Pourquoi ce soutien inconditionnel à Israël ?

Quelles que soient les exactions de l’État d’Israël, les États-Unis honoreront toutes les commandes d’armement et ils opposeront leur veto à toutes les résolutions de l’ONU qui déplaisent à Israël. Pourquoi ? La raison est illogique et montre que la bêtise humaine n’a pas de limite. C’est angoissant!

Le sionisme… chrétien

D’après l’article de Jean-Pierre Filiu dans le mensuel l’Histoire de juillet 2024.

L’expression « sionisme », qui décrit le retour à Sion, une colline de Jérusalem, a été utilisée pour la première fois vers 1880 par Léon Pinsker (1921-1891), un médecin juif russe dans son ouvrage « L’auto émancipation ». Le terme fut repris et politisé par Théodore Herzl (1860-1904), dans son ouvrage « L’État juif » où il développe l’idée de donner un territoire au peuple juif. Il est le fondateur du mouvement sioniste au congrès de Bâle en 1897. A l’origine, ce mouvement était essentiellement laïc.

Mais l’idée du sionisme est antérieure à la fin du XIXe siècle, et elle n’est pas juive ! Dès la fin du XVIIIe siècle, dans les milieux protestants anglo-saxons, naît l’idée de la « restauration » du peuple juif sur « sa » terre d’Israël. Cette restauration dépend de l’accomplissement des prophéties et donc du salut des fidèles chrétiens ; elle est le prélude au retour du Messie.

En 1844, George Bush, un ancêtre des deux présidents homonymes, appelle au « rappel définitif de la race juive de sa dispersion et de sa réinstallation sur la terre léguée par l’Alliance« . Mais quel est l’intérêt des chrétiens ? Une lecture littérale de la Bible et l’archéologie de confirmation des récits bibliques font croire que l’humanité est proche du septième et dernier cycle du grand dessein divin. On ne pourra y accéder que par le « retour » du peuple juif sur la terre d’Israël. Ce sera le signe du « ravissement« , l’envol vers Dieu. Après Nelson Darby, traducteur de la Bible en 1867, les deux tiers des juifs seront exterminés, les autres se convertiront au christianisme. Les sionistes chrétiens vont s’étonner du peu d’empressement des juifs à adhérer à leur idée, la majorité des juifs fuyant les pogroms dans l’Empire russe vont émigrer vers la nouvelle terre promise, les États-Unis. Parmi eux, on retrouve les ancêtres d’Anthony Blinken, secrétaire d’État du gouvernement Biden, et Victoria Nuland, sous-secrétaire d’État du même gouvernement.

Ensuite vient, en 1916, la lettre du ministre britannique Lord Balfour qui propose à Lionel Rothschild, financier du mouvement sioniste, « d’établir un foyer national pour le peuple juif en Palestine« . Toutes ces initiatives ne tiennent nullement compte de la situation politique de la Palestine, qui il est vrai est peu peuplée à l’époque (voir l’article : Jérusalem au XIXe siècle). Lorsque les territoires de l’Empire ottoman seront partagés entre la France et la Grande-Bretagne, le Premier ministre britannique Lloyd George insistera pour que les frontières de la Palestine respectent la vision biblique de la « Terre d’Israël ».

Il faut attendre 1944, et l’arrivée à la présidence des États-Unis d’un fanatique religieux, Harry Truman, pour que ce pays s’engage résolument en faveur d’un État d’Israël.
En 1967, la détermination de coloniser les territoires palestiniens occupés est célébrée par les sionistes chrétiens comme le signe de l’accomplissement des prophéties. Le lobby pro-israélien se transforme en un lobby pro-Likoud. En 1995, le Congrès américain vote une résolution prônant le déplacement de la capitale d’Israël vers Jérusalem et en 2017, le président Donald Trump, soutenu par les sionistes chrétiens, transfère l’ambassade des États-Unis à Jérusalem.

Le mouvement sioniste chrétien actuellement aux États-Unis

D’après le film de Tonje Hessen Schei : Prier pour l’Apocalypse.

L’attente de l’Apocalypse n’a jamais été aussi importante aux États-Unis. Toute une série de mouvements eschatologiques ont vu le jour (Les évangéliques : voir l’article), la First Baptist Church, Les chrétiens unis pour Israël, etc.). Ces mouvements comptent 100 millions d’adhérents, soit 30% de la population ! Des prêcheurs hystériques exhortent les fidèles à soutenir et prier pour Israël. Ils prophétisent : « Au nom de Jésus je dis : les signes sont là, la morale s’effondre, Dieu va lever une armée, battez-vous. » L’Apocalypse est une bonne nouvelle, elle prépare le retour du Messie. Le pasteur Rollinger donne des cours bibliques aux députés, plus de 10 % assistent régulièrement à ses séminaires. D’après lui : « Deux nations ont été créées pour défendre et honorer Dieu, les États-Unis et Israël« .

Le lobby juif : AIPAC

L’AIPAC ou American Israel Public Affairs Committee est un lobby créé en 1963 dans le but de soutenir Israël. Ce lobby est très proche de la droite israélienne.

Chaque année, il organise un dîner à Washington où les personnalités américaines et israéliennes se rencontrent. Tous les anciens présidents en vie s’y pressent.

L’objectif de l’AIPAC est de s’assurer du soutien des États-Unis à l’ONU et dans toutes les actions entreprises par l’État hébreu. Pour cela, il finance les campagnes des candidats au Congrès qui sont proches d’Israël. Sa mainmise sur le Congrès assure à Israël une aide financière et militaire très généreuse.

Qu’en pensent les juifs ?

En Israël, le mouvement messianique se développe. Le gouvernement Netanyahou compte 32 ministres issus de 6 partis : le Likoud (extrême droite) majoritaire, Shas, le Noam, le Mafdal et le Parti sioniste religieux (tous religieux ultra-orthodoxes) et l’Otzma Yehudit anti-palestinien. Tous ces partis militent pour l’éradication des Palestiniens et l’occupation totale des territoires. Lorsque cet objectif sera atteint, le Messie viendra et réunira tous les juifs. Israël régnera sur le monde. Comme le dit le propagandiste juif Bernard-Henry Lévy : « Israël est une bénédiction pour le monde« … mais pas pour tout le monde.

Mais tous les Juifs ne sont pas d’accord. Des rabbins anglo-saxons ont une vision complètement différente. Sur les réseaux sociaux, ils proclament que Dieu a chassé les Juifs d’Israël à cause de leur impiété et il n’a pas encore permis à ceux-ci de revenir. Le retour sur la terre promise se fera sous la conduite du Messie lorsqu’il viendra. Pour eux, l’occupation actuelle de la Palestine est une insulte envers Dieu.

Et en France

Non moins inquiétante est la situation en France, et je ne parle pas de politique ni d’économie : s’opposer au narratif officiel du gouvernement sioniste de Netanyahou expose à des poursuites judiciaires pour « acte antisémite », au mieux, ou « apologie du terrorisme ». Les « fausses vérités » sont la norme ! Heureusement, jusqu’à présent, on compte peu de condamnations.
La France est le pays d’Europe qui compte le plus de Juifs : 500 000, soit moins de 1 % de la population. Mais le lobby juif est très puissant, près de 10 % des députés de l’Assemblée sont juifs et israéliens. La présidente de l’Assemblée, Yaëlle Braun-Pivet, n’hésite pas à l’afficher.
Le CRIF (Conseil Représentatif des Institutions juives de France) organise chaque année un dîner où les membres influents du gouvernement sont conviés. Président et Premier ministre se succèdent à la tribune pour affirmer leur soutien à Israël et promettre de combattre l’antisémitisme. En France, le mot « antisémite » a subi un glissement sémantique. Auparavant, un antisémite était une personne qui n’aimait pas les Juifs, aujourd’hui, c’est une personne que les pro-Israël n’aiment pas.

Madame Yaëlle Braun-Pivet à l’Assemblée

2 commentaires sur “Pourquoi ce soutien inconditionnel à Israël ?

  1. Réaction à l’article de Jean-Pierre Filiu. Le début de son article montre soit son ignorance, soit sa mauvaise foi. L’expression « retour à Sion » n’est pas une invention de Léon Pinsker dans les années 1880, mais une expression biblique qui se trouve dans le psaume 126 de la bible hébraïque (125 de la bible chrétienne), et qui témoigne du retour des Juifs de l’exil de Babylone vers -536 (il a donc été écrit dans les débuts de ce que l’on appelle la période du second temple). Or ce psaume est lu ou chanté dans les familles juives le shabat (samedi) avant la prière des graces après le repas depuis des centaines d’année (on en a dèjà des traces de cette habitude vers l’an 750). Léon Pinsker était un juif plutôt assimilé à la culture moderne de la fin du XIXe siècle, mais il avait grandi dans une famille traditionnelle et savait que cette expression était pour les Juifs, à qui il s’adressait dans son livre, l’expression de l’espoir de la fin de l’exil. Conclusion : soit Jean-Pierre Filiu est un ignorant de l’histoire du Judaïsme, et cela remet en cause sa capacité à écrire un article sur un tel sujet. Soit il cache volontairement l’origine de cette expression, ce qui montre la mauvaise foi qui l’anime (qu’on peut constater dans d’autres passages de son texte) et un site tel que le votre devrait se dispenser d’utiliser des textes de propagande qui ne peuvent servir votre but de construire un lien entre tradition religieuse et histoire. Dr Alain Michel, rabbin et historien, Jérusalem

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    1. Jean-Pierre Filiu, professeur d’histoire du Moyen-Orient à Sciences Po Paris, a raison : Léo, Pinsker a été le premier à utiliser l’expression « retour à Sion » dans un ouvrage à destination du grand public, loin des salles confinées où les juifs célèbrent le shabat.

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