La saga des trois premiers rois d’Israël, Saül, David et Salomon est une histoire complexe et longue. Elle s’étale sur trois livres de la Bible : les deux livres de Samuel et le premier livre des Rois. Elle ne rapporte pas des faits historiques du Xe siècle avant notre ère, elle a été construite sur plusieurs siècles et reflète les situations vécues à différentes époques.
D’après « Les rois sacrés de la Bible » de Israël Finkelstein (directeur de l’Institut d’archéologie de l’université de Tel Aviv) et Neil Asher Silberman

Voir l’article : chronologie biblique
Situation aux temps des rois Saül, David et Salomon : le Xe siècle
Au Xe siècle avant notre ère, Israël n’est pas une grande nation, riche et prospère avec une administration centralisée et une religion codifiée, c’est un ensemble de villages d’éleveurs et de cultivateurs comme l’a révélé l’archéologie. Le domaine attribué à Saül par la Bible compte 230 sites habités par 40.000 âmes. Le sud, parcouru par David n’est qu’une chefferie de 20 sites de moins d’un hectare, accueillant chacun une centaine d’habitants. La région compte environ 5.000 habitants. Jérusalem abrite 1.000 habitants, soit le harem de Salomon !
En fait de cour royale, la Bible nous précise que David était entouré d’un chef des armées, d’un chef de la garde, d’un héraut (messager) et d’un scribe… ce qui est bien peu pour administrer un royaume s’étendant de l’Euphrate aux frontières de l’Égypte.
Deux récits différents : IXe siècle
Ce qui interpelle à la lecture du récit biblique c’est la richesse du caractère des héros tantôt forts, tantôt faibles. Saül est un brillant chef de guerre, mais il a des crises de démence et est jaloux de David. David est un chef charismatique certes, mais il trahit son roi et n’hésite pas susciter des assassinats pour régner ou conquérir une femme.
Ces contradictions n’étaient pas inhérentes au récit initial. Elles sont la conséquence de deux récits différents. L’un chanté par les partisans de Saül qui le portent aux nues et présente David comme un traître et l’autre qui fait de Saül un faible peu apte à régner sur Israël sauvé par le courage de David.

Fusion des récits : fin VIIIe siècle
Ces deux récits, rapportés oralement, ont été fusionnés puis mis par écrit à la fin du VIIIe siècle lorsque le royaume d’Israël a disparu suite à l’invasion des Assyriens (722). Cette invasion provoqua l’exode massif de réfugiés venus du nord vers Jérusalem et le royaume de Juda qui connu une importante croissance démographique. La ville de Jérusalem, modeste bourgade de montagne de 6 hectares, devint une ville fortifiée de 16 hectares. Sa population décupla.
La fusion des deux récits devint une épopée nationale. Le royaume de Juda et son roi Ézéchias devinrent le ciment du peuple hébreu.
Le récit s’affine : VIIe siècle
Le royaume de Juda se développe dans la sphère commerciale de l’Assyrie. Le récit du règne de Salomon s’étoffe, Salomon devient semblable aux rois assyriens : il envoie des navires commercer avec les pays lointains. Il est riche et son royaume prospère.
L’histoire de David évolue pour offrir une justification théologique aux réformes de Josias : un seul dieu honoré dans un seul endroit : Jérusalem.
Le désillusion et l’espoir
Les réformes de Josias furent vite oubliées et en 586, Jérusalem tombe aux mains des Babyloniens. Une partie de la population est déportée vers Babylone. La royauté disparaît. Mais il reste un espoir, Dieu n’a-t-il pas promis que la dynastie de David règnerait à jamais ?
Quelques questions
Qui a tué Goliath ?
La tradition s’est bien transmise, c’est le jeune David qui a tué le géant Goliath. Et pourtant à la fin du second livre de Samuel, dans un chapitre intitulé « Exploits contre les Philistins » par les traducteurs modernes, on lit (2Samuel 21, 19) :
La guerre reprit encore à Gob avec les Philistins, et Elihanan, fils de Yari, de Bethléem, tua Goliath de Gat ; le bois de sa lance était comme l’ensouple des tisserands.
Remarquons l’analogie avec le récit de la victoire de David sur Goliath : « il s’appelait Goliath de Gat (1Samuel 17, 4)… Le bois de sa lance était comme l’ensouple des tisserands (1Samuel 17, 7) ». Notons aussi que Elihanan est né à Bethléem. David et Elihanan étaient-ils une seule et même personne.
L’ensouple est une grosse bobine sur une machine à tisser.
David a-t-il existé ?

Les trois premiers rois n’ont pas laissé de traces dans l’Histoire. Aucun document de l’époque ne les mentionne. Or une stèle laisse planer un doute. C’est la stèle de Mesha, roi de Moab en Jordanie actuelle, trouvée en 1868 par des Bédouins qui l’ont brisée pour en tirer un meilleur prix en la vendant par morceaux. Le texte occupe 34 lignes, il est écrit en moabite, proche de l’hébreu ancien, en utilisant des caractères phéniciens. A la 32ème ligne, très fragmentaire, certains épigraphistes croient lire BTDW qu’ils interprètent comme « beth Daoud« , la « maison de David ». Tous ne sont pas d’accord et le contexte ne peut pas être pris en compte vu l’état de la stèle. Même si la lecture « maison de David » est correcte, cela ne veut pas dire que David ait existé. Ainsi dans cette stèle, le roi Mesha se dit « fils de Kamosh« … son dieu. Alexandre le Grand était le fils d’Apollon et Jules César, descendait du troyen Énée, fils de Vénus.
Cette stèle commémore la victoire du roi Mesha sur un roi d’Israël, non nommé, fils de Omri (884-873). Omri avait envahi Moab où les Israélites étaient restés 40 ans, d’après la stèle. Or dans la Bible (2Rois 3, 4-27), le roi d’Israël Joram (852-841), descendant d’Omri et le roi de Juda Josaphat (870-846) s’associent pour envahir Moab et volent de succès en succès… La Bible transforme une défaite en victoire.
24. Et ils [les Moabites] marchèrent contre le camp d’Israël. Mais Israël se leva, et frappa Moab, qui prit la fuite devant eux. Ils pénétrèrent dans le pays, et frappèrent Moab.
25. Ils renversèrent les villes, ils jetèrent chacun des pierres dans tous les meilleurs champs et les en remplirent, ils bouchèrent toutes les sources d’eau, et ils abattirent tous les bons arbres ; et les frondeurs enveloppèrent et battirent Kir-Haréseth, dont on ne laissa que les pierres.
Salomon a-t-il construit le premier temple de YHWH ?
On peut admettre que Salomon, s’il a réellement existé, ou un des rois du Xe siècle, a construit un palais et un temple qui lui était adossé. Mais il n’avait pas la magnificence du temple décrit dans la Bible qui avait nécessité 70.000 porteurs et 80.000 carriers sans compter les autres corps de métier. D’où pouvait venir cette main d’œuvre ? Le pays était pauvre, peu peuplé, sans administration centralisée ? Le Coran répond à cette question (34, 12) :
Certains djinns travaillaient sous ses ordres [de Salomon] avec la permission de son Seigneur. Et nous aurions voué au supplice du brasier quiconque parmi eux se seraient éloigner de notre ordre.
Ce premier temple, dont on ne retrouve pas de traces, celles-ci seraient enfouies sous l’esplanade des Mosquées, a probablement été embelli lorsque la population s’est accrue et que la foi en YHWH s’est affermie. Mais les rédacteurs du Livre des Rois se contredisent : d’une part il nous parlent de la magnificence du temple de YHWH et de l’autre, ils nous présentent la plupart des rois de Juda comme impies, n’ayant de cesse de sacrifier aux « faux dieux ». Il faudra attendre le roi Josias, près de 400 ans après la construction du temple pour enfin faire le ménage, chasser les idoles et restaurer le temple au culte exclusif de YHWH.
On peut se demander si le temple, décrit dans le Bible, a réellement existé ou si ce n’est qu’un idéal fantasmé… qui sera dépassé par la construction voulu par Hérode le Grand.

Pauvre Salomon. Les villes de Meggido, Haçor et Gézer dont la Bible (1Rois 9, 15) lui attribue la construction sont l’œuvre du roi Omri. C’est son fils Achab qui dota Israël d’une nombreuse cavalerie comme le précise la stèle de Salmanazar III (859-824) :
Je brûlai Karkar ; je détruisis 1200 chars, 1200 cavaliers et 20000 hommes de Dad-Idri de Damas ; 700 chars, 700 cavaliers, 10000 hommes d’Irchulin de Hamath ; 2000 chars, 10000 hommes d’Achab d’Israël ; 500 hommes de Guäer ; 1000 hommes de Musri (Égypte) ;…
Rien ne lui sera épargné. La prospérité attribuée à son règne ne viendra que sous le roi Manassé qui profita de la paix instaurée par les Assyriens pour lancer le royaume de Juda dans le commerce international. Manassé qui, comme Salomon, abandonna YHWH pour sacrifier aux dieux étrangers (2Rois 21, 1-6).
De Salomon on ne connait donc rien. Sa vie est un patchwork tissé à partir des exploits des rois des siècles suivants.
Conclusions
Personnages historiques ou non, leurs noms ont marqué l’Histoire. le christianisme s’est bâti sur la promesse faite au peuple juif que Dieu ne les abandonnera pas et qu’un descendant de David règnera bientôt sur lui. Salomon est resté l’idéal des rois : un homme puissant qui attire à lui les visiteurs étrangers émerveillés pas les richesses de son palais.