Attila est un barbare sanguinaire que Sainte-Geneviève a chassé des environs de Paris au Ve siècle et que le pape Léon a stoppé devant Rome, par la seule force de la croix et de la prière. Comme d’habitude, les légendes chrétiennes ont occulté la réalité historique en lui substituant des miracles.

Un peuple en marche
Attila était le chef des Huns, une tribu nomade turco-mongole venue de la steppe asiatique, probablement du Kazakhstan, à l’est de la Mer Caspienne. Les archéologues ont beaucoup de difficultés d’établir leur lieu d’origine, les Huns n’ont aucun marqueur culturel identitaire. En conséquence, lors de la découverte d’une tombe ou d’un lieu de résidence, ils ne peuvent pas l’attribuer aux Huns ou à une autre ethnie. D’autant plus que les hordes nomades sont formées de familles, de clans et de tribus aux origines ethniques différentes.
Au bord de la mer Caspienne, un site archéologique de 130 ha comportant plus de 200 bâtiments en pierre, semble être lié aux Huns. Mais était-ce leur lieu d’origine ou leur lieu de retraite après avoir quitté l’Europe ?

Attila est né à la fin du IVe siècle, dans les plaines du Danube alors que son peuple terminait sa migration. Lorsqu’il devint roi en 434, les Huns s’étaient sédentarisés, établis dans la Hongrie actuelle. L’emplacement exact reste inconnu actuellement. La Hongrie en a fait un héro national.
Un empire aux portes de Rome
Lors de leur périple, les Huns ont repoussé les tribus germaniques qui occupaient l’Ukraine actuelle et les plaines du Danube. En 376, les Goths ont cherché refuge dans l’Empire romain. Bien reçus dans un premier temps, leurs relations vont s’envenimer par la suite. Après plusieurs batailles indécises, dont l’une a vu la mort de l’empereur Valens, les Romains ont incorporé ces Germains comme auxiliaires dans leurs légions.
En 406, pour fuir les Huns, les Vandales, les Alains, les Suèves et les Burgondes franchissent le Rhin et entrent en Gaule.
Il y avait plusieurs groupes de Huns, dont certains combattaient pour les Romains. Attila les fédéra tous et au faîte de sa puissance, il régnait sur un territoire allant du Rhin à l’ouest, à l’Oural à l’est et au Danube au sud.
C’était un terroriste ! Il attaquait les villages de l’Empire romain d’orient, massacrait les populations et concluait un traité avec l’empereur, promettant, en échange d’un tribut de protéger ces mêmes villages. Son objectif n’était pas de conquérir de nouveaux territoires, mais d’exercer un racket. Lorsqu’il voulait augmentant le tribut, il menaçait de nouveau les villages frontaliers. Ainsi, le tribut passa de 300, à 700 puis à 1400 et enfin à 2100 livres d’or par an. Il alla jusqu’à exiger lors des traités qu’un marché s’ouvre à la frontière de son royaume… pour y dépenser l’argent que lui rapportait le traité.
La vie dans sa capitale nous est bien connue car Attila a reçu de nombreux ambassadeurs et hébergé des otages. Sa capitale était soigneusement bâtie en bois. Elle comportait plusieurs thermes. Il servait ses invités dans de la vaisselle en or, produit de ses pillages, mais lui utilisait des récipients en bois. Loin d’être un rustre, on l’a décrit comme une personne cultivée, mais simple dans ses tenues. Il parlait le hunnique mais aussi le gotique (sans H). Il avait probablement de bonnes notions de grec et de latin.
La population de son empire comportait outre les Huns, des Gépides, des Skires et toute une série de clans ralliés durant leur périple. Le secrétaire d’Attila était un romain, Flavius Oreste, qui deviendra célèbre à Rome comme faiseur d’empereurs, plaçant sur le trône le dernier de ceux-ci, Romulus Augustulus. Odoacre, le fils d’un des lieutenants d’Attila, Edecon, chef des Skires, démettra cet empereur et prendra le pouvoir à Rome.
Le déclin
En 451, les Huns se mettent en route vers la Gaule. Que viennent-ils y faire ? Plusieurs hypothèses ont été émises. Il serait venu se venger des Wisigoths qui occupaient alors la région de Toulouse. Une autre hypothèse, plus romantique, mais tout aussi vraisemblable que la première, l’aurait poussé en Gaule.
En 450, Justa Grata Honoria, la sœur de Valentinien III, l’empereur d’Occident, retenue contre sa volonté à Constantinople, demande l’aide d’Attila et lui envoie sa bague. Elle avait été élevée au rang d’Augusta par son père, elle estimait donc avoir le droit de gouverner avec son frère.
Elle est vite rapatriée à Rome et mariée à un vieux sénateur.
Attila a interprété l’envoi de la bague comme une demande en mariage, il accepte et réclame à l’empereur la Gaule comme dot.
Lors de l’invasion, il entraîne avec lui des Gépides, des Ostrogoths, des Suèves, des Skires, des Alamans, des Hérules, des Alains et des Sarmates. Il massacre la population de Metz qui lui a résisté, Reims subit le même sort.
Il arrive aux environs de Paris. Mais « une humble jeune fille, sainte Geneviève, promet aux habitants qui voulaient fuir que s’ils jeûnaient et priaient, ils n’auraient rien à craindre et seraient sauvés » (Extrait d’un manuel scolaire de 1930). Voici pour la légende. En vérité, Attila ne s’est pas préoccupé de Paris. Ce n’est pas tant l’intervention de Dieu grâce aux prières de Geneviève qui a détourné les Huns de Paris que la pauvreté de la ville.

Il se dirige vers Orléans pour passer sur l’autre rive de la Loire. « À Orléans, l’évêque saint Aignan soutint seul, cinq semaines durant, le courage de son peuple : Combattez vaillamment, disait-il, Dieu vous envoie du secours, et il ne cessait de prier au pied de l’autel. La ville cependant succombait sous les efforts des barbares, lorsque parut l’avant-garde d’Aetius, le général romain : c’était le secours de Dieu » (Extrait d’un manuel scolaire de 1930).
En fait, les Romains étaient déjà là et les Huns firent demi-tour : Attila était meilleur diplomate que stratège. Mais ses chariots chargés de butin le ralentissent, il va devoir combattre. L’affrontement eut lieu aux Champs Catalauniques dont l’emplacement exact fait toujours débat (Châlons-en-Champagne ?). D’un côté, les Huns et leurs alliés de l’autre, l’armée romaine commandée par Aetius. Elle n’avait de romaine que le nom, elle regroupait les Wisigoths, les Francs de Childéric, le père de Clovis, des Burgondes, tous fédérés à Rome, plus des Bretons, des Saxons, des Alains et des Sarmates qui combattaient des deux côtés.

Les Huns sont de remarquables cavaliers capables de décocher des flèches d’un cheval au galop… alors que l’étrier est inconnu ! Les Alains, peuple iranien ayant suivi les Huns dans leur périple constitue la cavalerie lourde : des cavaliers armés de lance, fonçant en groupe sur les unités de fantassins.
Combien étaient-ils ? Un chroniqueur de l’époque parle de 500.000 guerriers. C’est très exagéré ? Les historiens actuels estiment la troupe d’Attila à quelques milliers d’hommes, au maximum 15 ou 20.000.
Le combat dura toute la journée puis on se retira pour la nuit. Au petit matin, les Romains aperçurent les derniers chariots des Huns qui reprenaient la route vers l’est. Théodoric, le roi des Wisigoths ayant été tué, ceux-ci se retirèrent. Aetius prit la décision de ne pas poursuivre Attila. Aetius avait vécu dans la capitale d’Attila, en tant qu’otage. Ils étaient devenus amis. Aetius avait même épousé une princesse d’origine gothique.
Mais Rome n’en a pas fini avec Attila. L’année suivante (452), il ravagea le nord de l’Italie. Les villes de Milan, Mantoue, Vérone, Bergame, Padoue, etc. tombèrent tour à tour. « Rome aurait subi le même sort sans l’intervention du pape Léon Ier le Grand » (Extrait d’un manuel scolaire de 1930). Ce pape joua effectivement un rôle dans la retraite d’Attila. Mais ce n’est pas avec la croix et la prière qu’il éloigna le Hun, mais en négociant son départ contre une forte somme d’or et d’argent qu’Attila s’empressa d’accepter car une épidémie décimait son armée. On n’entendit plus parler d’Attila. Mort lors d’une nuit de noces en 453, ses enfants n’arrivèrent pas à maintenir l’union des tribus. Les Huns finirent pas disparaître, lâchés par leurs alliés et harcelés par les Romains.
C’était le Diable !
Attila a été considéré comme le Diable par les chrétiens qui le surnommèrent flagellum dei traduit par « le fléau de Dieu« . Le fléau était un outil agricole servant à battre le grain. Aujourd’hui on dirait « le fouet de Dieu« . Attila était venu punir les mauvais chrétiens. L’existence du mal est la faiblesse des monothéismes. Dieu veut le bien, l’homme crée le mal en désobéissant aux lois de Dieu.
La même panique prit les populations de l’Europe quand au Xe siècle apparurent les Hongrois (Magyars) venant eux aussi des steppes de l’Asie. Ils dévastèrent l’Allemagne actuelle, procédant par raid. Ils s’attaquèrent aussi à la France, saccageant Nîmes et le Languedoc en 924, brûlant Verdun en 926. Ils furent vaincus par les princes allemands qui s’étaient unis.
Quant aux Huns, on les retrouvera dans les armées abbassides qui partant de l’est de l’Iran vont conquérir tout le califat omeyyade (voir l’article).