Las Arméniens sont des indo-européens comme les Kurdes et les Perses. L’appartenance au groupe indo-européens n’a aucun rapport avec une race quelconque, c’est un marqueur ethno-culturel. L’arabe et l’hébreu font partie du groupe sémite et le turc du groupe turco-mongol.
Les Arméniens ont occupé le sud du Caucase. On considère qu’ils auraient fusionné avec les Hourrites qui occupaient le terrain depuis des millénaires, comme les Kurdes seraient les héritiers des Mèdes. Cette situation entre la mer Noire et la mer Caspienne leur a donné des voisins puissants au cours des siècles : l’Empire romain, l’Empire perse, puis l’Empire ottoman et la Russie.

Antiquité
On trouve la trace des Arméniens dans les archives de Ninive au VIIe siècle avant notre ère. Mais c’est sous Xerxès Ier, roi des Perses, qu’ils entrent dans l’histoire en combattant comme vassaux des Perses à Marathon contre les Grecs (-490).
L’Arménie est conquise par Alexandre le Grand (vers -330) et est incluse dans son empire, dont elle s’affranchira en 189 avant notre ère pour s’étendre du Caucase à la Méditerranée, créant un glacis entre les Romains et leurs ennemis, les Parthes (-247 à 224). Elle tombera sous la coupe des Romains en -65. Elle va passer par des périodes d’indépendance et de domination romaine et parthe puis perse. En 301, alors qu’elle est de nouveau romaine, elle est la première nation à devenir officiellement chrétienne. Malgré les aléas du temps, les Arméniens sont restés chrétiens jusqu’à nos jours.
Moyen-Age
L’Arménie passe sous contrôle arabe lors des conquêtes du VIIe siècle. Mais les Arméniens continuent à lutter pour leur indépendance. Les Turcs seldjoukides mettront fin à leurs velléités d’indépendance en 1064, en ruinant le pays. Les habitants partent en exode vers les Balkans, Chypre et la Cilicie, dans le sud de l’Anatolie sur la Méditerranée, à 600 km de leur base historique. Là, profitant de l’arrivée des armées chrétiennes, ils créent le royaume arménien de Cilicie, voisin du comté d’Edesse. Ce royaume se maintiendra jusqu’en 1375, soit bien après la défaite des barons chrétiens (1291). Il passera sous le contrôle des Mamelouks d’Egypte avant que la région ne soit intégrée dans l’Empire ottoman (1517)

Dans l’Empire ottoman
Les Arméniens se sont très bien intégrés dans l’Empire ottoman, profitant de sa puissance économique pour établir des comptoirs commerciaux à Marseille, Amsterdam, dans les ports italiens, à Calcutta, etc.
Si le centre historique reste tourné vers la terre, la diaspora, surtout à Constantinople se caractérise par son avant-gardisme culturel, intellectuel et économique. Dès le XVIe siècle, ils développent l’imprimerie que les musulmans dédaignent. Les Arméniens deviendront hauts-fonctionnaires, diplomates, professeurs, médecins, juristes et même ministres.
Au XIXe siècle, l’empire s’effondre. Dès 1830, les nationalismes régionaux, surtout dans les Balkans, encouragés par la Russie, arrachent des lambeaux de territoire à l’empire : la Serbie, la Grèce, le Monténégro, la Bosnie, la Bulgarie, Chypre, la Crète et l’Albanie échappent au contrôle du sultan ottoman. En Afrique, l’Algérie, la Tunisie, la Libye et l’Egypte s’émancipent… pour tomber immédiatement sous la coupe les nations européennes : la France, l’Italie et l’Angleterre.
En réaction, le sultan décide des réformes. En 1876, un parlement est élu au suffrage universel, il compte 15 Arméniens, dont le ministre des affaires commerciales.
La même année, le traité de Berlin qui met fin à la guerre entre l’empire ottoman et la Russie, qui s’est imposée comme la protectrice des chrétiens, exige la protection des Arméniens contre les attaques des Kurdes. Les Kurdes forment un corps d’élite de cavalerie dévoué au sultan. Comme rien n’est mis en oeuvre, des rébellions éclatent, des groupes armés arméniens aux méthodes parfois terroristes s’opposent aux Turcs. Des massacres sont perpétrés contre les populations arméniennes entre 1894 et 1896.
1915 : le génocide
Lorsque la guerre mondiale éclate en 1914, le gouvernement turc, aux mains du parti des « jeunes turcs » qui a écarté le sultan, choisit le camp de l’Allemagne et de l’Autriche-Hongrie, se méfiant de la Russie qui a des visées sur les territoires ottomans. La Turquie est alors dirigée par trois officiers Talaat Pacha, Enver Pacha et Djemal Pacha. Ils fuiront en Allemagne à la fin de la guerre.
En février 1915 les Russes avancent dans le Caucase avec quatre bataillons de volontaires arméniens. A cette époque, les Arméniens sont répartis sur le territoire de l’empire ottoman de la Russie et de la Perse. Ce sera le prétexte du génocide arménien : les soldats arméniens de l’armée turque sont désarmés, les intellectuels fusillés en avril et une grande partie de la population déportée vers le désert de Syrie. Tout d’abord ceux qui habitaient près des zones de combat, puis tous les Arméniens de l’est de l’Anatolie. Ils seront victimes des pires sévices durant leur long périple : la soif, la faim, les viols, la vente comme esclave, les massacres. La junte militaire alors au pouvoir confiera au plénipotentiaire allemand en place à Constantinople que « c’était le bon moment pour en finir avec les Arméniens ». Des massacres d’Arméniens avaient déjà été perpétrés entre 1894 et 1896 (au moins 80.000 morts) puis en 1909 (15.000 morts ?). Mais jamais, ils n’avaient atteint le chiffre de 600.000 à près d’un million et demi de morts selon les sources



Aujourd’hui
Le traité de Sèvres, qui entérinait la fin de la guerre, prévoyait entre autre, la création d’une Arménie et d’un Kurdistan indépendants. Mais la reprise des combats par Mustapha Kémal mit à mal ces résolutions (voir mon article : le jour où la Turquie gagna la guerre).
Aujourd’hui, l’Arménie est un Etat indépendant, issu du démembrement de l’Union soviétique avec comme capitale Erevan. Sa superficie ne correspond qu’à un dixième de l’Arménie historique. A l’est de l’actuelle Arménie, la région du Haut Karabagh, peuplée d’Arméniens, incluse dans l’Azerbaïdjan, réclame son rattachement à l’Arménie.
Après la guerre, une importante colonie arménienne a fui vers la Russie, la France (Charles Aznavour, la famille Pétrossian (caviar), Michel Legrand, par sa mère), les Etats-Unis et vers le Liban et la Syrie qui étaient devenus protectorats français en 1918.
La reconnaissance du génocide
La notion de génocide n’est apparue qu’en 1945, lors du procès des dignitaires nazis à Nuremberg. Actuellement, seule une trentaine de pays ont reconnu le génocide arménien. Le premier fut l’Uruguay en 1965, le second, Chypre ne prendra la décision qu’en 1982 ! Le dernier pays à reconnaître le génocide est (actuellement) les Etats-Unis, le 12 décembre 2019.
Le 24 avril a été déclaré « journée pour la reconnaissance des martyrs arméniens« .
La Turquie refuse catégoriquement que le mot « génocide » soit appliqué à cette tuerie de masse qu’elle considère comme inhérente à la guerre. Elle joue sur la définition de génocide : « l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel ». La Turquie nie l’intention de détruire, évoquant une « simple » déportation pour raison de sécurité militaire. Les pertes auraient été dues à la faim et aux épidémies qui ravageaient le pays en guerre. Les massacres auraient été des « dégâts collatéraux »… 600.000 à près d’un million et demi de morts ! Cette position ne concorde pas avec le télégramme du ministre de l’intérieur Talaat Pacha : « Il a été précédemment communiqué que le gouvernement a décidé d’exterminer entièrement les Arméniens habitant en Turquie. Ceux qui s’opposeront à cet ordre ne pourront plus faire partie de l’administration. Sans égard pour les femmes, les enfants et les infirmes, si tragiques que puissent être les moyens d’extermination, sans écouter les sentiments de la conscience, il faut mettre fin à leur existence ».
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