privées de sécurité.

Un autre ennemi

La guerre est terminée, les Américains continuent à commémorer les attaques du 11 septembre. Ils restent convaincus que leur pays est le garant de la liberté dans le monde et qu’il agit toujours dans le respect du droit international. Jamais ils ne s’interrogent sur les causes de la tragédie de 2001. Or aujourd’hui, les causes sont toujours présentes et plus vivaces que par le passé, car la population de plusieurs pays ont subi l’effroi des bombardements intensifs et l’occupation d’une armée étrangère. Le problème n’a pas disparu, il s’est aggravé. Le sentiment de vengeance reste vivace dans les deux camps.
De plus, si l’Occident considère l’évacuation de l’Afghanistan comme une défaire politique, les ennemis des États-Unis la considèrent comme une défaite militaire : une milice islamique a fait mordre la poussière au géant américain. Tout devient possible.

Les Américains veulent oublier le Moyen-Orient trop lointain, ils sont passés à autre chose, ils se sont déjà trouvé un nouvel ennemi : la Chine. Un sondage Gallup de mars 2021 révèle que 50% des citoyens américains voient la Chine comme une priorité absolue de la politique étrangère à mettre en place par Jo Biden. De plus, 80% d’entre eux considèrent la Chine comme un ennemi, au mieux un adversaire, qui effraie par son pouvoir militaire, technologique et économique.

Or si l’on compare les effectifs militaires des deux pays, la Chine est loin de posséder un armement comparable aux États-Unis. (La Chine est 4 fois plus peuplée que les États-Unis). Elle n’entre pas dans la course aux armements qui a causé la chute de l’URSS qui vivait au-dessus de ses moyens pour égaler les États-Unis en puissance militaire.

                              Chine                       États-Unis
Dépenses annuelles            205 milliards de $          705 milliards de $ 
Soldats actifs                2,2 M (0,15 % population)   1,4 M (0,42%)
Porte-avions                  2                           11
Navires de guerre             777                         490
Ogives nucléaires             280                         6450
Avions                        3260                        13233

Notes

Le PIB d’un pays est la richesse produite par ce pays en un an. Le PIB peut être calculé comme suit (du point de vue des entreprises) : la somme des salaires payés + les bénéfices + la plus-value boursière + les rapports des immeubles (bâtis ou non) + l’accroissement des stocks – les subventions.

Le jour où la Chine va gagner

Cet article s’inspire du livre éponyme de Kishore Mahbubani. L’auteur est un diplomate de Singapour qui a vécu à New York en tant qu’ambassadeur aux Nations Unies.

La Chine, en guerre économique avec les États-Unis depuis l’ère Trump, est l’un des rares sujets sur lesquels le président démocrate Biden s’est inscrit dans la continuité de son prédécesseur républicain et qui fait largement consensus au Congrès.

« Si nous ne faisons rien, nos jours de superpuissance dominante pourraient s’achever », a mis en garde le chef de la majorité démocrate au Sénat, Chuck Schumer en juin 2021.

Trump avait imposé à la Chine des tarifs douaniers revus à la hausse. Conséquence, non voulue, les sociétés américaines paient leurs achats de produits chinois plus chers, dont les composants électroniques. Le Sénat vient donc de voter une enveloppe de 52 milliards de dollars sur cinq ans pour encourager la fabrication de puces et de semi-conducteurs aux États-Unis.

Contexte historique de la guerre commerciale

La Chine

En 1949, Mao Zedong, à la tête du Parti Communiste Chinois (PCC), a mis fin à un siècle d’humiliation que les Chinois ne veulent plus connaître. Au début du XIXe siècle, la Chine vit en autarcie, son économie est fermée, elle refuse toute marchandise proposée par les pays occidentaux en tête desquels vient la Grande-Bretagne qui importe de grandes quantités de thé dont la Chine préserve jalousement les plantes. La Grande-Bretagne doit payer le thé en pièces d’argent alors qu’elle voudrait l’échanger contre d’autres marchandises que l’empereur qualifie de « babioles inutiles ».
La Grande-Bretagne importe illégalement en Chine de l’opium cultivé en Inde, une colonie britannique, grâce à la complicité des fonctionnaires corrompus du port de Canton. Lorsqu’il se rend compte de l’ampleur du trafic et des ravages de la drogue, l’empereur chinois démet les fonctionnaires corrompus, fait brûler les cargaisons d’opium (20.000 caisses !) et interpelle la jeune reine Victoria en lui demandant « où est votre honneur ?« . On est en 1839.
Pour toute réponse, l’Angleterre, soutenue par les autres nations occidentales, envoie ses canonnières. En deux ans, l’empire chinois est vaincu et doit ouvrir ses ports aux Occidentaux. Elle accepte que les ressortissants étrangers installés sur son territoire soient jugés par leur délégation. La Chine est sous tutelle. Au XXe siècle, les Japonais succéderont aux Occidentaux.
En 1949, après une guerre civile de quatre ans, Mao Zedong rendra sa fierté à la Chine… au prix de nombreux sacrifices.

Les États-Unis

Les États-Unis n’existent que depuis un peu plus de deux siècles. Très patriotes, ils sont très attachés à la constitution élaborée, au XVIIIe siècle, par les « Pères fondateurs », basée sur les principes de la philosophie de lumières.
Les Américains sont persuadés qu’ils ont la meilleure forme de gouvernance et qu’ils ont pour mission de répandre la démocratie dans le monde. Ils exigent que toutes les sociétés se conforment à leurs valeurs. Hillary Clinton a déclaré lorsqu’elle briguait la présidence :

Lorsque nous disons que l’Amérique est exceptionnelle, cela signifie que nous reconnaissons sa capacité unique et inégalée à incarner une force de paix et de progrès, un champion de la liberté et des opportunités. Notre puissance s’accompagne de la responsabilité de diriger, avec humilité et réflexion… Parce que lorsque l’Amérique ne parvient pas à diriger, nous laissons un vide qui provoque le chaos…

Les États-Unis sont donc le seul pays civilisé et bienveillant. Madame Clinton ne doit pas se tenir au courant de l’actualité. Ce sont bien les Américains qui ont installé le chaos en Somalie, en Libye, en Afghanistan, en Irak et en Syrie. La seule fois où ils se sont retirés dans le déshonneur, en 1975, ils ont laissé un pays en pleine croissance économique : le Vietnam.

Kishore Mahbubani fait remarquer que « chaque fois que les États-Unis se sont trouvés placés devant des défis stratégiques, ils ont toujours choisi l’option militaire… contrairement à la Chine« .

Chine vs États-Unis.

La Chine et les États-Unis sont totalement différents. Empreints de sagesse bouddhiste et confucianiste, les dirigeants chinois, que l’auteur qualifie de plus intelligents du monde, arrivés au pouvoir par leurs mérites, privilégient la patience, la réflexion, le pragmatisme et les stratégies à long terme.
Les dirigeants américains, qui souvent ne brillent pas par leur intelligence, arrivés au pouvoir par l’argent, ont une vision à court terme : les quatre ans de leur mandat. Ils agissent dans la précipitation.

Les États-Unis ont un gouvernement démocratiquement élu, la Chine est un État totalitaire : le PCC représente le pouvoir législatif et exécutif, il a également la main mise sur le pouvoir judiciaire. Et pourtant ! Dans le dernier baromètre de confiance Edelman, un sondage indépendant qui mesure le niveau de confiance de la population envers son gouvernement, la Chine se classe en tête avec 84% de satisfaits devant Singapour (70%). Les États-Unis sont quinzième avec 33% comme la France, derrière la Russie qui obtient le même score que la Corée du Sud, 44%.

Pourquoi ce plébiscite, alors que les Chinois doivent manquer de liberté ?
Il est faux de croire que les Chinois sont privés de liberté. La Chine n’est pas l’URSS, pas du tout, comme nous le verrons par la suite. Aujourd’hui, les Chinois peuvent voyager, faire des études à l’étranger, s’habiller comme ils veulent, ça paraît futile, mais sous Mao Zedong, l’uniforme était de rigueur. En fait, les Chinois aspire surtout au calme, à la stabilité et à l’amélioration des conditions de vie. « Les Chinois estiment que les besoins sociaux et l’harmonie collective sont plus importants que les besoins et les droits individuels et que la prévention du chaos et du désordre est le principal objectif de la gouvernance. » N’oublions pas que la Chine compte 1.400.000.000 d’habitants contre 330.000.000 d’Américains et qu’à superficie de pays égale, ils ont moins d’espace vital, vu le relief. Il est donc important de vivre en harmonie dans des villes surpeuplées.

Aujourd’hui, les conditions de vie en Chine s’améliorent continuellement alors qu’aux États-Unis, elles se détériorent. Mais les Américains restent confiants car ils ont la liberté, qui est leur idéal et peu importe si la possession d’armes provoque des massacres, peu importe si les soins de santé sont prohibitifs. Peu importe également si les citoyens n’ont plus vraiment le pouvoir de choisir leurs élus depuis que la Cour Suprême a accepté, en 1980, que les industries financent les candidats. C’est un gage de liberté ! Notons que si cette forme de corruption est acceptée et encouragée en interne, elle est punie par la loi américaine lorsqu’une société américaine fait un « cadeau » à un fonctionnaire étranger pour favoriser son commerce.

On pourrait continuer la comparaison en parlant de terrorisme et de répression. Après le 11 septembre 2001, les États-Unis ont « punis » les musulmans en larguant des bombes qui ont tué des centaines de milliers de personnes en Afghanistan, au Pakistan et en Irak. De son côté, la Chine, victime de plusieurs attentats terroristes en 2014 a emprisonné des centaines de milliers d’Ouïgours du Xinjiang dans des « camps de rééducation ».

La Chine a fait des erreurs

Si la Chine n’est pas aimée, c’est parce qu’elle a fait des erreurs que les États-Unis ne lui pardonnent pas. C’est tout d’abord un pays communiste, le mot même irrite les Américains : le PCC compte 90 millions de membres. Mais ce sont les erreurs commerciales qui lui sont reprochées :

  • Elle s’est moquée de la crise des subprimes, la crise bancaire de 2008, parlant du capitalisme comme d’un géant déchu.
  • Les entreprises chinoises commettent des injustices envers les investisseurs étrangers et ne respectent pas toujours la parole donnée. Néanmoins Boeing se félicite de sa collaboration avec les entreprises chinoises.
  • Les entreprises chinoises manquent d’ouverture. Lorsque la Chine est entrée dans l’OMC (Organisation mondiale du commerce) en 2001, elle s’est engagée à respecter les règles du commerce internationale. Mais reçue comme « pays en voie de développement », elle a bénéficié de certains privilèges comme le transfert de technologie qui s’est transformé en vol de la propriété intellectuelle.

La nouvelle route de la soie

Le plan stratégique de la Chine, qui doit les conduire à la première place des puissances économiques en 2049 s’appelle « la nouvelle route de la soie« . Pour y arriver, la Chine construit des infrastructures dans différents pays pour accueillir ses marchandises : routes, voies de chemin de fer et ensembles portuaires. Elle propose donc d’améliorer les infrastructures des pays dans une politique win-win. 137 pays sur les 192 que compte les Nations-Unies sont parties prenantes du projet chinois. En Europe, ce sont les pays de l’est dont la Russie et du pourtour méditerranéen, sauf la France et l’Espagne qui se sont associés au projet.

Les États-Unis, avec leur vision d’un autre temps, voient dans ce projet une tentative à peine masquée des Chinois d’importer leurs valeurs. Or, les États-Unis feraient bien de collaborer à ce projet car ils ont un grand besoin de moderniser leurs infrastructures et en particulier leur réseau de chemins de fer en introduisant des trains à grande vitesse, domaine où les Chinois excellent. L’Union européenne devrait également coopérer pour ralentir les flux migratoires d’Afrique où les Chinois créent de meilleures conditions de vie et des emplois, ce que les pays colonisateurs n’ont pas fait lors de leur départ.

Vers un conflit armé ?

La Chine n’a aucune intention de conquérir le monde ni d’imposer sa vision du monde à l’opposé de l’URSS en son temps. Contrairement aux Américains, les Chinois comprennent que les autres sociétés pensent et se comportent différemment. Leur objectif est de régénérer la civilisation chinoise, d’oublier les années d’humiliation. Donc, un conflit armé est peu envisageable. Néanmoins, les États-Unis continuent, seuls, leur course aux armements. Le budget de ce qu’ils nomment pudiquement le Département de la Défense (DoD) ne cesse de grimper, à lui seul, il couvre la moitié des dépenses militaires dans le monde. Mais la Chine ne leur emboîte pas le pas. Les États-Unis possède 6400 têtes nucléaires, la Chine 280 ! Lorsque les États-Unis dépensent 13 milliards de dollar pour construire un nouveau porte-avions, la Chine investit quelques centaines de milliers de dollar pour fabriquer un missile balistique DF-26 capable de couler le porte-avions.

L’URSS s’est tirée ne balle dans le pied à vouloir égaler la puissance militaire des États-Unis. Elle s’est ruinée. Le Chine privilégie la guerre asymétrique.

Les États-Unis ont dépensé 4.000 milliards de dollars dans la guerre contre l’Irak, un pays qui ne les menaçait pas. Avec cette somme ils auraient pu améliorer sensiblement les services sociaux de leur pays. La Chine doit se réjouir de ces dépenses : ce sont des sommes que les États-Unis n’investissent pas dans la technologie et les infrastructures.

La 5G et Huawei

La Chine veut faire de Shenzhen, la ville où se trouve le siège social de Huawei, une smart city : une ville idéale où le trafic, la sécurité et les soins de santé sont réglés par un réseau de communication de cinquième génération : la 5G, beaucoup plus rapide. C’est un modèle qu’elle veut exporter dans le monde.
Mais la montée en puissance de cette nouvelle norme pilotée par le groupe chinois Huawei déplaît aux États-Unis qui invoque des problèmes de sécurité et des menaces de cyberattaques. C’est une excuse tendancieuse quand on sait que la NSA (National Security Agency américaine) intercepte toutes les communications et peut espionner la moindre personne où qu’elle se trouve dans le monde. Quant aux cyberattaques, elles n’ont pas besoin de la 5G. Le problème pour les États-Unis est qu’ils ne maîtrisent pas la technologie 5G : leurs fleurons AT&T et Verizon se sont laissés distancer.

Le président Trump a donc interdit toute vente de technologie à Huawei. Google et Facebook ne livreront plus leurs logiciels à Huawei. Il a également demandé à ses partenaires, en matière d’espionnage, les « Five Eyes » (Canada, Grande-Bretagne, Australie, Nouvelle-Zélande et Japon) de cesser leur implantation de la 5G en faisant appel à Huawei. De nombreux pays, alliées des États-Unis leur emboîtent le pas, comme l’Inde, le Brésil, Israël, le Vietnam et Taïwan. D’autres refusent de se fâcher avec la Chine, comme la Thaïlande et la Corée du Sud.

L’Europe se tâte : si l’Espagne, le Portugal, la Slovaquie et la Hongrie continuent de travailler avec Huawei, les autres hésitent. L’alternative se trouve en Finlande avec Nokia et en Suède avec Ericsson.

En Afrique, Huawei a décrocher 47 contrats d’implantation de la 5G accompagné d’une promesse de développement économique et d’une ouverture de crédit.

Conclusions

Kishore Mahbubani conclut qu’on va vers un conflit géopolitique majeur suite à l’erreur des Chinois de s’être aliéné le monde des affaires américains et la nécessité pour les Américains de trouver un bouc émissaire afin de masquer leurs problèmes socio-économiques. Il prophétise que « si le conflit met en présence une ploutocratie rigide et intraitable (les États-Unis) et un système politique méritocratique sain et souple, la Chine gagnera« .
Une question demeure : l’humanité sortira-t-elle gagnante de cette guerre ?

Suite : 15/06/2021

Joe Biden vient de persuader les membres de l’OTAN que la Chine était une menace et qu’il fallait augmenter le budget de l’organisation. La peur est contagieuse, l’imbécillité également.

Qatar, pays du sport-roi

Tout le monde sait que la prochaine Coupe du monde des nations de football se déroulera au Qatar, en novembre et décembre 2022. Ce qu’on sait moins, c’est que ce petit pays est détenteur de la Coupe d’Asie des nations, ayant battu en finale le Japon par 3 buts à 1.
Plus de 3 milliards de spectateurs s’apprêtent à vivre, en 2022, un fantastique et féerique spectacle, et peu importe les 4000 ou 6500 ouvriers, esclaves modernes (Népalais, Sri Lankais, etc), qui sont morts dans la construction des stades climatisés, bâtis pour la plupart dans le désert. En France, les amateurs de football pourront assister à tous les matches sur la chaîne de télévision privée BeIN, … propriété du Qatar.

Et le Qatar ne se limite pas au football.
Il organise un Grand prix motocycliste depuis 2004 et espère bientôt organiser un Grand prix de Formule 1. Mais les places sont chères d’autant plus que trois Grands prix ont lieu dans la Péninsule arabique : à Abu Dhabi, au Bahreïn et en Arabie saoudite.
Depuis  2002, le Tour cycliste du Qatar est organisé par la société Amaury Sport Organisation, celle-là même qui organise le Tour de France.
On peut espérer que les organisateurs de ces manifestations sportives ne sont pas attirés que par l’argent, mais également par la beauté des paysages, la ferveur et l’engouement des spectateurs. Le GP moto se déroule sur le circuit de Lusail qui peut accueillir 8.000 spectateurs… contre 125.000 pour le circuit de Jerez en Espagne.

Le peloton cycliste sur les routes qataries
Couac

Le Qatar attire toute une série d’autres manifestations sportives, comme un tournoi de tennis WTA, la finale du Championnat du monde de handball en 2015, etc. Bientôt une manche du championnat du monde de ski alpin ? Actuellement, trois centres de ski indoor sont proposés aux touristes. Attention au choc thermique : on passe de plus de 30° à -4° !

Piste de ski de Dubaï dans les Emirats. Celles du Qatar sont identiques.

Cette année (2021), le Qatar a accueilli la Coupe du monde des clubs (football) qui a vu la victoire du Bayern de Munich (Allemagne) contre le Tigres de Monterrey (Mexique). A l’occasion de la clôture de la compétition et de la remise des trophées, le frère de l’émir du Qatar a refusé de serrer la main des arbitres féminines.

Autre polémique ! Le Qatar organisera, pour la première fois en 2021, un tournoi de beach-volley. L’équipe allemande a décidé de boycotter ce tournoi et se justifie à la radio par la voix de Karla Borger, vice-championne du monde : « Nous sommes là pour faire notre travail mais on nous empêche de porter notre tenue de travail. C’est vraiment le seul pays et le seul tournoi où un gouvernement nous dit comment faire notre travail. » Elle explique que les joueuses ont été invitées à porter des T-shirts et de longs pantalons plutôt que les maillots de bain habituels par « respect de la culture et des traditions du pays hôte« .

Par la voix du président de sa fédération de handball, le Qatar nie cette directive : « Nous n’avons en rien précisé ce que les sportives devaient porter lors de cet événement. Nous respectons pleinement le code de conduite édicté par la Fédération internationale et avons montré par le passé lors d’événements organisés au Qatar que les sportives sont libres de porter les mêmes tenues qu’elles portent dans d’autres pays« . Dont acte.

Question

Les Qatari sont des parieurs assidus sur les courses de dromadaires, avec jockey humain ou robotisé… contrevenant aux lois islamiques qui interdisent les paris sur les jeux de hasard. Je me demande si les chamelles ont le droit de concourir, ou si c’est uniquement réservé aux mâles. Poser la question, c’est y répondre.

Dromadaires montés par des robots téléguidés. On fouette par procuration.


Une nouvelle mosquée à Istanbul

Erdogan a remis ça ! Après la basilique Sainte-Sophie, il a converti l’église Saint-Sauveur in-Chora (dans les champs) en mosquée. Cette église a été bâtie au Ve siècle. Elle est devenue une mosquée, en 1511, après la prise Constantinople par les Ottomans.

Comme pour Sainte-Sophie, Kémal Atatürk en avait fait un musée en 1945. Les nombreuses mosaïques avaient été rendues visibles dès 1958. Aujourd’hui, elles sont de nouveaux occultées, non par de la chaux, mais par des rideaux. Erdogan prépare-t-il la fin de son règne et le retour à la « normale » ?

Malgré l’immense portait de Mustapha Kémal Atatürk qui trône dans le bureau présidentiel, Erdogan détricote petit à petit tout l’héritage du père de la Turquie moderne.

Erdogan (en bas) Atatürk (en haut)

Alors, suspense ! Erdogan va-t-il réintroduire l’alphabet arabe, abandonné en 1928 par Mustapha Kémal et interdit en 1929, pour mieux s’imprégner de l’islam ? Mustapha Kémal l’avait remplacé par l’alphabet latin espérant que cela aiderait son pays à se développer économiquement. De plus, l’arabe est une langue consonantique, l’alphabet ne compte que 3 voyelles brèves (a, i, u) et 3 voyelles longues (â, î, û), alors que la langue turque utilise de nombreuses voyelles (A, E, I (sans point), I (avec un point), O, Ö, U, Ü ).
A l’époque, 80% de la population était illettrée. Le moment du changement était très bien choisi. Le retour en arrière serait problématique.

Comprendre la guerre de Syrie

Un peu d’histoire

La Syrie est un pays jeune. Il n’a connu ses frontières actuelles qu’en 1920, lors du démembrement de l’Empire ottoman. Selon un accord secret signé en mai 1916, entre les diplomates français (Picot) et britannique (Sykes), le nouveau pays sera placé sous tutelle française, malgré l’opposition des Arabes qui ont aidé l’armée britannique dans sa guerre contre les Turcs ottomans. Ils avaient créé un gouvernement provisoire et nommé le prince Fayçal roi de Syrie. Cette saga a été contée dans le film « Lawrence d’Arabie ». Fayçal s’était rendu à Paris pour défendre la position arabe lors de la conférence de la paix en 1918 et 1919. En vain. L’occupation française se fera les armes à la main.

Le pays deviendra indépendant en 1946, après de longues négociations avec différents gouvernements français. Celles-ci ont duré 10 ans.
Après la défaite de la Syrie (et des autres pays arabes) dans la guerre contre Israël en 1948 (voir mon article : Naissance de l’État d’Israël), la Syrie va connaître une succession de coups d’État menant en 1966, Hafez al-Hassad au pouvoir. La famille al-Hassad est originaire de l’ouest de la Syrie, elle appartient à la minorité religieuse alaouite, une branche du chiisme qui représente moins de 15% de la population syrienne.

En 2000, Bachar al-Assad (ou el-Assad), né en 1965, succède à son père après un référendum. Il a fait des études d’ophtalmologie à Damas puis s’est spécialisé à Londres. Il y rencontre son épouse Asma Fawaz Akhras (née en 1975), une femme d’affaire syro-britannique.

Avertissement

La guerre de Syrie est très difficile à comprendre car c’est une guerre mondiale qui ne veut pas dire son nom. La Syrie a servi de champ de bataille à toute une série de pays cherchant à s’octroyer des avantages géopolitiques.

A côté de la position « officielle » des chancelleries occidentales : « Bachar al-Assad est un tyran sanguinaire qui a précipité son pays dans le chaos« , plusieurs journalistes sur le terrain ont défendu des thèses différents. Ils se sont fait traités de conspirationnistes, de traîtres, de séniles, de propagandistes à la solde des Russes, etc. Parmi eux :

  • Robert Fisk (anglais) : il a reçu le prix Amnesty International en 2000 pour ses reportages en Serbie sous les bombardements de l’OTAN et le David Watt Memorial Award en 2001 pour sa couverture du Proche-Orient. Il a nié l’usage des armes chimiques à Douma en 2018 où il était présent. Il a réalisé le documentaire « En première ligne » sur la guerre de Syrie (diffusé sur ARTE).
  • Seymour Hersh, un journaliste d’investigation américain, prix Pulitzer en 1970 pour avoir dénoncé le massacre perpétré par des marines américains à My Lai au Vietnam. Il met en cause les milices du front al-Nosra (un groupe djihadiste affilié à Al-Qaïda) dans l’attaque au gaz sarin dans la Ghouta, la banlieue de Damas, en 2013. C’est à cette occasion qu’Obama a déclaré que la « ligne rouge » était franchie. Il accuse Obama de se servir du même mécanisme de sélection que celui utilisé pour justifier la guerre en Irak par son prédécesseur : George W. Bush.
  • John Pilger (australien) : il a été le premier à dénoncer les violations des droits de l’Homme par les Khmers rouges au Cambodge. Il a obtenu deux fois le prix britannique de « jounalist of the year« . Il affirme n’avoir jamais connu d’époque auparavant où la pensée dominante était à ce point impliquée dans un « déluge de propagande » visant selon lui la Russie.
Le printemps arabe : 2011

Au printemps 2011, comme en Tunisie, en Egypte et au Barhain, la population syrienne manifeste contre le régime autoritaire de leur président. Le gouvernement réprime la contestation dans le sang. Les forces armées tirent sur la foule. Vidéo sur les manifestations : France Télévision.
Le printemps arabe échoue en Syrie comme il a échoué au Barhain et pour les mêmes raisons. Les deux régimes sont aux mains d’une minorité : sunnite au Barhain alors que la majorité de la population est chiite et l’inverse en Syrie. Pour assurer le pouvoir à la minorité, le régime a placé des hommes sûrs, issus de cette frange de la population, à tous les postes de l’État : armée, services secrets, administration, etc. La contestation échoue parce que les forces de l’ordre restent fidèles au gouvernement. Notons que l’armée saoudienne a dû intervenir au Barhain pour mettre fin aux manifestations.

Les manifestations virent à la révolution : interventions étrangères : 2012

Face à l’échec, le mouvement de contestation se transforme en rébellion.
Les États-Unis organisent à Istanbul un « Congrès National » regroupant des opposants réfugiés dans les pays occidentaux et toutes les composantes politiques de la société syrienne, des communistes aux radicaux islamistes, soit plus de 40 partis, 40 points de vue différents. L’objectif est de former un gouvernement provisoire et de coordonner les actions sur le terrain. Pour eux, Bachar al-Assad est déjà mort.

Réunion du Congrès National

Vu les divergences de vue, c’est un échec. Sur le terrain, l’Armée syrienne libre (ASL) qui s’était constituée cède petit à petit l’initiative à des milices islamistes salafistes dont les principales comptent plus de 10.000 hommes venant de tous les pays : le front al-Nosra, branche d’al-Qaïda,  Ahrar al-Sham et Jaych al-Islam (Armée de l’Islam). Qui arme ces milices ? L’initiative de la révolution vient des États-Unis, mais ils ne peuvent pas fournir d’armes à des belligérants sans l’accord du Sénat. La CIA fait donc appel à ses alliés dans la région : la Turquie, l’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis et le Qatar. La diversité de l’origine de l’armement renforce les dissensions entre les différents groupes armés qui sont la cible de l’armée syrienne aidée de l’Iran et du Hezbollah (le parti de Dieu) libanais. A ce stade, on assiste à une guerre entre chiites et sunnites. Plus d’une cinquantaine de groupes armés s’affrontent ! Un observateur estime qu’une milice se crée chaque semaine. Elles sont de plus en plus extrémistes.

Le conflit s’internationalise : USA-Russie (2012-2013)

La force de feu est disproportionnée entre le régime de Bachar al-Assad qui utilise chars et avions, et les milices rebelles équipées d’armes légères. Les États-Unis ont explicitement interdit qu’on leur livre des lance-roquettes. Ils ont en mémoire le sort des armes qu’ils avaient livrés aux moudjahidin afghans qui luttaient contre les Soviétiques. Ces armes se sont retournées contre les Américains lorsqu’ils ont envahi l’Afghanistan après les attentats du 11 septembre 2001.

Comme les milices sont engagées dans une guérilla urbaine, les troupes de Bachar al-Assad bombardent les quartiers où les opposants se sont mélangés à la population. Celle-ci n’a d’autre choix que de fuir quand c’est possible, subir ou aider les insurgés.

Les USA et la Russie vont s’affronter à l’ONU. Toutes les résolutions déposées par les États-Unis pour chasser Bachar al-Assad n’aboutissent pas : la Russie y oppose son veto, imité par la Chine. Le président Obama hésite quant à la stratégie à mener en Syrie. Lorsque le gouvernement syrien est accusé d’utiliser des armes chimiques, il menace d’une intervention directe de l’armée américaine si de nouvelles frappes chimiques ont lieu. Mais il n’agit pas quand cela se produit, au grand dam du président français, François Hollande, qui avait préparé l’envoi d’un contingent. Au contraire, Obama se range à l’avis du président russe Poutine de démanteler l’arsenal chimique de la Syrie. La Russie marque le conflit de son empreinte.

Pourquoi la Russie soutient-elle la Syrie ? La Syrie est alliée à la Russie de longue date, elle permet à la flotte militaire russe de mouiller dans le port méditerranéen de Tartous. La Russie est par principe opposée à tout droit d’ingérence, elle est opposée à toute intervention militaire qui viserait à renverser un pouvoir en place. Notons que l’intervention soviétique en Afghanistan visait à soutenir le régime en place. Une autre raison est économique : la Syrie est le quatrième client de la Russie en valeur. Les États-Unis, eux, s’opposent à la Syrie, non seulement parce qu’elle est l’alliée de la Russie, mais aussi parce que la Syrie est l’ennemie d’Israël et l’alliée de l’Iran. Pour les États-Unis, les amis de mes ennemis sont mes ennemis. Ils mènent au Proche-Orient une politique de cour de récréation d’école maternelle.

Conquêtes de DAESH (2013)

Début 2013, l’État islamique, qui s’est constitué en Iraq, pénètre en Syrie où les milices djihadistes lui prêtent allégeance. De leur fusion naît DAESH, l’État islamique en Iraq et au Levant (le Sham, c’est la Syrie). Cette organisation est lourdement armée, elle a pillé les arsenaux américains de la région de Mossoul. Elle balaie tout sur son passage. Les États-Unis et ses alliés européens décident alors d’intervenir militairement par des frappes contre DAESH. La Russie leur emboîte le pas. Pour ne pas se gêner, la Syrie est divisée en deux zones militaires : à l’ouest de l’Euphrate, la Russie, à l’est, les États-Unis.

Les États-Unis vont accuser la Russie de mener des attaques contre les milices rebelles, ce qui n’est pas faux puisque celles-ci se rallient à DAESH, l’acteur le plus puissant au sol. Pour contrer l’État islamique, dans leur zone d’influence, sans intervenir directement, les État-Unis soutiennent les milices kurdes qui n’ont pas pris position contre Bachar al-Assad. Les Kurdes préfèrent une solution négociée, espérant la formation d’un État fédéral comme en Irak.

La prise de Raqqa par DAESH à la frontière turc crée un couloir par où vont affluer des centaines d’islamistes venant grossir les rangs de l’État islamique.

Maintenant de deux maux, il faut choisir le moindre. Le choix se pose entre DAESH et Bachar al-Assad. L’intervention conjointe de la Russie, de l’OTAN et des Kurdes finira par venir à bout des islamistes de DAESH… et des milices syriennes qui les ont rejoints. Fin 2017, malgré quelques poches de résistance, DAESH est vaincu. Bachar al-Assad a sauvé son trône.

Conflit Iran-Israël (2015)

A la frontière sud de la Syrie, sur les hauteurs du Golan, l’armée israélienne veille. Son pire ennemi, l’Iran a installé des bases en Syrie. Israël craint des frappes massives que son bouclier anti-missiles ne pourrait pas intercepter. Elle entreprend donc des pourparler avec la Russie qui l’assure de sa bienveillance. La Russie ne cautionnera pas les attaques de l’Iran, elle ne soutient pas les visées de son allié : Israël pourra se défendre sans craindre de représailles. Israël mènera, depuis son territoire, plusieurs attaques contre des positions iraniennes trop avancées. La Russie conforte sa position, elle devient un acteur fort dans la région.

Conflit Turquie-Kurdes (2018)

La Syrie a 900 km de frontière avec la Turquie et cette zone est occupée par les Kurdes.

Situation en 2016

Or le président turc Erdogan a déclaré la guerre au PKK, le Parti des travailleurs du Kurdistan, dans son pays. Cette organisation a été reconnue comme groupe terroriste par les États-Unis et ses alliés européens. Erdogan prétend que les Kurdes syriens (le YPG : voir mon article sur les Kurdes) sont les alliés du PKK. Il veut empêcher la constitution d’un État kurde à sa frontière. Il veut aussi affirmer sa puissance dans la région… ancien territoire de la Turquie ottomane. Il envoie ses troupes envahir le nord de la Syrie et déloger les Kurdes. Les États-Unis qui ont soutenu les Kurdes contre DAESH les abandonnent et quittent la zone revendiquée par la Turquie. Le diplomate Robert Ford dans le documentaire « Syrie : les dessous du conflit » (ARTE) a déclaré que la Maison blanche avait décidé, dès le départ, de s’appuyer sur les Kurdes et de les abandonner dès que la situation le nécessiterait.

Conséquences de la guerre

On ne peut pas parler de LA guerre de Syrie, mais DES guerres de Syrie tant il y a eu de belligérants et d’objectifs opposés. Aujourd’hui, le régime de Bachar al-Assad, aidé des milices chiites, de l’Iran et de la Russie a récupéré la majorité de son territoire. Seule la Turquie et ses alliés islamistes (l’Armée national syrienne) occupent encore le nord de la Syrie.

En octobre 2020, l’aviation russe a bombardé la région d’Idlib, au nord-ouest de la Syrie, occupée par les milices islamistes alliées à la Turquie. Ce qui n’empêche pas la Turquie et la Russie de patrouiller ensemble à la frontière nord.

La Syrie est un pays dévasté, sans population, sans habitat. 50% des Syriens ont perdu leur domicile, soit 10 millions de personnes dont rois millions sont nourries par l’ONU. Il y a 6,5 millions de déplacés dans le pays, 3,6 millions ont trouvé refuge en Turquie. Le Liban, qui ne compte que 4 millions d’habitants, accueille un million de Syriens. En Europe, l’Allemagne a pris en charge 750.000 Syriens et la Suède, 250.000.

Mais ce sont les Kurdes qui supportent les conséquences de la guerre : ils gèrent les membres de DAESH fait prisonniers. Cinq mille s’entassent dans des prisons bien souvent improvisées. 70.000 personnes sont dans des camps fermés dont 10.000 « épouses » étrangères, la plupart européennes.

Deux histoires oubliées de l’Histoire

La Syrie est accusée d’avoir tiré sur des manifestants, d’avoir torturé des prisonniers politiques, d’avoir bombardé des civils, des hôpitaux et des écoles. Ces actions ont été qualifiées de « crimes contre l’Humanité » par Kofi Annan, l’émissaire spécial de l’ONU en Syrie (2012)… sous les applaudissements des Français et des Américains.

17/10/1961 : Paris

Nous sommes en 1961 dans la France du général de Gaulle. Depuis un an, des pourparlers se tiennent à Melun entre la France et le FLN (Front algérien de Libération Nationale) pour déterminer les conditions de l’indépendance de l’Algérie. En France, des attentats perpétrés par la branche française du FLN d’une part et par les opposants à l’indépendance, d’autre part, l’OAS (Organisation de l’Armée Secrète : organisation de militaires français) endeuillent le pays.
Depuis le 5 octobre, un couvre-feu est imposé aux seuls Français musulmans d’Algérie (FMA), c’est ainsi qu’on qualifie les natifs d’Algérie qui vivotent dans des bidons-villes en périphérie des grandes villes. Ils ne pourront se déplacer entre 20h30 et 5 heures du matin.

Le FLN prévoit une grande marche dans Paris le 17 octobre 1961. Le mot d’ordre est stricte : on se promène sur les grandes artères après le couvre-feu, pas de banderoles, pas de slogans, pas de drapeaux, pas de violence. Ils sont environ 20.000 à braver l’interdit. Face à eux, les gendarmes français ont été mobilisés en nombre par le préfet Maurice Papon qui harangue ses troupes et lâche : « tirez les premiers, vous serez couverts ».

Et la curée commence. Dès le début de la promenade, à Neuilly, deux Algériens sont abattus. Douze mille seront arrêtés sans résistance et conduits dans des lieux réquisitionnés pour contrôle d’identité. La police se déchaînera. Les « FMA » feront l’objet de brimades et seront roués de coups. Dès le lendemain, on repêchera dans la Seine des corps jetés à l’eau, certains noyés vivants, d’autres déjà morts. Des cadavres seront retrouvés dans les ruelles et les parcs. Combien ? Pourquoi ? Nul ne le sait, aucune enquête ne sera menée : « vous êtes couverts » avait dit Papon. Ce personnage n’était pas à son coup d’essai : il avait organisé la rafle des Juifs à Bordeaux en 1942. A la capitulation de l’Allemagne, il n’avait pas été inquiété. De Gaulle avait fait appel à lui pour sa poigne, il fallait encadrer les forces de police. En 1978, il sera même ministre de Giscard d’Estaing avant de se faire rattraper par son passé. Il sera jugé en 1997 après 18 ans de procédures. Il sera condamné à 10 ans de prison pour crimes contre l’Humanité. Ainsi fini celui que de Gaulle jugeait « tout à fait convenable ».

De gauche à droite : (1) Stèle à la mémoire des martyrs posée par la mairie de Paris (on y lit « A la mémoire des nombreux Algériens tués lors de la sanglante répression de la manifestation pacifique de 17 octobre 1961″), (2) tag actuel sur le quai saint-Michel (NB : il n’y avait aucune femme lors de la marche, elles devaient défiler deux jours plus tard), (3) Algériens arrêtés en attente d’être transférés pour contrôle d’identité.

Cette partie de l’article a été inspirée du documentaire : Quand l’histoire fait date : 17 octobre 1961, un massacre colonial (ARTE)

13/02/1945 : Dresde

La guerre mondiale touche à sa fin. La ville de Dresde dans le sud-est de l’Allemagne accueille de nombreux réfugiés fuyant les armées soviétiques. Elle est appelée « la ville hôpital ». Soudain, ce 13 février, 1.300 avions américains et anglais apparaissent dans le ciel. Ils vont larguer 600.000 bombes incendiaires ou explosives dans un ballet incessant qui va durer 3 jours. Le bombardement de Dresde n’est pas un cas isolé. La plupart des villes allemandes ont été bombardées. Ce qui choque ici, c’est l’absence d’objectifs militaires ou industriels. Les Nazis n’ont même pas jugé opportun de défendre la ville par des batteries de DCA.
Le nombre de morts est estimé entre 35.000 et 70.000.
Pourquoi cette attaque ? Pourquoi cette sauvagerie ? L’excuse, car se n’est pas une justification, est que les Nazis avaient l’intention de déplacer un demi-million d’hommes vers le front de l’est en transitant par Dresde. A cette époque, même dans ses rêves les plus fous, Hitler n’avait plus les moyens de constituer une telle force armée. La vraie raison est un acte concerté de terrorisme. Terroriser la population allemande pour qu’elle se révolte contre le régime hitlérien. La révolte n’aura pas lieu et la guerre se terminera trois mois plus tard.

2020 : le conflit gréco-turc

Cet article a été inspiré de l’émission « Reportages » de la chaîne de télévision Arte du dimanche 18 octobre 2020.

Raisons du conflit

Le navire de recherche minérale truc, l’Oruç Reis croise dans les eaux territoriales grecques. Il étudie les fonds marins pour détecter les gisements de gaz et de pétrole.

L’Oruç Reis (nom turc du pirate Barberousse)
La situation géopolitique

La Turquie n’a presque pas d’eaux territoriales, sa zone économique exclusive est limitée, conséquence de la défaite de l’Empire turc ottoman lors de la guerre mondiale de 1914-1918. Une zone économique exclusive (ZEE) est, d’après le droit de la mer, un espace maritime sur lequel un État côtier exerce des droits souverains en matière d’exploration et d’usage des ressources.

Zones économiques exclusives de la Grèce et de la Turquie.

L’exploitation du gaz et du pétrole serait bienvenue pour la Turquie qui vit une situation économique pour le moins difficile. Cela donnerait de la crédibilité au gouvernement.
Pour former le gouvernement majoritaire actuel (52,6%) Erdogan a dû s’allier au MHP (Parti d’Action nationale aussi connu sous le nom de Parti National des Travailleurs). C’est un parti d’extrême droite, nationaliste, islamique, anti-kurde et anti-européen.

Erdogan doit plaire à ses nouveaux partenaires politiques. Alors, il prend des mesures. Tout d’abord, il remet en cause le Traité de Versailles (1919) qui a mis fin à la première guerre mondiale et a sévèrement lésé les empires vaincus : l’Empire allemand, l’Empire austro-hongrois et l’Empire turc ottoman. (NB : les traités concernant l’Empire ottoman sont ceux de Sèvres (1920) et de Lausanne (1926))
Erdogan déplore le démembrement de l’Empire, qui avant la guerre comprenait tous les territoires arabes du Proche orient (les actuels Syrie, Irak, Jordanie, Israël/Palestine, Liban et les lieux saints de l’islam dans la Péninsule arabe). Il remet également en cause la limitation de sa zone économique exclusive en Méditerranée.

Erdogan prononce des discours musclés tels que : « Il y a cent ans, nous avons rejeté les Grecs à la mer, nous allons poursuivre le travail ». (voir mon article sur Mustapha Kémal). Il ajoute : « Nous sommes prêts à sacrifier des martyrs ». Il faut comprendre qu’en plus de l’extension des eaux territoriales, il vise toutes les îles grecques qui font face à la Turquie.

Dans les anciens territoires ottomans, il agit également : il a envahi le nord de la Syrie, attaquant les Kurdes, abandonnés par les État-Unis et les Européens alors qu’ils ont été les seuls à combattre DAESH sur le terrain. (voir mon article sur les Kurdes).

Pour s’affirmer comme puissance régionale, la Turquie s’implique aussi dans le Haut Karabagh. Cette région est une aberration géopolitique. Lors du démembrement de l’URSS, ce territoire n’a pas été attribué à une république issue de l’ancienne union, il a été laissé de côté. L’Arménie et l’Azerbaïdjan devaient se mettre d’accord sur sa destination. Aucun accord n’ayant été trouvé, la guerre a remplacé les négociations. La Turquie soutient naturellement l’Azerbaïdjan. (voir mon article sur les Arméniens).

Le mauvais signal de la France

Revenons au conflit entre la Turquie et la Grèce, tous deux membres de l’OTAN. On ne peut pas donner tort à Emmanuel Macron qui déclarait que l’organisation était en état de mort cérébrale. Comme dans tout conflit, chaque camp a ses alliés. La Turquie peut compter sur la Libye avec qui elle a des accords maritimes et la Russie, toute contente de voir l’OTAN se déchirer.

La Grèce a des accords maritimes avec l’Egypte, l’Italie et Chypre qui sont ses alliés. Comme la Russie soutient la Turquie, les État-Unis se sont rangés aux côtés la Grèce. Plus curieux, Israël et les Emirats arabes soutiennent la position grecque. En principe, les États de l’Union européenne sont favorables à la Grèce avec des nuances dans leur soutien. Son plus fervent défenseur est la France à qui la Grèce vient de commander 18 avions Rafale et 4 hélicoptères de combat pour la marine… avec torpilles et missiles. Quatre frégates devraient suivre. Rappelons que l’économie de la Grèce vit sous perfusion. La survie de la Grèce dépend de l’aide que l’Union européenne lui accorde. L’Europe donne, la France prend.

La réponse d’Erdogan ne s’est pas fait attendre : « Macron n’a pas fini d’avoir des ennuis avec moi » et aussi « Je n’ai pas de leçons à recevoir de la France. Qu’elle se penche sur son passé colonial en Algérie et son rôle dans le génocide ruwandais de 1994″. Ambiance ! Et ce n’est pas tout, après la cérémonie en l’honneur du professeur décapité par un islamiste près de Paris, Erdogan a attaqué le président français lors d’un discours télévisé : « Tout ce qu’on peut dire d’un chef d’État qui traite des millions de membres de communautés religieuses différentes de cette manière, c’est : allez d’abord faire des examens de santé mentale« .

Erdogan a une arme redoutée des Européens : il héberge plus de trois millions de réfugiés, la plupart Syriens, qui n’attendent qu’une occasion pour migrer vers l’Europe.

Conclusion

Actuellement, on ne voit plus de bateaux de tourisme dans les eaux de la Méditerranée orientale. Ils ont été remplacés par des navires de guerre. Comment cela va-t-il finir ? La guerre est-elle inévitable ?

La Turquie peut demander à la Cour Internationale de Justice de La Haye de trancher le différent. Plusieurs observateurs neutres donnent (partiellement) raison à la Turquie : sa zone économique exclusive est bien trop restreinte.

La Turquie et la Grèce peuvent également s’associer pour exploiter les gisements en commun, comme l’ont fait l’Iran et le Qatar, pourtant ennemis, pour l’exploitation des gisements de gaz dans le Golfe persique.

Mais Erdogan préfère menacer que négocier. Il veut se montrer fort et inflexible pour son électorat.

L’exploitation des gisements du plateau continental méditerranéen n’est pas sans danger. La mer Égée est une zone sismique. En 2017, un séisme de magnitude 6,6 a frappé les îles grecques du sud-est et la côte turque dans la région de Bodrum. Faut-il s’attendre à une guerre ou à une catastrophe écologique ?

Epilogue

Ce que je redoutais dans le dernier chapitre est arrivé : le 30 octobre au début de l’après-midi, trois jours après la fin de la mission du navire Oruç Reis, un séisme de 7 sur l’échelle de Richter s’est déclaré dans la mer Égée, entre l’île grecque de Samos et la côte turc, dans la région d’Izmir, la troisième ville de Turquie. L’onde de choc a été ressentie jusqu’à Istanbul et Athènes.
Pour l’heure, on dénombre 100 morts et près de 1000 blessés.
Face à cette catastrophe, la Turquie et la Grèce ont mis les tensions diplomatiques de côté, elles se disent prêtes à s’entraider.

Naissance de l’Etat d’Israël

D’après le film « Une terre deux fois promise » de William Karel et Blanche Finger.

Le sionisme

En 1894, le journaliste austro-hongrois, Théodor Hertzl assiste en France à la dégradation du capitaine Dreyfus dans un climat anti-juif qui le choque. En 1896, il publie un livre qui fera grand bruit… plus tard : « l’État des Juifs » dans lequel il prône la création d’un pays pour les Juifs : « Donnez-nous un bout de terre, on fera le reste« . Le sionisme est né. L’année suivante se tient à Bâle le premier congrès du mouvement sioniste qui appelle les Juifs à se libérer par eux-mêmes dans un pays : la Palestine, le foyer juif. Peu diffusée, cette idée ne sera pas un succès d’autant que, pour les rabbins de toutes tendances, la diaspora (la dispersion des Juifs hors d’Israël) est une punition de Dieu, seul le Messie peut reconduire les Juifs en Palestine.

En 1905, au 7ème congrès sioniste, après avoir envisagé l’Ouganda et l’Argentine, c’est bien la Palestine qui est choisie comme foyer juif. Pour les Européens, c’est une terre désertique. Grave erreur, elle est habitée par 500.000 Arabes et quelques milliers de Juifs qui vivent en harmonie.

En 1907, fuyant les pogroms en Ukraine, quelques étudiants sionistes idéalistes émigrent en Palestine (alors région de l’Empire ottoman) au cri de « ce pays est à nous ». Deux ans plus tard, ils créent le premier kibboutz. Pour eux, c’est une terre sans peuple pour un peuple sans terre. Les Arabes ont déjà compris que l’affrontement sera inévitable.

Conséquences de la guerre 14-18

En 1917, l’état-major britannique pour le Proche-Orient, basé en Egypte, promet au shérif (chef religieux descendant de Mahomet) de La Mecque, Hussein ben Ali, la création d’un grand Etat arabe si une armée arabe aide les Britanniques à vaincre les Turcs ottomans (sujet du film « Lawrence d’Arabie »).
La même année, le ministre britannique des Affaires Etrangères, Lord Balfour, publie une lettre dans le Times du 2 novembre 1917, adressé à Lionel Rothschild, financier du mouvement sioniste :

Cher Lord Rothschild,

J’ai le plaisir de vous adresser, au nom du gouvernement de Sa Majesté, la déclaration ci-dessous de sympathie à l’adresse des aspirations juives et sionistes, déclaration soumise au Parlement et approuvée par lui.
Le gouvernement de Sa Majesté envisage favorablement l’établissement en Palestine d’un foyer national pour le peuple juif, et emploiera tous ses efforts pour faciliter la réalisation de cet objectif, étant clairement entendu que rien ne sera fait qui puisse porter atteinte ni aux droits civils et religieux des collectivités non juives existant en Palestine, ni aux droits et au statut politique dont les Juifs jouissent dans tout autre pays.
Je vous serais reconnaissant de bien vouloir porter cette déclaration à la connaissance de la Fédération sioniste.

A la fin de la guerre, on se rend compte que les diplomates Sykes (GB) et Picot (F) avaient décidé dès 1917 de partager les territoires ottomans du Proche-Orient entre leurs pays. Oubliée la promesse faite aux Arabes. En 1920, cinq nouveaux Etats sont ainsi créés : le Liban et la Syrie sous mandat français ; l’Irak, la Palestine et la Transjordanie sous mandat britannique.

Les Arabes se sentent floué et le nationaliste Mohammed Rachid Rida répand l’idée que les Juifs dirigent le monde et sont les ennemis des Arabes. Les Protocoles de Sion, parodie anti-juive, qui ont été édités en 1903 en Europe, sont publiés au Caire en 1925 et à Jérusalem en 1926. L’antisémitisme qui était une notion européenne, gagne le monde arabe.

La Palestine britannique

La Grande-Bretagne organise un recensement en 1919 en incluant une notion ethnique. Il y aura deux catégories de Palestiniens : les Arabes (700.000) et les Juifs (70.000).

Entre 1920 et 1926, de nombreuses émeutes anti-juives ont lieu, s’opposant à l’immigration massive des Juifs dont la population double.

En 1933, Hitler est au pouvoir en Allemagne. Les premières lois raciales poussent les Juifs à émigrer vers la Palestine, encouragés par le gouvernement allemand. La seule condition pour obtenir un visa est l’abandon de tous ses biens. La tension monte d’autant plus que le grand mufti de Jérusalem, Mohammed Amin al-Husseini, adhère aux idées nazies et crée une légion arabe SS.

La Grande-Bretagne réagit : elle ne veut pas d’un Etat juif en Palestine. Elle arrête l’immigration juive.

En ,juillet 1938, à Évian, une conférence, réunie à l’initiative du président américain Franklin D. Roosevelt, débat sur l’accueil des Juifs persécutés par les nazis. On propose de les accueillir en Algérie. Le ministre français Henry Bérenger refuse. On propose alors la Palestine. Les Anglais, qui gèrent le territoire, refusent. Que faire ? La Suisse, submergée par les Autrichiens, fuyant leur pays qui vient d’être occupé, ferme sa frontière et instaure des visas pour les demandeurs d’asile. L’Australie se retire, elle ne veut pas importer le « problème juif » sur ses terres. Personne ne prend d’engagement et la conférence se termine sur une annonce « triomphale » : on va créer le CIR, le Comité Intergouvernemental pour les Réfugiés !

Conséquences de la guerre 39-45

Les Juifs d’Europe, survivants de la Shoah, regroupés dans des camps en Europe, tentent d’émigrer en Palestine. Ils sont refoulés par les Britanniques qui les parquent dans des camps à Chypre. Un diplomate américain dira au président Truman : « On traite les juifs comme l’ont fait les Allemands sauf qu’on ne les extermine pas« .

En 1947, face à la situation, une commission international de l’ONU propose de créer deux Etats en Palestine. C’est de la pitié pour les survivants de la Shoah, une réparation. Pour que la motion soit adoptée, elle doit obtenir 2/3 des voix des 56 pays représentés. Ce n’est pas gagné. La diplomatie s’active, Truman convainc les Philippines et Haïti de voter pour, en échange de prêts. La résolution passe de justesse 33 OUI contre 13 NON (et 10 abstentions dont la Grande-Bretagne). La Palestine est découpée.

Première guerre israélo-arabe : 1948

Le 14 mai 1948, l’Etat d’Israël voit le jour à Tel-Aviv, Jérusalem étant en Transjordanie. Les Palestiniens juifs échangent leur passeport palestinien pour un document israélien leur permettant de voyager partout dans le monde… sauf en Allemagne. David Ben Gourion en est le premier ministre après avoir été, entre autres, président de l’Agence juive et chef de l’Haganah, l’armée clandestine juive lors du mandat britannique.

Tout a commencé par des attentats juifs et arabes. En mars 1948, deux cents habitants arabes de la petite ville de Dar Yassin sont tués parce qu’ils ont résisté à leur expulsion par l’Irgoun, un mouvement paramilitaire juif. La peur s’installe chez les Arabes. Les Britanniques qui ont maintenu l’ordre tant bien que mal quittent la Palestine. La guerre peut commencer. Tous les pays arabes attaquent Israël : l’Egypte, la Jordanie, l’Irak, la Syrie, le Liban, l’Arabie saoudite, le Yémen, des volontaires venant du Pakistan et du Soudan ainsi que des membre des Frères musulmans. La guerre n’a pas été préparée, elle est improvisée, mal coordonnée, elle va durer presqu’un an.

La création d’un Etat juif provoque l’arrivée massive des survivants de la Shoah, mal reçus lorsqu’ils voulaient rentrer chez eux. En Pologne, ils sont massacrés. En France, ceux qui ont bénéficié des biens confisqués aux Juifs manifestent dès juin 1945 en proclamant : « La France aux Français ». On y a même entendu des slogans comme « mort aux Juifs »  ou « les Juifs au crématoire »… un mois après la signature de la capitulation de l’Allemagne.
Cette immigration gonfle les effectifs de l’armée israélienne qui passe de 40.000 à 110.000 hommes en 6 mois.

Conséquences de la guerre de 1948

Contre toute attente, bien que mal armé, Israël sort vainqueur de cette guerre : en 1949, les différents pays arabes signent successivement une trêve avec le nouvel État.
On se rend compte aujourd’hui que l’initiative arabe fut une grave erreur. Les pays arabes réclament maintenant l’application de la résolution de l’ONU votée en 1947.

Durant la guerre, 300.000 Palestiniens fuient la Palestine vers les pays voisins, par peur des Juifs, mais aussi sur les conseils des pays arabes : « fuyez la guerre, vous reviendrez quand on aura exterminé Israël« . Pour se débarrasser des Palestiniens, les Israéliens ont mis à leur disposition des camions et des bateaux dans le port de Jaffa. A l’époque, personne ne s’émeut d’un tel déplacement de population : en Europe, des millions de personnes errent sur les routes. Les Arabes qui sont restés en Israël et ceux qui sont revenus ont reçu la nationalité israélienne. Ils représentent actuellement 20% de la population, soit un peu moins de 2 millions d’habitants. Tous les israéliens ont les mêmes droits, mais les musulmans ne sont pas tenus de faire leur service militaire.

Les pays d’accueil des Palestiniens ne tenteront jamais de les intégrer, les réfugiés n’auront pas accès à la nationalité, ils vivront dans des camps. Cette situation est voulue, elle maintient un conflit permanent entre les Palestiniens et les Israéliens qui refusent leur retour. L’idée d’un Etat palestinien est abandonnée.

Exode des Palestiniens

Suite à sa victoire, Israël regagne des territoires et occupe maintenant Jérusalem ouest. La vieille ville reste jordanienne. Les Juifs de Jérusalem-est sont expulsés par les Jordaniens.

Situation en 1949

Après la guerre, les Juifs sont expulsés d’Égypte, d’Irak, du Maroc et d’Aden. Alors que le pays n’avait accueilli jusqu’alors que les Européens, l’arrivée des Juifs d’Afrique provoque un choc culturel. Ils sont rejetés par la majorité de la population. Les 40.000 migrants d’Aden, incultes, sont même qualifiés de pré-primitifs !

Cette arrivé massive de migrants provoque une grave crise économique. Les biens de première nécessité sont rationnés.

Conséquence inattendue : la Grande-Bretagne est accusée de ne pas avoir soutenu suffisamment les pays arabes. Elle doit quitter l’Irak, la Jordanie, où les Britanniques viennent de mettre fin à leur mandat, et l’Egypte, où des troupes étaient toujours stationnées pour contrôler le canal de Suez,.

En 1967, une nouvelle guerre opposera Israël aux pays arabes (voir l’article : 1967, Israël conquiert Jérusalem).

L’Iran

Panorama historique avant le XXe siècle

550 avant notre ère : empire achéménide. Il sera défait vers -330 par Alexandre le grand.
247 avant note ère, les Parthes (les Arsacides) chassent les descendants des généraux grecs (les Séleucides).
224 : les Sassanides instaurent le deuxième empire perse. Il sera aboli par les conquêtes arabes en 637. Au califat succéderont les Mongols puis Tamerlan (Timour Lang) et ses successeurs, les Timourides.
1502 : les Séfévides établissent un troisième empire dans lequel le chiisme devient la religion d’Etat.
1794, le dernier empereur perse est renversé par ses alliés, les Qadjars. Le pays devient un Etat tampon entre la Russie et la Grande Bretagne qui annexe l’Afghanistan en 1857.
1925, les Qadjars sont dépossédés et l’homme fort des Britanniques, Reza Khan Pahlavi, un cosaque, ministre de la guerre puis premier ministre est nommé à la tête de la Perse.

Les derniers feux de l’empire perse

En 1941, à cause de ses sympathies pour l’Allemagne nazie, les alliés forcent Reza Pahlavi a céder son pouvoir à son fils Mohammad Reza Pahlavi âgé de 21 ans. Les alliés avaient besoin d’un couloir pour approvisionner l’URSS en arme. Mohammad Reza Pahlavi rebaptise son pays Iran et devient le shah d’Iran, le premier et le seul.

Il va diriger l’Iran en autocrate au service de l’Occident. Il veut moderniser son pays, tout en restant en paix avec les religieux : il joue la carte des religieux contre les communistes. Bien qu’il effectue des pèlerinages à La Mecque, il est la cible d’un mollah : Rouhollah Mousavi Khomeini, né en 1902. Il faut dire que le shah a fait interdire le tchador en public et avec l’aide de la CIA, il a crée une police secrète, la Savak (1957) qui arrête, torture et exécute.

Le shah durant son pèlerinage

Son gros défaut est de prendre toutes les décisions seul. Les échecs politiques lui sont toujours imputés.
En 1963, après un référendum, il lance la révolution blanche. Les femmes obtiennent le droit de vote, le système féodal est supprimé, des paysans obtiennent des terres appartenant souvent à des religieux, et les campagnes sont alphabétisées. Que de sages décisions, mais les moyens ne suivent pas. Les paysans, sans outils, sans semences, abandonnent leurs terres pour gagner les villes où ils vivent dans les quartiers pauvres, aux mains des religieux. Khomeiny, nommé grand ayatollah s’insurge et parle de réaction noire, l’islam a été bafoué. Le shah le fait arrêter et l’exile à Nadjaf, ville sainte de l’Irak, où il va vivre en reclus durant 14 ans.

Le shah continue à accumuler les maladresses. En 1967, il se fait couronner empereur et, lui le roturier sans reconnaissance légale, se donne tous les titres des empereurs achéménides, comme « roi des rois« . Mieux, il fait couronner sa troisième femme, Farah Diba, épousée en 1959, qui pourra lui succéder.

Le shah cherche des partenaires pour la construction de centrales nucléaires et de barrages pour irriguer les terres. En 1967, il est en Allemagne où des membres de la Savak repoussent à coups de bâton les opposants qui manifestent. La police tue un manifestant. Cet incident va avoir de grandes conséquences, il est à l’origine des attentats des groupements d’extrême gauche en Allemagne.

En 1971, à Persépolis, le shah organise les festivités des 2500 ans de l’empire perse… dont on a vu qu’il n’a eu aucune continuité. C’est à un spectacle hollywoodien que tous les chefs d’Etat sont conviés… mais pas le peuple. Le shah a perdu le contact avec sa base. Il se prend pour le Roi Soleil. Aujourd’hui, Farah Diba qui vit à Paris, parle de son mari en utilisant l’expression « sa majesté » : sa majesté a fait ceci, sa majesté a dit cela.
Il fait construire des centres commerciaux, provoquant la ruine des artisans des bazars. Les oubliés de la modernisation se tournent vers les religieux. La révolte gronde. Un article dans un journal insulte Khomeiny. La foule manifeste dans la ville sainte de Qos fief de l’ayatollah. L’armée tire. Un incident va mettre le feu aux poudres sans jeu de mot : le cinéma Rex s’enflamme, 422 morts. L’incendie est imputée, à tort, au shah et à la Savak. Des manifestations contre le shah éclatent. L’armée tire de nouveau, il y aura 64 morts, mais l’opposition parle de 15.000 victimes. Le grève générale est décrétée. L’approvisionnement en pétrole est perturbé. L’Occident s’inquiète.

La république islamique

Giscard d’Estaing, le président français, invite l’américain Jimmy Carter, le premier ministre britannique James Callaghan et le chancelier allemand Helmut Schmidt à la Gadeloupe en janvier 1979, pour, entre autres, discuter de la situation en Iran. Ils lâchent le shah. Ils jouent la carte de Khomeiny pour ramener le calme, la stabilité et la démocratie en Iran. Pendant 14 ans, il s’est tenu à l’écart, ses écrits sont inconnus en Occident, on ne le connaît pas.

Fin 1978, le shah obtient l’expulsion de l’ayatollah de l’Irak. Il part pour la France où il est accueilli en ami. François Mitterrand, Jean-Paul Sartre, Michel Foucault lui rendent visite. Il ne fait pas de grands discours, répond vaguement lorsqu’on l’interroge sur la forme de gouvernement qu’il entrevoit pour l’Iran : une démocratie parlementaire, déclare-t-il.

En Iran, le shah, usé par le cancer qui le ronge, quitte l’Iran. Le pays vit un moment de liberté totale et de solidarité. Khomeini peut rentrer en Iran le 1er février 1979, après 4 mois passés à Paris. L’accueil est triomphal. L’armée, sans ordre de sa hiérarchie, n’intervient pas.

retour de Khomeiny (par Air France)

Les démocrates ne réalisent pas ce qui se passe. Ils restent sarcastiques, car l’ayatollah parle un drôle de dialecte, mélangeant le persan et l’arabe coranique. L’espoir reste de mise : « on arrivera bien à le mettre de côté ». Mais dans les manifestations, les partisans de Khomeini distribuent des tchadors. Et après la grande manifestation pour la journée mondiale de la femme (8 mars 1979), Khomeiny déclare : « les femmes ne peuvent pas se promener nues dans les rues« .

manifestation du 8 mars

C’en est fini de la liberté. La police religieuse, souvent composée d’adolescents, va faire régner la terreur, s’attaquant aux femmes non voilées. Les opposants d’enfuient, ils traversent la frontière avec l’aide de Kurdes ou de trafiquants de drogue.

Le 4 septembre 1979, 52 employés de l’ambassade des Etats-Unis à Téhéran sont pris en otage par des « étudiants » iraniens. Ils sont accusés d’espionnage, ce qui fut avéré par les documents et les instruments découverts dans l’ambassade. Mais n’est-ce pas l’objectif de toute ambassade ? L’Iran réclame la livraison du shah qui se fait soigner à New York. Le shah devient encombrant, il sera prié de quitter les Etats-Unis en décembre 1979, il mourra en Egypte 7 mois plus tard. Le président Carter fait bloquer les avoirs financiers iraniens se trouvant dans les banques américaines. Les USA cessent les importations de pétrole iranien et expulsent des ressortissants iraniens.
Les otages seront libérés le jour de l’investiture de Reagan qui succède au démocrate Carter, le 20 janvier 1981, après 444 jours de détention. On ignore quelles ont été les modalités des négociations.

L’Occident réalise son erreur. En 1981, l’Irak, soutenu financièrement par l’Arabie saoudite et le Koweït, attaque l’Iran. Les Occidentaux (les Etats-Unis, la France, etc.) profitent de ce financement pour fournir à leur grand ami Saddam Hussein des armes conventionnelles et des composants pour armes chimiques. La guerre va durer 8 ans et faire un million de morts. Pour Khomeini, c’est une aubaine, tout le peuple est derrière lui.

bataillon iranien de femmes
Situation actuelle

Aujourd’hui, l’Iran est une république islamique. Le parlement est élu au suffrage universel… des hommes. Hassan Rohani en est le président. Depuis la mort de Khomeini, en 1989, c’est Ali Khamenei qui est le guide suprême de la révolution. Son turban noir montre sa prétention à descendre du prophète Mahomet.

Isolé, l’Iran s’est replié sur lui-même. Craignant ses voisins possédant l’arme nucléaire (Israël et les Pakistan), il entreprend un vaste programme d’enrichissement de l’uranium. Il est mis au ban des nations, comme signataire de l’accord de non prolifération de l’armement nucléaire.

En 1995, les USA décrètent un embargo sur le pétrole et en 2004, l’Iran ne peut plus recevoir d’assistance scientifique.
Bien entendu, tout ce que décide les Etats-Unis vaut aussi pour l’Occident qui se comporte en valet, ce que n’a pas manqué de souligner Ali Khamenei.

En 2015, éclaircie : un accord est signé pour l’arrêt de la fabrication d’armes nucléaires, sous contrôle international. C’était sans compter sur Trump qui en 2017, sort de l’accord… et menace de sanctions ceux qui sont restés fidèles à l’accord de Vienne : France, Allemagne, Grande Bretagne (la Chine et la Russie se sentent peu concernés).

Tous les projets économiques de l’Iran tombent à l’eau : construction d’un pipeline se raccordant à la Turquie pour alimenter l’Europe, de même que le raccordement au réseau irakien.

L’Iran se tourne donc vers l’est. Il soutient la Russie dans la guerre en Syrie. Il sera signataire de l’accord de paix entre la Turquie, la Russie et l’Iran. Et ouvre son marché à la Chine en échange de brut.

Pendant ce temps Trump et ses conseillers attendent que le peuple se révolte et instaure la démocratie à l’occidental… dont il a déjà goûté sous le shah. Il espère réaliser la même opération qu’en Syrie où les Etats-Unis avaient fourni des armes aux opposants de Bachar al-Assad et profité du front al-Nosra (al Qaïda), un allié de circonstance. Mais en Iran, il n’y a pas d’opposition structurée. Des manifestants sont bien descendus dans la rue pour protester contre l’augmentation du prix de l’essence, mais les slogans sont bien vite devenus anti-américains après l’assassinat, le 3 janvier 2020 par un drone, du général iranien Qassem Soleimani et de l’Irakien Abou Mehdi al-Mouhandis, numéro deux du mouvement pro-iranien Hachd al-Chaabi. Le peuple fait maintenant bloc derrière le guide suprême.

manifestation anti-américaine en Iran

Le génocide arménien

Las Arméniens sont des indo-européens comme les Kurdes et les Perses. L’appartenance au groupe indo-européens n’a aucun rapport avec une race quelconque, c’est un marqueur ethno-culturel. L’arabe et l’hébreu font partie du groupe sémite et le turc du groupe turco-mongol.

Les Arméniens ont occupé le sud du Caucase. On considère qu’ils auraient fusionné avec les Hourrites qui occupaient le terrain depuis des millénaires, comme les Kurdes seraient les héritiers des Mèdes. Cette situation entre la mer Noire et la mer Caspienne leur a donné des voisins puissants au cours des siècles : l’Empire romain, l’Empire perse, puis l’Empire ottoman et la Russie.

Le Caucase
Antiquité

On trouve la trace des Arméniens dans les archives de Ninive au VIIe siècle avant notre ère. Mais c’est sous Xerxès Ier, roi des Perses, qu’ils entrent dans l’histoire en combattant comme vassaux des Perses à Marathon contre les Grecs (-490).

L’Arménie est conquise par Alexandre le Grand (vers -330) et est incluse dans son empire, dont elle s’affranchira en 189 avant notre ère pour s’étendre du Caucase à la Méditerranée, créant un glacis entre les Romains et leurs ennemis, les Parthes (-247 à 224). Elle tombera sous la coupe des Romains en -65. Elle va passer par des périodes d’indépendance et de domination romaine et parthe puis perse. En 301, alors qu’elle est de nouveau romaine, elle est la première nation à devenir officiellement chrétienne. Malgré les aléas du temps, les Arméniens sont restés chrétiens jusqu’à nos jours.

Moyen-Age

L’Arménie passe sous contrôle arabe lors des conquêtes du VIIe siècle. Mais les Arméniens continuent à lutter pour leur indépendance. Les Turcs seldjoukides mettront fin à leurs velléités d’indépendance en 1064, en ruinant le pays. Les habitants partent en exode vers les Balkans, Chypre et la Cilicie, dans le sud de l’Anatolie sur la Méditerranée, à 600 km de leur base historique. Là, profitant de l’arrivée des armées chrétiennes, ils créent le royaume arménien de Cilicie, voisin du comté d’Edesse. Ce royaume se maintiendra jusqu’en 1375, soit bien après la défaite des barons chrétiens (1291). Il passera sous le contrôle des Mamelouks d’Egypte avant que la région ne soit intégrée dans l’Empire ottoman (1517)

Cette carte est extraite de l’Atlas historique mondial de Christian Grataloup (Les Arènes) que je recommande chaleureusement.
Dans l’Empire ottoman

Les Arméniens se sont très bien intégrés dans l’Empire ottoman, profitant de sa puissance économique pour établir des comptoirs commerciaux à Marseille, Amsterdam, dans les ports italiens, à Calcutta, etc.

Si le centre historique reste tourné vers la terre, la diaspora, surtout à Constantinople se caractérise par son avant-gardisme culturel, intellectuel et économique. Dès le XVIe siècle, ils développent l’imprimerie que les musulmans dédaignent. Les Arméniens deviendront hauts-fonctionnaires, diplomates, professeurs, médecins, juristes et même ministres.

Au XIXe siècle, l’empire s’effondre. Dès 1830, les nationalismes régionaux, surtout dans les Balkans, encouragés par la Russie, arrachent des lambeaux de territoire à l’empire : la Serbie, la Grèce, le Monténégro, la Bosnie, la Bulgarie, Chypre, la Crète et l’Albanie échappent au contrôle du sultan ottoman. En Afrique, l’Algérie, la Tunisie, la Libye et l’Egypte s’émancipent… pour tomber immédiatement sous la coupe les nations européennes : la France, l’Italie et l’Angleterre.

En réaction, le sultan décide des réformes. En 1876, un parlement est élu au suffrage universel, il compte 15 Arméniens, dont le ministre des affaires commerciales.

La même année, le traité de Berlin qui met fin à la guerre entre l’empire ottoman et la Russie, qui s’est imposée comme la protectrice des chrétiens, exige la protection des Arméniens contre les attaques des Kurdes. Les Kurdes forment un corps d’élite de cavalerie dévoué au sultan. Comme rien n’est mis en oeuvre, des rébellions éclatent, des groupes armés arméniens aux méthodes parfois terroristes s’opposent aux Turcs. Des massacres sont perpétrés contre les populations arméniennes entre 1894 et 1896.

1915 : le génocide

Lorsque la guerre mondiale éclate en 1914, le gouvernement turc, aux mains du parti des « jeunes turcs » qui a écarté le sultan, choisit le camp de l’Allemagne et de l’Autriche-Hongrie, se méfiant de la Russie qui a des visées sur les territoires ottomans. La Turquie est alors dirigée par trois officiers Talaat PachaEnver Pacha et Djemal Pacha. Ils fuiront en Allemagne à la fin de la guerre.

En février 1915 les Russes avancent dans le Caucase avec quatre bataillons de volontaires arméniens. A cette époque, les Arméniens sont répartis sur le territoire de l’empire ottoman de la Russie et de la Perse. Ce sera le prétexte du génocide arménien : les soldats arméniens de l’armée turque sont désarmés, les intellectuels fusillés en avril et une grande partie de la population déportée vers le désert de Syrie. Tout d’abord ceux qui habitaient près des zones de combat, puis tous les Arméniens de l’est de l’Anatolie. Ils seront victimes des pires sévices durant leur long périple : la soif, la faim, les viols, la vente comme esclave, les massacres. La junte militaire alors au pouvoir confiera au plénipotentiaire allemand en place à Constantinople que « c’était le bon moment pour en finir avec les Arméniens ». Des massacres d’Arméniens avaient déjà été perpétrés entre 1894 et 1896 (au moins 80.000 morts) puis en 1909 (15.000 morts ?). Mais jamais, ils n’avaient atteint le chiffre de 600.000 à près d’un million et demi de morts selon les sources

Aujourd’hui

Le traité de Sèvres, qui entérinait la fin de la guerre, prévoyait entre autre, la création d’une Arménie et d’un Kurdistan indépendants. Mais la reprise des combats par Mustapha Kémal mit à mal ces résolutions (voir mon article : le jour où la Turquie gagna la guerre).

Aujourd’hui, l’Arménie est un Etat indépendant, issu du démembrement de l’Union soviétique avec comme capitale Erevan. Sa superficie ne correspond qu’à un dixième de l’Arménie historique. A l’est de l’actuelle Arménie, la région du Haut Karabagh, peuplée d’Arméniens, incluse dans l’Azerbaïdjan, réclame son rattachement à l’Arménie.

Après la guerre, une importante colonie arménienne a fui vers la Russie, la France (Charles Aznavour, la famille Pétrossian (caviar), Michel Legrand, par sa mère), les Etats-Unis et vers le Liban et la Syrie qui étaient devenus protectorats français en 1918.

La reconnaissance du génocide

La notion de génocide n’est apparue qu’en 1945, lors du procès des dignitaires nazis à Nuremberg. Actuellement, seule une trentaine de pays ont reconnu le génocide arménien. Le premier fut l’Uruguay en 1965, le second, Chypre ne prendra la décision qu’en 1982 ! Le dernier pays à reconnaître le génocide est (actuellement) les Etats-Unis, le 12 décembre 2019.

Le 24 avril a été déclaré « journée pour la reconnaissance des martyrs arméniens« .

La Turquie refuse catégoriquement que le mot « génocide » soit appliqué à cette tuerie de masse qu’elle considère comme inhérente à la guerre. Elle joue sur la définition de génocide : « l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel ». La Turquie nie l’intention de détruire, évoquant une « simple » déportation pour raison de sécurité militaire. Les pertes auraient été dues à la faim et aux épidémies qui ravageaient le pays en guerre. Les massacres auraient été des « dégâts collatéraux »… 600.000 à près d’un million et demi de morts ! Cette position ne concorde pas avec le télégramme du ministre de l’intérieur Talaat Pacha : « Il a été précédemment communiqué que le gouvernement a décidé d’exterminer entièrement les Arméniens habitant en Turquie. Ceux qui s’opposeront à cet ordre ne pourront plus faire partie de l’administration. Sans égard pour les femmes, les enfants et les infirmes, si tragiques que puissent être les moyens d’extermination, sans écouter les sentiments de la conscience, il faut mettre fin à leur existence ».

Les Kurdes

Origine et Moyen Age

Les Kurdes sont originaires du sud de la mer Caspienne, des montagnes du nord de l’Iran. Leurs langues sont apparentées au persan. J’ai utilisé le pluriel car les Kurdes ne forment pas une communauté homogène : ils parlent des dialectes différents et s’ils sont à majorité sunnite, on trouve des Kurdes alévis, yésidis, chiites, juifs et chrétiens.
Ils nous sont connus depuis d’Antiquité. Certains historiens les considèrent comme descendants des Mèdes. Un royaume kurde est devenu province romaine en 66 avant notre ère, conquis par Pompée. A titre de comparaison, les Turcs originaires des steppes de l’Asie centrale et de la Sibérie font leur entrée dans l’Histoire du Proche Orient vers 750 lorsqu’ils accompagnent les troupes du futur calife abbasside venant des confins orientaux de la Perse.

Les Kurdes se feront remarquer lors des croisades où l’un de leurs émirs, Salah al-Din (qui signifie « la perfection de la religion », connu sous le nom de Saladin) défait les chrétiens aux Cornes de Hattin (en Galilée) en juillet 1187 puis reprend Jérusalem en octobre de la même année. En 1190, il prend le contrôle de l’Egypte fatimide.

Salah al-Din est né en 1138 à Tikrit, comme Saddam Hussein. Il est mort à Damas en 1193. A cette époque, le Proche Orient est une mosaïque d’émirats. Le calife de Bagdad ne contrôle plus rien, il est une autorité spirituelle, rien de plus. Des Turcs seldjoukides occupent une partie de l’Anatolie et le sud du Caucase. Une autre tribu seldjoukide s’est installée autour de Bagdad. Une dynastie turque différente, les Zengides, dirigée par Nur al-Din (qui signifie « la lumière de la religion », connu sous le nom de Nourédine) occupe la Syrie et effectue des raids dans le califat fatimide d’Egypte. Il a sous ses ordres Salah al-Din qui deviendra vizir du calife égyptien tout en servant Nur al-Din. (Ô le faux-cul.) A la mort de ce dernier, il continuera son oeuvre et mettra fin au califat du Caire. (Ô le traître.) Il va placer la Syrie (d’alors) et l’Egypte sous le contrôle d’une éphémère dynastie kurde, les Ayyoubides (du nom de son père).
Nur al-Din et Salah al-Din, comme leur nom l’indique, ont beaucoup œuvrer pour la religion musulmane en ouvrant, entre autres, des écoles coraniques dans les villes qu’ils avaient conquises. Mais ils n’ont jamais fait le pèlerinage à La Mecque.

Le Proche Orient au temps de Saladin. Cette carte est issue de l’Atlas historique mondial de Christian Grataloup (Les Arènes) que je recommande vivement.
Situation des Kurdes dans l’Empire ottoman

Après l’occupation mongole (vers 1230-1340) et les raids de Tamerlan (vers 1380-1405), le Proche Orient est dominé par un empire turc sunnite (l’Empire ottoman) et un empire perse chiite. Dans l’Empire ottoman, une douzaine d’émirats kurdes vivent de façon autonome : l’émir possède la terre en échange d’un impôt et de la mise à disposition d’une armée.

En 1846, le sultan ottoman met fin aux émirats et crée une province appelée Kurdistan, qui se transformera en district de Diyarbakir (une ville de l’est de la Turquie actuelle). Les émirs reçoivent en compensation des postes honorifiques. Bien entendu, cette « annexion » n’est pas acceptée de bon cœur, et des insurrections éclatent.

Lors de la guerre de 1914-1918, les Kurdes restent fidèles au sultan et rejoignent l’armée ottomane. Ils participeront au génocide des Arméniens chrétiens, leurs voisins.

Situation actuelle

Aujourd’hui, on dénombre 40 millions de Kurdes. C’est l’ethnie la plus importante sans Etat. A titre de comparaison, il n’y a que 15 millions de Juifs de par le monde, dont 6 millions en Israël. Les Kurdes vivent dans le sud-est de la Turquie (12 à 15 millions sur 82 millions), le nord de la Syrie (environ 3 millions sur 17 millions), le nord de l’Irak, où ils forment une entité politique autonome (5 à 7 millions sur 40 millions), et en Iran (6 à 9 millions sur 82 millions). Lors de la guerre contre DAESH, ils ont fourni les seules troupes à combattre sur le terrain, avec les Syriens.

On distingue plusieurs groupes de peshmergas, mot kurde désignant les combattants :

  • Les forces de défense du peuple du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan) implantées en Turquie où ils sont considérés comme terroristes. L’Union européenne et les Etats-Unis leur donnent également cette étiquette.
  • Les unités de protection du peuple (YPG) opèrent en Syrie contre DAESH.
  • Les unités de protection des femmes (YPJ) combattent avec les YPG. Les femmes tiennent un rôle important chez les Kurdes. Elles sont égales aux hommes, elles ne sont pas soumises à un tuteur. Contrairement aux autres musulmans, hommes et femmes dansent ensemble lors des fêtes.
En pointillé, les populations kurdes. Cette carte est issue de l’Atlas historique mondial de Christian Grataloup (Les Arènes).
Situation des Kurdes en Iran, en Syrie et en Iraq

En Iran, les Kurdes sont tolérés, mais n’ont aucun droit spécifique, ils doivent se comporter comme des Iraniens. Toute contestation est sévèrement réprimée.

La situation n’est guère différente dans la Syrie de Bachar al-Assad. Les Kurdes doivent parler arabe et donner des noms arabes à leurs enfants. Bien que combattant DAESH, ils s’opposent également aux troupes gouvernementales.

En Iraq, après la guerre du Golfe, ils ont obtenu un territoire autonome dans le nord autour d’Erbil. Ils avaient soutenu l’intervention militaire américaine. En 1988, le gouvernement de Saddam Hussein avait mené des attaques à l’arme chimique contre des villages kurdes. Les Kurdes irakiens ont également combattu DAESH.

Situation des Kurdes en Turquie

En 1920, le traité de Sèvres prévoyait le démembrement de l’Empire ottoman qui aurait donné naissance à un Etat kurde indépendant (en bleu ciel sur la carte) et un Etat arménien (en rouge). Le refus de reconnaître ce traité par certains officiers ottomans dont Mustapha Kémal et l’offensive contre l’occupation de l’Anatolie qui s’en suivit, a forcé les vainqueurs de la première guerre mondiale à revoir leurs exigences. Un nouveau traité, celui de Lausanne de 1922, a abouti à la création de la Turquie moderne, abandonnant l’idée d’une Arménie et d’un Kurdistan indépendants.

Ce revirement est la source des dissensions entre les Turcs et les Kurdes qui n’ont pas accepté d’être spolié par un morceau de papier. Il faut rappeler que le président américain Wilson avait posé comme préalable aux traités mettant fin à la guerre qu’ils devaient tenir compte de l’intérêt des peuples.

Sous le gouvernement de Mustapha Kémal, plusieurs révoltes kurdes ont été réprimées : dont celles de 1920-1922 et de 1937-1938.

En 1980, profitant du climat d’insurrection en Turquie, le PKK, le Parti des ouvriers kurdes, prend les armes. Depuis, la région du Kurdistan est placée en état d’urgence, elle devient un territoire occupé par l’armée turque et des groupes paramilitaires qui font régner la terreur. Un cessez-le-feu a été décrété en 1999. La guerre aura fait 40.000 morts.

En 2005, Erdogan, alors premier ministre, promet de résoudre le problème kurde dans le respect de la constitution. Il autorise la création d’une chaîne de télévision kurde (TRT 6) ainsi que l’ouverture d’écoles privées enseignant en kurde. Il prononce même quelques mots en kurde lors de l’inauguration de la chaîne TRT 6. Mais cette libéralisation sera de courte durée, en 2016, suite au coup d’Etat avorté, les écoles kurdes sont fermées. Les Kurdes sont priés de s’exprimer en turc lors des contacts avec l’Administration ou dans les hôpitaux.

En 2019, l’AKP, le parti d’Erdogan est désavoué lors des élections municipales. Le parti du président perd les grandes villes et des membres importants du parti font défection. Erdogan doit réagir : il va créer une vague nationaliste favorable en s’attaquant aux Kurdes de Syrie qu’il considère comme des terroristes menaçant la Turquie. Un scénario bien huilé est mis au point avec les Etats-Unis. C’est l’opération « Source de paix » !

Le 6 octobre 2019, les Etats-Unis retirent leurs troupes du nord de la Syrie pour laisser la voie libre à l’armée turque et à ses supplétifs islamistes.
Le 9 octobre, les forces turques bombardent les positions kurdes et entrent en Syrie. Il faut savoir que le nord de la Syrie n’est pas désert, il abrite une population nombreuse. Pour faire face à l’invasion de ce qui est encore son pays, Bachar al-Assad, le président syrien, envoie deux divisions. On pense que le conflit va s’internationaliser.
Le 13 octobre, suivant le scénario écrit par avance, les Etats-Unis « obtiennent » une trêve pour permettre aux combattants kurdes d’évacuer les zones de combats.
La trêve va prendre fin lorsque la Russie entre en jeu. Elle propose de sécuriser le nord de la Syrie et se porte garante de l’évacuation des combattants kurdes pour laisser un no-man’s land de 30 km de profondeur en territoire syrien.
Le 22 octobre, on apprend que les soldats russes et turcs vont patrouiller ensemble pour sécuriser la frontière.

Qui sort vainqueur de cette invasion ? Certainement Poutine et son allié Bachar al-Assad, mais aussi Erdogan qui a reconquis son électorat en se montrant ferme avec les « terroristes ».

Et l’Union européenne ? Elle s’est agitée ou plutôt, elle a gesticulé. Erdogan l’avait menacée : si elle osait utiliser le mot « invasion », il lâchait les 3,6 millions de réfugiés qui stationnent en Turquie. Timidement, l’UE a proposé que le no-man’s land établi passe sous contrôle de l’ONU. Les deux organisations (l’UE et l’ONU) dont l’inefficacité est proportionnelle à leur coût de fonctionnement espéraient revenir au premier plan… C’est raté.