Marie, la mère de Jésus

Omniprésente dans l’imaginaire des chrétiens romains (catholiques) et grecs (orthodoxes), Marie, la mère de Jésus, est presque absente du Nouveau Testament. Ignorée des épîtres, elle n’apparaît que furtivement dans les évangiles

Dans les textes canoniques

Évangile de Luc

L’Évangile de Luc est le seul, avec l’Évangile de Matthieu, à parler de la naissance de Jésus. Dans les deux évangiles, le récit de la naissance est un ajout tardif à un texte existant. On peut voir plusieurs raisons à cette addition : (1) la doctrine de Marcion (vers 140) qui fait de Jésus un être céleste qui est apparu sur terre sous la forme d’un homme de 30 ans ou (2) le soupçon de l’infidélité de Marie émis par Celse à la fin du IIe siècle et repris par les Talmuds.

Dans l’Évangile de Luc, un ange annonce à Marie, qui est toujours vierge, qu’elle enfantera le fils de Dieu : « celui qui va naître sera saint et sera appelé Fils de Dieu » (Luc 1, 35).
Puis, Marie disparaît du récit : elle ne se trouve pas au pied de la croix lors de la crucifixion. Luc ne mentionne que « les femmes qui avaient accompagné [Jésus] depuis la Galilée » (Luc 23, 55).

Évangile de Matthieu

Dans Matthieu, c’est Joseph qui joue le rôle principal. C’est à lui que l’ange annonce la naissance de Jésus : « Joseph fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse : ce qui a été engendré en elle vient de l’Esprit saint » (Mat. 1,20).

Après la naissance, Marie n’est plus nommée dans l’évangile, on y retrouve, comme dans l’Évangile de Luc, la rencontre de Jésus avec sa famille à Nazareth : « Voilà que ta mère et tes frères…« .
Marie est également absente lors de la crucifixion : « Il y avait là plusieurs femmes : Marie de Magdala, Marie mère de Jacques et de Joseph et la mère des fils de Zébédée » (Mat. 27, 55-56). Marie, mère de Jacques et de Joseph est-elle la mère de Jésus ? Non, proclame le dogme, Marie n’a qu’un seul enfant, Jésus. Elle est restée vierge.

Évangile de Marc

Marie est très discrète dans l’Évangile de Marc. Lorsqu’il est en Galilée, Jésus est reconnu par la foule : « N’est-il pas le fils du charpentier, le fils de Marie et le frère de Jacques, Josès, Jude et Simon ? » (Marc 6, 3). Et c’est tout. Marie n’est pas présente lors de la crucifixion : « Il y avait aussi les femmes : Marie de Magdala, Marie mère de Jacques le petit et de Jose et Salomé » (Marc 15, 40).

Cet évangile contredit l’annonce faite par un ange. Ne lit-on pas en 3, 21 : « il a perdu la tête ». Ses parents ne semblent pas savoir « qu’il devait s’occuper des choses du Père » comme proclamé dans les évangiles de Luc et de Matthieu.

Évangile de Jean

Cet évangile est particulier, il ne nomme jamais Marie, il parle de la « mère de Jésus » et il la met en scène lors de deux événements : les noces de Cana (ignorées des autres évangiles) et la crucifixion de Jésus.

« Il y avait une noce à Cana et la mère de Jésus était là… » (Jean 2, 1) Elle dit à Jésus « ils n’ont plus de vin« , ce à quoi Jésus répond : « Que me veux-tu femme ? Mon heure n’est pas encore venue » (Jean 2, 4).

Lors de la crucifixion : « Près de la croix se tenaient sa mère, la sœur de sa mère, Marie, femme de Clopas et Marie de Magdala. » (Jean 19, 25). A cette occasion, Jésus, confie sa mère au « disciple qu’il aimait » que la tradition identifie comme étant Jean. Mais dans les écrits apocryphes (voir plus bas), jamais Marie ne se trouve en compagnie de Jean.
J’ai consacré un article au « disciple que Jésus aimait« , à la famille de Jésus et aux nombreuses Marie présentes dans les évangiles.

Dans le Coran et les Talmuds

Dans le Coran, Marie (Maryam) est la seule femme nommée. Elle est citée dans 16 versets de 4 sourates plus 13 fois comme mère de Jésus, qui lui est cité dans 39 versets de 7 sourates. Dans le Coran, Jésus n’a pas de père.
La reine de Saba, autre femme du Coran, apparaît dans la sourate 27, des versets 20 à 44, mais elle n’a pas de nom. La tradition l’appelle Bilqis.
Marie est plus présente dans le Coran que dans le Nouveau Testament… et avec beaucoup plus d’admiration et de tendresse.

Souviens-toi de celle qui a conservé sa virginité. Nous avons insufflé en elle notre esprit. Nous avons fait d’elle et de son fils un signe pour l’univers. (Co. 21, 91)

Dans les Talmuds, qui datent du IVe siècle de notre ère, Marie (Myriam) n’a pas un très beau rôle. Elle est décrite comme une coiffeuse tellement volage que son mari Papos ben Yehouda, l’enferme lorsqu’il quitte le domicile. Dans une autre version, c’est une fille de bonne famille, violée par un voisin, Yossef ben Pandera. Le voisin deviendra le légionnaire romain Pantera.

Pour l’anecdote, le professeur James Tabor (université de Caroline du Nord) a « retrouvé » la tombe d’un certain Tiberius Julius Abdes Pantera, légionnaire romain mort en Germanie au milieu du Ier siècle. Sa légion, commandée par Varus, venait de Palestine, elle avait combattu Judas bar Ézéchiel, qui s’était proclamé messie à la mort d’Hérode en -4. Abdes serait la forme romaine d’un nom juif signifiant « esclave (abd) de YWHW », l’équivalent de l’arabe d’Abd Allah. Celse dans son ouvrage contre les chrétiens à la fin du IIe siècle évoque déjà la filiation de Jésus et de Pantera. Cette hypothèse reçoit un écho dans l’Évangile de Marc qui présente Jésus comme le « fils de Marie » et pas celui de Joseph comme l’exigerait la coutume juive.

Dans les textes apocryphes

Personnage secondaire du Nouveau Testament, Marie prend une revanche éclatante dans les textes apocryphes où pas moins de huit ouvrages lui sont consacrés. Sa vie est mieux documentée que celle de Jésus. On la suit de sa naissance jusqu’à sa mort. Qu’on ne s’y méprenne pas sur mes propos : on ne connaît pas la vie de Marie, c’est une vie supposée, embellie, que racontent les textes apocryphes. Voici les principaux livres :

Livre de la nativité de Marie (IXe siècle)

Marie, de la race royale de David, est née à Nazareth et est élevée dans le temple de Jérusalem dès l’âge de trois ans. Un ange était apparu à son père, Joachim, puis à sa mère, Anne, annonçant la naissance de Marie. Lorsqu’elle est en âge de se marier, le grand-prêtre lui fait rencontrer des prétendants. C’est Joseph, un veuf avec enfants, également de la race de David qui est choisi. Le grand-prête les marie. Ils s’installent à Bethléem où naîtra Jésus.

C’est le plus tardif des textes, celui qui servira de guide aux fidèles. Il est un condensé en latin des textes plus anciens écrits le plus souvent en grec.

Protévangile de Jacques

C’est le texte le plus ancien, peut-être du IIe siècle. Il est écrit en grec.
Joachim et Anne sont vieux, sans enfant. Un ange leur rend visite et annonce la naissance de Marie. Elle entre au temple à trois ans, épouse Joseph à 12 ans. Ils se rendent à Bethléem pour répondre à l’édit d’Auguste ordonnant un recensement. Ils sont accompagnés des fils de Joseph. Marie accouche dans une grotte « couverte d’une nuée lumineuse ». La sage femme qui l’accouche constate qu’elle est vierge. Elle le clame aux alentours. Salomé qui passait par là déclare : « … si je n’y met pas mon doigt et n’examine sa nature, je ne croirai nullement qu’une vierge ait enfanté ». Sa main se consuma. Mais dès qu’elle eut pris l’enfant dans les bras, elle fut guérie : « Je l’adorerai, car c’est lui qui est né roi pour Israël« .

Les mages ayant suivi une étoile arrivent à Bethléem pour adorer « le roi des Juifs, le Christ », lui offrant de l’or, de l’encens et de la myrrhe. A cette nouvelle Hérode, jaloux de la naissance d’un roi des Juifs, lui qui n’est que roi de Judée, décide de tuer tous les enfants de moins de deux ans. Marie cache Jésus dans une mangeoire.

Le texte dévie et s’intéresse alors à Jean (le Baptiste) que sa mère a caché dans la montagne. Hérode le recherche, en vain, et fait tuer son père Zacharie, qui était prêtre du temple de Jérusalem.

Évangile de l’enfance du pseudo-Matthieu

C’est un texte en latin, qui reprend le Protévangile de Jacques. Il ajoute la fuite de la famille de Jésus en Égypte avec trois serviteurs et une servante. En cours de route, Jésus affronte des dragon. Les lions et les léopards s’inclinent devant lui. Tous les animaux font route avec eux. « Ainsi fut accompli ce que dit Isaïe : Le loup paîtra avec l’agneau, et le lion avec le bœuf mangeront ensemble de la paille« .

Ce texte est à la base des pèlerinages qui aujourd’hui encore suivent les traces de la « Sainte-famille » en Égypte.

Histoire de l’enfance de Jésus

Étrangement, Marie est absente de ce livre du IIIe siècle (?) qui nous apprend que Jésus était un garnement sous la surveillance de son père. Il fabrique des oiseaux en argile et quand on lui fait remarquer qu’il est interdit de travailler le jour du sabbat, il leur donne vie et ils s’envolent.
Un enfant lui heurte l’épaule, Jésus lui dit « Tu ne continueras pas ton chemin » et l’enfant tombe mort.
Il refuse l’enseignement qu’un maître veut lui prodiguer : « Je me considère étranger aux choses que tu as dites, ô maître. Je suis autre que vous, même si je suis parmi vous ». A douze ans, c’est lui qui enseigne dans le temple.

Histoire de joseph le charpentier

C’est un texte copte daté du VIe ou du VIIIe siècle. Jésus est le conteur de l’histoire. Il raconte le premier mariage de Joseph qui lui aurait donné quatre fils et deux filles nommées Lycie et Lydie. Il rencontra Marie au Temple alors qu’il avait 90 ans et elle douze. Elle passa deux ans avec lui, puis l’épousa. Ensuite viennent les épisode sur la naissance de Jésus, la fuite en Égypte, le retour à Nazareth. Ici, Jésus est un enfant très sage : « …je vivais avec eux dans la soumission de l’enfance… ».
Joseph avoue à Jésus qu’il a douté de la fidélité de Marie alors qu’elle était enceinte de trois mois durant lesquels il avait été absent : « et de chagrin, il ne mangea ni ne bu ». La nuit, l’ange Gabriel vint le rassurer : « Celui qu’elle enfantera est issu de l’Esprit saint ».
Joseph mourut à 111 ans.

Évangile de Nicodème

Cet évangile date de la fin du IVe siècle quand Jésus est déjà devenu Dieu. Il raconte en détail le jugement et la crucifixion de Jésus. Il nous intéresse car il décrit l’état d’esprit de Marie, de l’annonce de son arrestation à sa mise au tombeau. Elle est appelée Mère de Dieu. Jésus la confie à Jean.
L’évangile se termine par de longs chapitres sur les apparitions de Jésus après sa résurrection.

Dormition de Marie

C’est un texte du Ve ou VIe siècle dont plus de 60 copies, dans toutes les langues, nous sont parvenues. Sur base de ce texte, l’empereur byzantin Maurice (582-602) fixa la date de la Dormition de Marie au 15 août.

La Dormition est une mort sans résurrection : « l’âme de Marie fut prise par Jésus et placée dans les trésors du Père », le corps ayant été enterré dans un tombeau.

Dans ce texte, contrairement aux dires de l’Évangile de Jean, Marie ne réside pas avec Jean, elle vit à Jérusalem où elle prie tous les jours sur le tombeau de Jésus. Un ange lui ayant annoncé sa mort, elle réunit les disciples… et Jean vient d’Éphèse et ceux qui étaient déjà morts furent « réveillés de leurs tombeaux ».

Assomption de Marie

Ce livre raconte une histoire identique au précédent. Un chapitre a été ajouté. Le corps de Marie ne reste pas au tombeau : « Et le Seigneur (Jésus) dit à Michel (l’ange) de prendre le corps de Marie sur une nuée et de le déposer au paradis ».

Évolution du dogme

Au début du christianisme, Marie n’est l’objet d’aucune dévotion particulière. Son culte va se développer à partir du IIIe siècle en Orient. Probablement pour contrer le culte omniprésent de la déesse Isis et de son fils Osiris.

En 431, au concile d’Éphèse, Marie est déclarée Théotokos, « Mère de Dieu », malgré l’opposition du patriarche de Constantinople, Nestorius. Pour lui, Marie est la mère de l’homme appelé Jésus, la mère du Christ à la rigueur, mais pas la mère de Dieu, car une mère précède toujours son fils, donc Marie était avant que Dieu soit. Il est excommunié et partira vers la Perse. Sa doctrine, le nestorianisme, se répandra jusqu’à la cour des khans mongols.

En 553, au concile de Constantinople, la virginité perpétuelle de Marie sera élevée au rang de dogme.

Au Moyen-Âge, la Vierge Marie deviendra un objet essentiel de culte. Beaucoup d’église dédiée à Notre-Dame verront le jour dans toute l’Europe.

Dans sa bulle Ineffabilis Deus de 1854, le pape Pie IX Proclame de dogme de l’Immaculée Conception. Marie a été conçue hors du péché originel.

Un dernier point va être ajouté au dogme en 1950 par le pape Pie XII, celui de l’Assomption célébrée le 15 août : le corps de Marie a été élevé au ciel après sa mort, où elle demeure. On a vu que la Dormition était professée depuis la fin du VIe siècle.

Les protestants ne reconnaissent pas ces deux derniers dogmes. Seuls les protestants intégristes croient à la naissance virginale de Jésus.

Les apparitions

A Lourdes en 1858, Marie apparaît à Bernadette Soubirous, une adolescente de 14 ans. Marie se serait présentée comme l’Immaculée Conception… dogme officialisé quatre ans auparavant.

En pleine guerre mondiale, en 1917, mais loin des combats, Marie apparaît à 3 jeunes bergers, 2 filles et un garçon, dans la localité portugaise de Fatima.

Enfin, en 1933 à Banneux en Belgique, Marie apparaît à Mariette Beco une fillette de 11 ans… quelques semaines après être apparue dans une localité voisine : Beauraing qui attirait déjà 30.000 pèlerins. L’apparition sera reconnue en 1947 par le pape Pie XII.

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