178, Celse, premier critique du christianisme

Celse n’est pas le premier à critiquer les chrétiens, mais il est le premier à avoir pris connaissance des évangiles et à baser ses accusations sur les documents chrétiens. Il n’attaque pas les personnes, mais leurs croyances.

Cet article est basé sur l’article d’Éric Junod : « Qui a fondé le christianisme ? » (e-book disponible avec la revue Le Monde de la Bible).

Celse est un philosophe romain du IIᵉ siècle écrivant en langue grecque. Il nous serait inconnu s’il n’avait pas rédigé vers 178 son ouvrage « Discours véritable » et si ce dernier n’avait pas été critiqué par un théologien chrétien, Origène (185-253) dans « Contre Celse« , en citant abondamment le livre de Celse, qui lui, ne nous est pas parvenu.  Grâce à cette réponse, Louis Rougier est parvenu à reconstituer une grande partie du texte original.

Notons qu’Origène qui connaît les écrits de Flavius Josèphe, ne prend jamais l’auteur juif à témoin pour réfuter les thèses de Celse.

Mais que faisait Dieu ?

La première critique de Celse concerne l’indifférence de ce dieu qui, tout d’un coup, on ne sait pourquoi, s’était mis en tête d’enfin se soucier des hommes.

Est-ce donc maintenant, après tant de siècles, que Dieu s’est souvenu de juger la vie des hommes, alors qu’auparavant il n’en avait cure ?

Cet argument semble avoir eu un impact non négligeable, car plus de 150 ans plus tard, un autre théologien chrétien, Eusèbe de Césarée jugera bon d’expliquer cette absence dans le premier livre de son Histoire ecclésiastique. J’en parle dans le prochain article.

Qui est Jésus ?

Celse fait parler un juif fictif. Pour ce juif, Jésus s’est inventé une filiation en prétendant qu’il devait sa naissance à une vierge. En réalité, il est né dans un petit bled de Judée, fils d’une pauvre femme qui a commis un adultère avec un soldat nommé Panthéra et qui, chassée de son logis par son charpentier de mari, s’en est allée accoucher dans un lieu discret. Cette accusation d’adultère, Celse ne l’a pas inventée, elle circule dans les milieux juifs et sera reprise dans le Talmud (voir Jésus dans le Talmud).

Celse poursuit par la fuite en Égypte, récit qui se trouve dans l’Évangile de Matthieu que Celse a certainement lu : poussé par la pauvreté, Jésus s’y réfugie pour y chercher du travail, et il profite de ce séjour pour s’initier aux pouvoirs magiques dont les Égyptiens ont le secret. De retour
au pays, il exploitera ses tours de magie, opérera des miracles et guérisons, et il se proclamera dieu.

Pourquoi son père l’aurait-il abandonné ?

Celse décrit la passion de Jésus. Le comportement de Jésus, ses actions et sa destinée le
discréditent ; sa passion bien davantage encore. S’il avait été fils de Dieu, il se serait tiré d’affaire tout seul, ou bien son Père serait intervenu. Or il ne fait qu’étaler son impuissance, sans
opposer de résistance, sans accomplir le moindre acte héroïque.
Ses disciples expliqueront plus tard que Jésus avait prédit ce qui lui arriverait. Oui, mais précisément, c’est après coup qu’ils l’ont expliqué ; il n’y a là qu’une pseudo-prophétie. Et si Jésus avait prédit tout cela, pourquoi s’est-il plaint et a-t-il prié son père : « Père, si ce calice pouvait s’éloigner » ? Tout est pitoyable dans cette fin, avec ses disciples qui le trahissent ou le renient.
Bref, Jésus ne s’est pas comporté en roi des juifs. Il a manqué de noblesse et de courage. Il n’est qu’un homme ordinaire, justement condamné si l’on considère ses prétentions mensongères.
Sa résurrection ? Une fable accréditée par les disciples à partir d’une fausse prédiction de Jésus. A-t-on jamais vu un homme ressusciter avec son corps ?

Vivant, dites-vous, il ne s’est pas protégé lui-même, mort, il ressuscita et montra les marques de son supplice, comment ses mains avaient été percées. Qui a vu cela ? Une exaltée, dites-vous, et peut-être quelque autre victime du même ensorcellement…

S’il devait ressusciter, il l’aurait fait voir largement. S’il y avait une telle urgence à faire voir sa divinité, c’est bien du haut de la croix qu’il aurait dû soudain disparaître. Si Jésus voulait réellement manifester sa puissance divine, il aurait dû apparaître à ses ennemis, au juge, bref à tout le monde.

Sa volonté de nous enseigner, par les supplices qu’il a endurés, le mépris de la mort [implique] qu’il aurait dû, après sa résurrection d’entre les morts, appeler ouvertement tous les hommes à la lumière et leur enseigner la raison pour laquelle il était
descendu.

Après avoir donné la parole à un « juif », Celse donne son avis en se basant sur ce qu’il connaît le mieux, la philosophie grecque. S’il avait été dieu, sa beauté aurait été éclatante et ses contemporains l’aurait rapporté. Les maximes qu’on lui attribue ont déjà été énoncées par des philosophes grecs.

La sentence de Jésus contre les riches : « Il est plus facile à un chameau de passer par le chas d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le Royaume de Dieu » (Mt 19,24) est manifestement tirée de Platon. Jésus a démarqué la maxime platonicienne : « Il est impossible qu’un homme de bien exceptionnel soit aussi exceptionnellement riche ».

Les chrétiens, comme les juifs, sont des révoltés

Les chrétiens sont doublement révoltés. Tout d’abord comme descendants des juifs révoltés contre les Égyptiens et tous les habitants de Canaan, ensuite comme révoltés contre les juifs avec lesquels ils ont rompu.

Et Celse montre que la loi de Moïse et la loi de Jésus se contredisent. Il consacre, à ce propos, un développement mordant qui montre sa connaissance réelle des textes de la loi juive et des évangiles.

Si les prophètes du Dieu des juifs avaient prédit que Jésus serait son enfant, comment Dieu, par Moïse, leur donne-t-il comme lois : de s’enrichir, d’être puissants, de remplir la terre, de massacrer leurs ennemis sans en épargner la jeunesse, d’en exterminer toute la race, ce qu’il fait lui-même sous les yeux des juifs, au témoignage de Moïse ? […] Alors que son Fils, l’homme de Nazareth, promulgue des lois contraires : le riche n’aura point accès auprès du Père, ni celui qui ambitionne la puissance, ni celui qui prétend à la sagesse ou à la gloire ; on doit ne pas se soucier de nourriture et de grenier plus que ne font les corbeaux et moins se soucier du vêtement que ne font les lis ; et à qui vous a donné un coup, il faut s’offrir à en recevoir un autre ! Qui donc ment de Moïse ou de Jésus ? Est-ce que le Père en envoyant Jésus a oublié ce qu’il avait prescrit à Moïse ? A-t-il renié ses propres lois, changé d’avis et envoyé son messager dans un dessein contraire ?

Pour Celse, Jésus est un séditieux, comme ceux qui le suivent. Ils n’arrivent même pas à s’entendre entre eux ; le mouvement se fragmente en plusieurs sectes. Ils menacent le sécurité de l’Empire et s’opposent aux valeurs de la société romaine.

Les chrétiens modifient sans cesse leurs textes

La vérité est que tous ces prétendus faits ne sont que des récits que vos maîtres et vous-mêmes avez fabriqués, sans parvenir seulement à donner à vos mensonges une teinte de vraisemblance, bien qu’il soit de notoriété publique que plusieurs parmi vous (…) ont remanié à leur guise, trois ou quatre fois et plus encore, le texte primitif de l’évangile, afin de réfuter ce qu’on vous objecte.

D’après Celse, témoin contemporain, les textes sont modifiés pour réfuter une « hérésie » (une autre façon de voir), pour préciser un point de la doctrine ou simplement pour ajouter une nouvelle invention théologique.
Origène ne contredit pas Celse, au contraire, il abonde dans son sens. Il écrit :

Aujourd’hui, le fait est évident. Il y a beaucoup de diversité dans les manuscrits, soit par négligence de certains copistes, soit par l’audace perverse de quelques-uns à corriger le texte, soit encore du fait de ceux qui ajoutent ou retranchent à leur gré, en jouant le rôle de correcteurs.

Il est étonnant qu’aucuns historiens chrétiens actuels ne prêtent la moindre importante à cette critique de Celse… et d’Origène. Pour ces historiens, les textes de Nouveau Testament sont tous des textes originaux, ils nous sont parvenus tels quels. Triste !

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