Islam : la prière en question

Allah a imposé à ses fidèles de le vénérer cinq fois par jour. Il a codifié le rituel de la prière : la génuflexion, la prosternation et la direction de celle-ci. Mais il a oublié que le monde, qu’il est censé avoir créé, évolue.

Le 10 octobre 2007, le médecin Sheikh Muszaphar Shukor s’envole à bord du vaisseau Soyouz TMA-11 pour une mission de 10 jours à bord de la Station spatiale international (ISS). Le médecin est malaisien et musulman.

Un comité d’oulémas se réunit en urgence pour déterminer comment il devra prier une fois arrivé là haut, où physiquement tout est différent : la station fait 16 fois le tour de la Terre par jour, on a donc une succession de 16 jours et de 16 nuits par 24 heures, la station tourne sur elle-même et tous les modules ne sont pas pressurisés : les passagers sont souvent en apesanteur. De plus, le planning est très strict et l’espace exigu.

Le travail des oulémas n’est pas facile, mais il faut définir un mode de prière adéquat, car Sheikh Muszaphar Shukor est maintenant un homme public, héro vers qui toute la Malaisie porte les yeux. Première chose, sa femme devra porter le voile, ce qu’elle ne portait sur les premières photos du couple.

Très vite, les oulémas oublient la direction de la prière, trop difficile à déterminer alors que rien n’assure que l’astronaute sera face à la Terre, il se présentera peut-être de dos. Ils passent sous silence les ablutions et le changement de vêtement qui précédent la prière… impossibles dans la station spatiale.
Dans la mesure du possible, il devra placer son front sur le sol de l’habitable, mais il sera dispensé du rite de la génuflexion que l’apesanteur rend trop difficile. Si la prière rituelle n’est pas possible, on lui demande de trouver un lieu et un geste approprié. En dernier recours, il devra se contenter de s’imaginer qu’il prie, de prier dans sa tête. L’important n’est pas le cérémonial, mais la sincérité de la prière.

Est-ce valable pour tous les musulmans ?

Rappelons que les modalités de la prière ne sont pas fixées par le Coran qui ne spécifie pas comment prier, ni quand prier. J’ai traité ce sujet en détail dans un article sur le salafisme.

La circoncision

« Huit jours plus tard, quand vint le moment de circoncire l’enfant, on l’appela du nom de Jésus… » (Luc 2, 21). Jésus était juif, il fut donc circoncis. Dans l’Antiquité, la circoncision était déjà pratiquée par les Égyptiens. Une stèle du site de Saqqarah montre un prêtre accroupi pratiquant une circoncision sur un homme debout. Mais on ignore la portée de cet acte et son ampleur. La circoncision était-elle généralisée ou était-ce un marqueur social ? Cette pratique faisait horreur aux Grecs et aux Romains, qui l’assimilaient à une mutilation.

La circoncision, comme acte rituel, est une « obligation » religieuse pour tous les garçons juifs d’après la Bible. Elle se pratique le huitième jour de la naissance. En Genèse 17, 10-12, Dieu dit à Abraham : « Et voici mon alliance qui sera observée entre moi et vous, et ta postérité après toi : que tous vos mâles soient circoncis. Vous ferez circoncire la chair de votre prépuce, et ce sera le signe de l’alliance entre moi et vous. Quand ils auront huit jours, tous vos mâles seront circoncis, de génération en génération. »

Le Coran n’en parle pas. Malgré la centaine de versets sur Abraham, pas de trace de la circoncision. Il faut recourir aux hadiths pour expliquer le rituel musulman. Quand les fidèles se posaient des questions comme « faut-il circoncire mon garçon ? », quelqu’un se souvenait des paroles du prophète : « j’ai entendu dire par X qui le tenait de Y que le prophète a dit… ». Et un nouvel hadith prenait vie. En 20 ans de révélations, Allah a fait descendre 6236 versets du Coran. Pendant la même période, Mahomet a prononcé des dizaines de milliers de hadiths. Entre autres, il aurait dit : « Cinq actes font partie de la nature saine originelle : la circoncision, le rasage du pubis, le fait de se couper la moustache, le fait de se couper les ongles et l’épilation des aisselles« .

Situations en Europe

En France

Autrefois, fête tribale ou rituel religieux, la circoncision est devenue une banale opération chirurgicale effectuée en clinique, bien souvent aux frais de la société, dans laquelle les communautés musulmanes et juives sont minoritaires. Donc, dans certains pays, c’est la Sécurité Sociale qui prend en charge l’acte médical, dans d’autres pays, ce sont les parents qui paient l’intervention. Ainsi, en France, une circoncision coûte environ 900 EUR aux parents.

En Belgique

En Belgique, en 2012, l’assurance maladie-invalidité (INAMI) est intervenue pour 25.286 circoncisions, pour un coût total de 2,476 millions d’euros, révèle le quotidien Le Soir (10/8/2012). Alors que certains s’interrogent sur la pertinence du remboursement de cet acte chirurgical, le nombre d’interventions prises en charge par l’INAMI aurait augmenté de 21% entre 2006 et 2011. On estime que depuis 25 ans, environ un garçon sur trois né en Belgique serait circoncis. Si aucune statistique officielle ne permet de distinguer les circoncisions effectuées pour raisons médicales, personnelles ou rituelles (l’INAMI n’impose pas au médecin de spécifier les raisons de la circoncision), selon les hôpitaux wallons et bruxellois, 80 à 90 % des cas répondraient à un impératif culturel et/ou religieux.

En 2017, le Comité d’éthique médicale des hôpitaux de Bruxelles, a émis un certain nombre de questions :

  • Est-il éthiquement admissible de procéder à une circoncision en dehors de toute indication médicale ?
  • Est-il éthiquement admissible qu’une circoncision en dehors de toute indication médicale soit pratiquée par un médecin et en milieu hospitalier ?
  • Est-il éthiquement admissible que cette intervention soit à charge de la sécurité sociale ?
  • Est-il éthiquement admissible que la loi traite différemment la circoncision masculine et la circoncision féminine (excision) ?

[NB : l’excision est qualifiée de “torture” selon l’article 3 de la Convention Européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Elle est passible de 15 ans de prison et 150.000 d’amende en France, qui poursuit également les délits commis hors de son territoire. Tous les pays européens ont des législations équivalentes.]

Le Comité bruxellois précise : « Le simple fait de poser une question éthique, même lorsqu’elle entretient un rapport étroit avec des prescrits religieux ou des conformités culturelles, ne peut, dans une société pluraliste et tolérante comme la nôtre, être compris comme une atteinte à cette religion, à cette culture ou à la liberté de religion ou d’opinion et à la liberté de manifester celles-ci« .

Allemagne

En Allemagne, toujours en 2012, une polémique est née après une circoncision ratée par un médecin.
La justice allemande a estimé que la circoncision d’un enfant pour des motifs religieux était une blessure corporelle passible d’une condamnation. Dans son jugement, le tribunal de grande instance de Cologne a estimé que « le corps d’un enfant était modifié durablement et de manière irréparable par la circoncision. Cette modification est contraire à l’intérêt de l’enfant qui doit décider plus tard par lui-même de son appartenance religieuse. Le droit d’un enfant à son intégrité physique prime sur le droit des parents« .
Les droits des parents en matière d’éducation et de liberté religieuse ne sont pas bafoués s’ils attendent que l’enfant soit en mesure de décider d’une circoncision comme « signe visible d’appartenance à l’islam », poursuit le tribunal.
Mais le gouvernement n’a pas suivi la Justice. Le circoncision reste permise. On ne s’érige pas contre une communauté de 4 millions de personnes qui sont de potentiels électeurs. Depuis la fin des années 1970, tout ce qui touche à l’islam est devenu tabou. L’Europe a peur. Même les historiens hésitent à défendre des thèses allant à l’encontre de la tradition musulmane : la Sîra et les récits des expéditions et de la conquête, écrits au IXe siècle, sont devenus la référence.

L’idée que chacun puisse disposer de son corps à sa guise est très louable… mais contraire à la charia. Tout enfant né d’un père musulman est musulman de facto. Une musulmane ne peut épouser qu’un musulman… pour ne pas se laisser convaincre par son mari. On est musulman à vie : tout apostat est puni de mort. Cette loi a probablement été édictée au début de la conquête arabe lorsque les non musulmans se sont convertis en masse pour bénéficier des avantages accordés aux musulmans (respect, impôts, libertés). Une fois musulmans, ils ne pouvaient plus revenir à leur religion d’origine sous peine de mort.

Union européenne

En octobre 2013, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe adopte, par 77 voix pour et 19 contre, la résolution 1952 invitant les États membres à prendre des mesures contre les « violations de l’intégrité physique des enfants« . Les parlementaires recommandent d' »adopter des dispositions juridiques spécifiques pour que certaines interventions et pratiques ne soient pas réalisées avant qu’un enfant soit en âge d’être consulté« .
Cette résolution, qui ne cite pas nommément la circoncision, n’a jamais été mise en application dans la législation des pays membres.

Deux poids, deux mesures : le tatouage

Dans la Bible, le livre du Lévitique 19, 28 proclame « Vous ne vous ferez pas d’incisions sur le corps pour un mort et vous ne vous ferez pas de tatouages« . Les rabbins justifient cette interdiction en rappelant que le corps est un don de Dieu, le temple du Seigneur. Il faut le conserver tel quel pour ne pas lui manquer de respect. Il était interdit aux mutilés de pénétrer dans le temple. Donc, pour les juifs, la circoncision n’est pas une mutilation, enlever le prépuce n’est pas une modification du corps, temple de Dieu ?

[NB : dans certaines sociétés tribales, on s’incisait le corps lors de la mort d’un proche pour marquer son deuil.]

La même interdiction des tatouages se retrouve, bien entendu, dans l’islam, bien que le Coran n’en parle pas.
A la question « Pourquoi les tatouages sont-ils interdits en Islam alors qu’ils n’ont aucun effet sur la santé ? « , un spécialiste de la loi islamique (un ouléma) donne un avis juridique (une fatwa) sur le site islamweb.net : le tatouage est considéré comme un changement dans la création d’Allah, donc interdit… mais pas la circoncision, ni l’excision.

Voici le texte intégral de la fatwa. Certains musulmans sont atteints de schizophrénie qui « se caractérise par des pensées ou des expériences qui semblent complètement détachées de la réalité, un discours ou un comportement désorganisé« . Vouloir appliquer des normes tribales d’un autre temps à la réalité d’une société interconnectée conduit inexorablement à un dérèglement mental. Satan doit être omniprésent dans leur monde.

Louange à Allah et que la paix et la bénédiction soient sur Son Prophète et Messager, Mohammed, ainsi que sur sa famille et ses Compagnons :

Sachez, qu’Allah, exalté soit-Il, est Sage dans Ses Lois et Ses Décrets. Toutes Ses Paroles sont véridiques et tous Ses jugements sont équitables. Il dit (sens du verset) : « Et la parole de ton Seigneur s’est accomplie en toute vérité et équité… » (Coran : 6/115). Sa Législation tout entière émane d’une parfaite Sagesse. Il nous rend licites des choses en raison de leurs immenses bénéfices et Il rend illicites des choses en raison de leurs immenses méfaits. Il se peut que l’être humain ne soit pas au courant de tous ces bénéfices et ces méfaits.

C’est pour cela qu’il incombe au musulman de se soumettre aux ordres d’Allah, exalté soit-Il. Allah, exalté soit-Il, dit (sens du verset) : « Il n’appartient pas à un croyant ou à une croyante, une fois qu’Allah et Son messager ont décidé d’une chose d’avoir encore le choix dans leur façon d’agir…  » (Coran 33/36)

Le mieux que nous puissions dire concernant l’interdiction du tatouage est que cette interdiction provient du Messager d’Allah et est une Révélation d’Allah, exalté soit-Il. Abû Djuhayfa a dit : « Le Prophète a maudit les tatoueuses et les tatouées. » (Boukhari : NB : Boukhari et Mouslim sont des collecteurs d’hadiths)

Il n’y a pas d’inconvénient à chercher la sagesse contenue dans certaines interdictions après  avoir cru et s’être conformé aux ordres pour augmenter la foi dans le cœur. Parmi les sagesses mentionnées par les oulémas figure le fait que le tatouage est un changement de la création d’Allah, exalté soit-Il. Certains hadiths font allusion à ce fait : «[…] modifiant ainsi la création d’Allah.  » (Boukhari et Mouslim). Aussi, le tatouage peut causer des dommages au corps et n’a aucun bénéfice véritable.

Sachez enfin que les tatouages n’ont aucune incidence sur les ablutions car ils se trouvent sous la peau et n’empêchent pas l’eau d’atteindre celle-ci.

Et Allah sait mieux.

La charte de Yathrib (Médine)

La charte de Yathrib, aussi appelée « constitution de Médine », est à la politique ce que le Coran est à la religion pour les compagnons de Mahomet.
Ali, le cousin, beau-fils du prophète et quatrième calife gardait le document dans le fourreau de son épée d’après les hadiths collectés par ibn Hanbal (mort en 855), le théologien le plus traditionaliste, dont l’école de jurisprudence a donné naissance au wahhabisme.
Nous connaissons deux copies de ce document dont l’original ne nous est pas parvenu. Le document est repris dans la Sîra d’ibn Hicham (mort en 830), l’autre copie nous vient de Abu-Ubayd (mort en 838) et semble la plus ancienne.
L’archaïsme du style et les mots utilisés prouvent l’ancienneté du document dont l’authenticité n’est plus guère remise en cause.

Des différences entre les versions

Avant d’analyser le contenu de la charte, pointons les différences (pour se familiariser avec l’histoire de Mahomet, on peut se référer à l’article : Mahomet).
Dans la version de Abu-Ubayd, le texte commence par :

Ceci est un écrit de Mahomet, le prophète, établi entre ceux des Quraysh (NB : les premiers compagnons de Mahomet) et des gens de Yathrib (NB : ceux qui les ont accueillis) et ceux qui les ont suivis et, s’étant joints à eux, ont combattu avec eux. Ils sont une communauté unique à l’exception des autres hommes.


La version de ibn Hicham ne varie que sur un point, elle ajoute derrière le mot prophète, la bénédiction rituelle : que la paix et les bénédictions de Dieu soient sur lui« . L’aspect religieux a été ajouté.

Si le début montre des différences, la fin aussi, et elles sont plus marquées.
Dans la version de Abu-Ubayd, on lit : « Si entre les gens de cette charte survient une agression dont on peut craindre une détérioration, on soumettra l’affaire à Dieu le Très-Haut et à Mahomet le prophète. »
A ce texte, la version d’ibn Hicham ajoute : « Allah est le plus sûr et le plus loyal garant de ce qui est dans cette charte. On n’accorde protection ni aux Quraych (NB : les habitants de La Mecque), ni à ceux qui les assistent ».

Comme on peut le voir, des éléments religieux sont, encore une fois, venus s’ajouter au texte et une mention est faite à la ville de La Mecque qui n’apparaît pas dans le document d’Abu-Ubayd, alors que le nom de Yathib (identifié comme Médine) y apparaît 3 fois.

Quel est l’objectif de la charte ?

Ce document structure l’organisation interne d’une communauté, appelée umma, et son activité guerrière « sur le chemin de Dieu ». Ce traité aurait été rédigé par Mahomet lui-même (voir l’introduction ci-avant)… alors qu’il était illettré d’après la tradition. Ce que conteste une chronique arménienne de 660 : « Il était très instruit et très versé dans l’histoire de Moïse ». Mahomet apparaît dans le texte comme un prophète et un simple arbitre en cas de différend… et surtout le garant de la cohésion entre les composantes de la communauté, les muminûn que l’on traduit souvent par croyants, mais qui n’a pas ce sens dans la charte. Ce sont plutôt « des gens qui se font confiance ». Le professeur Alfred-Louis de Prémare le traduit par « les affidés » du mot latin « fides » (la foi, la confiance), enlevant toute connotation religieuse au terme, ce qui semble plus correct comme on va le voir.

Les droits et les devoirs des affidés sont bien spécifiés et Dieu, le Très-Haut, est garant de ces clauses.

Un affidé ne tue pas un autre affidé pour venger un « infidèle ».
Le moindre d’entre les affidés les protège tous.
Les affidés sont alliés les uns des autres à l’exclusion des autres hommes.
Les affidés exercent la vengeance les uns au profit des autres.
Un affidé n’établit pas la paix séparément des autres affidés lors d’un combat sur le chemin de Dieu.
Les affidés qui respectent les clauses de ce document sont dans la voie la meilleure et la plus droite.

Plus inattendu (et j’en reparlerai) :

Ceux des juifs qui nous suivent ont droit à l’assistance en parité : on ne les lèse pas, on ne s’allie pas contre eux.

Qui concerne-t-elle ?

La charte concerne donc les premiers compagnons de Mahomet, des gens de Yathrib et des juifs. Ils constituent tous la umma primitive.
C’est très troublant quand on connaît la biographie (romancée) de Mahomet, la Sîra mise par écrit par ibn Hicham au IXe siècle. En résumé, Mahomet est accueilli à Yathrib par deux tribus arabes non juives, les Banu Aws et Banu Khazraj. Trois autres tribus, juives celles-là, vivaient également à Yathrib. Mahomet va entrer en conflit avec ces tribus, en chassant deux et exterminant la troisième. Pour plus de détails, lire l’article sur Mahomet.

Or dans la charte, on dénombre pas moins de huit tribus non juives et leurs alliés juifs, ce qui va à l’encontre du point de vue traditionaliste. Et la charte est très explicite :

Les juifs supportent les dépenses avec les affidés aussi longtemps que ceux-ci sont en guerre.
Les juifs alliés des Banu Awf constituent une communauté avec les affidés. Aux juifs leur loi religieuse et aux affidés leur loi religieuse, qu’ils s’agissent de leurs alliés ou d’eux-mêmes. Celui qui est injuste et viole les clauses n’attire la mort que sur lui et sur sa maison.

Pour les juifs alliés des Banu I-Harith, il en est comme pour les juifs des Banu Awf.
Pour les juifs alliés des Bani I-Awsil, il en est comme pour les juifs des Banu Awf.
[Et de même pour les huit tribus (banu)].

Que penser ?

Ce document est le tout premier écrit proto-islamique. Certains l’appelle la « constitution de l’an 1 ». Il nous présente une communauté multi-culturelle, sans contrainte religieuse, réunie pour combattre sur le chemin de Dieu. Les spécialistes de l’histoire de l’islam sont circonspects, car cette communauté n’a rien d’équivalent dans la Sîra, qui reste la référence pour ces historiens : Mahomet avait chassé ou massacré les trois tribus juives de Yathrib qui ne voulaient pas se soumettre à sa vision du monothéisme. Il ne restait donc plus de juifs à Yathrib, cinq ans après l’arrivée du prophète. Comme les historiens refusent de remettre en cause la Sîra, cette biographie de Mahomet mise par écrit deux siècles après la mort du prophète, ils sont face à un problème qu’ils bottent en touche en qualifiant la charte de document disparate, regroupant des traités signés séparément, sur plusieurs années. Le paradigme reste traditionnel : la communauté (umma) de Mahomet est mono-culturelle, exclusivement islamique, elle a pour objectif de répandre la nouvelle religion dans la monde.

On se trouve face à deux vues différentes qui s’opposent sur le rôle des juifs et l’objectif de la communauté.

Commençons par analyser le rôle des juifs. Dans la charte, ils sont les alliés, les clients des tribus arabes. Dans la Sîra, ils ont l’air de dominer l’oasis de Yathrib (Médine) : leurs villages sont fortifiés, ils ne sont pas seulement cultivateurs, mais ils exercent d’autres métiers comme métallurgistes : ils fabriquent les armes. Yathrib était aussi un centre culturel juif. On ne décèle pas de lien de dépendance des juifs par rapport aux deux tribus non juives.
Les historiens minimisent le nombre de tribus : 8 dans la charte, contre seulement 2 non juives dans la tradition. Pour eux, il s’agit non pas de huit tribus, mais des différents clans des deux tribus mentionnées dans la Sîra. Soit.

Si ce ne sont pas les juifs de Yathrib, éliminés selon la tradition, qui sont-ils ? Pour certains historiens, sceptiques, il est peu probable qu’il y ait eu des tribus juives aussi loin dans le désert arabique. Les juifs étaient présents dans l’empire byzantin, mais surtout dans l’empire perse beaucoup plus tolérant. Dans la péninsule arabe, les rois de Himyar, au Yémen actuel, s’étaient convertis au judaïsme en 380. Le royaume est resté juif jusqu’en 525 quand il a été conquis par les chrétiens du royaume d’Aksoum (Ethiopie).

Ce qui est très étonnant, dans la charte et dans la tradition, c’est l’absence des chrétiens à Yathrib alors qu’ils évangélisaient tout azimut. Les prédicateurs accompagnaient les caravanes et parcouraient toutes les routes commerciales. On les retrouve en Chine et chez les Mongols. Plusieurs évêchés ont été créé sur la côte orientale de la Péninsule arabique. Mais comme je l’ai déjà dit à maintes reprises, je doute que La Mecque et Médine soient sur des grandes routes commerciales (voir l’article : Pétra – La Mecque). Cette partie centrale de l’Arabie (le Hidjaz) est ignorée des grands empires, elle n’est desservie que par un commerce local.

D’où pouvaient venir les juifs mentionnés dans la charte de Yathrib. Il faut remonter 8 ans avant l’arrivée de Mahomet à Yathrib. Nous sommes en 614, les Perses envahissent l’Empire byzantin profitant d’une guerre de succession. Ils sont aidés par des contingents juifs qui prennent d’ailleurs le contrôle de Jérusalem, d’où ils avaient été chassés en 137. Les Perses iront jusqu’à Constantinople avant que le nouvel empereur, Héraclius, ne les repousse au-delà de l’Euphrate vers 622 (voir mon article sur la conquête arabe). Héraclius va s’en prendre aux juifs de l’Empire. Il leur pose un ultimatum : ils se convertissent au catholicisme ou ils quittent le territoire. Que vont-ils faire ? Laissons parler l’évêque Sébéos qui, vers 660, écrit l’Histoire d’Héraclius.

Ils (NB : les juifs) prirent le chemin du désert et arrivèrent en Arabie, chez les enfants d’Ismaël ; ils les appelèrent à leur secours et leur firent savoir qu’ils étaient parents, d’après la Bible…

Mahomet (NB : s’adressant à ses partisans) ajoutait : « Dieu a promis par serment ce pays à Abraham et à sa postérité après lui en toute éternité ; il a agi selon sa promesse, lorsqu’il aimait Israël. Or vous, vous êtes les fils d’Abraham et Dieu réalise en vous la promesse faite à Abraham et à sa postérité. Aimez seulement le dieu d’Abraham, allez vous emparer de votre territoire, que Dieu a donné à votre père Abraham, et personne ne pourra vous résister dans le combat, car Dieu est avec vous ».

Alors ils (NB : les partisans de Mahomet) se rassemblèrent tous, depuis Ewiwlay jusqu’à Sur et en face de l’Égypte; ils sortirent du désert de Phapan répartis en douze tribus, d’après la race de leurs patriarches. Ils répartirent parmi leurs tribus les douze mille enfants d’Israël,  mille par tribu, pour les guider dans le territoire d’Israël.

NB : Le désert de Phapan désigne probablement le désert de Paran (ou Faran en arabe qui ne connaît par le P) situé au nord-est du Sinaï. C’est là selon la Bible, qu’Agar et son fils Ismaël sont arrivés lorsqu’ils ont été chassés du clan d’Abraham (Gen. 21, 21)

Ce récit est plus cohérent avec la charte de Yathrib. Il explique aussi le sens de « combattre sur le chemin de Dieu » : conquérir la terre d’Israël que Dieu à donné aux fils d’Abraham, les Israéliens et les Ismaéliens. Quand Jérusalem tombera aux mains des armées arabes (vers 638), des artisans seront recrutés pour construire un lieu de prière sur l’emplacement du temple, au grand dam du patriarche chrétien Sophronios qui vit son diacre, tailleur de pierre, répondre à l’appel des Arabes.

Vers 640, un auteur chrétien anonyme, dans la Doctrina Jacobi, met en scène un juif qui raconte à Jacob, le héro de l’histoire : « Et nous les juifs, nous étions en grande joie. On disait que le prophète était apparu, venant avec les Saracènes (Arabes), et qu’il proclamait l’arrivée du Messie qui allait venir« . En 640, Jérusalem était déjà tombée (638).

NB : Lors de la conquête arabe, Jérusalem s’appelait Aelia et la Judée était devenue la Palestine. Ce changement de désignation était l’oeuvre de l’empereur romain Hadrien (son nom complet est Publius Aelius Traianus Hadrianus Augustus) qui, en 137, avait maté la deuxième révolte juive. Il avait détruit Jérusalem, expulsé les Juifs et rebâti une ville romaine à qui il avait donné son nom.

L’anti-judaïsme n’est pas inhérent à l’islam, il ne viendra que plus tard : les chrétiens de l’administration des Omeyyades, restés en place, persuadés que les Juifs étaient responsables de la mort de Jésus imposeront leur idéologie aux musulmans (voir l’article sur l’élaboration du Coran).

Conclusion

Cette hypothèse est-elle la véritable histoire des débuts de la conquête arabe ? A-L de Prémare, un islamologue réputé, dans son livre « Les fondations de l’islam » s’étonne : « On peut effectivement éprouver une certaine réticence à admettre que Mahomet ait envisagé, à partir du Hidjaz, une expédition aussi lointaine dans une zone aussi peuplée que la Palestine ».
Un autre historien, l’américain Hoyland, professeur à Oxford et à l’UCLA, dans son livre « Dans la voie de Dieu » voit dans les conquêtes, non pas une « invasion » musulmane, mais des insurrections d’Arabes et de non Arabes de toute confession, juifs, chrétiens ou zoroastriens, résidant dans les empires byzantins et perses et profitant du marasme causé par la fin de la guerre entre ces empires (603 à 628) et l’arrivée de la umma de Mahomet. Ces attaques sur plusieurs fronts expliquent les guerres civiles de 656 à 661 et de 683 à 692 entre les différentes armées conquérantes.

Cette vision va à l’encontre de la tradition islamique mise par écrit au IXe siècle (au IIe siècle de l’ère musulmane), alors que les lois n’étaient plus édictées par les califes, mais par les religieux. Les chroniqueurs de IXe siècle ont réinterprété les expéditions et les conquêtes à l’aune du contexte de leur époque, en amplifiant l’aspect religieux, en exaltant et en glorifiant l’islam.

La conversion des peuples conquis n’a jamais été un objectif pour les conquérants. Comme indiqué dans la charte de Yathrib, à chacun sa religion. Cette maxime est même reprise dans le Coran, sourate 2, verset 256 : « Nulle contrainte en religion. Car le bon chemin s’est distingué de l’égarement. Donc, quiconque mécroit au Rebelle (Satan) tandis qu’il croit en Dieu saisit l’anse la plus solide qui ne peut se briser« . Il n’est pas question de religion dans les premières années de la conquête. Il faudra attendre la fin de la seconde guerre civile en 692 sous le règne d’Abd al-Malik pour que Mahomet soit mentionné en tant que prophète par les califes omeyyades. Son nom va apparaître sur les pièces de monnaie et dans le Dôme du Rocher. A ce moment, on peut parler de l’islam en tant que religion califale.


Une autre culture islamique

La culture islamique est une culture sans image. Vraiment ?
La première dynastie musulmane, les Omeyyades, qui succède aux compagnons du prophète Mahomet, installe son pouvoir en Syrie-Palestine, entre Damas et Jérusalem. Elle ignore ce qui deviendra les lieux saints de l’islam : La Mecque et Médine. Les califes omeyyades ont conquis le pouvoir par les armes, en battant le quatrième calife, Ali, gendre et beau-fils du prophète (voir mon article sur les premiers califes omeyyades).

Ils vont tisser un réseau de résidences fortifiées dans tout le territoire qu’ils contrôlent, d’Alep au nord de la Syrie jusqu’au nord de la péninsule arabique en passant par l’actuelle Jordanie. On dénombre aujourd’hui plus d’une trentaine de « châteaux de désert » ainsi qu’on les appelle. Ils sont tous de forme et de taille différente. Ils servaient de résidence à la cour califale lors des déplacements du calife que l’on peut imaginer rendant visite à ses sujets, comme les rois de France le pratiquaient… d’où l’abondance des châteaux royaux en France.

Le château du désert de Qusayr Amra en Jordanie

Un de ces châteaux a gardé sa décoration originale et elle surprend. Les murs sont recouverts de 400 m² de fresques qui montrent une tout autre culture musulmane que celle que véhicule l’islam d’aujourd’hui. On se croirait dans une villa romaine : les scènes de fêtes succèdent aux scènes de chasse. Des femmes dansent et se baignent. C’est un lieu de perdition pour les intégristes.

J’ai parlé de lieu de perdition, mais ce sont plutôt des scènes de paradis, tel que se l’imagine les salafistes. C’est là toute l’ambiguïté des combattants d’Allah : ils veulent détruite la civilisation occidentale qu’ils jugent décadente et débauchée pour gagner un paradis où ils pourront vivre une vie de repos et de débauche.
(Exemples de citations sur le Paradis tirées du Coran d’après Les Grands Thèmes du Coran par Jean-Luc Monneret) :

Le Paradis est un jardin parcouru de ruisseaux (Co. 4, 122). On y trouve d’immenses ombrages (56, 30) , non le soleil implacable. On y reçoit des fruits (56, 32) et des boissons en abondance, du vin dont on ne se lasse pas et qui n’enivre pas (37, 47). Des « houris » aux grands yeux sont là, toujours vierges et d’âge égal (55, 36) ainsi que de beaux éphèbes (56, 17). Vêtus de brocart et de soie, parés de bijoux précieux (18, 31) les élus se reposeront pour l’éternité dans de profonds divans (76, 13).

Mais revenons aux Omeyyades. Doit-on s’étonner de la décoration de ces châteaux ? Oui si on se réfère à la tradition islamique qui fait des Omeyyades, les descendants d’Abu Sufyan, le maître de La Mecque, un fils du désert, converti sur le tard à l’islam. Non, si on suit l’hypothèse que j’ai développée dans l’article précité, qui fait des Omeyyades des Arabes de Syrie, alliés (abandonnés) des Byzantins, donc de culture grecque. Leur tribu dirigeait la confédération des Ghassan (ou Ghassanides) et construisaient déjà des résidences dans les déserts comme Jabiya dans le Golan ou Jilliq au sud de Damas.

Mais connaît-on vraiment l’histoire de l’islam ?

Les représentations humaines dans l’islam

Aucun verset du Coran n’interdit de représenter des personnes. La tradition islamique vient probablement du judaïsme. Dans le livre de l’Exode 20, 4-5, il est dit : « Tu ne te feras point d’image taillée, ni de représentation quelconque des choses qui sont en haut dans les cieux, qui sont en bas sur la terre, et qui sont dans les eaux plus bas que la terre. Tu ne te prosterneras point devant elles, et tu ne les serviras point. Cette interdiction vise à éviter l’idolâtrie.
Certains auteurs considèrent que l’interdiction des images dans l’islam serait une conséquence de la crise des icônes qui frappa l’Empire byzantin au VIIIe siècle. En 730, l’empereur Léon III l’Isaurien (empereur de 717 à 741 né en Isaurie, région du centre de la Turquie moderne) interdit l’usage des icônes du Christ, de Marie et des saints, et ordonne leur destruction. Cette raison est peu probable, car le Dôme du Rocher, construit avant la crise, ne comporte aucune représentation « d’être ayant une âme« .

Mahomet a-t-il fait des miracles ?

Que dit le Coran ?

Le Coran est formel : NON, Mahomet n’a pas fait de miracle. Ce n’est qu’un homme.

Dis-leur : « Je ne prétends pas disposer des trésors de Dieu, ni de connaître les mystères, je ne vous dis pas que je suis un ange. Je ne fais que suivre ce qui m’a été révélé. (Co. 6, 50)

Ils disent : ‘Pourquoi ne nous apporte-il pas un miracle de son Seigneur ? » La preuve de ce que contiennent les écritures anciennes ne leur est-elle pas parvenue ? (Co. 20, 133) [NB : à lire de verset, on pourrait croire que les habitants de La Mecque devaient connaître la Bible hébraïque ???]

Ne leur suffit-il pas que nous ayons fait descendre sur toi le Livre et qu’il leur soit récité ? Il y a certes là une miséricorde et un rappel pour les gens qui croient. (Co. 29, 51)

En résumé, les miracles ne sont pas nécessaires pour croire, la révélation du Coran suffit.

Qu’en pensent les musulmans ?

Et pourtant de nombreux miracles sont attribués à Mahomet, que ce soit dans sa biographie (la Sîra) ou dans les hadiths (la sunna). Les musulmans ne lisent-ils pas le Coran ?
Le site islamreligion.com nous enseigne que « le prophète Mohammed (que la paix et les bénédictions de Dieu soient sur lui) a accompli de nombreux miracles dont ont été témoins des centaines, et parfois des milliers de personnes.  Le récit de ces miracles nous est parvenu par l’intermédiaire d’une méthode de transmission d’une efficacité jamais égalée dans l’histoire. » Sic.

Mahomet aurait divisé la lune en deux lors d’une prière. Ce « miracle » est déduit du verset 54, 1 du Coran qui dit « L’heure approche et la lune s’est fendue en deux ». Le verset parle en fait de la fin du monde. Le site islamreligion.com nous dit même que les habitants de Washington n’ont pas pu voir le miracle car il était 2 heures de l’après-midi chez eux !

Lors de son prêche, Mahomet avait l’habitude de monter sur une souche. Les fidèles devenant de plus en plus nombreux, on lui construisit une chaire. A l’office suivant, tous les participants ont entendu la souche pleurer et Mahomet l’a consolée en la caressant.

Lors d’un déplacement, l’eau vint à manquer. Mahomet avait conservé une petite fiole pour ses ablutions. Il l’ouvrit et l’eau coula en abondance entre ses doigts.

Bien entendu, il a multiplié les pains, il a guéri Ali qui soufrait des yeux et il a exorcisé un démon qui avait pris possession d’un enfant. Il a aussi exaucé les vœux des fidèles. Il a rétabli des jambes brisées et a fait d’un fantassin un cavalier émérite?

La Sîra raconte qu’alors que les armées de La Mecque s’apprêtaient à attaquer Médine, Mahomet demanda de creuser un fossé tout autour de l’oasis. Le travail était ardu, le sol était très dur. Mahomet cracha par terre et le sol devint meuble et malléable. Grâce à ce fossé (une tranchée avant l’heure ?), les 10.000 assaillants n’ont pas osé s’attaquer aux fidèles du prophète, se contentant de les invectiver en leur récitant des poèmes. Après quelques jours de siège, ils ont refait, en sens inverse, les 350 kilomètres qui les séparaient de La Mecque.

Le voyage nocturne

On raconte qu’une nuit, alors qu’il était toujours à la Mecque, Mahomet fut réveillé par l’ange Gabriel qui lui fit enfourché un animal fabuleux Buraq, mi-femme, mi-cheval ailé, pour se rendre à Jérusalem. De là, Mahomet s’envola vers les cieux où il rencontra Abraham, Moïse, Jésus et finalement Allah à côté duquel trônait l’original du Coran. Au petit matin, il était de retour et raconta son aventure. Personne ne le crut. Il annonça alors qu’il avait survolé une caravane qui arriverait le surlendemain. Ce qui se réalisa. On peut encore voir « l’empreinte du pied de Mahomet » sur la pierre conservée à l’intérieur le Dôme du Rocher à Jérusalem.

Mahomet montant Buraq

D’où vient ce récit ? Il fait partie du Coran, sourate 17, verset 1 :

Gloire à celui qui a fait voyager de nuit son serviteur du lieu de prière sacré vers le lieu de prière éloigné dont nous avons béni l’enceinte, et ceci pour lui montrer certains de nos signes. Dieu entend et voit tout.

Voilà le texte intégral (j’ai remplacé « mosquée » par « lieu de prière », car il n’ y avait pas de mosquées lorsque Mahomet résidait à La Mecque).
Comme on peut le voir, le verset ne parle ni de Mahomet, ni de l’ange Gabriel, ni de Buraq (qui est un personnage de la mythologie persane), ni de La Mecque, ni de Jérusalem. C’est un vrai miracle que ce texte soit devenu le récit fantastique du voyage nocturne.

Quand le verset a été interprété, une mosquée avait bien été édifiée à La Mecque et on l’avait appelée « la mosquée sacrée« , elle existe toujours, très embellie. Ca rapproche le texte du récit.
En 705, Walid I, le fils d’Abd al-Malik, fit construire une mosquée à Jérusalem, mosquée qui sera appelé « al Aqsa« , c’est à dire, la mosquée éloignée. Et le tour est joué.

On raconte que Aïcha la femme préférée du prophète aurait dit que le voyage s’était fait en songe. Or Aïcha est morte en 678, bien avant la construction de la mosquée al-Aqsa. Qui croire ? Que croire ?

L’Arabie

Où est l’Arabie ?

La question paraît saugrenue. Tout le monde sait que l’Arabie (saoudite) se trouve dans la Péninsule arabique. D’accord, mais c’est une situation nouvelle, le pays n’existe que depuis 1932.
Avant la fin de la première guerre mondiale, tout le Proche Orient était sous le contrôle de l’Empire ottoman. Il n’y avait pas de pays, pas de frontières.
Certaines régions avaient un nom qui, la plupart du temps, avait été donné par les Romains.

  • La Syrie-Phénicie, une province romaine, comprenant les monts du Liban.
  • La Palestine, ancienne province perse de Judée, renommée par les Romains après la révolte des Juifs de l’an 135. Littéralement, le pays des Philistins.
  • La Mésopotamie, le pays entre (meso) les deux fleuves (potamos) : l’Euphrate et le Tigre.
  • Le reste, le désert, c’était l’Arabie, peuplées de Bédouins.
Le Croissant fertile et les déserts

Le fameux colonel Thomas Edward Lawrence, plus connu sous le nom de Lawrence d’Arabie, a recruté les troupes du prince Fayçal, dont le père, Hussein ben Ali était chérif de La Mecque,… en Jordanie. C’est à partir du sud de ce pays (actuel) qu’ils sont partis à la conquête de Damas, et pas à partir de la Péninsule arabique.

L’Arabie a-t-elle toujours été un désert ?

Non, il y a 12.000 ans, alors que la banquise recouvre le nord de l’Europe, l’Arabie et le Sahara se couvrent de savanes et même de forêts. Le gibier abonde, la société néolithique s’épanouit. Mais 3000 ans avant notre ère, la sécheresse s’abat sur ces régions qui se désertifient petit à petit. Les hommes fuient, des petits groupes s’adaptent : les Bédouins qui ont domestiqué le dromadaire vers 1200 avant notre ère.

Déserts et civilisations

Aucune civilisation ne s’est développée dans les déserts. Elles ont pris naissance dans le Croissant fertile : Sumer, Babylone, l’Assyrie, le Hatti (les Hittites), le Mittani (les Hourrites), l’Égypte. Que faut-il pour faire éclore une civilisation ? De la richesse, une population élevée et des ressources alimentaires en suffisance. Or dans le désert, les nomades n’accumulent pas de richesse et les habitants des oasis n’ont pas assez d’espace pour permettre à la population d’atteindre un seuil critique.

Quid de La Mecque, qui est présentée comme une riche ville de caravaniers prospères ? Combien comptait-elle d’habitants ? Aucun recensement n’ayant été fait, il faut se baser sur les textes décrivant des batailles. Dans la Sîra, lors de la bataille du fossé, les 3000 hommes de Mahomet se retrouvent face à 10.000 Quraysh venant de La Mecque. Or dans une population, 40% des hommes ont entre 15 et 50 ans, en Europe (30% en Afrique). Comme il y a autant d’hommes que de femmes, 20% de la population sont des hommes en âge de guerroyer. La Mecque aurait donc compté 50.000 habitants. Ce qui est suffisant pour donner naissance à une civilisation. Or, malgré les travaux d’embellissement de la ville au XXe siècle, on n’a découvert aucune trace archéologique, pas un mur de fondation, pas une pièce de monnaie, pas un tesson de poterie. La Mecque n’était pas une ville caravanière, mais un lieu de pèlerinage des bédouins. Elle ne prit de l’importance (littéraire) qu’à l’avènement de l’islam, comme substitut de Jérusalem trop chrétienne à l’époque. (voir mon hypothèse sur les débuts de l’islam).

Remarquons que les civilisations musulmanes se sont développées, non pas dans les déserts, mais dans le Croissant Fertile : à Damas avec les Omeyyades, à Bagdad avec les Abbassides et au Caire avec les Fatimides (voir : La fin des califats)

Les Romains en Arabie

Par contre, une civilisation du désert a bien vu le jour, dans l’actuelle Jordanie, au Ier siècle avant notre ère : la civilisation nabatéenne, avec sa capitale Pétra (voir l’article sur Pétra et La Mecque). Grâce au contrôle des routes commerciales sud-nord et est-ouest, les Nabatéens se sont enrichis. Leur ingéniosité dans la domestication de l’eau leur a permis de créer, en plein désert, une ville de 20.000 habitants. Les monuments que l’on peut encore voir témoignent de la richesse de leur culture.
En 106, l’empereur romain Trajan annexe leur territoire à l’Empire et en fait la province d’Arabie. Pétra va péricliter quand les routes commerciales vont se déplacer : le transport maritime en Mer Rouge et dans le Golfe persique va remplacer les déplacements caravaniers. La montée en puissance des empires parthe puis sassanide (en Perse) va modifier les relations est-ouest. La ville, située sur une faille sismique (comme toute la région), figurée par la Mer Morte, a dû subir plusieurs tremblements de terre qui ont endommagé les canalisations, privant la ville de l’abondance de l’eau. Les habitants restants lors de l’arrivée des musulmans étaient de simples fellah.

Puisqu’on parle des Nabatéens, je dois citer un fait historique qui va à l’encontre du récit des évangiles. Le cousin de Jésus, Jean le Baptiste a été arrêté par Hérode Antipas (ethnarque de Galilée) pour avoir critiqué son mariage avec Hérodiade, la femme de son frère Philippe. A l’occasion de ce mariage, Hérode Antipas avait répudié son épouse Phasaélis, la fille d’Arétas IV, le roi des Nabatéens. Arétas lui déclara la guerre.
Et c’est là que l’on rencontre des problèmes de chronologie dans les évangiles. Jean est mort, décapité lors d’un banquet à la demande de la fille d’Hérodiade (Mt. 14, 1-12). Le passage de Matthieu se termine par : « Les disciples de Jean vinrent prendre le cadavre et l’ensevelirent ; puis ils allèrent informer Jésus ». Jean meurt donc avant Jésus. Or l’Eglise situe la mort de Jésus en 33. Par contre, la guerre entre Arétas IV et Hérode Antipas s’est déroulée en 36. Aurait-il pris plus de 3 ans avant de venger l’affront fait à sa fille ? Ou alors, les Évangiles ont-elles inventé la relation entre Jésus et un prophète avéré appelé Jean ?

Les Romains avaient fait plusieurs tentatives pour annexer le sud de la Péninsule arabique qu’ils nommaient Felix Arabia, l’Arabie heureuse, en raison des (faibles) pluies de mousson qui permettent la production de l’encens utilisé dans les cérémonies religieuses. En 25 avant notre ère, Aelius Gallus tenta de conquérir le Yémen… à plus de 2.000 kilomètres de sa base ! Sur les conseils des Nabatéens, il organise d’abord une expédition maritime au départ du port de Cléopatris (au sud de l’actuel canal de Suez), qui est un échec : les bateaux n’étant pas adaptés à la navigation dans la Mer Rouge. L’année suivante, il repart par le désert, probablement au départ d’Hégra, un comptoir nabatéen dans le nord de la péninsule arabique. Mais mal préparé, il doit de nouveau renoncer à son projet. L’Arabie restera inviolée.

L’islam du désert

La première radicalisation de l’islam est l’œuvre d’un prêcheur solitaire, un bédouin nommé Muhammad ibn Abd al-Wahhab, qui au beau milieu du désert d’Arabie, vers 1740, proclamait qu’il n’y a de dieu que Dieu. On ne peut pas dire que les débuts de son mouvement furent un succès : il se heurta à l’hostilité des populations à tendance chiite. Par dérision on a appelé son mouvement le wahhabisme, la religion du seul Abd al-Wahhab… c’est son frère qui l’aurait ainsi nommée.

Les région et les villes de la Péninsule arabique.

Le wahhabisme est l’exemple type du fondamentalisme musulman. Quoi de plus fondamental en effet que sa profession de foi : il n’y a de dieu que Dieu, point. L’homme ne doit pas compter sur les saints ni même sur le prophète pour intercéder auprès d’Allah. Abd al-Wahhab s’attaque donc au culte des saints (les marabouts) et des ancêtres. Il rejette les confréries soufies. Il interdit le tabac, la musique, toute espèce de loisir ainsi que les chapelets qu’on égraine. Tout ce qui n’existait pas au temps de Mahomet est interdit, dont les armes à feu !
On le traite d’ignare, d’égaré et même d’hérétique.
Mais la situation change du tout au tout lorsqu’il rencontre un émir du Nadjd, la région centrale de l’Arabie, dont il aurait épousé la fille. Son ambitieux beau-père, Muhammad ibn Saoud, va transformer le prêcheur en une figure de proue d’un mouvement militaro-religieux et va prendre petit à petit le contrôle du centre de l’Arabie puis, de la péninsule entière. A Médine, les wahhabites détruisent plusieurs tombeaux de saints qui entouraient celui de Mahomet dont ceux de Khadija, d’Hassan et d’Hussein… qu’ils avaient déjà détruits lors d’une incursion dans le sud de la Mésopotamie, à Karbala. Pour eux, il ne s’agit pas d’un sacrilège, mais d’un retour à la normale. Un hadith ne proclame-t-il pas « le prophète m’a ordonné de démolir les idoles et d’aplanir toute tombe » ? Ils ont également emporter l’or et les pierres précieuses déposées en offrande par les pèlerins. Aujourd’hui, cette violence est oubliée et on présente le wahhabisme comme un mouvement religieux pieux et nationaliste.

Le sultan ottoman qui s’était désintéressé d’un mouvement se développant dans une région qui échappait à son contrôle va réagir à l’occupation des lieux saints de l’islam. N’est-il pas leur protecteur ? En 1818, il envoie la troupe, une armée commandée par l’émir Mehmet Ali, vice-roi d’Égypte de 1804 à 1849, qui balaye les wahhabites. L’émir Abdallah ibn Saoud est capturé, il sera décapité à Istanbul.

La conquête du pouvoir

Un de ses descendants, Abdelaziz ibn Saoud profite de la révolte des Arabes contre l’Empire ottoman de 1916, pour chasser le gouverneur ottoman de Riyad et reprendre sa conquête. Alors que les Français et les Britanniques se partagent les territoires arabes pris aux Ottomans, au mépris des promesses faites au prince Fayçal qui les avait aidé à chasser les Turcs, Abdelaziz ibn Saoud prend La Mecque et Médine en 1924. En 1932, il se proclame roi de l’Arabie saoudite qui sera un Etat wahhabite. (Pour le partage d’empire ottoman, voir « Le jour où la Turquie gagna la guerre« )

En 1945, après avoir participé à la conférence de Yalta qui a redessiné l’Europe d’après-guerre, le président américain Roosevelt a invité le roi saoudien Abdelaziz sur le bateau qui le ramenait aux États-Unis, le Quincy. Un pacte, tacite, a été conclu : le pétrole, découvert en 1938, contre la protection des États-Unis qui veilleront à la sécurité de l’Arabie et se porteront garants de la monarchie. Cette sécurité comprend, bien entendu, l’éloignement de toute influence soviétique. À cette occasion, le président américain a offert un premier avion à l’Arabie, un DC3. Une longue discussion va s’en suivre entre les oulémas wahhabites pour savoir si le déplacement des pèlerins en avion ne va pas amoindrir la valeur du pèlerinage à La Mecque. Une réponse négative va donner une vigueur exceptionnelle au pèlerinage. De 20.000 participants en 1932, on passe à 2 millions dès 1’an 2000. Aujourd’hui le pèlerinage est limité à 2 millions pour des questions sécuritaires.

Le luxe et la pauvreté

L’Arabie saoudite s’ouvre progressivement à l’Occident et à son progrès… jusqu’en novembre 1979. Le pèlerinage touche à sa fin lorsque plusieurs centaines de fondamentalistes islamistes armés font irruption dans la grande mosquée et prennent une centaine de fidèles en otage. Son chef, Juhaiman, est un opposant à la famille régnante à qui il reproche son laxisme, sa corruption, son luxe, son goût immodéré pour les images (voir : 1979 que le djihad commence). Après avoir maté la rébellion, un vent de radicalisation va souffler sur l’Arabie Saoudite. Les cinémas sont fermés, les publicités à l’occidentale enlevées, la stricte séparation des femmes et des hommes dans les lieux publics est décrétée. Il est conseillé aux hommes de se laisser pousser la barbe. La police religieuse, renforcée, veillera à la stricte application des nouvelles dispositions. Des prêcheurs wahhabites vont être envoyés de par le monde pour convertir les musulmans à un islam radical.

En Arabie, la famille Saoud dépense sans compter pour embellir les villes de La Mecque et de Médine. Ces lieux de culte dépassent en luxe le Vatican pourtant considéré comme une insulte à l’humilité prônée par les chrétiens qui se réfèrent à la vie de Jésus. Ne lit-on pas dans l’Évangile de Matthieu (19, 24) : « Je vous le dis encore, il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le royaume de Dieu. » Luc, envoie les riches habillés de pourpre (les cardinaux ?) en Enfer (Luc 16, 19-23)

Mais Mahomet ne s’est pas prononcé sur la richesse et l’humilité. Il a simplement déclaré « qu’un cinquième du butin lui était réservé ainsi qu’à ses proches, aux orphelins et aux pauvres » (Co. 8, 41). Et de fait, la manne pétrolière profite essentiellement à la famille royale qui compte plus de 500 princes. La plupart de ceux-ci alimentent un fonds qui porte leur nom pour aider les démunis. Car l’Arabie saoudite possède de nombreux pauvres : 800 mille familles bénéficient des aides sociales, soit plus de 6 millions de pauvres sur une population de 33 millions dont 20% d’étrangers. Notons qu’en 1960, Il n’y avait que 4 millions d’habitants. L’aumône faite aux démunis n’est pas égalitaire, tous ne reçoivent pas leur part : les dons sont faits aux mosquées et à des associations qui redistribuent les sommes reçues. Les étrangers en sont exclus.

Aujourd’hui et demain

L’avenir de l’Arabie saoudite est promise à Mohammed ben Salmane dit MBS à qui j’ai consacré l’article : Les enfants gâtés de la Péninsule arabique. Il semble ouvert à une certaine libération des mœurs, mais il reste respectueux des oulémas qui guettent le moindre de ses gestes : il donne avec modération. Il a la lourde tâche de préparer l’Arabie à la crise prochaine du pétrole dont tous les pays essaient de s’affranchir n’en déplaise aux frères Koch, magnas américains du pétrole et de la chimie, grand pourvoyeur de fonds du parti républicain à hauteur de 40 millions de dollar. Ils ont fait oublier aux députés républicains leur position de défenseur de la planète contre le réchauffement climatique. Trump a remercié les deux frères en sortant de l’accord de Paris pour le climat.

L’interdit sur le porc

Pourquoi les musulmans ne consomment-ils pas de porc ? Le réponse est très simple, ils ont hérité cette pratique du judaïsme. Alors, d’où vient cette coutume pour les juifs ? Elle leur vient de l’Égypte des pharaons.

Relation Égypte-Hébreux

La relation entre les Hébreux et l’Égypte est une relation ambiguë, faite d’amour et de haine… si l’on en croit la Bible. (Pour la chronologie supposée, voir mon article : La chronologie biblique)
Tout commence avec Abraham. Il se rend avec son clan en Égypte où le pharaon tombe amoureux de sa femme Sarah qu’Abraham avait présentée comme sa sœur. Elle refile une « maladie » à Pharaon qui chasse les Hébreux. Suite à cet épisode, Abraham se fera circoncire. La Bible ne dit pas s’il y a une relation de cause à effet.

Le petit-fils d’Abraham, Jacob, qui est aussi appelé Israël, a douze fils. L’un d’eux, Joseph est vendu par ses frères à des caravaniers se rendant en Égypte. Dans ce pays, grâce à l’interprétation des rêves, Joseph se taille une place de choix : il devient premier ministre de Pharaon. (NB : Dans le récit des patriarches, les pharaons n’ont pas de noms. Il faut dire que les récits sont loin d’être historiques). Suite à une disette à Canaan, la tribu de Jacob, avec ses onze fils restant, viennent se réfugier en Égypte où ils sont accueillis par leur frère (Joseph) qui leur a pardonné.

La relation change, on ignore pourquoi. Dans la saga suivante, les Hébreux sont les esclaves des Égyptiens. C’est ici qu’intervient Moïse qui va faire sortir les Hébreux d’Égypte. j’ai consacré deux articles à ce personnage : Quel pharaon face à Moïse et Moïse au-delà du mythe.

Voilà pour le récit biblique. Le Coran reprend ces histoires dans les grandes lignes.
Abraham (Ibrahim) est « le modèle parfait de soumission à Dieu » (Co. 16-120). C’est la référence, le modèle : il n’est ni juif, ni chrétien, donc parfait ancêtre des musulmans. Si le Coran n’est pas disert sur le passage d’Abraham en Égypte, il le fait venir à La Mecque où il construira la Kaaba.

La saga de Joseph est la plus cohérente du Coran. Tout se trouve dans la sourate 12. Pas besoin de rechercher dans les sourates les versets se rapportant au personnage. Par contre, Abraham (Ibrahim) apparaît dans 13 sourates et Moïse (Musa), le plus cité, dans 19 sourates.

Alors que les Hébreux, conduits par Moïse, sont au nombre de 600.000 sans compter les femmes et les enfants, dans le récit biblique, les « Juifs ne sont qu’une bande peu nombreuse » dans la Coran (26, 56).
Deux versets font polémiques (7, 136-137). Ils donnent aux enfants d’Israël toutes les terres situées à l’est et à l’ouest du Nil ou de la Mer Rouge. De quoi permettre aux Arabes de revoir leur position sur les Israéliens ?

Alors nous (Dieu) nous sommes vengés d’eux (les Égyptiens) ; nous les avons noyés dans les flots, parce qu’ils traitaient de mensonges nos signes et n’y prêtaient aucune attention.
Et les gens qui étaient opprimés (les Hébreux), nous les avons fait hériter les contrées orientales et occidentales de la terre que nous avons bénies. Et la très belle promesse de ton Seigneur sur les enfants d’Israël s’accomplit pour le prix de leur endurance. Et nous avons détruit ce que faisaient Pharaon et son peuple, ainsi que ce qu’ils construisaient.

La place du porc dans l’Égypte ancienne.

Revenons à nos moutons, ou plutôt à nos porcs. Quelle était leur place dans l’Égypte des pharaons ? Je reprends ici un extrait de l’article « Le régime du Nil nourrit les Égyptiens » de Martina Tommasi paru dans la revue Histoire et civilisations (Le Monde) n° 66 de novembre 2020.

Le porc occupait quant à lui une place ambiguë. Lâché dans les champs avant les semailles pour aérer la terre et permettre une meilleure pénétration des semences, il consommait aussi les déchets alimentaires ce qui réglait la question de leur élimination et évitait qu’ils ne se transforment en source potentielle d’infection.
Le porc était malgré tout considéré comme un animal impur, dont le contact devait être suivi d’une immersion intégrale dans l’eau du fleuve et dont l’élevage interdisait à ses maîtres, pourtant des citoyens libres, d’entrer dans les temples ou de se marier.

Des porcs n’en étaient pas moins sacrifiés une fois par an à la déesse Nout (déesse du firmament) et communément consommés par la population rurale.

Le fait que l’élevage des porcs interdise l’entrée dans le temple a dû jouer un rôle dans l’interdiction décidée par les Hébreux : ne pas entrer dans le temple, c’est être rejeté de la communauté. Or la société israélite des débuts est une société hautement égalitaire. Le ciment de la société, c’est la communauté. L’autre point : l’interdiction de se marier, est en totale contradiction avec la loi de Moïse. Tout Hébreux a l’obligation de marier ses enfants. Le porc, peu adapté à la topologie du terrain rocheux est donc banni par les Hébreux : la communauté reste soudée et la loi appliquée.

L’élevage des porcs dans les pays musulmans

L’élevage des porcs est interdit dans beaucoup de pays musulmans : l’Arabie saoudite, les pays du Golfe et la Libye. Dans les autres pays, ce sont les minorités non musulmanes qui s’en occupent. En Égypte, les coptes (chrétiens) élevaient les porcs dans la banlieue du Caire où, comme dans l’Antiquité, ces animaux consommaient les déchets alimentaires. En 2009, on comptait 350.000 porcs, avant que le gouvernement ne décide de les faire abattre pour éviter la propagation du virus de la grippe (H1N1)… qui n’était pas arrivé en Égypte et qui ne se transmet pas par les porcs ! Alors, affaire religieuse, attaque contre les coptes ou magouille financière : le gouvernement voulant récupérer des terres à grande valeur ajoutée si elles étaient débarrassées de ces éboueurs ?

Sainte-Sophie

Il l’avait promis lors de la campagne électorale pour les municipales de 2019, il l’a fait !
Malgré la perte des plus grandes villes de Turquie (Istanbul, Ankara, Antalya, etc.) par son parti, le président Recep Tayyip Erdogan a signé, le 10 juillet 2020, un décret transformant la basilique Sainte-Sophie d’Istanbul en mosquée. Le 24 juillet, la première prière a eu lieu en présence du président.
En 1934, le premier président de la république de Turquie, Mustapha Kémal Ataturk, avait « offert le bâtiment à l’Humanité » en le transformant en musée. C’est la seconde attraction touristique de Turquie en nombre de visiteurs après le palais de Topkapi.
La basilique chrétienne était devenue une mosquée en 1453, après la prise de Constantinople par les troupes du sultan ottoman Mehmet II.

[NB : J’ai consacré un article à Mustapha Kémal Ataturk et à Recep Tayyip Erdogan]

Sainte-Sophie : un nom

Qui est cette Sainte-Sophie ? En fait, ce n’est pas une sainte, même pas une personne. Le nom grec de la basilique a été mal traduit : Hagia Sophia signifie la Sagesse divine, la Sagesse de Dieu. La tradition chrétienne, veut que la Sagesse divine désigne Jésus. C’est très peu probable. La basilique a été commandée par l’empereur Constantin en 325, elle a été inaugurée par son fils Constance II qui était arien, il ne croyait pas à la Trinité, pour lui, Jésus n’était pas Dieu, donc pas la Sagesse divine. On peut pousser le questionnement plus loin. Est-ce que le bâtiment était une réplique du Panthéon de Rome, un temple dédié, comme son nom l’indique, à tous les dieux ? Constantin voulait-il élever un temple au « divin qui est au céleste séjour pour qu’il soit bienveillant pour lui » comme le mentionne l’édit de Milan (voir le texte dans l’article sur les ariens) ? A-t-il fait construire un temple dédié à Dieu, quel qu’il soit ?

Une histoire mouvementée
Constantinople (carte issue de l’atlas historique mondial de Christian Grataloup *****)

De la première basilique il ne reste rien. Elle a été incendiée en 404 puis en 532 lors d’émeutes. Elle est rebâtie par l’empereur Justinien en 532 sur le modèle du Panthéon de Rome. La décoration intérieure, faite de mosaïques, est achevée sous le règne de Justin II (565-578).

Après les incendies, ce sont les séismes qui s’acharnent sur le bâtiment. Pas moins de 16 tremblements de terre vont mettre à mal l’édifice de 553 à 1999. Quand ce ne sont pas les éléments qui se déchaînent, ce sont les hommes : l’empereur Léon l’Isaurien, en 726, bannit les images des lieux de culte, c’est la période dite iconoclaste (du grec « briseur d’icônes ». Les statues et les mosaïques sont détruites. En 1204, Constantinople est prise… par les croisés qui devaient aller défendre le royaume latin de Palestine. Ils pillent les bâtiments et ne respectent pas les églises ! Le sac de la ville a servi à payer les Vénitiens qui devaient transporter les troupes sur leurs navires. Les fameux chevaux de Saint-Marc, le quadrige que l’on peut admirer à Venise, ne sont qu’une partie du butin, ils ornaient l’hippodrome de Constantinople.

Les chevaux de la basilique Saint-Marc à Venise

Les dégâts occasionnés par les hommes et surtout les catastrophes naturelles ont façonnés l’aspect extérieur de la basilique Sainte-Sophie. Toutes les constructions qui l’entourent, qui lui font un corset, sont des contreforts destinés à renforcer sa fragile structure.

L’époque ottomane

En mai 1453, le sultan ottoman Mehmet II assiège Constantinople. A cette époque, l’Empire byzantin est réduit à une portion congrue : la région de Constantinople et le Péloponnèse, le sud de la Grèce. Malgré cela, l’empire reste vivace, son commerce est florissant. Il rivalise avec les cités italiennes : Venise et Gênes.
Les défenseurs de Byzance sont confiants. Ils sont secondés par des Génois, qui occupent la colline de Galata (voir la carte). La ville a résisté à tous les sièges depuis 11 siècles grâce à trois lignes de défense et des citernes d’eau d’une capacité totale de plus d’un million de m³, dont la célèbre citerne souterraine « Basilique », qui se visite. Elle est un des lieux emblématiques du roman de Dan Brown, « l’Enfer », avec les ville de Florence.

La citerne Basilique

Mais les Ottomans ont les moyens de leurs ambitions : ils ont disposé des bombardes devant le mur de Théodose. Elles vont s’acharner sur les murailles de la ville pendant trois semaines. Quand enfin des brèches apparaissent, les 100.000 hommes de Méhmet II entrent dans la ville. Les 7.000 défenseurs sont massacrés en vertu des lois de la guerre : si la ville ne se rend pas, c’est le sort des habitants, la mort ou l’esclavage.

Sainte-Sophie est épargnée du pillage : Mehmet II s’y rend pour prier. Il fera ajouter deux minarets à l’édifice bien délabré et procédera à des réparations. Les mosaïques placées au cours des siècles précédents sont recouvertes d’un lait de chaux : la religion islamique interdit les représentations humaines… Quoique ! Les portraits des princes saoudiens s’étalent sur les murs des gratte-ciels de la Péninsule et les miniatures ottomanes et perses représentent Mahomet.

Le sultan Sélim II (1566-1577), fils de Soliman le magnifique, fit ajouter deux minarets au bâtiment et des contreforts pour le consolider. Il lui donne son aspect actuel.

Dernières restaurations

Le sultan Abdulmecid entreprit une restauration très important à partir de 1847. Elle fut confiée à deux architectes suisses, les frères Fossati. Les mosaïques furent nettoyées, les lustres remplacés et huit panneaux circulaires de 7,5 mètres de diamètre accrochés au piliers. Ces panneaux portent, en arabe, les noms d’Allah, de Mahomet, des quatre premiers califes : Abu Bakr, Umar, Uthman et Ali, ainsi que Hussayn et Hassan, les fils d’Ali et de Fatima.

Panneau reprenant le nom de Mahomet.

Après la guerre 14-18, dans ce qui reste de l’Empire ottoman, Mustapha Kémal chasse les armées d’occupation grecques, italiennes, françaises et britanniques et instaure une république turque et laïque. En 1932, la récitation du Coran en turc est diffusée à la radio à partir de Sainte-Sophie dont il a fait enlever les panneaux écrits en arabe. En 1934, il désacralise Sainte-Sophie (en turc : Ayasofya) et en fait un musée.

Les panneaux ne seront remis qu’en 1951.
En 1993, l’UNESCO entreprend de grands travaux de restauration qui durent jusqu’à aujourd’hui.
Que vont devenir les mosaïques qui ont été restaurées, maintenant que l’édifice est rendu au culte islamique ?

Les représentations chrétiennes ont été recouvertes de voiles (au-dessus de la tête d’Erdogan)

Dans quel état va se trouver Sainte-Sophie après le séisme d’une magnitude d’au moins 5 sur l’échelle de Richter qui est attendu dans les années à venir à Istanbul ?

Première prière musulmane à Sainte-Sophie en 2020 en présence du président Erdogan. L’édifice est trop petit pour accueillir tous les fidèles.

Abattage rituel interdit ?

En Belgique, la région flamande (2019) et la région wallonne (2020) ont voté un décret interdisant l’abattage rituel des animaux sans étourdissement, au nom du bien être animal.

La troisième région, celle de Bruxelles, n’a pas encore pris de décision. Il faut dire que le parti ECOLO, deuxième parti de la région avec 19,1 % des voix en 2019 et une avancée de +9%, a fait campagne en ciblant la communauté musulmane, particulièrement nombreuse dans la région ; avant de la retirer sous prétexte que la décision de lancer la campagne n’avait pas été approuvée par les hautes instances du parti… mais les tracts avaient été distribués. Parmi les points du programme, on trouvait : « Ecolo est pour l’autorisation de l’abattage sans étourdissement dans le cadre de rites religieux à Bruxelles« .

Et ensuite ?

C’est le grand rabbin de Belgique, Avraham Guigui, qui a réagi. Il a déposé un recours auprès de la Cour constitutionnelle belge, qui a transmis à la Cour européenne.
L’avocat général auprès de la Cour de Justice de l’Union européenne, Gérard Hogan, lui a donné raison. De ses conclusions on peut retenir (Attention, c’est du langage d’avocat) :

  1. L’Union européenne interdit l’abattage des animaux sans étourdissement même dans le cadre d’un rite religieux. Mais d’autre part, « elle autorise une autre procédure d’étourdissement pour l’abattage effectué dans le cadre d’un rite religieux, fondé sur l’étourdissement réversible et sur le précepte selon lequel l’étourdissement ne peut pas entraîner la mort de l’animal« .
  2. Il n’est pas permis aux Etats membres d’adopter les règles prévues.

Il conclut : « La Cour se saurait permettre que ce choix politique spécifique soit vidé de sa substance du fait que certains Etats membres adoptent des mesures particulières au nom du bien être animal, qui auraient pour effet matériel de réduire à néant la dérogation en faveur de certains membres de confessions religieuses« .

Affaire à suivre.

Péché et rédemption

Définitions

Étymologiquement, le péché est une chute hors de la voie. C’est une transgression (à la loi religieuse), une désobéissance (à Dieu).

La rédemption, du latin « redemptio », le rachat, désigne dans le vocabulaire théologique chrétien l’acte par lequel Jésus rachète les hommes esclaves de leurs péchés en le payant de sa vie. J’essaierai d’expliciter ce concept plus bas. Augustin d’Hippone (354-430), connu sous le nom de saint Augustin, a écrit : « Heureuse faute qui nous a valu un tel rédempteur« .

Le péché dans le judaïsme

Le judaïsme n’insiste pas sur la notion de péché. Seul le péché rituel est pris en compte, et il est traité paternellement. Donc, rater un sabbat ou ne pas manger kascher ne conduit pas en enfer.
Un jour de l’année est particulier, c’est le Yom Kippour, le jour du grand pardon. Lors d’un jeûne de 25 heures entrecoupé de 5 prières, chaque juif demande que ses fautes envers Dieu lui soit pardonnées. Les fautes envers les hommes, elles, doivent être réparées, elles ne sont jamais pardonnées.

Dans des temps « anciens« , lors du Yom Kippour, le grand prêtre choisissait deux boucs, l’un était sacrifié à Dieu, l’autre emportait tous les péchés d’Israël dans le désert. C’est le rite du « bouc émissaire » relaté dans le livre du Lévitique 16, 15-22. Voici le texte des versets 20 à 22 (on est dans le désert, au temps de Moïse et de son frère Aaron) :

Une fois achevée l’expiration du sanctuaire, il fera approcher le bouc encore vivant. Aaron lui posera les deux mains sur la tête et confessera à sa charge toutes les fautes des Israélites, toutes leurs transgressions et tous leurs péchés. Après en avoir ainsi chargé la tête, il l’enverra au désert sous la conduite d’un homme qui se tiendra prêt et le bouc emportera sur lui toutes leurs fautes en un lieu aride.

On ignore si cette cérémonie a réellement été appliquée. Les fautes dont il est question, sont des fautes collectives, les manquements du peuple envers Dieu, on ne parle pas de fautes personnelles.

Le péché dans l’islam

Dans l’islam, toute transgression de la loi est assimilée à un péché. Ainsi, les péchés les plus graves sont l’hérésie, le polythéisme, la fornication, l’apostasie, les jeux de hasard, etc., tout ce qui est haram (interdit).

Le musulman utilise souvent l’expression « inch Allah », « si Dieu le veut ». Ce que corrobore le Coran (18, 23-24) :

Et ne dis jamais à propos d’une chose : « Je le ferai sûrement demain » sans ajouter « si Allah le veut », et invoque ton Seigneur quand tu oublies et dis : « Je souhaite que mon seigneur me guide et me mène plus près de ce qui est correct ».

On pourrait donc croire que toutes les actions sont déterminées par la volonté d’Allah. D’autant plus qu’à la sourate 8, 17, on lit : « Ce n’est pas vous qui les avez tué, mais c’est Allah qui les a tués… Allah est audient (NB : il peut entendre tout) et omniscient.« 

Or dans l’islam, comme dans tous les courants philosophiques, les oulémas débattent pour savoir si l’homme a son libre arbitre ou s’il est prédestiné. Ainsi « tout ce qui est généré par nos actes est notre action » s’oppose à « l’homme n’a qu’une connaissance partielle des effets de ses actes ». Entre ces deux extrêmes, on trouve : « si l’homme connaît la modalité de ses actes, il a le libre arbitre, sinon, l’acte doit être attribué à Allah« .

Ce débat était déjà présent en Mésopotamie, bien avant l’islam. Ainsi un texte s’interroge : « Pourquoi être irréprochable dans son comportement personnel, social et religieux si l’on peut être puni pour une faute dont on n’a même pas conscience ? A quoi servent les bonnes actions si elles ne garantissent pas une vie sans épreuves ? »

Le péché originel

C’est le nom que donnent les chrétiens à la cause du renvoi d’Adam et de Ève du Paradis dans le roman de la Bible.
Pour rappel, Adam a été créé à l‘image de Dieu. Pour le sortir de sa solitude, Dieu lui a façonné une compagne, Ève. Adam est libre dans le Paradis, une seule interdiction lui a été faite : ne pas « manger » de l’arbre de la connaissance du bien et du mal. Le serpent tente Ève qui pousse son compagnon à manger le fruit de cet arbre. L’exclusion du Paradis sera le châtiment pour cette désobéissance.

Dans l’Épître aux Romains 5, 12, attribuée à Paul, on lit « … de même que par un seul homme (Adam), le péché est entré dans le monde, et par le péché, la mort, et qu’ainsi la mort a passé en tous les hommes, situation dans laquelle tous ont péché« .

Paul lie le péché originel à la mort. Or dans la Bible, rien ne dit qu’Adam et Ève sont immortels, au contraire. Lorsqu’il constate la désobéissance, Dieu dit « Voilà que l’homme est devenu comme l’un de nous, pour connaître le bien et le mal. Qu’il n’étende pas maintenant la main sur l’arbre de vie, n’en mange et ne vive pour toujours » (Gen. 3, 22). Ce personnage énigmatique qu’est Paul (j’y reviendrai dans un prochain article) ne connaît pas la Torah alors qu’il a la prétention de diriger la vie spirituelle des premiers chrétiens.

D’après le raisonnement dogmatique de Paul, basé sur un récit mythologique, l’homme est souillé dès sa naissance. Il porte la responsabilité de la faute d’Adam qui lui est transmise par hérédité. Augustin d’Hippone reprend ce discours : l’homme est souillé par engendrement. Le baptême efface la souillure. Or comme on baptise les enfants, c’est la preuve qu’ils sont souillés dès la naissance. Le péché originel est un péché de chair. Pour lui, c’est sexuel !

Seuls les catholiques adhérent à ce dogme. Les protestants et les orthodoxes s’en sont éloignés.
Les juifs ignorent la conséquence de l’acte d’Adam, ils sont les élus de Dieu.
Les musulmans ont une interprétation différente (Co. 20, 115-123) :

Nous avons auparavant fait une recommandation à Adam : mais il l’oublia et nous n’avons pas trouvé chez lui de résolution ferme.
Et quand nous dîmes aux anges de se prosterner devant Adam, ils se prosternèrent excepté Iblis (le Diable) qui refusa.
Alors nous dîmes : « Ô Adam, celui-là est vraiment un ennemi pour toi et ton épouse (NB : elle n’a pas de nom). Prenez garde qu’il vous fasse sortir du Paradis, car alors tu seras malheureux.
Car tu n’y auras pas faim, ni ne sera nu.
Tu n’y auras pas soif ni seras frappé par l’ardeur du soleil.
Puis le Diable le tenta en disant : Ô Adam, t’indiquerai-je l’arbre de l’éternité et un royaume impérissable ? »
Tous deux en mangèrent. Alors leur apparut leur nudité. Ils se mirent à se couvrir avec des feuilles du paradis. Adam désobéit ainsi à son Seigneur et il s’égara.
Son Seigneur l’a ensuite élu, agréé son repentir et l’a guidé.
Il dit : « Descendez d’ici (NB : le paradis n’est pas sur terre). Vous serez tous ennemis les uns des autres (Note du Coran de Médine : on peut comprendre les humains et les diables). Puis si jamais un guide vous vient de ma part, quiconque suit mon guide ne s’égarera ni ne sera malheureux.

Péché et rédemption dans le christianisme

Pour le christianisme, l’homme est un pécheur et réside, jusqu’à sa mort, dans un monde soumis au Diable. Dans les évangiles, la plupart des miracles de Jésus sont des exorcismes, il chasse des démons.
Le péché est le fonds de commerce du catholicisme. La confession mensuelle était une obligation il n’y a pas encore longtemps et le prêtre était habilité à pardonner (ou faire pardonner) les péchés des paroissiens.
Je reviens sur la définition chrétienne de rédemption : « l’acte par lequel Jésus rachète les hommes esclaves de leurs péchés en le payant de sa vie. » Elle amène plusieurs questions. De quoi Jésus sauve-t-il ? En quoi sa mort sauve-t-elle ? En quoi la crucifixion est-elle nécessaire à notre rachat ? Pour répondre à ces questions, j’ai consulté le courrier des lecteurs du quotidien catholique français La Croix espérant y trouver des réponses concrètes. Désillusion! Je n’ai trouvé que des lieux communs et des phrases vides de sens. Il faut dire que le sujet est délicat.

Florilège.
En quoi le Christ nous sauve-t-il ?
Le rédacteur prend d’abord une précaution : « Dès que l’on affirme que le Christ nous apporte le salut, les choses sont nettement moins claires« . Un théologien se porte à son secours (je résume) : Nous souhaitons tous le bonheur, aimer et être aimé, mais nous ne pouvons l’atteindre par nos propres moyens. Les chrétiens sont aimés par Dieu, gratuitement, c’est cela le salut que l’homme reçoit. Nous ne sommes pas sauvé par la mort de Jésus, mais par son amour.
Par sa résurrection, Jésus donne l’exemple, elle ne sera pas la seule. Si le salut est offert à tous, il n’est pas automatique : il faut avoir la foi. Jésus ne te sauvera pas sans toi.

Quel lien entre la mort du Christ et nos péchés ?
Dans la réponse précédente, on nous disait : Nous ne sommes pas sauvé par la mort de Jésus, mais par son amour. Qu’en est-il ici ?
Il faut revenir à des vérités simples : Jésus est mort et ressuscité pour nous les hommes, pour notre salut.
C’est tout ce qu’on peut tirer de la réponse.

La croix est-elle nécessaire à notre rachat ?
La réponse est un coupé-collé de la question précédente.
C’est le père jésuite Michel Souchon qui repond(ait). Il conclut par « Jésus nous a révélé le visage du Père, un dieu à visage humain qui veut aimer l’homme et non pas le faire payer. Révélation formidable pour nous les hommes et pour notre salut. Pour cette révélation, Jésus a mis en jeu sa propre vie, il nous a libéré du péché au prix de sa vie ».

Je suis désolé de vous avoir laissé sur votre faim, mais je ne peux pas faire mieux que des théologiens aguerris. Leur raisonnement est une boucle : salut – mort – résurrection. Au IIe siècle de notre ère, une des innombrables sectes chrétiennes, les gnostiques, ne croyait pas à la crucifixion, ni à la résurrection de Jésus. Pour les gnostiques, c’est l’enseignement de Jésus qui indiquait le chemin du salut.

Qu’est-ce qui a changé, sur terre, depuis la période de Jésus ? Rien, strictement rien. J’ai peine à imaginer que Dieu ait construit un complexe hôtelier tout neuf, appelé Paradis, pour accueillir les âmes sauvées par Jésus.