Cette question peut sembler saugrenue à toute personne qui connaît un tant soit peu le récit de la « vie de Jésus » : Jésus a été baptisé par Jean, donc il l’a rencontré ! C’est effectivement ce que dit la « vie de Jésus », celle du catéchisme.
Jean le Baptiste parut dans le désert proclamant un baptême de conversion en vue du pardon des péchés… Il proclamait : « Celui qui est plus fort que moi vient après moi… Moi, je vous baptise par l’eau, mais lui vous baptisera par l’Esprit Saint ». Or, en ces jours-là, Jésus vint de Nazareth en Galilée et se fit baptiser par Jean dans le Jourdain. À l’instant où il remontait de l’eau, il vit les cieux se déchirer et l’Esprit comme une colombe descendre sur lui. Et des cieux vint une voix : « Tu es mon fils bien-aimé, il m’a plu de te choisir ».
Mais la « vie de Jésus » est composée d’extraits des quatre évangiles ; c’est un patchwork qui ne correspond à aucun des quatre évangiles. J’ai déjà publié un article sur la composition de la crèche de Noël qui varie grandement en fonction de l’évangile qui sert de référence (voir « La crèche de Noël« ).
Lisons l’Évangile de Luc, pour répondre à la question titre.
Quoique la plupart des historiens ne mettent pas en doute l’existence de Jésus, on ignore s’il fut un personnage majeur de l’Histoire ou une personnalité fabriquée par les textes. On connaît son existence par des récits élogieux de justification : les évangiles qui ne racontent que la fin de sa vie. Mais que savons-nous de sa jeunesse et sa famille ?
Le Da Vinci Code est un roman, une fiction écrite par l’auteur américain Dan Brown et publié en 2003. Le récit commence par le meurtre de Jacques Saunière dans le musée du Louvre. Commence alors une enquête à rebondissements basée sur la résolution d’énigmes. Le dénouement est sensationnel : Marie Madeleine a été l’épouse de Jésus. Elle est venue en France avec leur(s) enfant(s) qui ont fait souche. Aujourd’hui ils seraient en Angleterre dans la famille Sinclar. Une société secrète, le Prieuré de Sion est chargée de les protéger, mais un « moine » de l’Opus Dei assassine tous ses membres : Jacques Saunière était son grand maître.
D’où viennent ces idées ? Les recherches sont encore plus passionnantes et étonnantes que le scénario du da Vinci Code… entre vérités et conspirations.
Le 25 décembre, c’est la Noël, les chrétiens célèbrent la Nativité. A cette l’occasion, ils mettent en scène la naissance de Jésus en ornant une « crèche« . Mais bien peu de ces représentations sont conformes aux « Écritures ».
Omniprésente dans l’imaginaire des chrétiens romains (catholiques) et grecs (orthodoxes), Marie, la mère de Jésus, est presque absente du Nouveau Testament. Ignorée des épîtres, elle n’apparaît que furtivement dans les évangiles
Dans cet article, je ne vais pas adopter le point de vue des Églises chrétiennes qui ont fait de Jésus un messie, le fils de Dieu, et Dieu lui-même en 325, au Concile de Nicée (voir l’article « La nature de Jésus« ). C’est de cette époque, le IVe siècle, que datent les exemplaires des évangiles qui nous sont parvenus. Comme on le sait par le philosophe grec Celse, les textes inclus dans le Nouveau Testament ont été constamment modifiés pour les adapter à la doctrine en cours d’élaboration, on peut donc penser qu’ils ont été rectifiés une dernière fois après le concile (voir l’article « Les évangiles« ). Toute trace du Jésus historique a donc été effacée pour laisser place à un Jésus spirituel, le Jésus de la foi. Les évangiles ont totalement occulté le contexte historique de la mission de Jésus. Le premier siècle de notre ère en Palestine est une période troublée, depuis la mort d’Hérode en -4, les Juifs attendent impatiemment la venue d’un messie, un prêtre-roi qui les délivrerait de l’occupation étrangère. Les évangiles ont sciemment ignoré le sens du mot « messie » et ont fait de Jésus un sauveur des âmes non violent alors qu’il était peut-être un libérateur prêt à employer la force pour faire valoir ses droits. (Sur la violence dans les évangiles, voir l’article : « Et si Jésus n’avait pas existé« , comme « N’allez pas croire que je sois venu apporter la paix sur la terre ; je ne suis pas venu apporter la paix, mais le glaive (Mt. 10,34)« ).
Si les évangiles ont été modifiés, il reste des traces d’une vérité qu’on a voulu cacher. Pour répondre à la question en titre : « Et si Jésus était vraiment le messie« , il me faut répondre à trois questions en fouillant les textes du Nouveau Testament :
Jésus était-il un descendant du roi David dont le messie devait être issu ?
Jésus a-t-il été considéré comme le nouveau roi des Juifs ?
A la disparition de Jésus, une dynastie a-t-elle perpétué son message politique ?
Descendant du roi David
Les évangélistes Matthieu (1, 1) et Luc (3, 22) nous ont livré une généalogie de Jésus pour prouver qu’il était bien un descendant de David, donc un prétendant au trône d’Israël. Les deux généalogies ne concordent pas, sauf sur la présence de David. Matthieu insiste : « généalogie de Jésus, fils de David, fils d’Abraham » (Matt. 1, 1). Luc est moins affirmatif, « il était fils, croyait-on … de David… fils d’Adam, fils de Dieu ». Pour Luc, il est donc fils de David et fils de Dieu.
Quand Jésus entre à Jérusalem, monté sur une ânesse, la foule crie « Hasanna au fils de David ». Étrange monture, pourquoi une ânesse et pas un superbe étalon ? Pour respecter la prophétie du livre de Zacharie 9, 9 : « Dites à la fille de Sion : Voici que ton roi vient à toi, humble, monté sur une ânesse et un ânon, le petit d’une bête de somme » (Matt. 21, 5)
Le roi des Juifs
Dès l’entrée à Jérusalem, Jésus est donc perçu comme le roi des Juifs. Il va tout faire pour déclencher une révolte. Il s’attaque tout d’abord aux marchands du temple. Et que se passe-t-il lors de son arrestation sur le Mont des Oliviers ? « il [Judas] prit la tête de la cohorte et des gardes fournis par les grands prêtres… » (Jean 18, 3). Pourquoi déplacer une cohorte, de 500 légionnaires à 1000 auxiliaires pour arrêter un seul homme pacifique ? Y a-t-il eu un début d’insurrection qui amena à l’arrestation de Jésus ?
Ponce Pilate le condamne à mort, la mort réservée aux agitateurs, aux déserteurs et aux esclaves en fuite. Sur le titulus, la pancarte que l’on accrochait au cou des condamnés, il a fait écrire « Jésus le nazaréen, roi des Juifs« . Tous les évangiles sont d’accord sur le sens du titulus, mais citent tous un libellé différent. Pour l’Église, c’est de l’ironie ! Drôle de façon d’ironiser. C’est plutôt un avertissement : « Voici ce que Rome fait du roi des Juifs ». N’oublions pas que la période est troublée, des rois autoproclamés apparaissent à intervalles réguliers : Judas bar Ézéchiel à la mort d’Hérode, Judas de Gamala lors du recensement de Quirinus, « l’Égyptien » (vers 60), Theudas (vers 45), un autre Jésus (vers 65), Simon bar Gioras (en 70) et Bar Kochba (132-135).
A la naissance de Jésus, Luc nous raconte la venue de mages, devenus par la suite les trois rois-mages. Ils se présentent à Hérode et demandent : « Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? ». Ce qui déclenchera, toujours selon Luc, le massacre de tous les enfants de Bethléem. Notons que dans l’évangile de Luc, Jésus naît dans la maison de ses parents à Bethléem, pas dans une étable ou une grotte. Mais pourquoi Bethléem ? « Et toi, Bethléem, terre de Juda, tu n’es certes pas le plus petit des chefs-lieux de Juda : car c’est de toi que sortira le chef qui fera paître Israël mon peuple » (Luc 2, 6 citant le prophète Michée 5, 1).
Deux autres événements, rapportés par les quatre évangiles, sont troublants. (1) Pourquoi Jésus se fait-il baptiser par Jean « en vue du pardon des péchés » (Marc 1, 4). Quels péchés le Fils de Dieu a-t-il commis ? Jean est le cousin de Jésus par leur mère, il appartient à la tribu des lévites, descendant de Aaron, le frère de Moïse. Cette tribu fournit les prêtres du temple. Ne faut-il pas voir dans ce « baptême » la consécration de Jésus en tant que messie-roi, comme c’était la coutume : Samuel a consacré Saül, puis David. C’est après ce « baptême » que le ministère de Jésus commence. La tradition de la consécration des rois par un prêtre s’est poursuivie en France où le prétendant au trône ne devenait roi qu’après avoir été oint dans la cathédrale de Reims.
(2) Lorsque Jésus demande curieusement à ses disciples qui il est d’après eux, Simon-Pierre avance timidement « Tu es le messie, le Fils de Dieu vivant ». Alors Jésus « leur commanda sévèrement de ne le dire à personne ». Pourquoi se cacher ? Sinon que l’heure de la révolte n’est pas encore arrivée.
Sa dynastie
A la mort de Jésus, c’est Jacques son frère qui prend la tête du mouvement nazaréen installé à Jérusalem, d’après les Actes de Apôtres. Les membres de ce mouvement, qui comprend les apôtres, se comportent en Juifs respectueux de la Loi. Pierre et Jean se rendent régulièrement au temple pour prier. Néanmoins ils sont arrêtés (ils s’échappent grâce à des miracles). Pourquoi ces arrestations sinon parce qu’ils font partie d’un mouvement séditieux dont se méfient les Romains. Si on accepte l’idée d’un Jésus prétendant au trône d’Israël, on comprend mieux les persécutions dont sont victimes les premiers « chrétiens » en Judée.
Jacques est lapidé… mais étrangement, les Actes des Apôtres n’en parle pas. Il a été assassiné lors de la vacance du procurateur romain. Ce n’est donc pas une initiative romaine, mais une décision d’Agrippa II, un descendant d’Hérode qui doit voir d’un mauvais œil un prétendant au trône. C’est Jude, un autre frère de Jésus qui prend la succession de Jacques. Puis on perd la trace du mouvement. Paul occupe alors le devant de la scène et avec lui, l’idée d’un messie-roi est totalement occultée. Il s’était opposé violemment à Jacques au sujet du message délivré par Jésus.
La rancœur de Romains ne s’arrête pas après la victoire de 70 sur les révoltés juifs. L’empereur Domitien (81-96), le frère du vainqueur, Titus(empereur de 79 à 81), s’en prend également à la famille de Jésus.
Il y avait de la race du Sauveur les petits-fils de Jude qui lui-même était appelé son frère selon la chair. On les dénonça comme descendants de David. On les amena à Domitien, celui-ci craignait la venue du Messie, comme Hérode. (Eusèbe : Histoire ecclésiastique livre III, 20)
Domitien les interrogea puis les relâcha, d’après Eusèbe qui écrit 250 ans après les faits.
Conclusion
Tout ceci n’est qu’une hypothèse, mais elle a des bases solides. Paul ne dit-il pas dans 2 Corinthiens, 11,4 : « En effet, si le premier venu vous prêche un autre Jésus que celui que nous avons prêché…« . Paul savait-il que les apôtres regroupés à Jérusalem autour de Jacques, le frère de Jésus, enseignaient une autre vision de Jésus. Paul n’avait pas connu Jésus, il l’avait vu en songe. Il a occulté les prétentions politiques du groupe pour se concentrer sur le message spirituel. Ce glissement était nécessaire pour s’imposer dans l’Empire romain. Yeshua le messie-roi, le renégat crucifié par les Romains devenait Jésus-Christ, le Sauveur, l’agneau sacrifié par les Juifs.
Note : préfet ou procurateur
Une province sénatoriale était dirigée par un préfet, issu de l’ordre équestre, qui avait tous les droits, sauf celui de lever des impôts. A sa création en 6 ou 7 de notre ère, la Judée est une province sénatoriale. C’est pourquoi le recensement, pour établir l’impôt, a été fait par Quirinus, envoyé par le gouverneur de Syrie. La légion ne séjourne pas dans ces provinces. Les troupes sont constituées d’auxiliaires.
Une province impériale était dirigée par un procurateur qui avait le droit de lever des impôts. La Judée est devenue province impériale sous l’empereur Claude (41-54).
Ponce Pilate était donc préfet comme le confirme une inscription trouvée à Césarée. Tous les auteurs chrétiens lui donnent la fonction de « procurateur« , ce qui est une erreur.
Le suaire de Turin, ou plutôt le linceul de Turin, est une pièce de lin d’environ 4,4 mètres de long sur 1.1 de large. Il a été rapiécé car endommagé dans un incendie survenu en 1532. On devine une image d’homme supplicié de face et de dos. Il devint célèbre en 1898 lorsque le photographe Secondo Pia révéla que le linceul était l’image négative d’un homme qui pourrait être Jésus. On ignore toujours comment on a obtenu un négatif sur une étoffe, les croyants imputent ce miracle à la résurrection… dont on ignore tout du mécanisme.
Explication pour les plus jeunes qui n’ont connu que les photos numériques. Lorsqu’on photographie un objet, sa lumière entre par un petit orifice et se fixe sur une surface sensible. Les blancs sont fixés en noir (ils brûlent le film sensible) et les noirs deviennent blancs. On obtient un négatif. Pour restaurer l’image, on procède à une seconde exposition. Dans le cas du linceul, Secondo Pia a réalisé que le négatif qu’il avait obtenu révélait une image positive. Il n’avait pas besoin de l’exposer à nouveau.
Tête de l’homme (âgé ?) révélé par la photographie
Le linceul apparaît à Lirey, en Champagne vers 1350. On ignore d’où il vient, plusieurs hypothèses ont été formulées à son sujet suivant qu’on croit à son authenticité ou non. Pour les uns, il viendrait de Jérusalem via Constantinople pour les autres, il aurait été fabriqué à Lirey.
Il est intéressant de noter que lors de la construction de la collégiale de Lirey en 1353, les évêques accordent une bulle d’indulgences pour les fidèles qui visiteront l’église et les reliques. Les reliques y ont citées, mais le linceul n’apparaît pas. En 1389, l’évêque de Troyes, Pierre d’Arcis interdit l’ostension (l’exposition) du linceul, le considérant comme un faux, réalisé par une personne qu’il connaît. Mais les chanoines n’obéissent pas et le pape Clément VII autorise de montrer de nouveau le linceul aux fidèles à condition de mentionner que ce n’est pas une relique, mais que « la dite représentation n’est pas le vrai suaire du notre Seigneur Jésus-Christ ».
A partir de Lirey, le linceul a changé de mains et voyagé vers Chambéry (1502) où il aurait été endommagé par l’incendie de la chapelle du château. De là, il serait arrivé à Turin en 1578 où il sera conservé dans la cathédrale Saint-Jean-Baptiste.
Le suaire à Chambéry vers entre 1502 et 1532, date à laquelle un incendie l’endommagea.
Au Moyen-Age, plusieurs suaires ou linceuls sont montrés aux fidèles lors de l’évocation de la passion de Jésus. On en compte une quarantaine dont la majorité en France. Il y en a trois à Rome, deux à Aix-la-Chapelle et d’autres à Constantinople. Mais peu de linceuls affichent une image de crucifié, le suaire d’Oviedo (Espagne) est une des exceptions.
D’autres empreintes de Jésus
La relique la plus célèbre est le suaire de Véronique. Cette femme aurait essuyé le visage de Jésus lorsqu’il se rendait vers le lieu de son supplice, ployant sous le poids de sa croix. La figure de Jésus s’imprima miraculeusement sur le voile. C’est ce que raconte un apocryphe du VIe siècle : La vengeance du Seigneur.
Bien longtemps, cet événement a fait l’objet de la station VI du « chemin de croix » que les fidèles parcourent à Pâques. Cette station a été supprimée en 1991 par Jean-Paul II car non conforme aux évangiles. Le voile est toujours conservé au sanctuaire de Manoppello (Pescara) dans les Abruzzes, à 90 km de Rome.
Une autre représentation de Jésus connue au VIe siècle est une toile représentant Jésus qui aurait été offerte au roi Abgar V d’Edesse, premier roi chrétien. Il régna de 13 à 50. Cette toile aurait été peinte d’après nature, donc du vivant de Jésus. Une autre version dit que la figure de Jésus serait apparue miraculeusement sur la toile. L’objet aurait été rapporté à Paris en 1204, année du sac de la ville de Constantinople (chrétienne) par les Croisés (chrétiens) à la demande du doge de Venise (chrétien) pour payer le transport des troupes (4ème croisade). La toile figure dans l’inventaire des reliques de la Sainte-Chapelle construite en 1241. Elle aurait disparu à la Révolution française. NB : Les chevaux de la basilique Saint-Marc de Venise ont également été volés à Constantinople. Ils ornaient l’entrée du cirque de la ville.
Vrai ou faux linceul ?
En 1978, avant une exposition (ostension) au public, une équipe de scientifiques est chargée d’analyser le linceul durant 5 jours. Leur rapport mentionne « qu’il est impossible d’exclure que le suaire soit celui décrit dans les évangiles ». En clair, « c’est possible qu’il ait contenu le corps de Jésus« .
En 1988, le pape Jean-Paul II accepte que des analyses au carbone 14 soient pratiquées sur le linceul. Trois laboratoires indépendants arrivent à une conclusion identique, la toile a été tissée entre 1260 et 1390.
Bien entendu, ce résultat n’empêche pas ceux qui veulent y croire de continuer à croire. Un site catholique qui confond information et manipulation conclut : « Les conclusions des recherches de 1978 témoignent de la vérité scientifique ainsi qu’à l’honnêteté de ces savants. On ne pourra pas en dire autant de ceux qui firent la datation au carbone 14″.
Comment aurait-on pu fabriquer ce suaire ? De nombreuses hypothèses ont été émises : on aurait pu « peindre » le corps sur le lé de tissu avec une préparation d’essence et d’huile puis ajouter du sang ou on aurait pu enduire un corps vivant ou mort des mêmes ingrédients et appuyer avec les mains sur tout le corps pour imprégner le tissu.
Que voit-on sur le suaire ?
Le plus simple est de le visualiser en 3D.
Le corps en 3 dimensions a été réalisé à l’Université et l’hôpital de Padoue, sous la direction du professeur Giulio Fanti (sans cravate sur la photo). Ce professeur aurait également inventé une nouvelle technique (personnelle) de datation qui appliquée au suaire donnerait la période de 33 à 250. Les tâches ne sont pas sans rappeler la passion de Jésus décrite dans les évangiles : couronne d’épines, flagellation, blessure de lance dans la poitrine, clous dans les poignets et dans un pied.
NB : s’il y a bien du sang sur le tissu, pourquoi ne pas avoir réalisé une analyse ADN qui aurait pu se révéler très intéressante. Pour prouver que c’était bien du sang, les scientifiques en 1978 ont pratiqué plusieurs expériences… pas toutes concluantes. Ils n’ont pas utilisé le luminol (connu depuis 1913), un produit chimique présentant une luminescence bleue caractéristique, lorsqu’il est mélangé avec un oxydant adéquat. Il est utilisé en criminalistique pour détecter les faibles traces de sang laissées sur les scènes de crime.
Le corps représenté sur le linceul présente deux problèmes.
Pourquoi le corps n’est-il pas allongé : les jambes sont repliées, suivant l’idée qu’on se fait d’un crucifié ; de même la tête est penchée vers l’avant. On ne peut pas invoquer la rigidité cadavérique puisque les mains ont été ramenées sur les parties intimes Mais la représentation est-elle exacte ? Il semble que non : pour avoir cette position, la face avant devrait être plus grande que la face arrière, pour suivre l’emplacement des jambes. Ce qui n’est pas le cas.
Pourquoi le corps est-il maculé de sang ? Le rite funéraire juif est très strict : le corps doit être lavé et les ongles coupées avant l’ensevelissement. Dans l’Évangile de Jean, on lit (Jean 19, 40) : « Ils [Joseph d’Arimathée et Nicodème]prirent donc le corps de Jésus et l’entourèrent de bandelettes avec des aromates suivant la manière juive d’ensevelir« . Jésus est donc bien enseveli suivant le rite juif. Notons que les traducteurs de l’évangile dans la version TOB (Traduction Œcuménique de la Bible) parlent « des bandelettes« . La Bible de Jérusalem traduit « ils le lièrent de linges ». Linges et bandelettes sont des traductions possibles du mot grec utilisé dans l’évangile. La TOB dit que lorsqu’on ouvrit le tombeau on découvrit (Jean 20, 6) « les bandelettes et le linge qui avait recouvert la tête« . Le même passage dans la Bible de Jérusalem est traduit : « Les linges ainsi que le suaire qui avait recouvert la tête« . Donc, pas de linceul complet d’après l’Évangile de Jean, contrairement aux trois autres.
Polémique
Un mort ne saigne pas (la pompe, le cœur s’étant arrêtée), on n’aurait pas dû trouver de sang sur le linceul. Ce fait a inspiré un auteur allemand Holder Kersten qui croit à l’authenticité du suaire de Turin. Dans son ouvrage de 1997, « La conspiration de Jésus », il affirme que Jean-Paul II a accepté et orienté la datation au carbone 14, pour discréditer le suaire. Les traces de sang prouvent que Jésus n’était pas mort lorsqu’on l’a descendu de la croix, il a continué à saigner ! L’opération de préparation des échantillons a été entièrement filmée pour éviter les mises en doute. Entièrement ? Non, trente minutes n’ont pas été filmées. Elles concernent l’emballage et étiquetage des échantillons pour « respecter leur anonymat« , certains échantillons neutres ayant été ajoutés aux tests.
Conspiration ! s’écrire l’auteur allemand. Une lectrice qui signe « Madeleine » m’avait fait connaître une théorie, développée parallèlement par Holder Kersten, basée sur les évangiles (voir les commentaires : le procès de Jésus). Tous les évangiles sont d’accord sur un point : Jésus meurt dès qu’il a bu le « vinaigre » imbibant une éponge attachée à un roseau. « Pilate s’étonna [même] qu’il soit déjà mort » (Marc 15, 44). Madeleine donne même le nom de la drogue absorbée : « la substance qui devait imprégner la fameuse éponge : c’est un extrait de la « coque du Levant » (Anamirta cocculus), une plante toxique et narcotique qui génère une sorte de catalepsie et une rigidité cadavérique sans qu’il y ait de réelle mort. »
Donc, si Jésus n’est pas mort sur la croix, il n’y a pas eu de résurrection, mais simplement un réveil. C’est cela que Jean-Paul II voulait cacher. Il aurait donc faussé l’analyse ADN pour qu’on déclare que le suaire n’était qu’un faux… dixit Holder Kersten.
Cette théorie présente un inconvénient : qu’est devenu Jésus après sa sortie du tombeau ? Il est apparu à ses disciples durant 40 jours nous dit la tradition, mais après ?
Lors d’une conversation avec un futur moine trappiste, il m’a confié que « même si Jésus n’avait pas existé, cela ne changerait rien à sa foi. L’affirmation est déconcertante, mais très logique. Ce n’est pas un Jésus historique qui a fait l’histoire, mais le souvenir qu’il a laissé.
Qui se cache derrière le personnage de Jésus dont le nom hébreu est Yeshoua, Dieu (YWHW) sauve ? Répondre à cette question est impossible tant les souvenirs qu’a laissé le personnage sont différents parmi les transmetteurs de la tradition. Sans oublier les transformations que ces souvenirs ont subi délibérément pour coller au dogme. Ce que l’on peut affirmer, c’est que le personnage appelé Jésus était juif, ses compagnons étaient juifs respectueux de la religion juive et que leurs vies se sont déroulées en Judée en un temps très troublé où l’attente d’un sauveur du peuple, un messie était de plus en plus perceptible, jusqu’à l’éclatement de la grande révolte de 66 à 70.
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Que dit le Nouveau Testament de Jésus
Le Nouveau Testament nous présente Jésus sous plusieurs facettes : un Jésus évanescent, un Jésus discret, un Jésus autoritaire.
Épîtres de Paul
Les épîtres de Paul sont les premiers textes chrétiens d’après la tradition. Paul aurait écrit ces lettres dans les années 50. Étrange personnage que ce Paul qui part évangéliser le monde romain de langue grecque sans avoir connu Jésus. Il l’a vu en songe. Il ne connaît rien de lui, sinon qu’il est né d’une femme, qu’il a été crucifié et qu’il a ressuscité. De plus, il crée un néologisme pour le nommé : Jésus-Christ. Il affirme :
Car, je vous le déclare, frères : cet évangile que je vous ai annoncé n’est pas de l’homme et d’ailleurs, ce n’est pas par un homme qu’il m’a été transmis ni enseigné, mais par une révélation de Jésus-Christ. (Galates 1, 11-12)
Parfois on se demande s’il parle d’un personnage ou d’un concept. Cependant, on ne peut pas le juger d’après ses épîtres qui ne sont que des recadrages et des recommandations à des communautés qu’il a créées… on ne sait comment. Quels étaient les arguments qu’il a développés pour amener à croire en un personnage qu’il n’a pas connu ? On n’en sait rien.
Évangile selon Marc
L’Évangile selon Marc est le premier à avoir été écrit, apparemment durant la grande révolte des Juifs contre les Romains. Il est donc écrit par la génération suivante, probablement dans une communauté créée par Paul. La préface de l’évangile retient toute notre attention : la traduction peut être biaisée. Dans les versions françaises, on lit : « Commencement de l’Évangile de Jésus Christ Fils de Dieu ». C’est exactement ce que dit le dogme. Le professeur Bart Ehrman, qui écrit en anglais, traduit : « Commencement de l’Évangile de Jésus, le Messie, fils de Dieu« . Ça a l’air d’être la même chose, mais à cause de la ponctuation, c’est très différent. Ici, Jésus est le messie, c’est dit clairement, alors qu’en français, on peut penser qu’on utilise la désignation de Paul : Jésus-Christ. Ensuite, en français, Jésus est le Fils de Dieu. Pas en anglais, c’est la fonction de Messie qui donne le statut de fils de Dieu. Le roi David était considéré comme un messie, il avait reçu l’onction des mains du prophète Samuel, ce qui lui conférait le statut de fils de Dieu : « Je (c’est Dieu qui parle) serai pour lui un père, et il sera pour moi un fils » (2Samuel 7, 14).
Notons l’ambiguïté de la notion d’évangile. « C’est l’Évangile de Jésus » : Jésus aurait-il écrit un évangile ? N’aurait-il pas fallu traduire par : « Commencement de la bonne nouvelle annoncée par Jésus, le Messie, fils de Dieu » ?
Dans cet évangile, la communauté de Marc se souvient de Jésus comme du messie que personne ne comprend. Il a de l’autorité, mais il est incompris aussi bien de sa famille que de ses disciples. Quand enfin Pierre croit reconnaître en lui le messie, Jésus recommande le secret : « Et il leur commanda sévèrement de ne parler à personne » (Marc 8, 30).
Les traducteurs des évangiles aujourd’hui n’emploient pas le terme hébreu « messie« , mais utilisent son interprétation grecque « christ« . Peut-être pour ne pas choisir entre les différentes significations que les Juifs donnaient à ce terme : un nouveau roi ou un messie cosmique qui détruirait les oppresseurs d’Israël et établirait le royaume de Dieu sur terre. C’est un thème récurrent dans l’Évangile de Marc.
Évangile selon Jean
Ici, on n’est plus dans le monde juif, mais dans une communauté grecque. Jésus est un être divin descendu du ciel, un être égal à Dieu. C’est exposé très clairement dans le prologue, un long poème : « [1] Au commencement était le Verbe et le Verbe était tourné vers Dieu et le Verbe était Dieu… [14] Et le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous et nous avons vu sa gloire… » (Jean 1, 1-18). Le Verbe est un attribut de Dieu, il ne peut pas en être séparé, donc Jésus (le Verbe) est Dieu.
Le souvenir de Jésus dans la communauté de Jean est tout différent de celui présent dans la communauté de Marc. Ici, Jésus fait des miracles, non plus pour faire le bien, mais pour montrer sa puissance, il s’affiche comme Fils de Dieu. S’il guérit un aveugle, il déclare qu’il est « la lumière du monde », s’il procure de la nourriture, il déclare qu’il est « le pain de la vie », s’il ressuscite un mort, il déclare être « la résurrection et la vie ».
Il va même plus loin dans ses déclarations : « Moi et le Père, nous sommes un » (Jean 10, 30). A ces mots, les Juifs lui lancèrent des pierres. Il a fait plus fort : « En vérité, je vous le dis, avant qu’Abraham fût, Je Suis« . (Jean 8, 59). Cette nouvelle prétention lui a valu de nouveau d’être lapidé. Il faut savoir que « Je Suis« , est le nom par lequel Dieu s’est révélé à Moïse sur le mont Sinaï, c’est la traduction de YHWH ! Il y a donc un monde de différence entre le souvenir laissé par Jésus à Marc et à Jean. Chez Jean, il aurait pu être condamné pour blasphème, chez Marc, il fut condamné comme un perturbateur de l’ordre public, mort en brigand entre deux brigands.
Jésus serait le Maître de Justice des esséniens
J’ai déjà consacré un article au Maître de Justice. Ce personnage apparaît dans les manuscrits trouvés dans les grottes surplombant le site de Qumran dès 1947. Ces documents nous livrent peu de choses sur la vie du personnage. Il semble être le fondateur d’une secte appelée Yahad (l’Unité). Il aurait « reçu de Dieu la révélation du sens caché des Écritures« . Son autorité est fondée sur sa faculté à interpréter les textes bibliques, à expliquer la Loi.
Il aurait vécu au Ier siècle avant notre ère selon une des hypothèses le concernant. C’est cette période qui le relie à Jésus… à partir du Talmud qui fait de Jésus le disciple de rabbi Yeoshoua ben Pera‘hiya. D’après ce texte du Talmud, Jésus serait né la quatrième année du règne d’Alexandre Jannée, soit en 99 avant notre ère.
Le Maître de Justice est persécuté par le grand prêtre du temple de Jérusalem (appelé le prêtre impie dans les textes de Qumran) et il doit s’enfuir, probablement à Qumran ou à Damas.
Le Commentaire des Psaumes, dont des fragments ont été retrouvés dans les grottes 1 et 4, dit que le Maître de Justice est le Juste mentionné dans le psaume 37 (de la Bible) et qu’il a été mis à mort et ressuscité par Dieu :
« L’impie guette le juste et cherche à le mettre à mort. Yahvé ne l’abandonnera pas dans sa main et ne le laissera pas condamner quand il sera jugé » [Psaume 37, 32-33]. L’explication de ceci concerne le prêtre impie, qui a guetté le juste et l’a mis à mort, mais Dieu a délivré son âme de la mort et il l’a réveillé par l’esprit qu’il a envoyé vers lui. Et Dieu ne l’a point laissé périr quand il a été jugé.
En résumé, le Maître de Justice vécut au Ier siècle avant notre ère, comme Jésus dans le Talmud. Il fut un brillant prédicateur, interprète de la Loi, fondateur d’une secte. Il est mort, condamné par les prêtres du Temple et il ressuscita. C’est très peu pour prêter foi à cette identification, mais assez pour ne pas rejeter le parallèle entre la secte de Qumran et les premiers chrétiens : la secte disparaît quand les chrétiens apparaissent.
Jésus aurait été un fils de Judas le Galiléen
Un peu avant sa mort, Luigi Cascioli m’avait fait parvenir son livre la « Fable de Christ » dans lequel il argumente sur l’usurpation d’identité de Jésus. Sur base de ce livre, dont le sous-titre est sans ambages, il a intenté un procès à l’Église catholique, en fait au curé de son village, non seulement pour « usurpation d’identité » mais aussi pour « abus de crédulité populaire ». Il fut débouté et condamné à payer 1600 EUR : la Justice italienne ne s’immisçant pas dans une controverse religieuse. Il se tourna alors vers la Cour européenne des Droits de l’Homme à Strasbourg. Il n’a pas eu l’occasion d’en connaître le verdit, il est décédé en 2010.
Pour Luigi Cascioli, un ancien séminariste, Jésus serait Jean, fils de Judas le Galiléen (ou Judas de Gamala). Judas se révolta contre le recensement de Quirinus en 6 ou 7 de notre ère, lorsque les Romains annexèrent la Judée. Jésus/Jean aurait donc été un révolutionnaire comme son père, un zélote et aurait été crucifié comme tel, comme ses frères Jacques et Simon, ce que relate Flavius Josèphe dans le livre XX des Antiquités Juives. Remarquons que Simon et Jacques sont aussi des frères de Jésus, cités dans les évangiles, normal si « Jésus » est bien le fils de Judas le Galiléen.
A Fadus succéda Tiberius Alexander (46-48) … C’est aussi à ce moment que furent accablés les fils de Judas le Galiléen qui avait excité le peuple à se révolter contre les Romains lorsque Quirinus procédait au recensement de la Judée, comme nous l’avons raconté précédemment. C’étaient Jacques et Simon.
Luigi Cascioli n’apporte aucune preuve directe, mais de nombreux soupçons, à commencer par une affirmation du philosophe de langue grecque, Celse (IIe siècle), dans son ouvrage le « Discours véritable ».
Celui à qui vous avez donné le nom de Jésus était en réalité le chef d’une bande de voleurs dont les miracles qui lui sont attribués ne sont que des manifestations utilisant la magie et des tours ésotériques. La vérité est que tous ces soi-disant faits ne sont que des mythes que vous vous avez fabriqués sans pour autant être en mesure de donner à vos mensonges une teinte de crédibilité.
Des temps troublés, des temps messianiques
Luigi Cascioli insiste sur l’état insurrectionnel qui régnait au premier siècle de notre ère en Judée. Ces temps messianiques commencent avec la révolte de Judas et se terminent avec la grande révolte de 66-70(74) qui aboutit à la destruction des forces juives. Cet état de révolte, d’insoumission est très bien décrit dans le « Rouleau de la Guerre » trouvé dans les grottes de Qumran. Les sectaires du Yahad, ou les esséniens si l’on veut, n’ont rien de pacifiques, ils se considèrent comme les « fils de la lumière » qui doivent détruire à tout prix les « forces des ténèbres », les « Kittim« , les envahisseurs romains. Le Livre de l’Apocalypse, dans le Nouveau Testament, défend les mêmes idées, celles du combat du Bien contre le Mal. Ils attendent la venue d’un messie pour les guider dans leur combat et s’asseoir sur le trône d’Israël.
Assur [Rome] tombera et personne ne l’aidera, la domination des Kittim disparaîtra en faisant succomber l’impiété sans laisser aucune trace et il ne restera même pas un refuge pour les fils des ténèbres. Le jour où les Kittim tomberont, il y aura un grand massacre en la présence du dieu d’Israël. (extrait du Rouleaux de la Guerre)
On vient de voir que deux des fils de Judas de Gamala avaient été crucifiés en 46-48 sous le procurateur romain Tiberius Alexander, qui soit-dit en passant était le neveu du philosophe juif Philon d’Alexandrie (mort en 45). Vers 52, sous le procurateur Félix, une forte armée se masse au sud de Jérusalem, elle est commandée par un autre fils de Judas, Jean… d’après Luigi Cascioli. Voici ce qu’en dit Flavius Josèphe dans le livre XX des Antiquités Juives :
Les actes des brigands remplissaient ainsi la ville d’impiétés de cette sorte… Beaucoup les écoutèrent et furent châtiés de leur folie, car Félix les livra au supplice quand on les amena devant lui. À ce moment-là vint à Jérusalem un Égyptien qui se disait prophète et qui conseilla à la populace de monter avec lui au mont appelé le Mont des Oliviers, qui se trouve en face de la ville, à cinq stades de distance. Il répétait, en effet, aux gens qu’il voulait leur montrer de là comment sur son ordre les remparts de Jérusalem s’écrouleraient et il promettait de leur frayer ainsi un passage. Félix, lorsqu’il apprit cela, ordonna à ses soldats de prendre les armes et, s’élançant hors de Jérusalem avec beaucoup de cavaliers et de fantassins, il attaqua l’Égyptien et ceux qui l’entouraient ; il en tua quatre cents et en fit prisonniers deux cents. L’Égyptien lui-même s’échappa de la mêlée et disparut. À nouveau les brigands excitaient le peuple à la guerre contre les Romains, en disant qu’il ne fallait pas leur obéir, et ils incendiaient et pillaient les villages de ceux qui leur résistaient.
Flavius Josèphe ne parle pas de Jean, mais d’un Égyptien ! « C’est une interpolation des scribes chrétiens pour effacer toute trace de Jean martèle Luigi Cascioli : que viendrait faire un étranger dans une révolte messianique en Judée ?«
Malgré la sympathie que m’inspire cet homme qui va au bout de ses convictions, je dois avouer que tout n’est pas « irréfutable » dans sa démonstration. Jean, le fils de Judas le Galiléen, n’a pas plus d’existence historique que Jésus. Flavius Josèphe ne le cite pas parmi les fils de Judas. Mais pourquoi Luigi Cascioli a-t-il choisi Jean, que personne ne cite alors que Judas avait un autre fils Jaïr dont on ne connaît peut-être pas la destinée, mais qui est le père de deux révolutionnaires cités par Flavius Josèphe : Ménahem qui défendit Jérusalem en tant que chef des sicaires lors du siège soutenu par Titus et Éléazar qui commandait les défenseurs la forteresse de Massada. NB : certains historiens font de Ménahem un fils de Judas, si c’est le cas, c’était un vieillard ! Son père s’est révolté 60 ans avant le siège de Jérusalem.
NB : Quelle est la différence entre un zélote et un sicaire ? Pas facile à dire, certains affirment que « sicaire » était le nom que les Romains leur donnaient car ils assassinaient avec un petit poignard (sica) et que « zélote » était celui qu’ils se donnaient, car ils étaient zélés dans la dévotion à Dieu.
Comment passe-t-on de Jean à Jésus ?
Voici la théorie de Luigi Cascioli : après la destruction du temple et des armées juives, le parti religieux du mouvement révolutionnaire change de stratégie. Dieu a puni les Juifs du parti politique armé pour avoir mal compris son message et tenter une action impie. Le messie ne sera pas un roi guerrier, mais un Sauveur spirituel qui apportera la paix et la vie éternelle, comme dans les cultes à mystères qui font fureur dans l’Empire. Le changement se reflète dans le dernier chapitre du Livre de l’Apocalypse (qui parle très peu de Jésus), après les catastrophes, les combats et la désolation vient la paix :
Au milieu de la place (de Jérusalem) … est un arbre de vie produisant douze récoltes… et son feuillage sert à la guérison des nations. Il n’y aura plus de malédiction. Le trône de Dieu et de l’agneau sera dans la cité et ses serviteurs lui rendront un culte. (Ap. 22, 2-3)
Mais qui est ce Sauveur ? Est-il à venir ou est-il déjà venu ? Dans les autres cultes, il est déjà venu. Il faut donc en trouver un. Mais qui, puisque personne ne l’a reconnu ? Un homme ayant existé ou un être céleste ?On choisit donc un prédicateur. Or l’ Égyptien, Jean pour Cascioli, se disait prophète, il fera donc l’affaire : il est normal qu’on ne l’ait pas reconnu, c’était prévu dans les écritures :
Comme un surgeon il (le Messie) a grandi comme une racine en terre aride ; sans beauté, sans éclat pour attirer nos regards et sans apparence qui nous eût séduit ; objet de mépris, abandonné des hommes, homme de douleur, familier de la souffrance… (Isaïe 53, 2-3)
Le parti religieux construira la vie du Messie d’après des passages de la Bible : tout était écrit, mais on n’a pas compris. Cet homme dont il valait mieux taire le nom, on l’appellera Yeshoua, le Sauveur en hébreu, donc Jésus. Il a maintenant un nom, on peut l’ajouter aux appellations génériques précédentes de Christ, Seigneur ou Sauveur. Christ devient Jésus-Christ.
Des traces dans les évangiles ?
Trouve-t-on dans les évangiles une trace de Jean, le zélote, fils de Judas de Gamala ? Changeons la question pour pouvoir y répondre : trouve-t-on des traces d’un révolté ayant passé son enfance à Gamala ? La réponse est OUI. Dans les évangiles, la famille de Jésus réside à Nazareth. Cette ville est au bord de la mer, Jésus monte dans une barque pour prêcher. Elle se trouve à flanc d’un escarpement rocheux d’où on veut le précipiter. Or Nazareth est dans une plaine vallonnée à 40 km de la mer de Galilée (le lac de Génésareth). La description de Nazareth correspond en tout point au village de pêcheurs de Gamala.
Certains passages des évangiles font plus penser à un révolutionnaire, un zélote, qu’à un doux agneau :
N’allez pas croire que je sois venu apporter la paix sur la terre ; je ne suis pas venu apporter la paix, mais le glaive (Mt. 10,34)
Pensez-vous que je sois apparu pour établir la paix ? Non, je vous le dis, mais la division (Lc. 12,51)
Si quelqu’un vient à moi sans haïr son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères, ses sœurs, jusqu’à sa propre vie, il ne peut être mon disciple (Lc. 14,26)
Seigneur, permets-moi de m’en aller d’abord enterrer mon père… [Jésus répond] Suis-moi et laisse les morts enterrer leurs morts (Lc. 10,16)
Mais maintenant, que celui qui a une bourse la prenne, de même celui qui a une besace, et celui qui n’en a pas vende son manteau pour acheter un glaive (Lc. 22,36)
Je suis venu jeter un feu sur la terre, et comme je voudrais que déjà il fût allumé (Lc. 12,49)
Quant à mes ennemis, ceux qui n’ont pas voulu que je règne sur eux, amenez-les ici et égorgez-les en ma présence (Lc. 19,27)
Jésus dit : « J’ai jeté le feu sur l’univers et je veille sur lui jusqu’à ce qu’il l’embrase » (Thomas, logon 10)
Jésus dit : « Certainement les hommes pensent que je suis venu pour répandre la paix sur la terre. Mais ils ne savent pas que je suis venu y jeter la discorde, le feu, l’épée et la guerre… » (Thomas logon 17). On retrouve les mêmes propos dans Lc. 12,51 et dans Mt. 10,34.
Enfin, le choix de ses disciples n’est pas très judicieux pour un prédicateur, fils de Dieu, mais se comprend mieux pour un messie-roi qui veut reconquérir le pouvoir. Nous trouvons deux zélotes, des frères de Jésus : Simon le zélote et Juda (Jude) le zélote. Simon-Pierre est appelé Barjona, que les traducteurs ont rendu par fils de Jonas (bar Yona), alors que son père s’appelle Jean (Yehohanan en hébreu) dans les Actes de Pierre. « Barjona » en araméen signifie « hors-la-loi ». Si on l’appelle Pierre ou Képhas, c’est à cause de sa carrure. J’ai consacré un artricle à Judas Iscariote, non pas l’homme de Kériote, mais plutôt le sicaire. Ce n’est pas tout, les fils de Zébédée, Jean et Jacques sont dit « boanerges« , les fils du tonnerre.
Enfin, il faut se poser une question essentielle : pourquoi Jésus et ses disciples craignent-ils d’être persécutés ? Ce sont des juifs respectueux des Lois. Si les Juifs ne persécutaient pas les esséniens – qui vivaient en marge de la Loi, rejetaient le temple et ses sacrifices et suprême blasphème, avaient adopté un autre système de mesure du temps (solaire) que celui imposé par Dieu (lunaire) -, ils n’avaient aucune raison de persécuter les disciples de Jésus.
Conclusions
Même si Jésus, l’insaisissable, n’est pas Jean, le mystérieux, le raisonnement ci-dessus n’est pas inutile et amène une question essentielle : pourquoi au deuxième siècle, les théologiens chrétiens qui ont « connu » un Sauveur historique n’ont-ils pas réussi à convaincre ceux qui l’imaginaient céleste, comme Marcion ou les maîtres gnostiques Valentin, Basilide, Ptolémée ou Carpocrate. Pourquoi y a-t-il eu autant de sectes ayant des souvenirs tellement différents de Jésus ? Et qui peut dire que l’Église ait choisi le bon ?