Le Vatican et la Shoah

Dans un autre article, j’ai traité de la relation ambigüe de Pie XII avec l’holocauste des Juifs.
Depuis, les archives du Vatican concernant le pontificat de Pie XII ont été mises à la disposition des historiens. On n’y apprend rien de nouveau sur Pie XII, que certains historiens appellent le « pape d’Hitler » et les milieux catholiques, le « pape des Juifs« . Rien de nouveau donc, aucun scoop.
Par contre, que de révélations sur l’entourage du pape ! Je vais suivre l’analyse de Nina Valbousquet qui a étudié les archives « organisées » sous la supervision de Joseph Ratzsinger, l’ancien pape Benoît XIV afin de « faciliter la tâche des historiens ». La conclusion de l’historienne servira de préface à mon article : « La découverte des horreurs des camps n’altéra pas la profondeur du préjugé antijuif au sein d’une partie du corps dirigeant du Vatican« .

D’après l’article de Nina Valbousquet paru dans le périodique « l’Histoire » de septembre 2022.

Contexte italien

Rome accueillait un certain nombre de réfugiés considérés comme juifs en Allemagne (voir l’article : Qui est Juif ?) . La plupart de ces réfugiés avaient été baptisés, c’étaient des juifs convertis, des catholiques d’origine juive ou des familles mixtes.
En 1938, après un recensement des Juifs en août, le gouvernement italien prend également des mesures et des lois antisémites.

Action brésilienne

Le Vatican a reçu 125.000 dollars d’organisations juives américaines pour aider les réfugiés. Cet argent va servir à financer l’émigration des réfugiés « catholiques non aryens » vers le Brésil qui en 1939 offre 3000 visas. Seuls les mille visas offerts au Vatican seront utilisés, ceux accordés à Berlin ne seront jamais employés. Mais bien peu de candidats rejoindront le Brésil qui les refoulera sous prétexte, entre autres, qu’ils sont toujours judaïsants, pas assez chrétiens.

Mgr Lombardi dénonce la mauvaise impression faite sur le Brésil « bienveillant » par la « perfidie des juifs bénéficiaires« . Il déclarera :

On voit qu’en dix-neuf siècles, la race a empiré… L’Église a bien raison de les qualifier telle qu’elle le fait lors du Vendredi saint. Mais justement pour cette raison, l’œuvre de charité du saint-père en leur faveur tient du sublime et de l’héroïsme.
[NB : lors du Vendredi saint, la liturgie prévoyait de « Oremus et pro perfidis Judaeis« , prions aussi pour les juifs perfides].

Suite à cet avis, la répartition des fonds sera modifiée (Déclaration de Mgr. Tardini en octobre 1940) :

Si jusqu’à présent on a préféré, dans l’absolu, ceux qui était juifs de race mais catholiques de religion (lesquels cependant, avec leur façon de faire, ont fait plus honneur à la race qu’à la religion), il n’y a aucun besoin de continuer dans cette voie

Certains historiens estiment que ce préjugé antijuif expliquerait le scepticisme du Vatican face aux informations sur les camps de la mort. Mgr dell’Acqua (qui facilita l’exfiltration des nazis en 1945) estimait que « l’exagération est facile chez les Juifs ». En toute fin 1943, le même s’inquiétait : « On parle trop des Juifs et des mesures adoptées par les Allemands« .

Après la guerre

Rien ne change, même après les divulgations du procès de Nuremberg.

En 1946, le même dell’Acqua recommande de ne pas répondre à la demande d’aide adressée à Pie XII par des rescapés juifs bloqués dans le port de La Spezia (aux environs de Gênes). Comme les rescapés font la grève de la faim afin de pouvoir partir en Palestine, il ajoute : « Je ne pense pas qu’une initiative d’une grève de la faim durera très longtemps, il n’est pas dans les habitudes des Juifs de souffrir longtemps et patiemment, au contraire, ils aiment vivre bien ».

En juillet 1946, un nouveau pogrom contre les Juifs revenus des camps d’extermination a lieu à Kielce en Pologne (42 morts). L’ambassadeur français au Vatican demande au pape de condamner cette violence. Il lui sera répondu que la démarche est jugée inopportune.

Lorsque le même ambassadeur demande l’arrêt de l’aide aux anciens nazis et collaborateurs, le cardinal français Tisserant répond que ce sont de bons catholiques de naissance et qu’ils ont droit à la même compassion chrétienne que les Juifs persécutés… au nom de l’universelle charité !

Le Vatican Justifie son attitude…

Le Vatican, micro État, sans armée, se retranche derrière la non implication politique dans le conflit. Il se présente comme un État neutre dont l’objectif est de défendre le droit des catholiques : les Juifs sont des victimes de guerre comme les autres.

Durant la guerre, le Vatican va ouvrir deux « bureaux », sous la direction de Mgr. Montini (futur Paul VI) dès 1939. Le premier accorde des aides diverses : argent, aliments, médicaments, livres et objets liturgiques aux paroisses. L’autre s’occupe des recherches de militaires et civils disparus. L’aide se fait à la demande.

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