Un nouveau pan de la tradition chrétienne est en train de s’effondrer : l’empereur Constantin n’aurait pas fait construire le Saint Sépulcre de Jérusalem… ni la plupart des églises qui lui sont associées. L’imaginaire chrétien est fondé sur des sources écrites, mais aujourd’hui, celles-ci sont confrontées à l’archéologie.
Le pavement du Saint Sépulcre est en réfection. Chaque dalle est enlevée et nettoyée. Les travaux sont accompagnés d’une mission archéologique menée par la professeur Francesca Stasolla de l’Université de la Sapienza de Rome. On fouille partout, jusqu’au lit rocheux des fondations. C’est là qu’elle a découvert des pièces de monnaie, comme elle l’a raconté dans un entretien accordé au journal l’Avvenire. C’est un rituel courant dans l’Empire romain, ces pièces sont offertes en guise de porte-bonheur. La plus récente de ces pièces date de 378… 43 ans après la date présumée de la dédicace de l’édifice par Constantin et 41 ans après sa mort. (voir l’article sur Constantin)
De plus, Francesca Stasolla a révélé qu’on n’a pas découvert de trace d’une construction romaine sous l’édifice. Or, les sources chrétiennes prétendent qu’on a détruit un temple consacré à Vénus ou Jupiter (selon les sources) pour dégager le tombeau de Jésus et construire la basilique. [NB : pour les Romains, une basilique est un grand édifice rectangulaire servant de salle de réunion.]
Ces découvertes ne doivent pas nous étonner. Constantin n’aurait pas permis de détruire un temple qui appartenait à l’État. Même lorsque le christianisme est devenu la seule religion officielle en 392 sous Théodose, les temples sont restés inviolables.
À l’époque de Constantin, le christianisme était encore mal perçu par le peuple romain. Constantin, dont les finances n’étaient pas prospères, n’aurait pas consacré une partie du budget à cette religion. Lorsqu’il a fait construire Constantinople sur l’emplacement de la ville grecque de Byzance, il n’a pas fait construire d’édifice chrétien, même si son tombeau est devenu par la suite l’église des Saints-Apôtres.
Controverse… archéologique
En 2016, après des années de palabres, l’édifice surplombant le « tombeau du Christ », appelé « édicule« , a été rénové. Il était temps, car il menaçait de s’effondrer à la moindre secousse tellurique fréquente à Jérusalem. Le Saint Sépulcre est une copropriété entre trois communautés chrétiennes : les orthodoxes, les franciscains catholiques et les arméniens. Elles ont beaucoup de mal à prendre une décision en commun. La police israélienne a dû intervenir, évoquant des risques pour les pèlerins. L’édicule avait été reconstruit en vitesse en 1810 après un incendie.

Qu’on ne s’y trompe pas : d’après la tradition chrétienne, Jésus n’est pas mort, il n’a donc pas de tombeau. Après la crucifixion, son corps aurait été placé dans un caveau creusé dans la roche des collines entourant Jérusalem. Au premier siècle de notre ère, c’était un mode d’ensevelissement courant : dans les tombeaux ainsi creusés, un ou plusieurs lits de pierre permettaient de déposer les corps dans l’attente de leur décomposition. Les os étaient ensuite recueillis dans les urnes. Donc, le « tombeau du Christ » n’est qu’un lit de pierre. (voir l’article sur le tombeau de Jésus)
Lors des travaux, certaines découvertes archéologiques ont été faites, mais « ce n’était pas l’objectif des travaux » précise la rédactrice en chef du journal « Terre sainte« . Aucun historien neutre n’avait été convoqué. On a trouvé un tunnel (non expliqué) qui serpentait sous l’édifice et une dalle qui recouvrait le lit de pierre. Celle-ci était connue et intriguait, car elle portait une croix. Or la croix n’était pas encore un symbole chrétien à l’époque de Constantin (voir l’article sur la croix comme symbole chrétien). Il avait été admis que cette croix avait été gravée au XIe siècle lors de la reconstruction du Saint Sépulcre par les croisés. Le bâtiment avait été détruit en 1009 par Al-Hakim, le calife fatimide d’Égypte. Mais la professeure Antonia Moropoulou de l’Université Technique d’Athènes a daté par luminescence le ciment qui scellait la dalle et avance l’année 345. C’est 10 ans de plus que la date traditionnellement admise de l’inauguration de la basilique par Constantin en 335 et huit ans après la mort de l’empereur.

Conclusions
Alors, 345 ou 378 ? La seule source écrite fiable que nous ayons est le compte rendu du pèlerinage d’Égérie où elle affirme avoir visité la basilique de la Résurrection dans les années 380. Mais la date est-elle importante ? Certainement. Si l’église n’est pas l’œuvre de Constantin, toute l’Histoire peut être mise en doute et les propos de Celse de la fin du IIe siècle seraient confirmés. Il affirmait que les chrétiens « remaniaient leurs textes à leur guise« . L’histoire de l’Église serait donc idéalisée, bâtie sur des affabulations, des fantasmes, des inventions et une bonne dose d’imagination… en un mot, sur des mensonges.
Il faudra attendre la fin 2014 et la publication du rapport des fouilles pour connaître la version officielle. À l’heure actuelle, les autorités religieuses n’ont ni démenti ni confirmé les propos de la professeure Francesca Stasolla.
Socrate le scolastique (380-440) : l’inventeur du mythe.
Socrate le scolastique continua l’œuvre d’Eusèbe (236-339) et publia « L’histoire de l’Église« . C’est au chapitre 17 du deuxième livre qu’il conte la découverte du tombeau de Jésus et la construction de la basilique qui deviendra le Saint-Sépulcre. Voici ce qu’il dit en résumé :
Hélène [la mère de Constantin] étant venue à Jérusalem sur l’ordre de Dieu, trouva la ville déserte suivant la prédiction du prophète… Elle chercha le tombeau de Jésus. Comme il avait été en grande vénération par les premiers chrétiens, les Romains l’avaient recouvert de terre et y avaient élevé un temple en l’honneur de Vénus [vers 135]… Elle fit abattre la statue de Vénus et creuser la terre…. Elle découvrit trois croix… Elle trouva aussi l’écriteau où Pilate avait fait mettre en plusieurs langues le nom de Jésus [le titulus]. Pour reconnaître la vraie croix, elle demanda à une femme malade de les toucher. Elle guérit au contact de la vraie croix. Hélène fit construire une magnifique église au-dessus du tombeau. Une portion de croix resta sur place pour être vue par tout le monde, le reste fut envoyé à Constantin. Hélène envoya aussi à Constantin les clous dont les mains du Sauveur avaient été percées et le prince en fit faire un mors pour son cheval et un casque qu’il porta pour aller à la guerre…
Hélène fit ensuite bâtir une église à Bethléem, dans le lieu même où le Sauveur est né [NB les évangiles de Matthieu et de Luc ne sont pas d’accord sur l’endroit !], et une autre sur la montagne d’où le Seigneur monta au ciel.
