Pourquoi les musulmans ne consomment-ils pas de porc ? Le réponse est très simple, ils ont hérité cette pratique du judaïsme. Alors, d’où vient cette coutume pour les juifs ? Elle leur vient de l’Égypte des pharaons.
Relation Égypte-Hébreux
La relation entre les Hébreux et l’Égypte est une relation ambiguë, faite d’amour et de haine… si l’on en croit la Bible. (Pour la chronologie supposée, voir mon article : La chronologie biblique)
Tout commence avec Abraham. Il se rend avec son clan en Égypte où le pharaon tombe amoureux de sa femme Sarah qu’Abraham avait présentée comme sa sœur. Elle refile une « maladie » à Pharaon qui chasse les Hébreux. Suite à cet épisode, Abraham se fera circoncire. La Bible ne dit pas s’il y a une relation de cause à effet.
Le petit-fils d’Abraham, Jacob, qui est aussi appelé Israël, a douze fils. L’un d’eux, Joseph est vendu par ses frères à des caravaniers se rendant en Égypte. Dans ce pays, grâce à l’interprétation des rêves, Joseph se taille une place de choix : il devient premier ministre de Pharaon. (NB : Dans le récit des patriarches, les pharaons n’ont pas de noms. Il faut dire que les récits sont loin d’être historiques). Suite à une disette à Canaan, la tribu de Jacob, avec ses onze fils restant, viennent se réfugier en Égypte où ils sont accueillis par leur frère (Joseph) qui leur a pardonné.
La relation change, on ignore pourquoi. Dans la saga suivante, les Hébreux sont les esclaves des Égyptiens. C’est ici qu’intervient Moïse qui va faire sortir les Hébreux d’Égypte. j’ai consacré deux articles à ce personnage : Quel pharaon face à Moïse et Moïse au-delà du mythe.
Voilà pour le récit biblique. Le Coran reprend ces histoires dans les grandes lignes.
Abraham (Ibrahim) est « le modèle parfait de soumission à Dieu » (Co. 16-120). C’est la référence, le modèle : il n’est ni juif, ni chrétien, donc parfait ancêtre des musulmans. Si le Coran n’est pas disert sur le passage d’Abraham en Égypte, il le fait venir à La Mecque où il construira la Kaaba.
La saga de Joseph est la plus cohérente du Coran. Tout se trouve dans la sourate 12. Pas besoin de rechercher dans les sourates les versets se rapportant au personnage. Par contre, Abraham (Ibrahim) apparaît dans 13 sourates et Moïse (Musa), le plus cité, dans 19 sourates.
Alors que les Hébreux, conduits par Moïse, sont au nombre de 600.000 sans compter les femmes et les enfants, dans le récit biblique, les « Juifs ne sont qu’une bande peu nombreuse » dans la Coran (26, 56).
Deux versets font polémiques (7, 136-137). Ils donnent aux enfants d’Israël toutes les terres situées à l’est et à l’ouest du Nil ou de la Mer Rouge. De quoi permettre aux Arabes de revoir leur position sur les Israéliens ?
Alors nous (Dieu) nous sommes vengés d’eux (les Égyptiens) ; nous les avons noyés dans les flots, parce qu’ils traitaient de mensonges nos signes et n’y prêtaient aucune attention.
Et les gens qui étaient opprimés (les Hébreux), nous les avons fait hériter les contrées orientales et occidentales de la terre que nous avons bénies. Et la très belle promesse de ton Seigneur sur les enfants d’Israël s’accomplit pour le prix de leur endurance. Et nous avons détruit ce que faisaient Pharaon et son peuple, ainsi que ce qu’ils construisaient.
La place du porc dans l’Égypte ancienne.
Revenons à nos moutons, ou plutôt à nos porcs. Quelle était leur place dans l’Égypte des pharaons ? Je reprends ici un extrait de l’article « Le régime du Nil nourrit les Égyptiens » de Martina Tommasi paru dans la revue Histoire et civilisations (Le Monde) n° 66 de novembre 2020.
Le porc occupait quant à lui une place ambiguë. Lâché dans les champs avant les semailles pour aérer la terre et permettre une meilleure pénétration des semences, il consommait aussi les déchets alimentaires ce qui réglait la question de leur élimination et évitait qu’ils ne se transforment en source potentielle d’infection.
Le porc était malgré tout considéré comme un animal impur, dont le contact devait être suivi d’une immersion intégrale dans l’eau du fleuve et dont l’élevage interdisait à ses maîtres, pourtant des citoyens libres, d’entrer dans les temples ou de se marier.Des porcs n’en étaient pas moins sacrifiés une fois par an à la déesse Nout (déesse du firmament) et communément consommés par la population rurale.
Le fait que l’élevage des porcs interdise l’entrée dans le temple a dû jouer un rôle dans l’interdiction décidée par les Hébreux : ne pas entrer dans le temple, c’est être rejeté de la communauté. Or la société israélite des débuts est une société hautement égalitaire. Le ciment de la société, c’est la communauté. L’autre point : l’interdiction de se marier, est en totale contradiction avec la loi de Moïse. Tout Hébreux a l’obligation de marier ses enfants. Le porc, peu adapté à la topologie du terrain rocheux est donc banni par les Hébreux : la communauté reste soudée et la loi appliquée.
L’élevage des porcs dans les pays musulmans
L’élevage des porcs est interdit dans beaucoup de pays musulmans : l’Arabie saoudite, les pays du Golfe et la Libye. Dans les autres pays, ce sont les minorités non musulmanes qui s’en occupent. En Égypte, les coptes (chrétiens) élevaient les porcs dans la banlieue du Caire où, comme dans l’Antiquité, ces animaux consommaient les déchets alimentaires. En 2009, on comptait 350.000 porcs, avant que le gouvernement ne décide de les faire abattre pour éviter la propagation du virus de la grippe (H1N1)… qui n’était pas arrivé en Égypte et qui ne se transmet pas par les porcs ! Alors, affaire religieuse, attaque contre les coptes ou magouille financière : le gouvernement voulant récupérer des terres à grande valeur ajoutée si elles étaient débarrassées de ces éboueurs ?