D’après le colloque d’Henri Platelle à Boulogne sur Mer.
Nous sommes au début du XIIe siècle, vers 1110, dans la ville de Soissons, le monastère de Saint-Médard exhibe une dent du Christ. Cette relique attire beaucoup de pèlerins, d’autant plus que la rumeur rapporte plusieurs miracles.
Un moine, Guibert de Nogent, va s’offusque de ce qu’il considère comme une supercherie. Il énoncera ses arguments dans un traité sur les reliques : De pignoribus sanctorum (Des promesses des saints).
Au Moyen Âge, l’esprit pragmatique des Romains a disparu : le monde spirituel et le monde matériel se sont mélangés pour former un tout continu. Guibert va rappeler que le spirituel est distinct et ne peut être perçu par les sens. Donc, dans la Bible, le spirituel est décrit en utilisant des images du monde sensible. Ce sont des images qu’il ne faut pas prendre au pied de la lettre.
Pour lui, il y a trop d’abus concernant les saints, les reliques et les miracles. Il prêche pour un culte dans lequel l’esprit exerce un examen strict des causes, un « culte raisonnable », comme l’apôtre Paul le recommande dans l’Épitre aux Romains (12, 3).
… n’ayez pas de prétentions au-delà de ce qui est raisonnable. Soyez assez raisonnables pour n’être pas prétentieux, chacun selon la mesure de la foi que Dieu lui a donné en partage.
L’Eucharistie assure seule la présence du Christ dans notre monde dit-il. Les reliques du Christ sont des prétentions illusoires. Les reliques du corps du Christ sont en contradiction avec le dogme de sa résurrection. De plus, les contemporains des jeunes années de Jésus n’ont pas pris soin de garder quoi que ce soit du personnage dont ils ignoraient le caractère, donc, les dents, le prépuce, le lait de sa mère sont des escroqueries.
Les saints
Il préconise d’étudier soigneusement la vie des saints et d’écarter tous ceux dont on connaît trop peu la vie.
Alors que je suis parfois dans l’erreur pour des choses qui tombent sous le sens, comment pourrais-je dire des choses vraies sur des personnages que personne n’a jamais vu ?
Même quand elles racontent des choses vraies, elles sont rédigées en un style si grossier, si vulgaire que là où elles ne le sont justement pas, elles font encore l’effet d’être fausses.
Il cite l’exemple de saint Pyron jeté dans un puits par les Barbares. Après enquête, Guibert découvre que l’abbé pris de boisson est tombé dans ce puits et s’y est noyé.
Il met aussi en évidence la rivalité entre les localités qui veulent toutes avoir leur saint et appirer les pèlerins.
Les miracles
L’examen critique préalable à tout culte officiel adressé à un saint est hors de portée des simples croyants prêts à vénérer des personnes qui brulent peut-être en Enfer. Et les miracles apparents ne sont pas toujours un signe de sainteté : les rois de France guérissent des écrouelles (abcès ganglionnaire d’origine tuberculeuse).
J’ai vu de mes propres yeux des malades souffrant d’écrouelles au cou ou en d’autres parties du corps accourir en foule pour se faire toucher par le roi, toucher auquel il ajoutait le signe de la croix.
Guibert assure avec vu le roi toucher les malades… mais il ne parle pas de guérisons. Historiquement, ces guérisons ne sont pas avérées.
Conclusion
L’ouvrage en trois volumes de Guibert de Nogent n’a eu aucun effet en son temps. Il n’était pas hérétique, il voulait simplement purifier le culte des saints et des reliques. Il distingue les gens simples du peuple dont la crédulité est exploitée et les « autorités » ecclésiastiques qui tirent profit et puissance du culte des saints et des reliques. Guibert conclut que Dieu se montrera indulgent envers les premiers et punira les autres.
Mais sa démarche arrivait trop tôt. Il faudra attendre Luther et Calvin pour expurger la foi de ses à-côtés parfois encombrants. Mais ce « nettoyage » n’a atteint l’intérieur du catholicisme, il a donné naissance à une nouvelle religion, le protestantisme. Aujourd’hui, l’adoration des « reliques », l’évocation des saints et la foi aux miracles sont toujours l’apanage du catholicisme.