Le suaire de Turin

Le suaire exposé de nos jours

Un peu d’histoire

Le suaire de Turin, ou plutôt le linceul de Turin, est une pièce de lin d’environ 4,4 mètres de long sur 1.1 de large. Il a été rapiécé car endommagé dans un incendie survenu en 1532. On devine une image d’homme supplicié de face et de dos. Il devint célèbre en 1898 lorsque le photographe Secondo Pia révéla que le linceul était l’image négative d’un homme qui pourrait être Jésus. On ignore toujours comment on a obtenu un négatif sur une étoffe, les croyants imputent ce miracle à la résurrection… dont on ignore tout du mécanisme.

Explication pour les plus jeunes qui n’ont connu que les photos numériques. Lorsqu’on photographie un objet, sa lumière entre par un petit orifice et se fixe sur une surface sensible. Les blancs sont fixés en noir (ils brûlent le film sensible) et les noirs deviennent blancs. On obtient un négatif. Pour restaurer l’image, on procède à une seconde exposition. Dans le cas du linceul, Secondo Pia a réalisé que le négatif qu’il avait obtenu révélait une image positive. Il n’avait pas besoin de l’exposer à nouveau.

Tête de l’homme (âgé ?) révélé par la photographie

Le linceul apparaît à Lirey, en Champagne vers 1350. On ignore d’où il vient, plusieurs hypothèses ont été formulées à son sujet suivant qu’on croit à son authenticité ou non. Pour les uns, il viendrait de Jérusalem via Constantinople pour les autres, il aurait été fabriqué à Lirey.

Il est intéressant de noter que lors de la construction de la collégiale de Lirey en 1353, les évêques accordent une bulle d’indulgences pour les fidèles qui visiteront l’église et les reliques. Les reliques y ont citées, mais le linceul n’apparaît pas. En 1389, l’évêque de Troyes, Pierre d’Arcis interdit l’ostension (l’exposition) du linceul, le considérant comme un faux, réalisé par une personne qu’il connaît. Mais les chanoines n’obéissent pas et le pape Clément VII autorise de montrer de nouveau le linceul aux fidèles à condition de mentionner que ce n’est pas une relique, mais que « la dite représentation n’est pas le vrai suaire du notre Seigneur Jésus-Christ ».

A partir de Lirey, le linceul a changé de mains et voyagé vers Chambéry (1502) où il aurait été endommagé par l’incendie de la chapelle du château. De là, il serait arrivé à Turin en 1578 où il sera conservé dans la cathédrale Saint-Jean-Baptiste.

Le suaire à Chambéry vers entre 1502 et 1532, date à laquelle un incendie l’endommagea.

Au Moyen-Age, plusieurs suaires ou linceuls sont montrés aux fidèles lors de l’évocation de la passion de Jésus. On en compte une quarantaine dont la majorité en France. Il y en a trois à Rome, deux à Aix-la-Chapelle et d’autres à Constantinople. Mais peu de linceuls affichent une image de crucifié, le suaire d’Oviedo (Espagne) est une des exceptions.

D’autres empreintes de Jésus

La relique la plus célèbre est le suaire de Véronique. Cette femme aurait essuyé le visage de Jésus lorsqu’il se rendait vers le lieu de son supplice, ployant sous le poids de sa croix. La figure de Jésus s’imprima miraculeusement sur le voile. C’est ce que raconte un apocryphe du VIe siècle : La vengeance du Seigneur.

Bien longtemps, cet événement a fait l’objet de la station VI du « chemin de croix » que les fidèles parcourent à Pâques. Cette station a été supprimée en 1991 par Jean-Paul II car non conforme aux évangiles. Le voile est toujours conservé au sanctuaire de Manoppello (Pescara) dans les Abruzzes, à 90 km de Rome. 

Une autre représentation de Jésus connue au VIe siècle est une toile représentant Jésus qui aurait été offerte au roi Abgar V d’Edesse, premier roi chrétien. Il régna de 13 à 50. Cette toile aurait été peinte d’après nature, donc du vivant de Jésus. Une autre version dit que la figure de Jésus serait apparue miraculeusement sur la toile.
L’objet aurait été rapporté à Paris en 1204, année du sac de la ville de Constantinople (chrétienne) par les Croisés (chrétiens) à la demande du doge de Venise (chrétien) pour payer le transport des troupes (4ème croisade). La toile figure dans l’inventaire des reliques de la Sainte-Chapelle construite en 1241. Elle aurait disparu à la Révolution française.
NB : Les chevaux de la basilique Saint-Marc de Venise ont également été volés à Constantinople. Ils ornaient l’entrée du cirque de la ville.

Vrai ou faux linceul ?

En 1978, avant une exposition (ostension) au public, une équipe de scientifiques est chargée d’analyser le linceul durant 5 jours. Leur rapport mentionne « qu’il est impossible d’exclure que le suaire soit celui décrit dans les évangiles ». En clair, « c’est possible qu’il ait contenu le corps de Jésus« .

En 1988, le pape Jean-Paul II accepte que des analyses au carbone 14 soient pratiquées sur le linceul. Trois laboratoires indépendants arrivent à une conclusion identique, la toile a été tissée entre 1260 et 1390.

Bien entendu, ce résultat n’empêche pas ceux qui veulent y croire de continuer à croire. Un site catholique qui confond information et manipulation conclut : « Les conclusions des recherches de 1978 témoignent de la vérité scientifique ainsi qu’à l’honnêteté de ces savants. On ne pourra pas en dire autant de ceux qui firent la datation au carbone 14″.

Comment aurait-on pu fabriquer ce suaire ? De nombreuses hypothèses ont été émises : on aurait pu « peindre » le corps sur le lé de tissu avec une préparation d’essence et d’huile puis ajouter du sang ou on aurait pu enduire un corps vivant ou mort des mêmes ingrédients et appuyer avec les mains sur tout le corps pour imprégner le tissu.

Que voit-on sur le suaire ?

Le plus simple est de le visualiser en 3D.

Le corps en 3 dimensions a été réalisé à l’Université et l’hôpital de Padoue, sous la direction du professeur Giulio Fanti (sans cravate sur la photo). Ce professeur aurait également inventé une nouvelle technique (personnelle) de datation qui appliquée au suaire donnerait la période de 33 à 250.
Les tâches ne sont pas sans rappeler la passion de Jésus décrite dans les évangiles : couronne d’épines, flagellation, blessure de lance dans la poitrine, clous dans les poignets et dans un pied.

NB : s’il y a bien du sang sur le tissu, pourquoi ne pas avoir réalisé une analyse ADN qui aurait pu se révéler très intéressante. Pour prouver que c’était bien du sang, les scientifiques en 1978 ont pratiqué plusieurs expériences… pas toutes concluantes. Ils n’ont pas utilisé le luminol (connu depuis 1913), un produit chimique présentant une luminescence bleue caractéristique, lorsqu’il est mélangé avec un oxydant adéquat. Il est utilisé en criminalistique pour détecter les faibles traces de sang laissées sur les scènes de crime.

Le corps représenté sur le linceul présente deux problèmes.

Pourquoi le corps n’est-il pas allongé : les jambes sont repliées, suivant l’idée qu’on se fait d’un crucifié ; de même la tête est penchée vers l’avant. On ne peut pas invoquer la rigidité cadavérique puisque les mains ont été ramenées sur les parties intimes
Mais la représentation est-elle exacte ? Il semble que non : pour avoir cette position, la face avant devrait être plus grande que la face arrière, pour suivre l’emplacement des jambes. Ce qui n’est pas le cas.

Pourquoi le corps est-il maculé de sang ? Le rite funéraire juif est très strict : le corps doit être lavé et les ongles coupées avant l’ensevelissement. Dans l’Évangile de Jean, on lit (Jean 19, 40) : « Ils [Joseph d’Arimathée et Nicodème] prirent donc le corps de Jésus et l’entourèrent de bandelettes avec des aromates suivant la manière juive d’ensevelir« . Jésus est donc bien enseveli suivant le rite juif.
Notons que les traducteurs de l’évangile dans la version TOB (Traduction Œcuménique de la Bible) parlent « des bandelettes« . La Bible de Jérusalem traduit « ils le lièrent de linges ». Linges et bandelettes sont des traductions possibles du mot grec utilisé dans l’évangile.
La TOB dit que lorsqu’on ouvrit le tombeau on découvrit (Jean 20, 6) « les bandelettes et le linge qui avait recouvert la tête« . Le même passage dans la Bible de Jérusalem est traduit : « Les linges ainsi que le suaire qui avait recouvert la tête« . Donc, pas de linceul complet d’après l’Évangile de Jean, contrairement aux trois autres.

Polémique

Un mort ne saigne pas (la pompe, le cœur s’étant arrêtée), on n’aurait pas dû trouver de sang sur le linceul. Ce fait a inspiré un auteur allemand Holder Kersten qui croit à l’authenticité du suaire de Turin. Dans son ouvrage de 1997, « La conspiration de Jésus », il affirme que Jean-Paul II a accepté et orienté la datation au carbone 14, pour discréditer le suaire. Les traces de sang prouvent que Jésus n’était pas mort lorsqu’on l’a descendu de la croix, il a continué à saigner !
L’opération de préparation des échantillons a été entièrement filmée pour éviter les mises en doute. Entièrement ? Non, trente minutes n’ont pas été filmées. Elles concernent l’emballage et étiquetage des échantillons pour « respecter leur anonymat« , certains échantillons neutres ayant été ajoutés aux tests.

Conspiration ! s’écrire l’auteur allemand.
Une lectrice qui signe « Madeleine » m’avait fait connaître une théorie, développée parallèlement par Holder Kersten, basée sur les évangiles (voir les commentaires : le procès de Jésus). Tous les évangiles sont d’accord sur un point : Jésus meurt dès qu’il a bu le « vinaigre » imbibant une éponge attachée à un roseau. « Pilate s’étonna [même] qu’il soit déjà mort » (Marc 15, 44).
Madeleine donne même le nom de la drogue absorbée : « la substance qui devait imprégner la fameuse éponge : c’est un extrait de la « coque du Levant » (Anamirta cocculus), une plante toxique et narcotique qui génère une sorte de catalepsie et une rigidité cadavérique sans qu’il y ait de réelle mort. »

Donc, si Jésus n’est pas mort sur la croix, il n’y a pas eu de résurrection, mais simplement un réveil. C’est cela que Jean-Paul II voulait cacher. Il aurait donc faussé l’analyse ADN pour qu’on déclare que le suaire n’était qu’un faux… dixit Holder Kersten.

Cette théorie présente un inconvénient : qu’est devenu Jésus après sa sortie du tombeau ? Il est apparu à ses disciples durant 40 jours nous dit la tradition, mais après ?

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