L’Afghanistan en 1928

En février 1928, le roi d’Afghanistan Amanullah Khan et sa femme Sourya étaient en visite officielle, puis privée en France. Que venait-il faire en Europe ?

En janvier 2022, les talibans ont rejoint Oslo pour quémander à l’Europe une aide humanitaire pour leur peuple laissé dans la misère par les guerres menées par l’URSS et les États-Unis. On les a vu, en costume traditionnel poser pour la photo officiel. Quel contraste avec la prestance du roi et de la reine lors de leur visite à Paris… en 1928.

Le roi et sa femme à Versailles (à gauche) ; les talibans, sans leurs femmes à Oslo (à droite)

Dans les années 1920, l’Afghanistan est un pays pauvre vivant d’une agriculture familiale. La modernité ne l’a pas atteint : il y a peu de voitures à Kaboul et pas de chemin de fer. Mais le roi, en esprit éclairé, veut faire bénéficier son peuple des « bienfaits » de la civilisation. Il entreprend donc une visite en Europe.

De l’indépendance à l’exil

Amanullah Khan succède à son père comme émir d’Afghanistan en 1919. Il a 27 ans. Il s’entoure de réformistes et proclame l’indépendance de son pays, alors sous tutelle britannique.
Il envahit l’Inde en direction de Peshawar, aujourd’hui au Pakistan, pays qui n’existera qu’en 1947. Son armée de 50.000 hommes, appuyée par des milices venant des tribus, est vite submergée par la puissance coloniale. Mais le haut commandement britannique redoute qu’une fois le terrain conquis, une guérilla s’installe pour plusieurs années, entraînant d’innombrables pertes humaines et des dépenses de plusieurs millions de livres sterling que le pays, qui sort de quatre ans de guerre, rechigne à supporter.
La Grande Bretagne renonce donc à 40 ans de domination et accorde l’indépendance à l’Afghanistan, après 3 mois de combats qui ont fait un millier de morts de chaque côté. Il faudra 10 ans aux Soviétiques (1979-1989) et 26.000 morts pour s’extirper du bourbier ; 20 ans aux Américains (2001-2021), plus de 5.000 morts toutes nations alliées confondues et 6.400 milliards de dollars dépensés… sans compter les dizaines de milliers d’Afghans tués ou déplacés.

Amanullah Khan peut entreprendre des réformes : il crée la banque nationale, se dote d’une armée de l’air (les Britanniques avaient bombardé Kaboul). Il porte une grand attention à l’éducation et au sort des femmes : il interdit le mariage forcé des fillettes.

Il se proclame roi en 1926 et conscient du retard de son pays, il entame une tournée dans les pays européens. A son retour, il veut faire le forcing : il abolit l’usage du voile, interdit la polygamie et force les citadins à s’habiller à l’occidentale. C’en est trop, les chefs tribaux qui l’avaient soutenus, incités par les religieux, se révoltent. Amanullah Khan est obligé de fuir son pays, un moment aux mains d’un intégriste illettré qui se proclame « serviteur de la religion et le messager de Dieu« . Il sera chassé du pouvoir par un cousin d’Amanullah Khan, qui annulera toutes ses réformes. Le pays retombe dans l’obscurantisme et la misère. Situation déjà vue.

Amanullah Khan meurt à Zurich en 1960, sa femme lui suivit 8 ans.
Avant le retrait des Soviétiques, ruinés, les femmes représentaient 40 % des médecins et 60 % des enseignants à l’université de Kaboul. Ce pays a de bonnes bases, il n’est pas arriéré. Mais il a été victime de la guerre froide : l’émancipation sera de courte durée, les jihadistes internationaux de Ben Laden et les talibans du mollah Omar, financés par les États-Unis, y mettront fin.

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