Éthiopie , pays des religions atypiques

Cet article est inspiré du dossier paru dans « Le monde de la Bible » n° 235 de décembre 2020.

Introduction

Bien qu’entouré de pays musulmans, l’Éthiopie, pays de la corne de l’Afrique, un des « berceaux de l’humanité », ne compte qu’un tiers de musulmans. Riche de son passé, il a su garder sa propre culture religieuse.

Ses habitants se nomment eux-mêmes les Habesha, les collecteurs d’encens. Ce nom, déformé par les grecs, a donné Abyssinie, l’ancien nom du pays. Sa population sémite aurait immigré depuis le sud de la péninsule arabique (Yémen) au 1er millénaire avant notre ère.

Au IVe siècle de notre ère, la ville d’Axoum, qui donnera son nom à un Etat, devient un acteur majeur du commerce entre l’Egypte et l’Inde grâce au contrôle de la navigation dans la mer Rouge. L’encens, l’or, l’ivoire, la soie et les épices transitent pas ses ports. Non ! La Mecque n’avait pas le contrôle de la route de l’encens entre le sud de la péninsule et le monde romain. Le transport ne se faisait pas à dos de chameau, mais par la mer.

Axoum deviendra le deuxième pays chrétien après l’Arménie. Il a développé une langue originale, le guèze, dont l’alphabet comporte 182 syllabes (!), composées d’une consonne et d’une voyelle. Depuis le IVe siècle, l’Éthiopie produit de nombreuses œuvres littéraires riches et variées. Le guèze est tombé en désuétude depuis le XIXe siècle, mais il reste la langue liturgique du rite chrétien.

Texte ancien en guèze
Le judaïsme éthiopien

On ignore quand le judaïsme s’est implanté en Éthiopie. Est-ce une réaction au christianisme ou au contraire, le christianisme s’est-il développé dans les communautés juives ? La question reste posée tant leurs pratiques et leurs observances se chevauchent. Les juifs d’Éthiopie prétendaient être les descendants du roi Salomon et de la reine de Saba, qui s’appelle ici Makeda. (Elle est appelée Bilqis au Yémen). Celle-ci, enceinte lorsqu’elle quitta Salomon, donna naissance à un fils Ménélik. Ménélik rendit visite à son père et ramena… l’Arche d’alliance en Éthiopie. Elle serait toujours conservée dans une chapelle de l’église Sainte-Marie-de-Sion où seul un prêtre peut la côtoyer en certaines occasions (Voir l’article sur l’Arche). Cette légende a été adoptée tant par les juifs que par les chrétiens.

Mais depuis 1990, il n’y a plus de juifs en Éthiopie ! L’intégralité de la communauté, soit 60.000 personnes, a émigré en Israël… où les Éthiopiens ne sont pas les bienvenus. Leur reconnaissance par les rabbins israéliens a donné lieu à de débats passionnés. Elle s’est assortie de conditions : les hommes ont dû faire don d’une goutte de leur sang, euphémisme pour dire qu’ils ont dû se plier à une seconde circoncision, et les femmes ont dû se soumettre à un bain rituel. Tous ont dû adopter le judaïsme normatif. Une grande partie de la communauté a conservé ses propres rites. La communauté est dirigée par des moines célibataires, des grands prêtres régionaux et des prêtres locaux ! Pas de rabbins.

Cérémonie chrétienne où une réplique le l’Arche est promenée.
Le christianisme éthiopien

Le christianisme éthiopien est apparenté au christianisme copte, les évêques ont été nommés par le patriarche d’Alexandrie jusqu’en 1959. Aujourd’hui, l’Église éthiopienne est indépendante, autocéphale, elle se proclame « Église orthodoxe », mais n’a rien à voir avec le rite gréco-russe.
La majorité de la population est chrétienne. Les chrétiens d’Éthiopie ne reconnaissent pas les conclusions du concile de Chalcédoine de 451 (voir l’article sur la nature de Jésus) : pour eux, Jésus n’a qu’une seule nature, ses natures divine et humaine ont fusionné.

Ce n’est pas leur seule particularité. Leur Bible comporte 81 livres, contre 73 chez les catholique et 66 chez les protestants. Ils pratiquent la circoncision, ils respectent le double repos sabbatique : celui du samedi et celui du dimanche et évitent de manger les aliments interdits par la Thora.

A côté d’églises de style classique richement décorées, l’architecture de certaines églises sont remarquables et surprenantes.

Elles peuvent être juchées dans des montagnes quasi inaccessibles ou creusées dans le sol, comme à Lalibela, ville qui doit son nom à un souverain qui régna aux environs de 1200.

Les fêtes ne sont pas moins originales, comme la fête de Timkat (baptême en amharique, une des 83 langues d’Éthiopie) qui a lieu en janvier et qui dure trois jours, de grande liberté pour les jeunes dans une société traditionnelle. C’est à cette occasion que les tabot, les copies de l’Arche d’alliance sortent des églises, accompagnées de musiques et de chants. Les cortèges convergent vers un même lieu, différent suivant les régions. Le plus célèbre est le site des bassins de Gondar, où les jeunes se lancent dans l’eau. La fête ne commémore-t-elle pas le baptême de Jésus ? Mêmes les musulmans s’associent à la fête.

Remarquons les couleurs des drapeaux de la seconde photo. Ce sont celles du pays, mais ce sont aussi les couleurs affichées par les « rastas » jamaïcains chantés par Bob Marley. Dans les années 1960, l’Éthiopie était une nouvelle terre sainte (Sion, prononcé Zayen dans les chansons) pour certains Jamaïcains qui considéraient l’empereur éthiopien, Haïlé Sélassié, le négus, le roi des rois, comme un messie. Le culte des rastafari pour Haïlé Sélassié est inspiré des mots du leader nationaliste jamaïcain Marcus Garvey, qui avait déclaré en 1920 : « Regardez vers l’Afrique, où un roi noir devrait être couronné, pour le jour de délivrance ». Haïlé Sélassié est le dernier roi d’une dynastie qui prétendait descendre du roi Salomon. Il a été assassiné lors d’un coup d’Etat en 1975 au grand dam de tous les Jamaïcains qui avaient émigré en Éthiopie.

L’islam éthiopien

La tradition musulmane raconte qu’à La Mecque, les disciples de Mahomet étaient persécutés par les notables. En 615, Mahomet leur conseilla de partir pour l’Éthiopie, où ils furent accueillis par le roi chrétien Ashama. La générosité du roi pour les transfuges a été récompensée par une fatwa de Mahomet : « Laissez les Éthiopiens en paix, tant qu’ils vous laisseront en paix. » L’Éthiopie était un Dar-al-Hyyad, un pays neutre, exempt de djihad. Et effectivement, lors de l’extension de l’islam, l’Éthiopie fut épargnée. Ce qui explique qu’aujourd’hui, elle reste à majorité chrétienne.

Il y eu bien au XVIe siècle, un émir, Ahmad ibn Ibrahim, qui s’attaqua au patrimoine chrétien, mais il fut vaincu avec l’aide des Portugais. La porte était ouverte aux missionnaires chrétiens, dont les jésuites, qui furent bien vite interdits de séjour et expulsés.

Aujourd’hui, l’Arabie Saoudite finance un vaste projet de conversion à l’islam wahhabite.

732 : les Arabes sont arrêtés à Poitiers

Voici une date et un événement qui nourrit l’imaginaire (historique) des Français. Mais que s’est-il passé à Poitiers en 732 ?

Qu’est devenu l’Empire romain ?

Voici déjà plus de 400 ans que les peuples germains ont remplacé les Romains dans les territoires de l’ouest de l’Empire. Les Germains au contact des Gallo-romains se sont romanisés. Ils sont chrétiens et considèrent l’évêque de Rome comme chef de l’Eglise. Mais l’institution religieuse est déjà en déclin : les fils cadets des familles nobles occupent les postes d’évêques… sans renoncer aux plaisirs de la vie : sexe, chasse et ripailles.
On parle latin dans les hautes sphères du pouvoir, mais la culture s’est appauvrie : seule une très petite minorité sait lire et écrire. Dans l’Empire romain, les personnes cultivées étaient nombreuses, non seulement parmi les citoyens, mais aussi parmi les esclaves. Le monopole de la fabrication des papyrus venant d’Egypte avait permis la diffusion de textes écrits. Un écrit sur papyrus pouvait s’acheter pour le montant d’un jour de solde d’un légionnaire. On a retrouvé la trace de 20 bibliothèques à Rome.
Par contre, au VIIIe siècle, les documents sont écrits sur du parchemin, des peaux d’animaux traitées par un processus long et coûteux. Les livres ne sont plus à la portée du peuple. Ecrire et lire devient un art.

La solde des légionnaires a évolué suite à l’inflation : de 1200 sesterces au Ier siècle, elle a atteint 7200 sesterces fin du IVe siècle. C’est un montant brut ! L’Etat gardait 20% pour la retraite du légionnaire, après 25 ans de service… ou comme pension pour sa veuve et ses orphelins. L’armée en prélevait 50% pour la nourriture et l’équipement. Au Ier siècle, le légionnaire gagnait donc 10 sesterces nets par jour, soit 2,5 deniers ou 40 as (1 denier = 4 sesterces = 16 as). Il faut ajouter les primes de victoires et les gratifications des empereurs à l’occasion de leur nomination ou de la naissance d’un héritier.
Un litre de vin coûtait de 2 à 8 as en fonction de sa qualité, une visite dans une maison de prostitution revenait à 4 ou 8 as, boissons non comprises.

Au fil des successions et des mariages, le territoire de l’ancienne Gaule a été partagé ou s’est reconstitué. Au sud, le duché d’Aquitaine, territoire wisigoth, mis à mal par Clovis (456-511), s’est reformé avec comme capitales Toulouse et Bordeaux, il occupe les anciennes régions d’Aquitaine, du Limousin, du Midi-Pyrénées et une partie du Poitou.
La Burgondie, aussi appelée Bourgogne, pays des Burgondes, s’étend d’Orléans à Avignon.
Les Alamans se sont installés en Franche-Comté et en Suisse.
Les Francs gouvernent la Neustrie qui occupe les territoires au nord-ouest de la Loire, d’Arras à Angers en passant par Paris et le royaume d’Austrasie qui s’étend sur la Champagne, l’Alsace, la Lorraine et la Belgique jusqu’au Rhin, avec comme capitales Cologne et Trèves.
Au nord, les Frisons, à l’est les Saxons et au sud-est les Bavarois sont en « cours de conversion au christianisme », euphémisme pour dire qu’ils sont toujours païens. 

Le roi mérovingien d’Austrasie s’appelle Thierry IV. Il a repris les fonctions des anciens rois francs : il règne mais ne gouverne pas. L’histoire nous a fait connaître ses rois sous le nom peu flatteur de rois fainéants. L’autorité est aux mains des maires du palais, les maîtres du palais : les magister palatii. À l’époque qui nous occupe le maire du palais est Charles Martel (688-741), fils de Pépin de Herstal, père de Pépin le Bref et grand-père de Charlemagne.
D’où tient-il son nom ? Il aurait été appelé « le marteau de Dieu » par le pape Grégoire II, d’où son surnom de Martel. Une autre hypothèse, plus prosaïque, lui donne comme nom Charles Martieaux, une variante de Charles Martin ; Martin étant le saint protecteur des Francs.

En 717, à la suite d’un conflit de succession au trône, Pépin le Bref prend le contrôle de la Neustrie.

Cette carte est extraite de l’Atlas historique mondial de Christian Grataloup (Les Arènes) que je recommande chaleureusement.
L’Espagne (al Andalus)

Arrivés en Espagne en 711, d’où ils ont chassé les Wisigoths, il ne faut que huit ans aux musulmans pour conquérir la Septimanie, la région de Narbonne.

Les musulmans qui ont débarqué en Espagne ne sont pas des Arabes. Ce sont essentiellement des Berbères, des habitants du Maghreb, appelés Maures en référence à la province romaine de Maurétanie. Dans l’Espagne, l’entente n’est pas cordiale entre ses premiers arrivés, les Berbères, et les Arabes envoyés par le califat de Damas : la distribution des terres n’a pas été équitable, les Berbères n’ont reçu que des terres incultes dans les régions montagneuses. En 20 ans il n’y aura pas moins de 14 émirs à la tête de ce qui s’appelle al Andalous.

À partir de la Septimanie, en remontant le Rhône, les Maures lancent des raids vers la Burgondie. Beaune et Autun sont même dévastées. Ils s’attaquent également à l’Aquitaine, mais en 721, ils sont défaits et mis en déroute devant les murs de Toulouse.

La chevauchée le l’émir abd er-Rahman

Ce n’est que partie remise, en 732, l’émir abd er-Rahman remonte le long de la côte et pille Bordeaux. Cet émir n’a rien à voir avec le dernier des Omeyyades, ni avec celui qui se proclamera calife à Cordoue en 911. Le nom d’abd er-Rahman est très répandu, il signifie le « serviteur du Miséricordieux« .
Face aux attaques, le duc d’Aquitaine, Eudes, demande l’aide de Charles Martel pour se débarrasser des envahisseurs. Il sait que cette requête va inévitablement mettre fin à l’indépendance de son territoire, mais de deux maux il choisit le moindre.

Bordeaux ruinée, les musulmans continuent leur route vers le nord, pillant églises et monastères qui regorgent d’ustensiles d’or et d’argent, comme l’ont fait avant eux les Huns et comme le feront après eux les Normands. Ce n’est pas une armée de conquérants, mais une expédition de razzia, de pillage.

La bataille de Poitiers

En octobre 732, ils sont dans la région de Poitiers. La date n’est pas certaine, des calculs plus récents la situe en octobre 733 car d’après les sources, la bataille a eu lieu un samedi, le premier jour du mois de ramadan.
C’est là que Charles Martel a rassemblé une armée composée non seulement d’Austrasiens et d’Aquitains mais aussi de Frisons, de Burgondes, d’Alamans et de Bavarois. Un chroniqueur, l’Anonyme de Cordoue, probablement Isidore de Beja, désignera cette armée sous le nom d’Européens. Dans ses Chroniques mozarabes, il écrit : « … au point du jour, les europenses voient les tentes du camp».
Quelles sont les forces en présence ? 1000, 10.000, 50.000 hommes. L’histoire ne nous le dit pas. Il est probable que les forces n’étaient pas très équilibrées, un Arabe pour trois coalisés et quelques milliers de combattants peut-être, bien que la légende fasse état de 375.000 morts du côté arabe !

L’issue de la bataille ne fait pas de doute, les troupes de Charles Martel prennent le dessus sur l’armée de l’émir. Une partie des Maures tente de fuir, mais ralentis par leurs chariots remplis d’or, ils sont rattrapés et massacrés. D’autres, moins cupides, ne seront même pas poursuivis : l’armée franque ne disposant pas de cavalerie capable de rivaliser à la course avec les cavaliers musulmans : les Arabes utilisaient des étriers qui venaient à peine d’être découverts par les Francs. Contrairement à ce que montrent les films, l’étrier était inconnu des Romains. C’est une invention chinoise qui s’est propagée lentement vers l’ouest. À l’origine, il semble n’y avoir eu qu’un seul étrier, pour faciliter l’installation du cavalier.

Mosaïque représentant un cavalier vandale au Ve siècle.
Conséquence de la bataille

Les prisonniers furent remis au duc d’Aquitaine qui les envoya dans ses mines d’argent. Le butin des Maures ne fut pas rendu à leurs propriétaires, les églises et les monastères pillés, mais emmené par les Francs chez lesquels il restait un fond de barbarie.

Comme pressenti par le duc d’Aquitaine, Charles Martel aura tôt fait d’annexer son territoire, mais il faudra attendre son fils, Pépin le Bref, pour conquérir la Septimanie et rejeter les Arabes au-delà des Pyrénées malgré deux sièges infructueux de Charles Martel devant la ville de Narbonne. Ces deux expéditions se soldèrent par le pillage et la destruction des villes d’Agde, de Béziers, et d’Avignon… par les Francs.

Un émirat subsistera une centaine d’années (889-973) dans les environs de Saint-Tropez, d’où le nom de massif des Maures.

En 750, Pépin le Bref (714-768) fera destituer le dernier roi mérovingien, Childéric III, par le pape Zacharie auquel il avait posé la question : « Qui, de celui qui porte le titre de roi ou de celui qui en exerce réellement les pouvoirs, doit ceindre la couronne ? ». Le roi mérovingien Childéric sera tonsuré et placé dans un monastère. Depuis, la croyance populaire a répandu le bruit que les rois mérovingiens tenaient leur pouvoir de leur abondante chevelure et dès qu’on les tondait, ils perdaient cette force et leurs sujets les abandonnaient. Ce qui est bien sûr une légende.
Ainsi prend fin la dynastie mérovingienne et commença le règne de la dynastie carolingienne.

C’est son fils, Charlemagne (742 ou 747 ? – 814), qui réunifiera tous les territoires peuplés de Germains en un vaste empire, mais à sa mort l’empire sera de nouveau partagé entre ses trois fils.

Jésus n’est pas né le 25 décembre

J’ai déjà consacré un article à la naissance pour le moins invraisemblable de Jésus. Et je ne parle que du point de vue historique. Je ne veux même pas aborder l’aspect théologique d’une naissance miraculeuse. En quelques mots, je résume l’article mentionné.
Seuls deux évangiles relatent la naissance de Jésus. L’Évangile de Matthieu le fait naître dans la maison de ses parents à Bethléem : « Il prit chez lui son épouse mais ne la connut pas jusqu’à ce qu’elle eut enfanté un fils auquel il donna le nom de Jésus. Jésus étant né à Bethléem… » (Ma. 1, 24-25 et 2, 1). Celui de Luc, que suit la tradition chrétienne, est plus magique, plus féerique, mais absurde d’un point de vue historique. Les parents de Jésus, qui habitent Nazareth en Galilée, se rendent à Bethléem en Judée pour se faire recenser par le romain Quirinus, alors qu’Hérode est roi de Judée. Toutes les auberges étant complètes, ils sont hébergés dans une étable où Jésus né.
Ce qui ne va pas dans cette histoire, ce sont les dates : Jésus est né sous Hérode qui est mort en -4 et le recensement de Quirinus a eu lieu en 6 ou 7, alors que les Romains avaient pris le contrôle de la Judée. Le recensement servant à déterminer l’impôt. La Galilée restait indépendante et ses habitants n’étaient donc pas recensés.
Dans l’article précité, j’élabore une hypothèse sur l’ajout de la naissance de Jésus dans les évangiles.

Donc, pour la Noël, pas d’étable, pas de crèche, pas de vache, ni d’âne, encore moins de bergers avec leurs agneaux, agneaux qui même en Judée, naissent au printemps !

Alors pourquoi le 25 décembre ?
Le 25 décembre fait partie de ces quelques jours où le soleil semble se figer sur l’horizon à son lever avant d’inaugurer des jours de plus en plus longs : c’est le solstice d’hiver qui met fin au raccourcissement des jours. Le mot Solstice décrit bien le phénomène : sol (soleil) stare (se tenir immobile). Les peuples de l’Antiquité n’ont pas attendu les chrétiens pour célébrer le solstice d’hiver. A Rome, une fête appelée Dies Natalis Solis Invicti, « jour de la naissance du soleil invaincu » avait été fixée au 25 décembre par l’empereur Aurélien en 274, comme grande fête du culte de Sol Invictus (le soleil invaincu) qui était devenu le dieu principal des empereurs. Aurélien avait choisi cette date, proche du solstice d’hiver, qui tombait  au lendemain de la fin des festivités célébrant Saturne : les Saturnales. C’était aussi le jour où la naissance de la divinité solaire Mithra, originaire de Perse et populaire dans l’armée, était célébrée.

Les chrétiens se sont associés à la fête romaine sous l’empereur Constantin. Auparavant, ils ne célébraient pas la naissance de Jésus, mais ils s’associaient aux fêtes juives auxquelles ils donnaient une autre signification. On n’a de trace d’une célébration de la naissance de Jésus avant 336. Les chrétiens s’étaient d’abord vus comme le « vrai Israël », Jésus devenait maintenant le « vrai Soleil ».
Rappelons que la mère de Mithra, dont la naissance est fêtée le 25 décembre, la déesse-mère Anahita était vierge. Les traditions chrétiennes ne sont pas apparue ex-nihilo, dans un coin retiré de la Judée, elles se sont substituées aux pratiques anciennes.
Il faudra attendre 529, sous le règne de Justinien, pour que le 25 décembre soit un jour chômé.

Les Saturnales étaient célébrées du 17 au 24 décembre en l’honneur du dieu (déchu) Saturne. On vivait le crépuscule de l’année. Une certaine liberté régnait à Rome. Lors de banquets, on s’offrait des cadeaux. Les maisons étaient ornées de plantes vertes pour fêter le renouveau qui s’annonçait.
On retrouve tous ces ingrédients dans la tradition chrétienne. La liberté de mœurs associée aux Saturnales a donné naissance à la fête des Fous durant laquelle, même le clergé et les évêques dansaient dans les rues. Elle ait été interdite en 1431, elle a aujourd’hui presque disparu. Le roman de Victor Hugo, Notre Dame de Paris, s’ouvre sur la fête des Fous.

La bûche de Noël, qui est servie au dessert lors du réveillon, commémore la fête de Yule des peuples germaniques (Yul signifie solstice dans les langues nordiques). Les Germains faisaient brûler un arbre en l’honneur des dieux, pour les remercier d’avoir restauré la lumière. Ils ornaient leurs cheveux de houx. C’était l’occasion de grandes fêtes familiales.

La fête de Yule

Rien de bien nouveau sous le soleil… invaincu

La fin d’un monde : Julien l’Apostat

Je consacre cet article à un personnage qui fait tache dans la galerie des empereurs romains : Julien II, dit Julien l’Apostat par les chrétiens qui le haïssent et Julien le Philosophe par ceux qui l’ont compris. Ce qui singularise Julien, c’est d’être revenu à la religion de Rome, le polythéisme néoplatonicien, en pleine période de christianisation de la cour. Il est le seul empereur romain qui semble avoir compris vers quelle régression les chrétiens amenaient l’Empire. Aurait-il pu infléchir le cours de l’Histoire si son règne ne s’était brusquement arrêté en 363, lors d’une expédition contre les Perses, après 1 an, 7 mois et 23 jours de règne ?
Malgré ce très court règne, nous connaissons bien le personnage qui s’est mis en scène dans les nombreux textes qui nous sont parvenus malgré l’opprobre jeté sur lui par ses détracteurs chrétiens, .

Une vie brève et mouvementée

Julien est né vers 331, probablement à Constantinople, dans la famille de l’empereur Constantin dont il est le neveu. A la mort de Constantin, Julien a alors 6 ans, toute sa famille est massacrée. De cette famille de l’empereur, restent trois enfants de Constantin, Julien et son frère, Gallus, alité, gravement malade.
Les trois enfants de Constantin vont se partager le pouvoir : Constance II, Constantin II et le jeune Constant, 17 ans.
L’éducation de Julien est confiée à Eusèbe de Nicomédie, l’évêque arien qui a baptisé Constantin sur son lit de mort. A côté de son éducation religieuse, Julien est initié aux philosophes grecs par un affranchi goth, Mardonios. Mais l’empereur Constance, qui a évincé ses frères et règne maintenant seul, a vite fait de le séquestrer en Cappadoce. Sans aucun contact avec l’extérieur, soumis aux enseignements rigoureux de l’évêque Georges, il se réfugie dans lecture des ouvrages philosophiques de la bibliothèque de sa résidence forcée.
Il aurait pu terminer sa vie dans cette prison « dorée », si la femme de l’empereur Eusébie, ne l’avait rappelé à la cour puis envoyé à Athènes terminer son cursus scolaire.

En 355, coup de théâtre ! Constance lui donne sa fille, Hélène, en mariage, le nomme César (empereur en second) et l’envoie en Gaule pour combattre les tribus germaniques en rébellion. Il n’a aucune formation militaire et ne parle même pas le latin, la langue de commandement des armées. Mais il fait des merveilles, repoussant les Germains sur la rive droite du Rhin, à tel point qu’en 360, ses légions le proclame imperator (empereur). Colère de Constance qui rassemble ses légions dans le nord de l’Italie pour marcher contre cet imposteur de cousin. Mais il meurt entre temps : Julien devient donc le seul Auguste (empereur) de tout l’empire, contre son gré et contre toute attente.

Il promulgue un édit de tolérance et remet au gout du jour l’ancienne religion romaine, réorganisée autour du dieu solaire. Il promet aux Juifs qu’il veillera personnellement à la restauration du temple de Jérusalem (la lettre nous est parvenue). N’ayant pas digéré son éducation chrétienne, il interdit aux chrétiens d’enseigner la grammaire, la rhétorique et la philosophie : « Qu’ils cessent d’enseigner ce qu’ils ne prennent pas au sérieux ou qu’ils l’enseignent comme la vérité. ». Mais il n’entreprend pas de persécutions contre les chrétiens et condamne même le meurtre de son pédagogue, Georges de Cappadoce, par la foule : « Vous n’auriez pas dû faire justice vous-mêmes, mais du fait de ses crimes, il méritait une mort plus atroce encore ».

Il sera un bon empereur, régnant de façon moins autocrate en se basant sur le Sénat. Il assainit l’administration et diminue les impôts en les répartissant de manière plus juste.

Au printemps 363, il entreprend une vaste expédition contre les Perses qui menacent les frontières d’Asie. Au cours d’une bataille, il est mortellement blessé. Des auteurs chrétiens proclament qu’il a été tué par un de ses soldats chrétiens et qu’avant de mourir, il aurait prononcé : « Tu es vainqueur, Galiléen » . Par contre, un de ses fidèles raconte que Julien s’est élancé imprudemment au milieu de la masse des ennemis fuyant et qu’il fut transpercé par une lance.

Que va devenir l’empire ? Ni Julien, ni ses trois cousins, qui l’ont précédé à la tête de l’empire, n’ont de descendants.
L’armée acclame Sallustius, un proche de Julien, comme empereur. Le polythéisme va-t-il s’installer ? Non, Sallustius refuse de devenir prince. C’est Jovien, de façon éphémère puis Valentinien qui sont élus et ils sont chrétiens. L’œuvre de Constantin peut se poursuivre.

Ses écrits

Bien que sa vie fut brève, il est mort à 31 ans, Julien a beaucoup écrit. Et un grand nombre de ses œuvres nous sont parvenues. Certaines nous sont connues par ses détracteurs.

On connaît pas moins de 83 de ses lettres. Il parle des chrétiens, qu’il appelle « Galiléens » dans certaines où il confirme qu’il ne veut pas les persécuter.

Ainsi dans une lettre adressée à Attrabius, il écrit :

J’en atteste les dieux, je ne veux ni massacrer les Galiléens, ni les maltraiter contrairement à la justice, ni leur faire subir tout autre mauvais traitement : je dis seulement qu’il faut leur préférer des hommes qui respectent les dieux, et cela en toute circonstance. Car la folie de ces Galiléens nous a mené à notre perte, tandis que la bienveillance des dieux nous a sauvés tous. Il faut donc honorer les dieux, ainsi que les hommes et les villes qui les respectent.

Dans une autre lettre, il condamne les ariens d’Éphèse qui s’en sont pris physiquement aux membres de la secte gnostique des valentiniens (voir l’article sur les gnostiques) :

J’ai résolu d’user de douceur et d’humanité envers tous les Galiléens, de manière que jamais personne n’ait à souffrir de violence, à se voir traîné dans un temple ou contraint à toute autre action contraire à sa propre volonté. Cependant ceux de l’Église arienne, enflés de leurs richesses, se sont portés contre les valentiniens, dans la ville d’Édesse, à des excès tels qu’on n’en saurait voir dans une cité bien policée. Nous avons ordonné que tous les biens de l’Église d’Édesse leur soient enlevés pour être distribués aux soldats, et que leurs propriétés soient ajoutées à notre domaine privé, afin que la pauvreté les rende sages et qu’ils ne soient pas privés, comme c’est leur espérance, du royaume des cieux.

Parmi ses ouvrages, on peut citer :

Sur le roi soleil. Il s’attaque à la mythologie : « Que pense-je des dieux ? Vouons ces ténèbres à l’oubli. L’homme engendre l’homme, mais l’âme, étincelle sacrée, il la recueille des dieux ».
En fait, il adhère à la philosophie néoplatonicienne : un « Être suprême », le créateur, a donné naissance à tout ce qui est immortel : le soleil, la lune, la terre, l’air, l’eau, les astres et les autres dieux. Ces autres dieux, créateurs des choses mortelles, ont été choisi par les hommes pour les guider. Tous les peuples ont une nature, un tempérament différent qui est forgée par leur environnement et ils se sont choisis des dieux s’accordant à leur caractère. Ainsi, un Gaulois, un Germain, un Juif et un Romain n’ont pas la même nature, la même sensibilité, ils n’ont pas les mêmes dieux.

Sur la mère des dieux. Il philosophe dans cet ouvrage sur le mythe phrygien de Cybèle et d’Attis, son fils et son amant. Il en déduit que : « La Providence (Cybèle) s’est prise à aimer la cause énergétique et génératrice des êtres (Attis) ».

Épître au Sénat et au peuple athénien. Il y raconte son enfance traumatisante.

A côté d’ouvrages philosophiques, il a aussi écrit deux panégyriques de l’empereur Constance et un éloge de sa bienfaitrice Eusébie. On trouve aussi un curieux Misopogon ou l’ennemi de la barbe, la barbe étant l’apanage des philosophes.

Représentation de l’empereur Julien

Contre les Galiléens. Cet ouvrage est un plaidoyer contre les religions juive et chrétienne. Il se basant sur la Bible et les évangiles que Julien semble bien connaître. Bien entendu, cet écrit ne nous est pas parvenu, mais il a été reconstitué à partir de l’ouvrage de Cyrille d’Alexandrie (« Contre Julien » écrit 40 ans après la mort de Julien) qui nous en livre des passages tout en les critiquant.
Pourquoi traite-t-il les chrétiens de Galiléens ? On peut y voir trois raisons : (1) la Galilée est un pays étranger, (2) un tout petit pays et (3) les Juifs disent, dans le Talmud, que rien de bon ne peut venir de Galilée.
Cet ouvrage peut être consulté sur le site : http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/julien/galileens.htm

C’est un ouvrage qui, reconstitué, occuperait aujourd’hui une quarantaine de pages. Qu’y lit-on ? Se référant à sa croyance en un Être suprême, il dénie ce titre à YHWH qui dans la Genèse ne crée pas la terre et l’eau, mais les transforment. Il s’interroge sur les anges et ne trouve pas dans la Bible qui les a créés.
Il critique la façon dont YHWH a traite Adam et Ève : en leur interdisant de manger du fruit de l’arbre du bien et du mal, « il les empêchait de devenir sages et prudents« .
Le récit de la tour de Babel, où Dieu confond les langues, lui inspire le sarcasme : « Quel dieu est-il qui craint les hommes« . Il poursuit : « Comment pouvez-vous croire que Dieu soit susceptible de haine et de jalousie, lui qui est la souveraine perfection ? ». Si Dieu, jaloux, veut être adoré seul… pourquoi adorer son fils ? Et pourquoi adorer Jésus qui durant sa vie n’a rien fait d’exceptionnel.
A la lecture des lettres de Paul, il déduit que les chrétiens sont mauvais car Paul ne cesse de leur reprocher leurs erreurs et leurs vices.
Marie est la mère de Dieu ? Comment une mortelle peut-elle donner naissance à un dieu immortel ?
Si Jésus est dieu de tout éternité, pourquoi Moïse n’en a-t-il pas parlé, lui qui a eu contact avec Dieu. Il en conclut que c’est Jean (dans son évangile) qui a fait de Jésus un dieu.

Son argumentation n’est jamais virulente, il commente des passages de la Bible et des évangiles. Il conclut que le christianisme est une hérésie du judaïsme.

(NB : Mahomet a dû lire les arguments de Julien, car dans le Coran, c’est Allah qui crée la terre, l’eau et les anges)

La fin d’un monde : de la tolérance au fanatisme religieux

Constantin avait promulgué un édit de tolérance en 313 afin de rétablir « l’unité et la sécurité publiques ». (voir l’article sur les ariens) Malheureusement, cet objectif n’a pas été atteint, la prolifération des sectes chrétiennes va perturber grandement le calme et la sécurité dans les villes surtout, les campagnes étant peu christianisées. Cent ans après Constantin, en 428, l’empereur Théodose II, fervent chrétien nicéen (catholique), supprima le droit de réunion de tous les « hérétiques » (en grec, « hérésie » veut dire « choix » ou « préférence », pas déviance de l’orthodoxie). Et il cite : les ariens, les macédoniens, les appolinaristes, les novatiens, les sabbathiens, les eunomiens, les valentiniens, les montanistes, les phryges, les marcionites, les borborites, les messaliens, les euchites, les donatistes, les audiens, les hypoparastates, les tascodrogites, les plotiens, les donatistes, les photiniens, les pauliens et les marcelliens. Soit 23 sectes différentes. Et les adeptes de ces sectes, qui toutes se réclamaient de Jésus, symbole d’amour, ne se contentaient pas de se réunir et de prier ensemble, ils agressaient leurs adversaires, souillaient leurs temples, perturbaient les cérémonies, quand ils n’assassinaient pas ceux qui les gênaient… avec l’assentiment des évêques qui entretenaient des hommes de main pour leurs basses besognes. Ainsi, en 415, à Alexandrie, où l’évêque Cyrille faisait la loi, Hypathie, une mathématicienne et philosophe va être massacrée par les milices de l’évêque. Ils vont la battre, la démembrer et promener son corps dans la ville. Ils n’admettaient pas qu’une femme puisse avoir une telle influence sur la société.
Libanios, contemporain de Julien, écrit au sujet des moines : « Ces hommes vêtus de noir, qui mangent plus que des éléphants, au mépris de la loi toujours en vigueur, courent vers les temples avec des morceaux de bois et des barres de fer pour les détruire« .
Malgré le peu de succès de la nouvelle religion auprès des élites et dans les campagnes, la persécution a changé de camp. Les chrétiens n’étaient pas majoritaires du temps de Julien, mais on les remarquait. Les historien.ne.s estiment que seuls 10% de la population adhéraient au christianisme au temps de Constantin (j’ignore comment ils sont arrivés à cette conclusion !). Julien n’a interdit aucune religion, il n’a persécuté personne, il espérait convaincre les chrétiens de leurs erreurs par des discours philosophiques. On sait ce qu’il en fut.

La fin d’un monde : de la puissance de l’empereur à celle des évêques

En devenant chrétiens, les empereurs romains ont perdu leur prestige et leur pouvoir. Ils ne sont plus tout puissants, ils sont soumis à Dieu… et à leurs représentants sur terre, les évêques et les moines. L’empereur, comme tous les chrétiens, doit se confesser, il se met à nu devant l’évêque qui peut l’excommunier, le rejeter de la communauté des fidèles, le priver des sacrements. C’est ce qui est arrivé à l’empereur Théodose I (379 à 395) qui avait pourtant publié, en 380, conjointement à Gratien, un édit consacrant la foi catholique, telle qu’elle avait été définie par le Concile de Nicée, comme religion d’État ! Et l’empereur a fait amende honorable pour éviter une révolte. Car le peuple n’obéit plus à l’empereur, mais aux évêques.

Gratien (mort en 383) a cédé son titre de « pontifex maximus » à l’évêque de Rome.
En 389, Théodose fait fermer le temple de Vesta, protectrice de Rome et éteint le « feu sacré » qui n’avait cessé de brûler pour la sauvegarde de la cité, et ce malgré l’opposition de l’aristocratie restée hostile à la nouvelle religion. Deux ans plus tard, il va plus loin, il interdit l’accès aux temples. En 394, les Jeux olympiques n’auront pas lieu. Le corps cesse d’être cultivé, il n’est plus que la prison de l’âme.
Par contre à Athènes, l’Académie néoplatonicienne restera ouverte jusqu’en 560.

L’évêque de Rome, le pape, va prendre de plus en plus d’importance, bien que Rome ait été abandonnée au profit de Constantinople et de Ravenne. Un faux va même attribuer au pape tout le pouvoir de l’empereur. J’ai commenté cette « donation de Constantin » dans un article précédent.

En l’an 800, Charlemagne a été sacré empereur par le pape, en opposition flagrante à la tradition franque qui voulait que l’empereur soit investi par ses pairs. On a parlé d’un sacre « par surprise » : le pape aurait couronné Charlemagne alors qu’il avait le dos tourné. Mais l’habitude était prise, c’est l’Église qui sacre les rois. Le roi de France n’obtenait son titre qu’après avoir été sacré par l’évêque de Reims. Il a fallu attendre Napoléon pour que le cercle soit brisé. Il a convoqué le pape à Paris pour son sacre, mais il lui a assigné un rôle de spectateur… Napoléon s’est couronné lui-même. L’empereur reprenait ses prérogatives.

Croix latine, croix rouge, croix gammée !

Cet article a été inspiré par le film de Juliette Desbois : « La face cachée du Vatican 39-45« , et par le livre de Ian Kershaw : « L’Europe en enfer : 1914-1949« .

Dans cet article, je vais me pencher sur une période sombre de notre histoire : l’extermination des Juifs par les nazis et plus spécifiquement, l’attitude du Vatican et des hautes instances de la Croix rouge face à ces événements.

Prélude : Pie XI, pape de 1922 à 1939

Pie XI était pape lorsque Hitler fut nommé chancelier du Reich d’Allemagne, en janvier 1933, par le vieux président, le maréchal Hindenburg, héro de la guerre 14-18. Après l’incendie criminel du Reichstag en février 1933 et les élections de mars 1933, son parti, le NSDAP (Parti national-socialiste des travailleurs allemands, nazi en abrégé) conforta son avance avec 288 sièges sur 647.

Pour réaliser son programme électoral qui promettait de sortir l’Allemagne du marasme économique, politique et moral, Hitler réclama les pleins pouvoirs : la possibilité d’édicter des lois sans l’aval du parlement (Reichstag). Mais il lui fallait 2/3 des voix des parlementaires, soit 432 voix. Les sociaux démocrates (socialistes) avaient 120 sièges, les communistes 81 et le Zentrum (catholiques), 74. Hitler pouvait compter sur les voix de quelques petits partis, mais ce n’était pas gagné d’avance.

Pour sa part, le pape souhaitait conclure un concordat avec le nouveau gouvernement pour assurer le liberté de culte et la possibilité de nommer indépendamment les évêques. Les marchandages commençaient en coulisse : les voix du Zentrum contre le concordat. Le pape ajouta la suppression de l’interdiction pour les catholiques d’adhérer au parti nazi. Hitler obtint les pleins pouvoirs, il devenait seul maître de l’Allemagne. Et le Vatican signait un pacte avec le Diable. La conviction de la hiérarchie catholique était : « tout sauf le communisme« .

Le 20 juillet 1933, le concordat était signé par le secrétaire d’Etat du Vatican, Eugenio Pacelli, ancien ambassadeur (nonce apostolique) en Allemagne et futur pape sous le nom de Pie XII.

Un concordat avait été signé avec l’Italie fasciste de Mussolini en 1929, connu sous le nom d’accords du Latran. Cet accord très favorable au Vatican faisait de la religion catholique la seule religion d’Etat en Italie et octroyait à la papauté un Etat pontifical (le Vatican : 49 ha), une autonomie qu’elle avait perdu depuis 1870. Avant l’unification de l’Italie, les Etats pontificaux étaient très étendus et rivalisaient avec les villes de Florence, Milan et Venise.

L’Italie avant l’unification (ici au XVIe siècle) : extrait de l’Atlas historique mondial de Christian Grataloup (***** recommandé)

En avril 1933, en pleines négociations entre l’Allemagne et le Vatican, puis en septembre 1935 (lois de Nuremberg) les Juifs sont exclus de la « communauté du peuple« . Ils perdent la nationalité allemande et la majorité de leurs droits civiques. Les Allemands « aryens » sont appelés à boycotter les commerces tenus par les Juifs. Les mariages mixtes sont interdits.

En 1937, le pape publie, en allemand, une encyclique « Mit brennender Zorge » (avec une brûlante inquiétude). Elle sera lue dans les églises d’Allemagne le 21 mars 1937. Elle dénonce le non-respect du concordat, elle critique les idéologies racistes et le paganisme, elle s’insurge contre la remise en cause de la valeur de la vie humaine, et contre le culte de l’État et du chef. Mais elle ne cite pas les Juifs. Hitler restera sans réaction.

Et les persécutions continuent. En novembre 1938, c’est la « Nuit de cristal » en référence aux nombreux débris de verre des vitrines des magasins, tenus par des Juifs, qui jonchent les rues des villes. Des synagogues sont incendiées, plus de cent Juifs sont assassinés.

Le silence : Pie XII, pape de 1939 à 1958

Pie XI meurt en 1939, c’est son successeur Pie XII (Eugenio Pacelli) qui sera le pape de la guerre, le pape du silence.
En octobre 1941, un évêque français, Mayol de Lupé, reçoit la bénédiction du pape pour combattre à la tête de la division française Charlemagne sur le front russe aux côtés des Allemands. Il est colonel de l’armée allemande.

Départ des volontaires de la division Charlemagne (inscription tronquée à gauche : Anglais assassins)

En octobre 1942, à Wanzée près de Berlin, les hauts dignitaires nazis décident de la solution finale pour les Juifs de tous les pays occupés. Hitler a projeté depuis le début de son parcours politique d’éliminer les Juifs. La haine des Juifs est très répandue en Europe depuis la fin du XIXe siècle. Rappelons le procès Dreyfus (1894) ; la publication des Protocoles des Sages de Sion (1905), un faux sur les objectifs supposés de domination du monde, toujours réédité dans les pays arabes ; l’ouvrage de Joseph Arthur de Gobineau (1816-1888) : « Essai sur l’inégalité des races humaines », théorie sur le racisme scientifique, etc. Ajoutons que les chrétiens considèrent les Juifs comme les meurtriers de Jésus… tous les Juifs et leur descendance. Ne lit-on pas dans l’Évangile de Matthieu : « Tout le peuple (juif) répondit : Nous prenons son sang sur nous et nos enfants » (Mat. 27, 25).

Mgr Humberto Benigni (1862-1934), qui exerça de hautes fonctions au Vatican, est le père du mythe du complot judéo-maçonnique qui eut des conséquences meurtrières de 1936 à 1945. Il défendait la thèse des crimes rituels des Juifs et concluait à l’emploi incontestable par les Juifs de sang chrétien.

La majorité des Européens restaient insensibles au sort des Juifs. Bien sûr, il y eu des milliers de personnes compatissantes qui ont aidé des Juifs en les cachant ou les exfiltrant. Mais que sont quelques milliers face aux millions d’indifférents ?

La notion d' »élimination des Juifs », sous-entendu des territoires allemandes, a varié dans le temps. Les persécutions de 1933-1935 avaient pour but de forcer les Juifs à s’exiler. Ils recevaient un passeport en échange de l’abandon de tous leurs biens. En 1940, avec la défaite de la France, l’idée de transférer les Juifs vers l’île de Madagascar a été avancée puis abandonnée pour des raisons logistiques : le carburant devait servir à l’effort de guerre. En juin 1941, après la conquête, prévue, de l’URSS, on enverrait les Juifs en Sibérie. Mais face à l’échec de l’invasion de l’URSS, les nazis décident de les exterminer.
Les premiers camps d’extermination sont construits en Pologne, à Chelmno, Belzec, Sobibor et Treblinka. A partir de 1943, un nouveau complexe s’ouvre à Auschwitz. Il va fournir de la main d’oeuvre (des esclaves) à l’industrie allemande en plus d’exterminer les « non productifs ». Les premiers camps n’avaient pas de travail intégré, on y entrait pour mourir. Certains Juifs pouvaient échapper à la déportation, mais pas à l’emprisonnement. Ce sont (1) les demis-juifs, ceux dont un parent n’est pas Juif, (2) les époux ou épouses d’un.e arien.nne, (3) les épouses des prisonniers de guerre. Mais peu étaient au courant de ces mesures.
Plus de 6 millions de personnes trouveront la mort dans les camps d’extermination.

Mais qui savait ? Tout le monde ! Le gouvernement polonais en exil à Londres est le premier à parler, suivi des Alliés. Le pape est tenu au courant par ses évêques. Le Vatican possède le plus vaste réseau d’espionnage du monde. La confession est obligatoire, au moins une fois par mois. Le curé de la paroisse sait tout, il rapporte à son évêque qui informe le Vatican.

Une journaliste berlinoise, Ruth Andreas-Friedrich écrit dans son journal intime à la date du 19 septembre 1941 :

Ça y est, les Juifs sont mis hors-la-loi… L’étoile jaune facilite le triage. Elle éclaire le chemin qui mène aux ténèbres. On déporte les Juifs vers une destination inconnue. Dans des camps en Pologne, disent ceux qui s’en félicitent. Vers une mort certaine, prophétisent les autres.

Le pape n’a pas d’armée, mais il a un grand pouvoir moral. En décembre 1942, tout le monde attend le discours de Noël. Pie XII a préparé un texte de 36 pages. A la radio on entend : « … des centaines de milliers qui, sans faute de leur part, parfois en raison de leur nationalité ou de leur race, sont voués à la mort ou à une extinction progressive ». Trente mots. Et il ne cite même pas les Juifs.

Son excuse ? La peur que Hitler s’en prenne aux catholiques. Et de fait, aux Pays-Bas, un discours accusateur de l’archevêque d’Utrecht Joachim de Jong, a provoqué l’arrestation des Juifs baptisés en juillet 1942. C’est étrange, mais il y a bien des Juifs catholiques et des Juifs athées. Etre Juifs, ce n’est pas être adepte d’une religion, ce n’est être d’une certaine race. Il n’y a plus qu’une seule race sur Terre, les Homo sapiens. Ce n’est pas appartenir à un peuple ou une nation, Israël n’existe pas encore. C’est une notion très difficile à définir : les Juifs se sentent membres d’une communauté.
La définition de Juif pour Hitler est machiavélique : est Juif toute personne qui a au moins trois grands-parents juifs. Comment vérifier ? Le procédé est démoniaque : les nazis vont demander aux associations juives des pays occupés de recenser les Juifs. Ils n’auront plus qu’à saisir les listes pour effectuer les rafles. En cas de doute, lorsqu’une personne soupçonnée d’être juive, ne s’est pas inscrite, elle doit produire le certificat de baptême de ses grands-parents.

Peur que Hitler s’en prenne aux catholiques ? Mais, en août 1941, l’évêque de Münster, Clemens August von Galen, avait pris position publiquement contre le programme nazi de « purification de la race » qui consistait à euthanasier des handicapés et des « dégénérés« . Et il a obtenu l’arrêt définitif de ce programme, nommé Aktion T4, sans trop de difficultés.

A part aux pays-Bas, toute la hiérarchie religieuse (catholique et protestante) se tait.

En octobre 1943, les Juifs de Rome sont arrêtés sous les fenêtres du Vatican. Or Pie XII a été prévenu de l’imminence de la rafle par l’ambassadeur d’Allemagne auprès du Vatican : Ernst von Wiezsäcker. Mais il n’avertit pas la communauté juive. A la fin de la guerre on prétendra que le pape avait caché 5000 Juifs dans ses résidences de Rome. Mais aucune preuve ne vient confirmer qu’il était au courant.

Pire encore. S’il est évident qu’amener Hitler à revoir sa politique raciale était utopique, il est des pays où la pape aurait pu, , agir. En Croatie, les catholiques Oustachis au pouvoir se montrent plus sadiques que les Allemands. Or leur leader, Ante Pavelic est reçu officiellement par Pie XII. Et les atrocités continuent. C’est un prêtre qui dirigeait la Slovaquie, toute acquise à Hitler et seize autres prêtres siègent au Conseil d’Etat. Pie XII n’interviendra pas.

La solidarité « chrétienne »

La guerre est finie. Pie XII ne prononce pas un mot sur l’Holocauste, aucune condamnation, aucune empathie. Pour aider les réfugiés, les déplacés, qui sont près de 20 millions sur les routes, Pie XII va créer la « Pontificia Commissione Assistenza » où va s’illustrer un évêque autrichien,  Aloïs Hudal, recteur du collège Santa Maria dell’Anima, via dalla Pace, n° 24. C’est par cette filière que les plus hauts dignitaires nazis vont fuir : Adolf Eichmann, Klaus Barbie (aidé par les Américains), Joseph Mengele, etc. On vient voir Aloïs Hudal, après avoir été hébergé dans des monastères « amis », il remplit un formulaire qu’on remet aux services de la Croix rouge chargés de délivrer des passe-ports pour voyager librement. Et on est libre.

Le pape connaît ce réseau, les services secrets américains lui ont remis en 1947 une liste de 22 filières d’évêques autrichiens (Hudal), croates, ukrainiens, hongrois… avec nom et numéro de téléphone. Hudal, en haut de la liste, démissionnera… en 1952. Il n’avait plus à s’inquiéter pour ses amis nazis, la loi d’amnistie avait été votée en République fédérale d’Allemagne en 1951. Pour le bien de l’Allemagne, il fallait oublier. L’ennemi maintenant est le même que celui du régime nazi : l’URSS.

Liste des réseaux d’exfiltration des nazis. Le premier nom est celui d’Aloïs Hudal
Et la Croix rouge ?

En janvier 2020, à l’occasion de l’anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz (en 1945), le CICR (Comité international de la Croix rouge) a publié un message :

Pour le CICR, cette date est synonyme d’un échec, celui de n’avoir pas pu porter protection et assistance à des millions de victimes exterminées dans les camps de la mort. Le CICR exprime ses regrets publics quant à son impuissance et les erreurs commises face à la tragédie du génocide et des persécutions nazies.

Et il ajoute :

Cet échec restera inscrit dans la mémoire de l’institution, tout comme le resteront les actes courageux de nombreux délégués de CICR à l’époque.

Pendant la guerre, le président du CICR est Carl Jakob Burckardt. Il est viscéralement anti-communiste donc admiratif des régimes d’extrême droite. A la fin de la guerre, il exfiltrera un grand nombre d’Allemands de la zone d’influence soviétique. Pour lui, ce ne sont pas des criminels, mais des victimes. C’est effectivement comme cela que la majorité des Allemands se voyaient. Tous étaient devenus résistants ou avaient perdu la mémoire. Le parti nazi comptait 8 millions de membres sans compter les organismes affiliés. Un bon millier a été condamné, les autres ont repris leur vie comme si rien ne s’était passé… comme juges, professeurs, fonctionnaires, etc.

Revenons à la Croix rouge. En temps de guerre, son action est limitée aux prisonniers de guerre. Ses délégués ont effectivement fait un excellent travail en acheminant le courrier et les colis… sauf pour les 5,7 millions prisonniers soviétiques dont 3,7 millions vont mourir de faim, sans aucune aide extérieure.

Le CICR va bien tenter de visiter des camps de prisonniers civils (les camps de concentration/extermination), mais avec peu de succès dans ses timides démarches. Il va également essayer d’envoyer des vivres aux prisonniers des camp de concentration. Les nazis n’accepteront que des colis nominatifs. Mais comment savoir où les personnes ont été déportées ?

En 1942, le CICR se dispose à lancer un appel général sur les violations du droit humanitaire international. Mais il ne le fera jamais. Le pape ne l’a pas fait, pourquoi nous ?
La guerre touche à sa fin. En juin 1944, le docteur Maurice Rossel visite le ghetto de Theresienstadt, une ville spécialement aménagée pour recevoir des Juifs tchèques en transit vers l’est et des Juifs allemandes célèbres ou âgés. Les rues qu’il parcourt à l’extérieur de la forteresse ont été repeintes et fleuries. Mais il ne pourra entrer dans la forteresse, ni s’entretenir avec les Juifs. Il en revient charmé.
En septembre 1944, le même médecin se rend à Auschwitz. Il sera reçu par le commandant du camp, mais il ne pénétra pas à l’intérieur du camp.

Ce n’est qu’aux derniers jours de la guerre que les délégués du CICR pourront entrer dans les camps de Türckheim, Dachau et Mautthausen… pour négocier la reddition de ces camps. A Mautthausen, ils feront annuler l’ordre de faire exploser l’usine souterraine où travaillaient 40.000 prisonniers.

Conclusion

Aujourd’hui, le Vatican a rendu publique les archives de Pie XII. Plusieurs chercheurs, sélectionnés, peuvent les consulter. Mais la plupart des historiens sont persuadés que cela n’apportera rien de nouveau. Les services de l’ex-pape Benoît XVI ont étudié les documents et les ont répartis en 500 dossiers. Triés, classés, censurés (?).

Peu importe, à sa mort en 1958 (la même année que Hudal), Pie XII nous a laissé un testament :

Ait pitié de moi Seigneur, accorde-moi ton pardon. La conscience de mes défaillances, échecs et péchés commis durant un si long pontificat et en des temps si graves, ont souligné mon insuffisance et mon indignité. Je demande humblement pardon à tous ceux que j’ai offensé, lésé et scandalisé.

Fautes avouées sont à demi pardonnées ?

Note : Le livre d’Hitler « Mein Kampf » n’a jamais été mis à l’index par le Vatican contrairement aux livres de Karl Marx et Friedrich Engels (Manifeste du parti communiste, Das Kapital).

Note : s’il y a 20 millions de personnes sur les routes à la fin de la guerre, c’est parce que chaque pays aspire à l’unicité ethnique. Les Allemands sont chassés de Tchécoslovaquie et de Pologne. Les Polonais sont chassés d’Ukraine. Les Juifs sont chassés de partout : leurs maisons sont occupées. Beaucoup tenteront de partir vers la Palestine (voir mon article sur la naissance d’Israël). De plus, les prisonniers rentrent chez eux. Ceux qui étaient employés dans les fermes rentrent par leurs propres moyens.

D’autres chrétiens : les gnostiques

Cet article est inspiré de l’ouvrage « Écrits gnostiques. La bibliothèque de Nag Hammadi » publié par Gallimard dans la collection de la Pléiade.

Les premiers siècles de notre ère ont vu la prolifération des sectes chrétiennes. Chaque communauté créée par les prédicateurs se faisait une idée personnelle de Jésus et adaptait ses croyances à sa propre vision. Les épîtres du prédicateur Paul en témoignent, qui recadrent les communautés visitées. Bien sûr, la foi reste identique : Dieu a créé le monde, son fils s’est incarné pour sauver les hommes, puis est venu le Saint-Esprit et l’évangélisation a commencé. Mais le langage et les traditions ne sont pas identiques : il n’y a pas encore d’orthodoxie.

Parmi ces mouvements, va naître le gnosticisme chrétien. Son nom vient du mot « gnose », la connaissance. Il naît de la rencontre du christianisme (juif) et des philosophies grecques comme le platonisme.

Connais-toi toi-même

Le gnosticisme chrétien repose sur une initiation. Il apprend que la vie ici bas est une déchéance, on y est jeté malgré soi, on devient autre chose, d’où le besoin d’être racheté. Mais le secret du rachat doit être trouvé par l’initié. C’est le connais-toi toi même, de Platon auquel s’ajoute… et tu connaîtras Dieu. Mais pour atteindre ces connaissances, il faut connaître la voie, celle révélée par le Sauveur ; c’est ici que le christianisme intervient. Pour les gnostiques, ce n’est pas le sacrifice de Jésus qui sauve, mais son enseignement. Il n’a pas pu être crucifié puisqu’il est un être spirituel (un éon) et immortel.
Les postulants doivent se poser les questions suivantes :

  • Qui étions-nous ?
  • Que sommes-nous devenus ?
  • Où étions-nous ?
  • Où avons-nous été jeté ?
  • Vers où nous hâtons-nous ?
  • Par qui sommes-nous rachetés ?

Ces questions amènent des réponses différentes. Le gnosticisme chrétien revêtira donc plusieurs formes, il n’y aura pas un mouvement gnostique, mais plusieurs. Il n’y a pas d’organisation reconnue, de groupe unifié. Les principaux initiateurs des mouvements sont Basilide (Alexandrie, début du IIe siècle), Marcion (à qui j’ai consacré un article) et Valentin (Egypte puis Rome, début du IIe siècle). Les gnostiques apparaissent dès le début du christianisme alors qu’il n’est pas encore une religion officielle et centralisée. Chaque communauté est largement autonome.

L’origine du mal

Les gnostiques vont étudier la Genèse : la création du monde et la chute d’Adam et Ève. Ils vont arriver à la conclusion que Dieu, le tout-puissant, celui qu’on ne peut appréhender n’est pas responsable du mal. Or YHWH, le dieu de la Bible, est un dieu cruel et jaloux, qui utilise le mal pour punir les Hommes : il chasse Adam et Ève, il est à l’origine du meurtre d’Abel en suscitant la jalousie de Caïn, il anéantit l’Humanité par un déluge, il détruit Sodome et Gomorrhe. Ce n’est pas le vrai dieu, celui que Jésus annonce. YHWH n’est qu’un démiurge qui a créé le monde lors d’une catastrophe cosmique qui s’est produite dans le monde supérieur. [NB : « démiurge » est le nom donné par Platon au créateur du monde]

A partir de ces constatations, les gnostiques élaborent une cosmologie pour expliquer la création du monde et la chute de l’Homme. Le monde supérieur, c’est le Plérôme, le Tout. L’Homme, qui était pur esprit, y a été arraché lors de la catastrophe cosmique qui a conduit à la création du monde, englué dans la matière. Mais une étincelle divine est restée en lui. Le salut consiste à ramener cette étincelle, l’âme, vers le Tout, le Plérôme. Pour cela, l’Homme doit s’affranchir de la matière, de ses passions.

Certains vont même jusqu’à prétendre que Jésus était le serpent de la Genèse, celui qui apporte la connaissance du bien et du mal aux Hommes, qui permet à l’Homme de devenir « comme l’un de nous » (Gen. 3, 22). Cette réflexion est sujette à interprétation, car dans la Bible, elle est attribuée à Dieu lui-même. Veut-il dire que par la connaissance, l’homme deviendra un dieu ? C’est bien ce que pensent les gnostiques.

Les sources

Nous connaissons les gnostiques, comme toutes les autres « hérésies », par les écrits des Pères de l’Eglise qui les dénoncent. On peut citer les 5 livres d’Irénée de Lyon (v130-202) intitulés « Contre les hérésies« . Mais ce qui différencie le gnosticisme des autres mouvements chrétiens jugés hérétiques, c’est que, depuis 1945, nous disposons de leurs propres écrits. On a découvert en Egypte, à Nag Hammadi, au nord de Luxor, 13 codex, reprenant 46 textes gnostiques distincts. On connaissait déjà quelques-uns de leurs ouvrages : « LÉvangile de Marie » (fragmentaire) et la « Pistis Sophia » (la fidèle sagesse) mais ils étaient restés confidentiels.

Les codex de Nag Hammadi, datant du IVe siècle, regroupent des traductions coptes d’originaux grecs probablement du IIe siècle. Parmi les textes trouvés à Nag Hammadi, on peut citer :

  • L’Évangile de Thomas qui contient 144 paroles de Jésus que « son frère jumeau Jude a recueillies« . Thomas veut dire jumeau en araméen. Jude est cité parmi les frères attribués à Jésus dans les évangiles canoniques avec Jacques, Jose et Simon.
  • L’Évangile de Philippe
  • L’Évangile de la Vérité
  • Livre des secrets de Jean
  • Livre sacré du Grand esprit invisible
  • La sagesse de Jésus
  • L’Apocalypse d’Adam (apocalypse dans le sens grec de « révélation »)
  • L’Apocalypse de Pierre
  • etc.
Ève éternelle

Le Plérôme est peuplé d’éons, d’êtres lumineux, se suffisant à eux-mêmes, ils sont androgynes, mâle et femelle, comme l’était le premier Adam (Gen. 1, 27 : « Dieu créa l’homme à son image, il le créa, homme et femme il les créa ») ou vivent en couple. Dans la mythologie construite sur base de la Genèse, certains points sont communs, comme le Plérôme, le Grand esprit invisible (Dieu), les éons et le Démiurge. Mais d’autres diffèrent d’une école gnostique à l’autre.

Par exemple, pour les séthiens, des principes féminins (des éons) se distinguent dans le Plérôme : (1) la Mère, première pensée du Dieu suprême, le Grand Esprit invisible ; (2) Sophia, la Sagesse, mais pas sage du tout, c’est elle qui est à l’origine de la catastrophe cosmique d’où émerge le Démiurge qui a créé le monde matériel ; et enfin (3) l’Ève spirituelle qui a été envoyée sur terre pour avertir les Hommes (Adam). Le nom de cette école (les séthiens) vient du troisième fils d’Adam : Seth, l’ancêtre des tous les hommes d’après la Bible. Seth serait le fils d’Adam et de l’Ève spirituelle. Les deux autres fils seraient nés d’Adam, issu de la glaise, donc de la matière et de la première Ève, comme lui issue de la matière.

Cette primauté des femmes va se retrouver dans la figure de Marie, Marie-Madeleine. Elle est le personnage principal de l’Évangile selon Philippe, de l’Évangile selon Marie et du Pistis Sophia. Elle est la disciple préférée de Jésus (ou sa compagne), elle reçoit son enseignement. Pierre lui dit :« Sœur, nous savons que le Sauveur t’aimait plus qu’aucune autre femme, rapporte-nous les paroles du Sauveur que tu as en mémoire, celles que tu connais mais nous pas. » (Evangile de Marie : 10, 1-5). Dans la Pistis Sophia, Jésus ressuscité revient sur terre pour répondre aux questions de Marie, citée plus de 100 fois et des apôtres, à peine une dizaine de fois.

Pierre n’a rien compris

Le gnosticisme chrétien est une philosophie très riche, expliquant le passé et l’avenir des hommes. Trop intellectuel et élitiste, il avait peu de chance de devenir le mouvement principal du christianisme. Pour les gnostiques, la voie du salut est la connaissance, pas la foi, ni les œuvres. Ils s’opposent aux chrétiens ordinaires qui ont divinisé «  l’auteur impuissant d’un monde dépravé, qui les retient prisonniers de sa création« .

Pierre, apôtre central du christianisme, qui prendra le pas sur les autres mouvements, est raillé par les gnostiques. Il est contesté, il représente le « masculin » qui s’oppose au « féminin », il incarne la misogynie. En contestant Pierre, les gnostiques contestent la vision étriquée de l’Eglise qui se construit sur une structure d’épiscopats, un ministère masculin, rejetant les femmes.

Dans la Pistis Sophia, Marie dit à Jésus : « Je crains Pierre, parce qu’il m’intimide et qu’il a de la haine pour notre sexe« . et plus loin, Pierre se plaint : « Seigneur, ne permet pas à cette femme de prendre notre place et de ne laisser parler aucun de nous, car elle parle bien des fois« .

Dans l’Évangile de Marie, Pierre ayant critiqué Marie est vertement tancé par Lévi : « … je te vois argumenter contre cette femme comme un adversaire. Pourtant, si le Seigneur l’a rendue digne, qui es-tu toi, pour la rejeter ? » (18, 9-10).

Les mouvements gnostiques ne résisteront pas à la montée du christianisme nicéen (l’Eglise de Rome). Le temps n’est plus à la philosophie, on ne cherche plus à connaître Dieu, il est imposé par le dogme. Les derniers gnostiques seront l’objet de violentes attaques de la part des chrétiens « orthodoxes » et disparaîtront vers la fin du IVe siècle.

Sainte-Sophie

Il l’avait promis lors de la campagne électorale pour les municipales de 2019, il l’a fait !
Malgré la perte des plus grandes villes de Turquie (Istanbul, Ankara, Antalya, etc.) par son parti, le président Recep Tayyip Erdogan a signé, le 10 juillet 2020, un décret transformant la basilique Sainte-Sophie d’Istanbul en mosquée. Le 24 juillet, la première prière a eu lieu en présence du président.
En 1934, le premier président de la république de Turquie, Mustapha Kémal Ataturk, avait « offert le bâtiment à l’Humanité » en le transformant en musée. C’est la seconde attraction touristique de Turquie en nombre de visiteurs après le palais de Topkapi.
La basilique chrétienne était devenue une mosquée en 1453, après la prise de Constantinople par les troupes du sultan ottoman Mehmet II.

[NB : J’ai consacré un article à Mustapha Kémal Ataturk et à Recep Tayyip Erdogan]

Sainte-Sophie : un nom

Qui est cette Sainte-Sophie ? En fait, ce n’est pas une sainte, même pas une personne. Le nom grec de la basilique a été mal traduit : Hagia Sophia signifie la Sagesse divine, la Sagesse de Dieu. La tradition chrétienne, veut que la Sagesse divine désigne Jésus. C’est très peu probable. La basilique a été commandée par l’empereur Constantin en 325, elle a été inaugurée par son fils Constance II qui était arien, il ne croyait pas à la Trinité, pour lui, Jésus n’était pas Dieu, donc pas la Sagesse divine. On peut pousser le questionnement plus loin. Est-ce que le bâtiment était une réplique du Panthéon de Rome, un temple dédié, comme son nom l’indique, à tous les dieux ? Constantin voulait-il élever un temple au « divin qui est au céleste séjour pour qu’il soit bienveillant pour lui » comme le mentionne l’édit de Milan (voir le texte dans l’article sur les ariens) ? A-t-il fait construire un temple dédié à Dieu, quel qu’il soit ?

Une histoire mouvementée
Constantinople (carte issue de l’atlas historique mondial de Christian Grataloup *****)

De la première basilique il ne reste rien. Elle a été incendiée en 404 puis en 532 lors d’émeutes. Elle est rebâtie par l’empereur Justinien en 532 sur le modèle du Panthéon de Rome. La décoration intérieure, faite de mosaïques, est achevée sous le règne de Justin II (565-578).

Après les incendies, ce sont les séismes qui s’acharnent sur le bâtiment. Pas moins de 16 tremblements de terre vont mettre à mal l’édifice de 553 à 1999. Quand ce ne sont pas les éléments qui se déchaînent, ce sont les hommes : l’empereur Léon l’Isaurien, en 726, bannit les images des lieux de culte, c’est la période dite iconoclaste (du grec « briseur d’icônes ». Les statues et les mosaïques sont détruites. En 1204, Constantinople est prise… par les croisés qui devaient aller défendre le royaume latin de Palestine. Ils pillent les bâtiments et ne respectent pas les églises ! Le sac de la ville a servi à payer les Vénitiens qui devaient transporter les troupes sur leurs navires. Les fameux chevaux de Saint-Marc, le quadrige que l’on peut admirer à Venise, ne sont qu’une partie du butin, ils ornaient l’hippodrome de Constantinople.

Les chevaux de la basilique Saint-Marc à Venise

Les dégâts occasionnés par les hommes et surtout les catastrophes naturelles ont façonnés l’aspect extérieur de la basilique Sainte-Sophie. Toutes les constructions qui l’entourent, qui lui font un corset, sont des contreforts destinés à renforcer sa fragile structure.

L’époque ottomane

En mai 1453, le sultan ottoman Mehmet II assiège Constantinople. A cette époque, l’Empire byzantin est réduit à une portion congrue : la région de Constantinople et le Péloponnèse, le sud de la Grèce. Malgré cela, l’empire reste vivace, son commerce est florissant. Il rivalise avec les cités italiennes : Venise et Gênes.
Les défenseurs de Byzance sont confiants. Ils sont secondés par des Génois, qui occupent la colline de Galata (voir la carte). La ville a résisté à tous les sièges depuis 11 siècles grâce à trois lignes de défense et des citernes d’eau d’une capacité totale de plus d’un million de m³, dont la célèbre citerne souterraine « Basilique », qui se visite. Elle est un des lieux emblématiques du roman de Dan Brown, « l’Enfer », avec les ville de Florence.

La citerne Basilique

Mais les Ottomans ont les moyens de leurs ambitions : ils ont disposé des bombardes devant le mur de Théodose. Elles vont s’acharner sur les murailles de la ville pendant trois semaines. Quand enfin des brèches apparaissent, les 100.000 hommes de Méhmet II entrent dans la ville. Les 7.000 défenseurs sont massacrés en vertu des lois de la guerre : si la ville ne se rend pas, c’est le sort des habitants, la mort ou l’esclavage.

Sainte-Sophie est épargnée du pillage : Mehmet II s’y rend pour prier. Il fera ajouter deux minarets à l’édifice bien délabré et procédera à des réparations. Les mosaïques placées au cours des siècles précédents sont recouvertes d’un lait de chaux : la religion islamique interdit les représentations humaines… Quoique ! Les portraits des princes saoudiens s’étalent sur les murs des gratte-ciels de la Péninsule et les miniatures ottomanes et perses représentent Mahomet.

Le sultan Sélim II (1566-1577), fils de Soliman le magnifique, fit ajouter deux minarets au bâtiment et des contreforts pour le consolider. Il lui donne son aspect actuel.

Dernières restaurations

Le sultan Abdulmecid entreprit une restauration très important à partir de 1847. Elle fut confiée à deux architectes suisses, les frères Fossati. Les mosaïques furent nettoyées, les lustres remplacés et huit panneaux circulaires de 7,5 mètres de diamètre accrochés au piliers. Ces panneaux portent, en arabe, les noms d’Allah, de Mahomet, des quatre premiers califes : Abu Bakr, Umar, Uthman et Ali, ainsi que Hussayn et Hassan, les fils d’Ali et de Fatima.

Panneau reprenant le nom de Mahomet.

Après la guerre 14-18, dans ce qui reste de l’Empire ottoman, Mustapha Kémal chasse les armées d’occupation grecques, italiennes, françaises et britanniques et instaure une république turque et laïque. En 1932, la récitation du Coran en turc est diffusée à la radio à partir de Sainte-Sophie dont il a fait enlever les panneaux écrits en arabe. En 1934, il désacralise Sainte-Sophie (en turc : Ayasofya) et en fait un musée.

Les panneaux ne seront remis qu’en 1951.
En 1993, l’UNESCO entreprend de grands travaux de restauration qui durent jusqu’à aujourd’hui.
Que vont devenir les mosaïques qui ont été restaurées, maintenant que l’édifice est rendu au culte islamique ?

Les représentations chrétiennes ont été recouvertes de voiles (au-dessus de la tête d’Erdogan)

Dans quel état va se trouver Sainte-Sophie après le séisme d’une magnitude d’au moins 5 sur l’échelle de Richter qui est attendu dans les années à venir à Istanbul ?

Première prière musulmane à Sainte-Sophie en 2020 en présence du président Erdogan. L’édifice est trop petit pour accueillir tous les fidèles.

D’autres chrétiens : les ariens

Avant-propos

Jésus était juif et son message, quel qu’il soit, était destiné aux juifs. Ces affirmations sont subordonnées à deux conditions : (1) l’existence de Jésus qu’aucune preuve historique ne vient confirmer et (2) la véracité des récits des évangiles, écrits par des disciples des générations suivantes qui, probablement, n’ont pas vécu les événements. Comme l’a dit un des membres des Rolling Stones, dans un tout autre contexte, celui de leur biographie : « la vérité ne doit pas gâcher une belle histoire« .

Les évangiles restent très vagues sur la personnalité de Jésus. Jésus y demande même à ses disciples : « qui dites-vous que je suis ?  » (Matthieu 16, 13-16). A la lecture des évangiles, Jésus a plusieurs personnalités. Lorsqu’on s’adresse à lui, on l’appelle « rabbi », c’est-à-dire « maître« , une personne qui connaît et interprète les Écritures. Mais on peut le voir comme un prophète, comme le Fils de l’homme (personnage qui apparaît dans la livre de Daniel à la droite de Dieu), le messie attendu par les Juifs (voir l’article sur ce sujet) ou le Fils de Dieu. Plus philosophiquement, au IIe siècle, Marcion verra en lui un ange, un être surnaturel, envoyé par un dieu nouveau et les gnostiques le considéreront comme un « éon« , une puissance émanant de Dieu (j’en parlerai dans un prochain article).

Sur ces différentes natures, à partir de la fin du Ier siècle, plusieurs mouvements ont développé leur propres croyances, certaines au sein du judaïsme, d’autres en dehors.

Origine de l’arianisme

L’arianisme prend sa source directement dans les évangiles. C’est la croyance que Jésus est le fils de Dieu, qu’il a été engendré par Dieu à un moment donné, qu’il est une créature distincte du Père et qu’il lui est subordonné. Pour rappel, la doctrine actuelle des Eglises chrétiennes définit Jésus comme une des trois personnes en Dieu, de la même substance et la même origine, incréé (voir l’article intitulé : la nature de Jésus) : Jésus est Dieu.

Au début du IVe siècle, après une période troublée de guerres civiles engendrant des persécutions, Constantin devient empereur de l’Empire romain d’Occident. En 313, Constantin et son beau-frère Licinius, qui règne sur l’Orient, réunis à Milan, publient un édit proclamant la tolérance religieuse pour tous afin d’établir la paix dans l’Empire. Voici le texte tel qu’Eusèbe de Césarée nous l’a transmis :

Etant heureusement réuni à Milan, moi, Constantin Auguste, et moi, Licinius Auguste, ayant en vue tout ce qui intéresse l’unité et la sécurité publiques, nous pensons que, parmi les autres décisions profitables à la plupart des hommes, il faut en premier lieu placer celle qui concerne le respect dû à la divinité et ainsi donner aux chrétiens, comme à tous, la liberté de pouvoir suivre la religion que chacun voudrait, en sorte que ce qu’il y a de divin au céleste séjour puisse être bienveillant et propice à nous-mêmes et à tous ceux qui sont placés sous notre autorité.

Mais le calme ne régna pas dans l’Empire. Plusieurs mouvements chrétiens vont s’opposer, verbalement, mais aussi par voie de fait. Les fidèles d’un évêque d’Afrique, Donat, refusent que les évêques ayant sacrifié aux dieux romains et à l’empereur durant les persécutions puissent continuer à donner les sacrements : ils sont chassés violemment de leur diocèse. A Alexandrie, Arius (250-336) professe que Jésus est inférieur à Dieu, ce qui l’oppose à l’évêque de la ville. Devant le désordre engendré par la liberté accordée, Constantin convoque les évêques à Nicée (près de la ville de Byzance) en 325. [NB : Byzance est une ancienne ville grecque que Constantin va transformer pour créer sa ville : Constantinople.] La majorité des évêques présents rejettent les thèses d’Arius : Jésus est Dieu, il est de même nature que le Père, incréé et éternel. Arius est excommunié et exilé.

Mais quelle est la vision de Constantin sur le christianisme : en 323, soit deux ans avant le fameux concile, dans le discours à l’Assemblée des Saints (ou Assemblée du Vendredi saint), Constantin déclarait que le père et le fils ont la même essence, mais ne sont pas égaux… ce qui était le credo des ariens. Il finira par rappeler Arius de son exil et sur son lit de mort, en 337, il se fera baptisé par Eusèbe de Nicomédie, un évêque arien.

On peut se demander pourquoi Constantin, qui n’est pas (encore) chrétien, préside un concile et prononce un discours le Vendredi saint. Il faut se rappeler que l’empereur est le pontifex maximus (le grand pontife) qui entre autres est le plus haut responsable religieux de l’Empire. Il préside donc toutes les cérémonies religieuses, non seulement chrétiennes mais également celles honorant Sol Invictus (le soleil invaincu), le patron officiel de l’Empire.

Pièce de monnaie représentant Constantin et Sol invictus

La charge de pontifex maximus sera abandonnée en 383 par empereur Gratien. Aujourd’hui, le titre est porté par le pape, le souverain pontife.

Le triomphe de l’arianisme

Avec Constantin s’amorce le règne des empereurs chrétiens, mais ils cherchent leur voie. A Constantin succède ses deux fils, Constance II, arien et Constant, nicéen (catholique si on accepte l’anachronisme). Il faudra attendre Théodose Ier (347-395) pour que la doctrine nicéenne deviennent la religion d’Etat en 380.

Pendant ce temps, au nord du Danube, un évêque arien Wulfila (311-383) propage l’arianisme chez les peuples germaniques dont il est issu. Il convertit les Wisigoths et les Vandales. Au Ve siècle, lorsque les peuples germaniques, poussés par l’arrivée des Huns, migrent vers les territoires de la Gaule, ils apportent avec eux l’arianisme. L’enseignement catholique va faire d’eux des barbares, dans le sens péjoratif du mot, car ils suivent un autre dogme.
[NB : Les Germains sont des peuples issus du sud de la Scandinavie, du Danemark et du nord de l’Allemagne actuelle. Ils se sont mis en marche vers le sud à partir du VIe ou du Ve siècle avant notre ère. Ils ont occupé tous les territoires à l’est du Rhin et au nord des Alpes et du Danube. Le nom que leur ont donné les Romains viendrait de ce qu’ils les considéraient comme frères, « germani » en latin, des Gaulois.]
Ce ne sont pas des envahisseurs, mais des migrants. La plupart ont servi dans l’armée romaine. Ils ne viennent pas pour détruire l’Empire romain, mais pour bénéficier de ses bienfaits. Ils vont d’ailleurs préserver l’administration romaine. Peut-on en conclure que leur avancée vers le sud fut pacifique ? Certes non, parmi eux se trouvaient évidemment des pillards.

Leurs évêques (ariens) vont occuper les diocèses désertés par le clergé nicéen, fuyant leur approche.
Seuls les peuples déjà implantés dans le nord de l’Empire, c’est-à-dire les Francs, les Frisons, les Angles et les Saxons sont restés fidèles à la religion germanique. Donc, au Ve siècle, l’Eglise catholique (nicéenne) domine la partie orientale de l’Empire (Constantinople), et à l’ouest, la religion arienne s’est implantée. Mais si les migrants sont ariens, la population gallo-romaine est essentiellement catholique.
Il faut remarquer que le pape (catholique) est resté à Rome, dans un territoire administré par les Ostrogoths ariens.

Installation des peuples germaniques
Déclin de l’arianisme

C’est un roi franc, Clovis (466-511), dont le père Childéric a combattu dans l’armée romaine contre Attila en 451, qui va être à l’origine du déclin de l’arianisme par sa conversion au catholicisme vers l’an 500. En fait on ne connaît pas la date exacte. La légende raconte qu’il aurait promis de se convertir à la religion de sa femme (catholique), si son Dieu lui donnait la victoire lors d’une bataille. Cette légende a été forgée au VIe siècle par l’évêque Grégoire de Tour qui le présente comme le nouveau Constantin. La réalité est plus prosaïque, plus politique.

En 489, Théodoric, un Ostrogoth arien très cultivé, s’installe à Rome et chasse Odoacre, qui avait dépossédé le dernier empereur et provoqué ce que l’Histoire appelle la fin de l’Empire romain (d’Occident).
L’empereur romain d’Orient Zénon (474-491) lui confie le « Sénat et le Peuple Romain » (SPQR : Senatus populusque romanus) et lui envoie les insignes du pouvoir qu’Odoacre avait dédaignés quelques années plus tôt. Théodoric devient donc le numéro 2 de l’empire, après l’empereur d’Orient, et par une habile politique de mariages, devient le protecteur de tous les peuples germains. Clovis lui a donné sa sœur en mariage.

Mais un nouvel empereur byzantin, Anastase (491-518) se méfie des visées expansionnistes de Théodoric. Est-ce lui qui pousse Clovis à la conversion pour créer un contre-pouvoir ? Par sa conversion, Clovis se rallia la population gallo-romaine des Gaules. Anastase le nomma consul et patrice. C’est dans l’église de Tours qu’il revêtit la tunique pourpre et le diadème… loin de l’image traditionnelle du Barbare : il était vice-empereur, princeps, premier du sénat, titre qui le plaçait au-dessus de Théodoric.

Clovis peut commencer la conquête de la Gaule. Il s’attaque aux Alamans, s’allie aux Burgondes et menace les Wisigoths. Anastase empêche Théodoric d’intervenir en attaquant le sud de l’Italie. L’histoire est en marche.

Au VIe siècle, l’empereur byzantin, Justinien Ier, parti à la reconquête de l’Empire romain, reprend l’Italie aux Ostrogoths. Il chasse les Vandales installés en Afrique du nord. A la fin de ce siècle, le roi wisigoth d’Hispanie (Espagne) se converti au catholicisme. L’arianisme est en voie de disparition, la persécution des juifs commence en Hispanie.

[NB :  Le nom commun « vandale » a été utilisé pour la première fois lors de la révolution française par l’abbé Grégoire pour décrire les destructions du patrimoine causées par les disciples de Robespierre. Mais les Vandales n’étaient pas des vandales.]

La donation de Constantin

Inspiré de « Quand l’Histoire fait dates : 315, la donation de Constantin » (Arte : https://www.arte.tv/fr/videos/086127-008-A/quand-l-histoire-fait-dates/)

Le document

La Bibliothèque Nationale de Paris possède une copie d’un document daté du quatrième consulat de l’empereur Constantin, dans la onzième année de son règne, soit 315, appelé la « Donation de Constantin ». Constantin (272-337) est cet empereur qui a donné la liberté de culte à tous pour assurer la paix dans l’empire en 313 (voir l’article sur les martyrs) et qui a réuni et présidé le concile de Nicée en 325.

Que contient cette donation ? Par cet acte, Constantin fait un ensemble de concessions, de dons à l’évêque de Rome, le pape Sylvestre Ier (285-335) à savoir :

  • la primauté sur tous les évêques, donc, toutes les Eglises,
  • les églises de Rome : Saint-Jean de Latran, Saint-Pierre et Saint-Paul-hors les-Murs, (NB : d’après ce document, ces églises existaient en 315, alors que la liberté de culte n’avait été accordée que deux ans auparavant),
  • des biens dans diverses provinces,
  • les insignes impériaux,
  • Rome, l’Italie et toutes les provinces de l’Occident romain.

Dans le même document, Constantin, confesse sa conversion et sa croyance à la Sainte-Trinité, et dit se retirer à Constantinople pour diriger la partie orientale de l’Empire, laissant le pouvoir sur la partie occidentale au pape. Le pape a donc l’autorité sur les évêques et le pouvoir sur ces territoires. Il cumule le pouvoir spirituel et temporel.

Les papes semblent ignorer ce document jusqu’au XIe siècle. Il faut attendre le pape Grégoire VII (mort en 1085) qui réclame l’autorité de Rome sur les tous les pays chrétiens.
Le pape Grégoire IX (1145-1241) exhibera ce document, en 1236, devant Frédéric II Hohenstaufen (1194-1250), l’empereur du Saint empire romain germanique. Par ce geste, il voulait rappeler à l’ordre l’empereur. C’est lui, le pape, qui a le pouvoir sur tout l’Occident, l’empereur Frédéric lui doit obéissance. Cette intimidation n’a pas fonctionné : Frédéric a été excommunié par deux fois !

Critiques du document

Dès le XIIe siècle, des voix s’élèvent pour contester le document dans l’empire byzantin dont l’Eglise vient de se séparer de Rome, elle est devenue l’Eglise orthodoxe en 1054. L’argument est simple : le transfert du pouvoir de Rome à Constantinople, annule la donation de Constantin. D’autres argumentent que si Constantin, empereur a accordé un pouvoir au pape, c’est que l’empereur est supérieur au pape, or l’empereur se trouve actuellement à Constantinople.

En 1440, Laurent Valla, étudie la langue du texte et conclut qu’il ne s’agit pas d’un document du IVe siècle : le latin utilisé est du bas latin, pas le latin de l’Empire. Ainsi, entre autres, le mot « armée, troupe » est rendu par « militia » alors que le mot correct est « miles« . Le document daterait du VIIIe siècle, il aurait été rédigé sous les Carolingiens ! Mais Laurent Valla ne remet pas en cause la donation elle-même.

Un faux

La copie de la Bibliothèque Nationale date bien du VIIIe ou du IXe siècle. Aujourd’hui, la forgerie est bien avérée. Non seulement l’étude critique du texte, faite par Laurent Valla, prouve que le texte n’a pas pu être rédigé par Constantin, mais la connaissance de l’Histoire va dans le même sens.

Constantin n’a pas pu adhéré à la Sainte-Trinité dont le dogme n’a été institué officiellement qu’au concile de Nicée, dix ans plus tard. Constantin n’a été baptisé que sur son lit de mort… par un évêque chrétien certes, mais arien. Or les ariens ne reconnaissent pas la Sainte-Trinité. Pour eux, Jésus n’est pas Dieu, mais son fils. Il a été créé et est subordonné à Dieu.
Constantin n’a pas pu se retirer à Constantinople dont la construction n’a commencé qu’en 324 et jusqu’à cette date, c’est le co-empereur Licinius, beau-frère de Constantin, qui dirigeait la partie orientale de l’Empire. Constantin n’a pas pu céder la seule partie de l’Empire qu’il détenait.

Conclusion

Ce document est la base de la primauté des évêques de Rome, de l’autorité des papes sur les royaumes chrétiens au Moyen-Age et de leur pouvoir temporel sur les Etats pontificaux très étendus à la même époque. J’emprunterai la conclusion au narrateur du documentaire dont je me suis inspiré, l’historien Patrick Boucheron : « Les événements qui n’ont pas eu lieu ont parfois dans l’Histoire autant d’influence que les événements qui ont eu lieu. »

Dans tous mes articles, j’essaie de montrer que cette conclusion est souvent avérée.

Péché et rédemption

Définitions

Étymologiquement, le péché est une chute hors de la voie. C’est une transgression (à la loi religieuse), une désobéissance (à Dieu).

La rédemption, du latin « redemptio », le rachat, désigne dans le vocabulaire théologique chrétien l’acte par lequel Jésus rachète les hommes esclaves de leurs péchés en le payant de sa vie. J’essaierai d’expliciter ce concept plus bas. Augustin d’Hippone (354-430), connu sous le nom de saint Augustin, a écrit : « Heureuse faute qui nous a valu un tel rédempteur« .

Le péché dans le judaïsme

Le judaïsme n’insiste pas sur la notion de péché. Seul le péché rituel est pris en compte, et il est traité paternellement. Donc, rater un sabbat ou ne pas manger kascher ne conduit pas en enfer.
Un jour de l’année est particulier, c’est le Yom Kippour, le jour du grand pardon. Lors d’un jeûne de 25 heures entrecoupé de 5 prières, chaque juif demande que ses fautes envers Dieu lui soit pardonnées. Les fautes envers les hommes, elles, doivent être réparées, elles ne sont jamais pardonnées.

Dans des temps « anciens« , lors du Yom Kippour, le grand prêtre choisissait deux boucs, l’un était sacrifié à Dieu, l’autre emportait tous les péchés d’Israël dans le désert. C’est le rite du « bouc émissaire » relaté dans le livre du Lévitique 16, 15-22. Voici le texte des versets 20 à 22 (on est dans le désert, au temps de Moïse et de son frère Aaron) :

Une fois achevée l’expiration du sanctuaire, il fera approcher le bouc encore vivant. Aaron lui posera les deux mains sur la tête et confessera à sa charge toutes les fautes des Israélites, toutes leurs transgressions et tous leurs péchés. Après en avoir ainsi chargé la tête, il l’enverra au désert sous la conduite d’un homme qui se tiendra prêt et le bouc emportera sur lui toutes leurs fautes en un lieu aride.

On ignore si cette cérémonie a réellement été appliquée. Les fautes dont il est question, sont des fautes collectives, les manquements du peuple envers Dieu, on ne parle pas de fautes personnelles.

Le péché dans l’islam

Dans l’islam, toute transgression de la loi est assimilée à un péché. Ainsi, les péchés les plus graves sont l’hérésie, le polythéisme, la fornication, l’apostasie, les jeux de hasard, etc., tout ce qui est haram (interdit).

Le musulman utilise souvent l’expression « inch Allah », « si Dieu le veut ». Ce que corrobore le Coran (18, 23-24) :

Et ne dis jamais à propos d’une chose : « Je le ferai sûrement demain » sans ajouter « si Allah le veut », et invoque ton Seigneur quand tu oublies et dis : « Je souhaite que mon seigneur me guide et me mène plus près de ce qui est correct ».

On pourrait donc croire que toutes les actions sont déterminées par la volonté d’Allah. D’autant plus qu’à la sourate 8, 17, on lit : « Ce n’est pas vous qui les avez tué, mais c’est Allah qui les a tués… Allah est audient (NB : il peut entendre tout) et omniscient.« 

Or dans l’islam, comme dans tous les courants philosophiques, les oulémas débattent pour savoir si l’homme a son libre arbitre ou s’il est prédestiné. Ainsi « tout ce qui est généré par nos actes est notre action » s’oppose à « l’homme n’a qu’une connaissance partielle des effets de ses actes ». Entre ces deux extrêmes, on trouve : « si l’homme connaît la modalité de ses actes, il a le libre arbitre, sinon, l’acte doit être attribué à Allah« .

Ce débat était déjà présent en Mésopotamie, bien avant l’islam. Ainsi un texte s’interroge : « Pourquoi être irréprochable dans son comportement personnel, social et religieux si l’on peut être puni pour une faute dont on n’a même pas conscience ? A quoi servent les bonnes actions si elles ne garantissent pas une vie sans épreuves ? »

Le péché originel

C’est le nom que donnent les chrétiens à la cause du renvoi d’Adam et de Ève du Paradis dans le roman de la Bible.
Pour rappel, Adam a été créé à l‘image de Dieu. Pour le sortir de sa solitude, Dieu lui a façonné une compagne, Ève. Adam est libre dans le Paradis, une seule interdiction lui a été faite : ne pas « manger » de l’arbre de la connaissance du bien et du mal. Le serpent tente Ève qui pousse son compagnon à manger le fruit de cet arbre. L’exclusion du Paradis sera le châtiment pour cette désobéissance.

Dans l’Épître aux Romains 5, 12, attribuée à Paul, on lit « … de même que par un seul homme (Adam), le péché est entré dans le monde, et par le péché, la mort, et qu’ainsi la mort a passé en tous les hommes, situation dans laquelle tous ont péché« .

Paul lie le péché originel à la mort. Or dans la Bible, rien ne dit qu’Adam et Ève sont immortels, au contraire. Lorsqu’il constate la désobéissance, Dieu dit « Voilà que l’homme est devenu comme l’un de nous, pour connaître le bien et le mal. Qu’il n’étende pas maintenant la main sur l’arbre de vie, n’en mange et ne vive pour toujours » (Gen. 3, 22). Ce personnage énigmatique qu’est Paul (j’y reviendrai dans un prochain article) ne connaît pas la Torah alors qu’il a la prétention de diriger la vie spirituelle des premiers chrétiens.

D’après le raisonnement dogmatique de Paul, basé sur un récit mythologique, l’homme est souillé dès sa naissance. Il porte la responsabilité de la faute d’Adam qui lui est transmise par hérédité. Augustin d’Hippone reprend ce discours : l’homme est souillé par engendrement. Le baptême efface la souillure. Or comme on baptise les enfants, c’est la preuve qu’ils sont souillés dès la naissance. Le péché originel est un péché de chair. Pour lui, c’est sexuel !

Seuls les catholiques adhérent à ce dogme. Les protestants et les orthodoxes s’en sont éloignés.
Les juifs ignorent la conséquence de l’acte d’Adam, ils sont les élus de Dieu.
Les musulmans ont une interprétation différente (Co. 20, 115-123) :

Nous avons auparavant fait une recommandation à Adam : mais il l’oublia et nous n’avons pas trouvé chez lui de résolution ferme.
Et quand nous dîmes aux anges de se prosterner devant Adam, ils se prosternèrent excepté Iblis (le Diable) qui refusa.
Alors nous dîmes : « Ô Adam, celui-là est vraiment un ennemi pour toi et ton épouse (NB : elle n’a pas de nom). Prenez garde qu’il vous fasse sortir du Paradis, car alors tu seras malheureux.
Car tu n’y auras pas faim, ni ne sera nu.
Tu n’y auras pas soif ni seras frappé par l’ardeur du soleil.
Puis le Diable le tenta en disant : Ô Adam, t’indiquerai-je l’arbre de l’éternité et un royaume impérissable ? »
Tous deux en mangèrent. Alors leur apparut leur nudité. Ils se mirent à se couvrir avec des feuilles du paradis. Adam désobéit ainsi à son Seigneur et il s’égara.
Son Seigneur l’a ensuite élu, agréé son repentir et l’a guidé.
Il dit : « Descendez d’ici (NB : le paradis n’est pas sur terre). Vous serez tous ennemis les uns des autres (Note du Coran de Médine : on peut comprendre les humains et les diables). Puis si jamais un guide vous vient de ma part, quiconque suit mon guide ne s’égarera ni ne sera malheureux.

Péché et rédemption dans le christianisme

Pour le christianisme, l’homme est un pécheur et réside, jusqu’à sa mort, dans un monde soumis au Diable. Dans les évangiles, la plupart des miracles de Jésus sont des exorcismes, il chasse des démons.
Le péché est le fonds de commerce du catholicisme. La confession mensuelle était une obligation il n’y a pas encore longtemps et le prêtre était habilité à pardonner (ou faire pardonner) les péchés des paroissiens.
Je reviens sur la définition chrétienne de rédemption : « l’acte par lequel Jésus rachète les hommes esclaves de leurs péchés en le payant de sa vie. » Elle amène plusieurs questions. De quoi Jésus sauve-t-il ? En quoi sa mort sauve-t-elle ? En quoi la crucifixion est-elle nécessaire à notre rachat ? Pour répondre à ces questions, j’ai consulté le courrier des lecteurs du quotidien catholique français La Croix espérant y trouver des réponses concrètes. Désillusion! Je n’ai trouvé que des lieux communs et des phrases vides de sens. Il faut dire que le sujet est délicat.

Florilège.
En quoi le Christ nous sauve-t-il ?
Le rédacteur prend d’abord une précaution : « Dès que l’on affirme que le Christ nous apporte le salut, les choses sont nettement moins claires« . Un théologien se porte à son secours (je résume) : Nous souhaitons tous le bonheur, aimer et être aimé, mais nous ne pouvons l’atteindre par nos propres moyens. Les chrétiens sont aimés par Dieu, gratuitement, c’est cela le salut que l’homme reçoit. Nous ne sommes pas sauvé par la mort de Jésus, mais par son amour.
Par sa résurrection, Jésus donne l’exemple, elle ne sera pas la seule. Si le salut est offert à tous, il n’est pas automatique : il faut avoir la foi. Jésus ne te sauvera pas sans toi.

Quel lien entre la mort du Christ et nos péchés ?
Dans la réponse précédente, on nous disait : Nous ne sommes pas sauvé par la mort de Jésus, mais par son amour. Qu’en est-il ici ?
Il faut revenir à des vérités simples : Jésus est mort et ressuscité pour nous les hommes, pour notre salut.
C’est tout ce qu’on peut tirer de la réponse.

La croix est-elle nécessaire à notre rachat ?
La réponse est un coupé-collé de la question précédente.
C’est le père jésuite Michel Souchon qui repond(ait). Il conclut par « Jésus nous a révélé le visage du Père, un dieu à visage humain qui veut aimer l’homme et non pas le faire payer. Révélation formidable pour nous les hommes et pour notre salut. Pour cette révélation, Jésus a mis en jeu sa propre vie, il nous a libéré du péché au prix de sa vie ».

Je suis désolé de vous avoir laissé sur votre faim, mais je ne peux pas faire mieux que des théologiens aguerris. Leur raisonnement est une boucle : salut – mort – résurrection. Au IIe siècle de notre ère, une des innombrables sectes chrétiennes, les gnostiques, ne croyait pas à la crucifixion, ni à la résurrection de Jésus. Pour les gnostiques, c’est l’enseignement de Jésus qui indiquait le chemin du salut.

Qu’est-ce qui a changé, sur terre, depuis la période de Jésus ? Rien, strictement rien. J’ai peine à imaginer que Dieu ait construit un complexe hôtelier tout neuf, appelé Paradis, pour accueillir les âmes sauvées par Jésus.