Des nazis en Ukraine ?

Cet article n’est pas une prise de position dans le conflit russo-ukrainien, mais le résultat de recherches suite à un questionnement personnel : pourquoi Poutine parle-t-il de dénazifier l’Ukraine ?

Stepan Bandera

Stepan Bandera est un nationaliste ukrainien né à l’est de l’Empire austro-hongrois en 1909. Son lieu de naissance, la Galicie, peuplée d’Ukrainiens va changer trois fois de nationalité en 21 ans : 1919 polonais, 1939 soviétique et 1941 allemand.

La Pologne renaît de ses cendres en 1919. Elle avait été rayée de la carte au Congrès de Vienne en 1815, comme alliée de la France de Napoléon. Ses territoires avaient été annexés par la Prusse (devenue Empire allemand en 1871), l’Empire austro-hongrois et la Russie tsariste. En 1919, la Pologne, nouvellement créée, avait six monnaies différentes, trois codes de lois et deux écartements de rails de chemin de fer. Elle se composait d’un tiers de minorités, dont 14% d’Ukrainiens et 7% de Juifs ce qui générera des tensions nationalistes.

Bandera luttera contre les Polonais et les Soviétiques, pour l’obtention de l’indépendance de l’Ukraine. Il dirigea l’aile radicale de l’OUN, l’Organisation des nationalistes ukrainiens qui dès 1933, se rapproche de l’Allemagne nazie.
En 1935, il est condamné à mort en Pologne comme coresponsable de l’assassinat d’une soixantaine de personnalités politiques. Sa peine est commuée en prison à vie.
Il est libéré lors de l’invasion de l’Ukraine en 1941. Il s’allie à l’Allemagne nazie et crée la Légion ukrainienne sous commandement allemand. Il jure fidélité au IIIe Reich représenté par le bourreau de la Pologne, Hans Franck. Cette légion, jugée peu fiable, va s’occuper des basses besognes comme la persécution des Juifs. Des tracts bandéristes ont été distribués dans les villes ukrainiennes à destination des Juifs : « Vous avez accueilli Staline avec des fleurs (en 1939), vos têtes seront jetées aux pieds de Hitler.« 

Dès 1941, il rédige la déclaration d’indépendance de l’Ukraine qu’il soumet aux Allemands qui refusent. Il est arrêté par la Gestapo et envoyé au camp de Sachsenhausen en 1942… dans le quartier des personnalités. Il est libéré en 1944 pour diriger une armée ukrainienne contre l’avancée des Soviétiques.

Après la guerre, il s’installe à Munich où il est assassiné, en 1959, probablement par le KGB… ou par les services secrets ouest-allemand pour éviter des révélations sur d’anciens nazis. Deux personnes ont revendiqué son assassinat.

Ce n’est pas la collaboration d’Ukrainiens avec le IIIe Reich qui pose problème, il y a eu des collaborateurs dans tous les pays occupés. Le problème est que Bandera a été élevé au statut de héro national en janvier 2010. Des statues ont été érigées dans plusieurs grandes villes et des manifestations d’hommage sont organisées le 14 octobre, nouveau jour férié, commémorant la « Journée des défenseurs de l’Ukraine« .

Israël s’est élevé contre la glorification de Bandera. Un diplomate ukrainien en poste en Israël a déclaré que cette commémoration relevait de « questions internes à la politique ukrainienne« . Le ministre israélien des Affaires étrangères lui a répondu que « la glorification du meurtre des juifs, n’était pas une affaire interne ». Les dirigeants de la communauté juive d’Ukraine considèrent Bandera comme un héro de la nation, pas un antisémite.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky, qui se déclare Juif non pratiquant (ses deux enfants ont été baptisés suivant le rite de l’Église orthodoxe), devait se rendre à la cérémonie de commémoration de la Shoah en Israël le 20 mars 2022, mais les événements l’en ont empêché. Il a donc fait un discours à distance devant la Knesset. Il n’a pas abordé le problème de Bandera. Il a réclamé des armes. Voici la fin de son discours ambigu (extrait du The Times of Israel) :

Nous pouvons toujours demander pourquoi nous n’obtenons pas d’armes de votre part, pourquoi Israël n’impose pas de lourdes sanctions contre la Russie, pourquoi il ne fait pas pression sur les entreprises russes. Mais la réponse est toujours la même. C’est votre choix, chers frères et sœurs. Vous devrez vivre avec cette réponse, peuple d’Israël.

Les Ukrainiens ont fait leur choix. Il y a 80 ans. Ils ont sauvé des Juifs. C’est pourquoi les Justes parmi les Nations sont parmi nous.

Le bataillon Azov

D’après le journal « Le Monde » (https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2022/03/23/qui-sont-les-soldats-du-regiment-azov-accuses-d-etre-les-neonazis-de-l-armee-ukrainienne_6118771_4355770.html)

Quand la guerre éclate dans le Donbass (est de l’Ukraine) en avril 2014, le gouvernement ukrainien autorise des volontaires à combattre. Plusieurs milices armées d’extrême droite rejoignent le front. Parmi elles, le « Corps noir » commandé par Andreï Biletski, le dirigeant du parti xénophobe, raciste et antisémite SNA (Assemblée sociale-nationale). Ce bataillon prendra bientôt le nom de « Azov » (nom de la mer qui baigne le nord-est de la Crimée).

A gauche, l’emblème du bataillon Azov. A droite, celui de la tristement célèbre division SS « Das Reich ».

Le 10 juin 1944, la division SS Das Reich, composée d’Allemands et d’Alsaciens remonte du sud de la France vers la Normandie. A Oradour (Aquitaine, au nord de Limoges) elle massacre tous les habitants et incendie le village. En janvier 1953, un tribunal de Bordeaux juge 7 Allemands et 14 Alsaciens dans un climat politique très tendu. Le verdict est prononcé le 12 février. Un sergent allemand est condamné à mort, le seul Alsacien qui reconnaît les faits est également condamné à mort pour trahison, les autres accusés encourent des peines de travaux forcés.
Mais sous la pression des députés alsaciens, tous les Alsaciens sont amnistiés comme « malgré nous » : ils auraient été incorporés de force… dans une division SS (?).

En septembre 2014, la guerre qui opposait des pro-russes aux Ukrainiens s’arrête (officiellement). La trêve, qui met fin à la guerre du Donbass, est signée à Minsk. Elle prévoit le retrait des « formations armées illicites, des combattants irréguliers et des mercenaires« . Le bataillon Azov n’est pas dissout, il est alors incorporé dans la garde nationale sous la tutelle du ministère de l’intérieur ukrainien.

On estime la taille du bataillon à 2500 personnes. Dont une minorité d’ultras (20% ?). Un rapport de l’ONU de 2016, leur attribue des crimes de guerre dans le Donbass : tortures et viols. Ce rapport a été confirmé par Amnesty International et Human Rights Watch.

Membres du bataillon Azov

La bataillon Azov, ainsi que plusieurs autres, est financé par l’oligarque ukrainien Igor Kolomoïsky. Cet oligarque est, entre autres, propriétaire de la chaîne de télévision « 1+1 » qui a orchestré la campagne présidentielle de Zelensky. C’est également sur cette chaîne qu’a été diffusée la série Serviteur du peuple« , une série télévisée humoristique dans laquelle Zelensky incarne un professeur de lycée accédant « par hasard » à la présidence de l’Ukraine. Ce rôle lui a permis d’acquérir une importante notoriété dans son pays. Le nom de la série a été choisi comme nom du parti sous lequel il s’est présenté à la présidence… dans la vie réelle.

L’incendie de la Maison des Syndicats à Odessa

D’après le documentaire « Un été brûlant à Odessa » (https://www.youtube.com/watch?v=Buw4Q-9VLGQ)

Le 2 mai 2014, un bon mois après l’annexion de la Crimée par la Russie (27 mars 2014), des heurts ont opposé deux à quatre mille nationalistes ukrainiens à deux cents pro-russes dans la ville d’Odessa, ville portuaire au sud de l’Ukraine. On ignore quelle est l’origine de cet affrontement, les sources sont tellement divergentes : manifestation politique ou défilé avant un match de football ? D’après l’OSCE (Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe), une centaine de militants ukrainiens étaient armés de boucliers et des bâtons. Les autorités ukrainiennes affirment qu’un pro-russe aurait tiré dans la foule.

Dans un premier temps, les forces de l’ordre séparent les deux camps. Mark Gordienko, chef du Conseil de sécurité citoyenne de la ville d’Odessa, tente de négocier le départ des forces de l’ordre. Refus. Mais sous la pression des nationalistes ukrainiens, qui utilisent un camion, elles se retirent.

A gauche, Gordienko dit au chef de la police « soit vous nous laissez les massacrer (sous-titre), soit on vous massacre ». A droite, l’usage d’un camion (d’après le documentaire).

Le Conseil de sécurité citoyenne est une milice armée, entrainée par d’anciens militaires. Elle lutte, entre autres, contre la corruption qui gangrène l’Ukraine à tout niveau : politique, judiciaire, policier et administratif. (Lire à ce sujet l’article de Wikipédia sur Zelensky : https://fr.wikipedia.org/wiki/Volodymyr_Zelensky)

Les pro-russes se retranchent alors dans la Maison des syndicats. Elle est assiégée et incendiée. Les pompiers vont mettre une heure pour parcourir un kilomètre.

On dénombrera 42 morts dans la Maison des Syndicats. Dehors, cinq pro-russes, qui n’ont pas réussi à fuir, sont morts tabassés et un ukrainien a été tué par balle.

Lors  des élections municipales de 2020, un maire pro-russe a été élu à Odessa avec 54% des voix : Gennadiy Leonidovich Trukhanov. Aujourd’hui (mai 2022), il dit craindre une attaque russe de la ville et organise la défense de celle-ci. L’invasion russe a modifié sa vision des choses. Il est prêt à risquer sa vie pour défendre Odessa.

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